Saint Vladimir est né à Saratov sur
la Volga, le 20 septembre 1892. Son père, Ambartsoum Yégoriévitch, était
originaire de la région de Bakou où il s’était illustré dans l’enseignement aux
sourds-muets. Sa première femme était morte en couches, lui laissant trois
petits enfants, et après sa mort il déménagea dans la colonie allemande de
Sarepta près de Tsaritsyne [Volgograd] afin d’y chercher une éducatrice pour
ses orphelins. Au temple luthérien, on lui recommanda Karoline Andréievna Knoblauch,
qui consentit à élever les petits puis finit par l’épouser et lui donna trois
autres enfants dont le plus jeune était Vladimir (Voldemar).
La famille était très active : Olga, la
sœur de Karoline, dans la communauté luthérienne, Sarkis, le frère
d’Ambartsoum, en Arménie.
Ambartsoum
Yégoriévitch tenait une école pour les sourds-muets à Saratov, mais la charge
financière se révéla trop lourde pour cet héroïque anargyre : il dut
abandonner et peu avant 1900, il déménagea à Moscou où il enseigna à l’école
allemande Saints-Pierre et Paul, auprès de l’église luthérienne. Plus tard, sa fille
reprit l’enseignement pour les sourds-muets.
Le jeune
Valdemar n’avait pas froid aux yeux, mais il aimait aussi la nature, les
longues promenades dans la forêt, il connaissait tous les chants des oiseaux et il était capable de les imiter
tous. Il jouait du violon et de
l’harmonium, savait le grec, le latin, l’anglais et l’allemand. A l’école il se
passionnait pour la physique, et surtout l’électricité. En 1911, il fut admis à
l’Université de Moscou, mais en 1913, sur l’insistance de sa mère, il la quitta
pour l’Université de Berlin qui passait pour la meilleure dans le domaine des
sciences techniques. C’est à Berlin qu’il rencontra le Mouvement étudiant
chrétien, qui avait pour but de prêcher la Parole de Dieu chez les étudiants et
de lire l’Evangile en petits groupes.
Mais un
jour, poussé par une intuition puissante, il fit en toute hâte ses bagages et
sauta dans le dernier train pour Moscou. La guerre allait éclater. Il reprit
ses études à l’Université de Moscou, se maria en 1916 avec Valentina Georgievna
Alexéiéva et ils décidèrent tous deux de se consacrer à la prédication
chrétienne. Ils eurent trois enfants : Evguéni (1917-1963), qui allait
devenir prêtre et patriarche d’une très nombreuse famille orthodoxe, Victor,
qui mourut en 1921, et Lydia (1922-2010) qui allait devenir la femme du père
Gleb Kaleda et fonder eux aussi une grande famille orthodoxe.
Après un
bref retour à Samara où il rencontra Vladimir Marcinkovski puis où il fut
arrêté pour propagande religieuse, il revint, contraint et forcé, à Moscou.
Valentina Georgievna, victime d’une intoxication alimentaire, se sentant
mourir, demanda à son mari : « sois pour les enfants un père et une
mère ; les temps sont durs, les chrétiens seront persécutés, mais Dieu
vous donnera la force de tenir bon ». Et il trouva en la personne de Maria
Alexéievna Joutchkova l’éducatrice de ses petits orphelins de 7 et 1 an.
La
bienheureuse Maria Ivanovna de Divéévo avait prédit à Vladimir qu’il serait
prêtre, et Maria Alexéievna, sachant qu’un veuf remarié ne peut être ordonné,
refusa de l’épouser.
Durant
une grande partie des années 1920, il vécut dans la clandestinité comme
prédicateur mais en 1926, Vladimir fut reçu dans l’Orthodoxie et le 11 décembre
1927, il fut ordonné prêtre par l’évêque d’Ijevsk Victor (Ostrovidov) puis
transféré dans le diocèse de Moscou et affecté à l’église Saint-Vladimir, rue
Vieille-des-Jardins. Il y concélébra quelque temps avec le prêtre Serge
Bordelius (plus tard hiéromoine Théodore, qui mourut en détention dans les
années 1930). Le père Gleb Kaleda dont il fut le premier père spirituel se
souvenait que la prédication du père Vladimir était inspirée et particulièrement
fervente les jours de fête.
En ce temps-là, le père Vladimir
était proche du père Serge Métchov
(saint martyr, le 6 janvier 1942), leurs églises sont d’alleurs toutes proches,
(l’église luthérienne aussi) et de son marguillier le docteur Serge
Alexéiévitch Nikitine qui après des années de goulag et d’exil deviendrait
l’évêque Stéphane de Mojaïsk † 1963 (c’est lui qui a ordonné au sacerdoce le
père Alexandre Men). Il aida puis remplaça, à l’église St Nicolas « de la
cabane de paille » (près de l’Académie d’Agriculture Timiriazev), une
autre très belle figure, un prêtre très soucieux de former des jeunes, entre
autres par le chant liturgique (sa matouchka était pianiste), le père Vassili Nadéjdine, C’est la
tuberculose qui emporta ce saint martyr au camp de Kem en 1930 ; on le
fête le 19 février dans sa paroisse, reconstruite (c’est une église en bois),
qui revit avec le même souci de la formation des jeunes. Un temps le père Mikhail Schick (martyr à
Boutovo le 27 septembre 1937) célébrait avec eux.
Au printemps 1931, le père Vladimir
fut placé hors cadre et il entra à l’institut d’Aviculture où son savoir de
physicien fit merveille. Parallèlement, il célébrait en secret dans les
maisons, confessait, travaillait avec la jeunesse et avec ses enfants
spirituels, aidait efficacement les familles victimes des répressions, entre
autres celle du père Vassili Nadéjdine (dont le 5e enfant était né après la
mort de son père) et celle du père Serge Sidorov, déjà emprisonné (martyr de
Boutovo le 27 septembre 1937).
Le 5 avril 1932, il fut arrêté par
l’Oguépéou, dans l’affaire de la pseudo-organisation (inventée de toutes pièces
par les bolchéviques) « contre-révolutionnaire et monarchique de la vraie
église orthodoxe », mais lors de ses interrogatoires il ne cita aucun nom.
Il fut condamné à 3 ans d’exil dans le Nord russe, mais sur demande de
l’Académie des Sciences où il travaillait, la peine fut assortie d’un sursis.
Il continua alors d’inventer de
nouveaux modèles de cages à poules, de nids et d’incubateurs pour les poussins,
d’assembler, de souder, de fabriquer d’autres choses (même un encrier
impossible à renverser pour ses enfants), et obtint plusieurs brevets
d’inventeur. Souvent il était contraint d’habiter loin de ses enfants, mais il
leur réservait du temps pour lire l’Evangile, faire de la physique et des
mathématiques avec son fils, et apprendre à sa fille à chanter selon les tons
et l’ordo, ce qui lui vint bien à point plus tard.
En août 1937, les arrestations en
masse commencèrent et le NKVD vint chercher le père Vladimir dans la nuit du 8
au 9 septembre. Il fut interrogé à la prison des Boutyrki en septembre et
octobre, mais là encore, il ne trahit personne.
Le 5 novembre 1937, il fut exécuté
au polygone de Boutovo, mais longtemps encore on ne sut rien de son sort. Quand
son fils Evguéni, devenu prêtre à Léningrad, demanda en 1956 des renseignements
à la Prokuratura, on lui mentit. La
vraie date, pour laquelle la famille avait tant prié, fut connue seulement en
1989.
Il y a maintenant à Boutovo, sur le
territoire de ce polygone, une belle église neuve dédiée à tous les nouveaux
martyrs et confesseurs de la terre russe. L’architecte en est Dimitri
Mikhaïlovitch Schakovskoy (fils du père Mikhail Schick et de sa matouchka
Natalia Schakovskaya.) Le recteur en est un des petits-fils de saint Vladimir,
l’archiprêtre Kyrill Kaleda. Un autre de ses petits-fils, l’archiprêtre Ioann
Kaleda, a succédé à son père comme aumônier de la prison des Boutyrki. Leur
sœur, l’higoumène Youliania, a relevé de ses ruines le très beau monastère de
la Conception, en plein centre de Moscou. (Un jour où les poules n’avaient pas
pondu, à la campagne où le monastère a une dépendance, toutes les moniales ont
prié saint Vladimir, qui n’a pas manqué d’intervenir promptement !). Les
descendants du prêtre Evguéni Vladimirovitch Ambartsoumov, dans la région de
Saint-Pétersbourg, sont particulièrement nombreux. Trois de ses fils ont été prêtres :
Alexis, Dimitri (†2010, père de 11 enfants dont déjà deux prêtres) et Nicolas
(†1986) ; sa fille Maria, épouse d’un prêtre moscovite, a 6 garçons et 6
filles. Saint Vladimir souhaitait douze descendants prêtres. La relève est
assurée.
Saint prêtre martyr
Vladimir, prie Dieu pour nous !
Françoise Lhoest
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Texte publié
dans le Bulletin de la Crypte
N° 407 de novembre 2012
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