"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 16 mai 2020

Dr. Theologos Papadopoulos, Biologiste moléculaire : Maintenant, tout commence. Ayez foi et patience.



Tout va changer. Vous voyez, le problème n'est pas la foule et le rassemblement. Cela n'a jamais été le cas.

Le problème, c'est la Sainte Communion. Pour l'État, tout ce que nous disons en tant que chrétiens n'est pas convaincant. Deux mille ans d'histoire, c'est une lettre morte.

Pour l'État, la Sainte Communion, telle qu'elle est transmise aux fidèles, est un moyen de transmettre des maladies.

L'État n'est pas religieux. Lorsque vous voyez les dirigeants les plus éminents s'entasser devant la solea d'une église à l'approche d'une élection, demandez-leur.

Ne perdez donc pas votre temps à faire deux poids, deux mesures. Ne comparez pas une église orthodoxe à un super marché, à des banques, des grands magasins et des cafés. C'est pire.

Le débat s'est déjà ouvert - publiquement par les lèvres de la hiérarchie officielle - sur la modification de la façon dont nous recevons la Sainte Communion, sur la base de l'ancienne tradition de la Divine Liturgie de Saint Jacques.

C'est-à-dire en prenant d'abord le Corps dans la main droite et en buvant ensuite le Sang dans une tasse commune.

Même cela pourrait les déranger, cela ne leur conviendrait pas, et finalement nous recevrons des portions individuelles préparées de pain trempées dans du vin.

Vous savez quoi ? Cela ne me dérange pas.

Lorsque les martyrs étaient en prison, les chrétiens leur apportaient la Perle Divine cachée dans des fruits, comme une pomme ou un raisin, comme on le faisait pour sainte Argyrie [#]. Il y a beaucoup d'exemples de ce genre dans la vie des saints martyrs.

Il existe une histoire étonnante sur la Divine Liturgie pendant les années du régime soviétique athée. Pardonnez-moi de ne pas me rappeler exactement où j'ai lu cette histoire.

Dans une ville russe, les bolcheviks, voulant ridiculiser le culte des orthodoxes, se sont mis d'accord et se sont rendus à l'église principale.

Parmi eux, il y avait un membre du parti, diplômé d'une école de séminaire. Il savait lire les prières dans les livres liturgiques.

Ils sonnèrent donc la cloche et firent des annonces pour que les personnes qui voulaient participer à la Liturgie arrivent, et ledit bolchevique se mit à revêtir des vêtements sacerdotaux pour accomplir la Divine Liturgie.

Il fit tout. Il lut l'Évangile et consacra également les Saints Dons. Au lieu de vin, il mit de la vodka et ajouta un morceau de pain sec.

Au moment de la Divine Communion, il les a tous communiés avec le plus grand sérieux.

Quand tout fut terminé, les rires et les divertissements des athées commencèrent. Il jeta le Saint Calice et cria aux chrétiens surpris qu'on les avait trompés et qu'on leur avait donnés de la vodka et du pain.

Ils se mirent à les battre, à rire d'eux, à les maudire vulgairement. Sans être dérangé, un vieil homme s'approcha de la vodka renversée sur le sol avec les restes du pain.

Et il commença à lécher le sol pour qu'il ne reste rien, comme le faisait le prêtre pour la Sainte Communion. Tout le monde était stupéfait. "Que fait le vieil homme ? Est-il complètement fou ?" Ils le laissèrent finir.

Il se releva et leur dit…

"Mes enfants, je suis prêtre. Tout au long de votre acte comique, j'ai regardé le Très-Saint Esprit agir. Nous avons tous communié au Corps et au Sang du Christ. Que Dieu vous pardonne pour ce que vous avez fait. Mais merci d'être la cause d'un tel don dans une période aussi sombre."

L'histoire, dont l'analyse essentielle n'est pas contenue à l'intérieur, se poursuit avec une fin martyre pour beaucoup de ceux qui étaient présents.

Où est-ce que je veux en finir ? Dieu regarde le choix. Si notre foi est solide et certaine, elle ne sera ébranlée par rien.

Si elle est tiède, elle s'égarera. Hélas.

Si je crois au miracle des miracles mais que j'ai peur de ce qui se trouve devant moi, alors tout est vain. La motivation et le choix de chacun les jugeront le moment venu.


 Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
°°°

[*]Sainte Argyrie
[...]
Issue d’une pieuse famille grecque de Prousse (Bithynie), sainte Argyrie venait de contracter mariage, lorsqu’un Turc de ses voisins tomba follement amoureux de la jeune épousée. Ayant été repoussé dans ses propositions, il la dénonça auprès du juge local, prétendant qu’elle s’était engagée à se convertir à l’Islam.

Elle fut arrêtée et transférée à Constantinople pour y être jugée. Devant son accusateur, elle répétait avec calme et résolution, malgré les coups et les tortures répétés, qu’elle n’avait jamais fait de telles promesses et qu’elle était prête à mourir chrétienne.

Les audiences et les emprisonnements successifs durèrent pendant dix-sept années complètes sans que la sainte ne cédât aux pressions des juges ou des femmes de mauvaises vies qui partageaient sa cellule et ne cessaient de la tourmenter.

Elle ajoutait à ces épreuves les labeurs du jeûne et de la prière, et était remplie d’une telle joie de souffrir ainsi par amour du Christ que, lorsqu’un riche chrétien intervint pour la faire libérer, elle refusa de quitter sa prison qu’elle considérait comme un palais royal. Elle trépassa ainsi dans son cachot et fut ensevelie par des chrétiens. Trois ans plus tard, on découvrit son corps incorrompu et dégageant un délicieux parfum.

La mémoire de la sainte nouvelle martyre Argyrie le 30 avril. (source)

Librairie du Monastère de la Transfiguration

Librairie du Monastère de la Transfiguration
15 mai 2020
Mon Père, madame, monsieur

Nous avons le plaisir de vous informer que nous venons de mettre en ligne un nouveau livre sur Sainte Clotilde à l'attention des enfants et des adolescents.
 
 
Sainte Clotilde Reine des Francs - V. 475 - 545
 
Reynald SECHER - Jacques Olivier - Alfonso Tirado
 
 

 
Parus récemment
 

Monastère de la Transfiguration.
24120 Terrasson- Lavilledieu

vendredi 15 mai 2020

Le monde et le Ciel sur terre

Homélie pour la fête de saint Grégoire le Théologien (25 janvier)

Où sont ceux qui nous reprochent notre pauvreté, et se vantent de leurs propres richesses ; qui définissent les Eglises par le nombre, et méprisent le petit troupeau ; et qui mesurent la divinité, et pèsent les personnes qui honorent le sable, et méprisent les luminaires du Ciel ; qui chérissent les cailloux et négligent les perles ; car ils ne savent pas que le sable n'est pas plus abondant que les étoiles, et les galets plus que les pierres brillantes - que les premiers sont plus purs et plus précieux que les seconds...

Ces hommes [les ariens] ont les maisons, mais nous, l'Habitant de la maison, ils ont les Temples, nous Dieu ; et d'ailleurs il nous appartient d'être des temples vivants du Dieu vivant, des sacrifices vivants, des offrandes raisonnables, des des sacrifices, oui, nous sommes des dieux par l'adoration de la Trinité. Ils ont le peuple, nous les Anges ; ils font preuve d'audace, nous avons la foi ; ils menacent, nous prions ; ils frappent, nous endurons ; ils ont or et argent, nous la Parole pure.

Saint Grégoire le Théologien, Oration XXXIII,
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

jeudi 14 mai 2020

Saint Isaac le Syrien, Homélie ascétique [51, p. 381]


Le jour où tu éprouves une douleur quelconque, soit dans le corps ou en esprit, pour le bien de tout homme, qu'il soit bon ou mauvais, considére-toi comme martyr ce jour-là, et comme celui qui souffre pour l'amour du Christ et est considéré digne de confession. Car souviens-toi que le Christ est mort pour les pécheurs, et non pour les justes. 

Vois quelle grande chose que de pleurer pour des hommes méchants et de profiter aux pécheurs plus encore qu'aux justes !
Saint Isaac le Syrien, Homélie ascétique 51, p. 381

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

mercredi 13 mai 2020

Denis Akhalashvili: SUR LES FEMMES QUI SONT DEVENUES PLUS GRANDES QUE LES HOMMES

Le troisième dimanche après Pâques est consacré non pas aux apôtres ou à des saints célèbres glorifiés pour leurs grandes œuvres et leurs exploits acétiques [podvigs], mais aux femmes les plus ordinaires, dont l'histoire et le service ne sont contenus que dans quelques lignes de l'Évangile. 

Ces femmes ont suivi sans relâche leur Maître bien-aimé et ont accompli un travail féminin ordinaire et routinier, bien connu de toute femme moderne au foyer: Elles faisaient la lessive, nettoyaient la maison, préparaient la nourriture et achetaient tout le nécessaire. Parmi elles se trouvaient Marie, dite de Magdala, d'où sortirent sept démons, Jeanne, la femme de l'intendant d'Hérode Chuza, et Suzanne, et bien d'autres, qui le servaient de leurs biens (Lc. 8:2-3). 

Jeanne, la femme de l'intendant d'Hérode, servait son maître bien-aimé avec ses biens ; c'est elle qui préserva le chef de saint Jean le Précurseur, qui fut exécuté à l'instigation d'Hérodiade, et elle la conserva sur le Mont des Oliviers. Marie de Cléopas, parente du Christ, serait l'épouse de Cléopas, frère de Joseph le Fiancé. Quant à Suzanne, nous savons seulement qu'elle servit le Christ de sa substance, c'est-à-dire qu'elle était une femme riche qui aidait les apôtres avec de l'argent. Et Marie-Madeleine a également été glorifiée pour son travail d'égale aux apôtres. Comme nous le savons par les évangiles, c'est pour sa foi ardente que le Seigneur ressuscité lui est apparu en premier.

Leur service au Christ diffère peu de ce qu'ils faisaient chez eux, mais l'Église les glorifie à égalité avec les apôtres et les thaumaturges. De plus, ce n'est pas aux apôtres et aux ascètes que le plus grand mystère de la nouvelle foi a été révélé - la résurrection du Christ - mais à ces femmes simples, qui ont tranquillement accompli leur service humble et sans artifice.

Le jour des femmes myrrhophores est le triomphe de l'amour sacrificiel et non critique des femmes sur la raison masculine pragmatique. C'était à ce jour, les circonstances les plus douloureuses et les plus effrayantes de la vie de l'Église qui était en train de naître. Le Maître fut crucifié, les apôtres dispersés et le Corps du Christ a été caché dans un tombeau, scellé par une énorme pierre sur laquelle veillait un garde armé. 

Qu'auraient fait les hommes dans une situation similaire ? Ils seraient allés chercher leurs camarades et se seraient armés jusqu'aux dents pour vaincre les gardes. Et ils auraient apporté des outils pour rouler l'énorme pierre hors de la tombe. Mais il n'y avait pas d'hommes autour - les hommes avaient oublié la bravoure et le devoir et s'étaient simplement enfuis, et ces femmes ordinaires et faibles savaient simplement qu'elles devaient aller oindre le corps de leur bien-aimé Maître avec de la myrrhe précieuse. Tout le reste ne les intéressait guère. Elles allèrent discutant entre elles : "Qui va rouler la pierre hors du tombeau pour nous ?" Sans trouver de réponse, elles croyaient simplement, à leur manière de femmes, que tout irait bien.

Tout homme qui aurait pu se trouver en leur compagnie se serait lassé d'essayer de les ramener à la raison et aurait perdu la tête. Mais elles ont simplement cru et sont parties [au jardin]. Et lorsqu'elles arrivèrent au tombeau, la garde s'avéra dormir, la pierre roula et sur le tombeau était assis... un ange, qui leur dit de courir annoncer aux apôtres la grande nouvelle de leur Maître ressuscité. Et cette nouvelle suprêmement importante de notre foi fut acquise avec un amour de femme inébranlable, qui s'est avéré être plus grand que toute la logique et la sagesse masculine du monde ! En ce jour, le monde a appris que le véritable amour est déraisonnable - il est au-dessus de la raison. À l'amour brûlant et au cœur déraisonnable se sont révélés les Cieux et tous les mystères de l'univers, et ce cœur appartenait aux femmes ordinaires.

Le jour des femmes myrrhophores nous révèle les sommets du service féminin quotidien, que nous, les hommes, ne remarquons souvent même pas. Après tout, le travail domestique tranquille de toute femme sur terre a acquis en ce jour une importance sans précédent, grande et universelle. Dans l'épître de l'apôtre Pierre se trouvent ces paroles remarquables, qui en parlent directement :
Femmes, soyez de mêmes soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n'obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes, en voyant votre manière de vivre chaste et réservée.(1 Pierre 3, 1-2).

Nos grands-mères qui se lèvent à l'aube pour préparer des tartes pour leurs petits-enfants bien-aimés et qui sont prêtes à nous donner leurs dernières ressources, sont des myrrhophores. 

Nos mères qui se tenaient jour et nuit à notre chevet lorsque nous étions malades, se réjouissaient de nos plus petits succès et priaient pour nous lorsque nous n'avions pas réussi, sont des myrrhophores. 

Nos épouses fatiguées par le travail, qui ne pensent pas à elles tandis qu'elles se hâtent de rentrer à la maison pour nous préparer le dîner et laver nos chaussettes, sont des ascètes spirituelles [podvijnitsi]. Leur amour sacrificiel sans limite, leur patience et le port humble de leur croix tous les jours rendent nos vies trépidantes et malades déformées par les passions plus brillantes et meilleures; et la seule chose que nous pouvons faire est d'être aimants, attentionnés et infiniment reconnaissants.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

SOLIDARITE KOSOVO



Solidarite Kosovo

Merci pour votre générosité !
Il y a un mois et demi, nous vous lancions un appel à l'aide afin de faire face à une situation humanitaire catastrophique. Vous avez été incroyablement nombreux à y répondre, avec une générosité magnifique. Alors que le confinement prend fin en France, notre Président Arnaud Gouillon a tenu à vous remercier en vidéo.

Cette vidéo est aussi l'occasion de reparler des nombreuses attaques antiserbes de ces dernières semaines et de comment nous avons alerté la communauté internationale à ce sujet.
Regarder la vidéo

Solidarite Kosovo

Chers amis,

Nebojsa habite dans les faubourgs de Gracanica. Il est arrivé là après avoir été expulsé de son village, en Métochie, pendant la guerre. Il vit dans une maison au toit troué et aux murs écorchés. Lorsque nous l'avons visité à Noël dernier, il a tenu à nous emmener au fond de son jardin, où il fait pousser tant bien que mal de quoi nourrir sa famille : il y avait là un enclos fait de bric et de broc, avec une petite cabane à peine plus misérable que la maison dans laquelle Nebojsa et sa famille vivent.
"Ma seule richesse, la voilà", nous a dit Nebojsa avec un beau sourire alors que de la cabane sortaient trois magnifiques chèvres.
De nombreux habitants des enclaves rêveraient de pouvoir dire la même chose. Pour eux, un petit troupeau de chèvres ou de moutons, c'est l'assurance de ne plus manquer du strict nécessaire. C'est l'assurance aussi de ne plus dépendre de la soupe populaire ou de l'aide apportée par l'Église orthodoxe serbe, mais de pouvoir vivre de son propre travail.
Nous le disons souvent, parce que nous le remarquons encore plus souvent : nos amis Serbes des enclaves, s'ils acceptent notre aide avec gratitude, cherchent toujours à ne pas en dépendre totalement. Nous les y aidons depuis plusieurs années, en cherchant toujours, autant que possible, à leur en donner les moyens.
C'est l'objet de notre programme de retour à l'autonomie alimentaire, dont nous vous présentons aujourd'hui une nouvelle étape.
Avec votre aide, nous allons offrir à des familles des enclaves de petits troupeaux de cinq bêtes, chèvres ou moutons. Ces petits troupeaux seront bien entendus amenés à se développer, offrant à ces familles la possibilité dans un premier temps de se suffire à elles-mêmes, puis dans un second temps de devenir un soutien pour leur voisinage.
Comme d'habitude, ces familles ont été sélectionnées en lien étroit avec les prêtres des paroisses, afin de nous assurer que ces troupeaux seront bien traités et utilisés à bon escient. Un document sera en outre signé par le chef de famille, dans lequel il promettra de faire bon usage de ces bêtes, de les traiter correctement, de ne pas les revendre et d'en faire bénéficier la communauté. Les retours que nous avons sur les premières livraisons que nous avons faites ces deux dernières années nous permettent de réitérer l'expérience totalement sereinement.
Pour cela, nous avons besoin de votre aide : chaque chèvre coûte 120 euros et chaque mouton 150 euros. Chaque troupeau coûte donc entre 600 et 750 euros, et nous avons déjà sélectionné une vingtaine de familles.
Nous comptons sur votre générosité : encore plus que pour nos autres missions, nous pouvons affirmer que nous avons ensemble l'occasion de changer la vie de ces familles, les sortant de la misère de façon durable.
Nous comptons sur vous comme ils comptent sur nous.
Merci d'avance pour votre soutien !
Participer à l'opération

Solidarite Kosovo

Vague de violences antiserbes
Ces dernières semaines, les violences et provocations antiserbes se sont multipliées.
Plus d'infos
Les distributions continuent
Trois nouvelles familles nécessiteuses ont reçu la visite de Milovan et de nos volontaires la semaine dernière.
Voir les photos
L'installation des serres est finie
Les serres achetées grâce à la générosité de nos donateurs sont bien arrivées dans les familles, qui les ont déjà installées.
Lire notre article


Solidarité Kosovo
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mardi 12 mai 2020

L'ÉGLISE UKRAINIENNE [CANONIQUE] SE DÉVELOPPE MÊME SOUS LA PERSÉCUTION PARCE QUE LES GENS CHERCHENT DIEU, ET NON LA POLITIQUE

Métropolite Antoine chancelier de l'Eglise orthodoxe ukrainienne [canonique]
Photo : Facebook

Kiev, le 8 mai 2020

Malgré la manipulation de l'opinion publique par les médias et l'administration présidentielle précédente, l'Église orthodoxe ukrainienne canonique continue de croître et de s'étendre parce que les gens vont à l'église à la recherche de Dieu et non d'idées politiques, a récemment déclaré à la télévision ukrainienne Son Éminence le Métropolite Antoine of Boryspil et Brovary, Chancelier de l'Eglise orthodoxe ukrainienne [UOC]

"En fait, malgré la pression et la manipulation de la conscience publique, l'Église orthodoxe ukrainienne ne diminue pas, même en tenant compte de la saisie de nos églises et des réinscriptions ; chaque année, nous augmentons", a expliqué le Métropolite Antoine, comme le rapporte  le Centre d'information de l'UOC.

A la fin de l'année dernière, il a été rapporté que l'Eglise canonique ukrainienne sous Sa Béatitude le Métropolite Onuphre de Kiev et de toute l'Ukraine a augmenté de près de 250 paroisses et de plus de 100 monastères en 2019.

"Cela signifie que les fidèles comprennent pourquoi ils vont à l'église. Ils ne vont pas dans une situation politique ; les gens cherchent Dieu et le trouvent dans de véritables églises - les églises de l'Église canonique. Cette ouverture du peuple ukrainien à Dieu se traduit donc par l'ouverture de nouvelles paroisses", a déclaré le Métropolite Antoine.

Sous Porochenko, il y avait un ordre sur le terrain de ne pas enregistrer les nouvelles paroisses de l'UOC, bien que cela ait commencé à être rectifié progressivement sous le président Zelensky. Néanmoins, même sous l'administration précédente, l'Eglise canonique s'est développée chaque année, tant en nombre de paroisses qu'en nombre de paroissiens, a noté le Métropolite Antoine.

"Si les gens ne cherchent pas une idée politique, mais Dieu, ils arrivent à une véritable Eglise où Dieu est présent", a-t-il ajouté.

Cependant, un certain nombre de médias et de chaînes de télévision continuent de diffuser des informations fausses et trompeuses sur l'Église canonique ukrainienne. Même si l'UOC est la plus grande Eglise d'Ukraine, les stations financées par les contribuables ont refusé de diffuser ses services pascaux, a noté le Chancelier.

Cependant, sous Zelensky, il n'y a pas d'opérations planifiées et systématiques contre l'UOC, a déclaré le Métropolite Antoine, bien que l'appareil et l'héritage de Porochenko soient tenaces et que de nombreuses personnes vivent encore dans la tradition de la tentative de destruction de l'Église.

"Les gens croient ce qu'ils voient à la télévision. Auparavant, ils croyaient ce qui était écrit dans les livres, mais maintenant ils croient ce qui est dit sur les écrans de télévision. Les gens qui ne sont pas profondément d'Eglise évaluent la vie en grande partie à travers le prisme de ce qu'on leur dit", a déploré Son Eminence.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

lundi 11 mai 2020

Jean Gobert: Raison garder…

La peste à Tournai. Détail d'une miniature des "Chroniques et annales de Gilles le Muisit", abbé de Saint-Martin de Tournai, 
Bibliothèque royale de Belgique. 
© Wikimedia

Raison garder… Qu’est-ce à dire ? Dans son sens le plus obvie, cette expression invite à ne pas se laisser envahir par des images emplies d’affects, par des émotions intempestives, ces mauvaises conseillères … En français, notre mot raison forme un doublet avec le terme ration : tous deux dérivent d’une même racine latine : ratio, qui évoque l’idée de peser, de calculer, d’évaluer. Peser implique une balance, donc une médiation par un objet, une distanciation d’avec l’immédiateté ressentie à l’aide du seul toucher. Si j’enjoins quelqu’un de « raison garder », j’attends de lui qu’il ne se laisse pas circonvenir par des peurs ou d’autres passions intempestives.  Efforçons-nous donc de « peser » ce fléau actuel du Covid 19. Et pour ce faire, gardons en tête que notre pandémie vient très loin derrière ces grandes faucheuses que furent la grippe « espagnole » de 1918 ou, a fortiori, la peste noire au XIVe siècle. 

Cela ne diminue en rien les    souffrances des personnes et des familles confrontées aux formes virulentes et gravissimes des méfaits de ce coronavirus, et il nous faut prier pour elles, pour ceux qui les soignent, et se garder de toute jacasserie, afin de ne point ressembler à ces « amis » de Job, qui n’eussent pas été si excédants s’ils avaient eu l’humilité de demeurer en silence devant tant de tourments … Il ne s’agit pas, dans notre intention, de minimiser la réalité d’un mal, mais d’en apprécier l’étendue. 

Comparons les effets de ce virus à ce que fut la grippe « espagnole » : elle n’avait rien d’ibérique, mais comme, en 1918, l’Espagne n’était pas en guerre, les premiers chiffres fiables de cette épidémie vinrent des autorités de ce pays-là, d’où le nom qui lui fut donné. Elle fut une tueuse pire que sa rivale immédiate, la Grande Guerre, avec au moins 20 millions de morts, et peut-être bien davantage. Quant à la peste noire de 1347-1351, le pape Clément VI estimait à 42 millions le nombre de ses victimes ! A ce jour, 26 avril 2020, le coronavirus n’a tué « que » 200 000 personnes. La terrifiante peste noire venait, elle aussi, de Chine, elle avait, elle aussi, sa source dans le monde animal, le rat noir et ses puces … Partie de Chine, la voilà qui contamine des Mongols, lesquels faisaient alors le siège, en Crimée, du comptoir génois de Caffa, et … se mirent à catapulter des cadavres de pestiférés sur leurs assiégés ! Panique chez ces derniers qui s’enfuient et essaiment le fléau à chacune de leurs escales, comme l’a fort bien étudié Jean Vitaux dans son Histoire de la peste. (PUF, 2010) Scènes d’effroi à Constantinople, à Marseille, en Avignon, à Paris et partout et en toutes les campagnes. Les trois-quarts de la population vénitienne meurent, certains villages ne compteront aucuns survivants et disparaîtront à tout jamais.  Le chroniqueur Froissart (cc 1337- cc 1410) affirme que « La tierce part du monde mourut » ; le royaume de France perdit la moitié de son clergé. Non loin de nous, la ville de Tulle enterra ou brûla en quelques semaines le sixième de ses habitants … Et ce cataclysme venait surinfecter les calamités déjà respectables causées par les guerres de cent ans ! Etonnons-nous, après cela, que la délectation pour le morbide se soit répandue jusqu’à obséder plusieurs générations fascinées par les Dies Irae, les danses macabres et autres Dits des trois morts et des trois vifs …  A l’aune de ce passé, notre coronavirus ferait presque figure d’assassin bien élevé …

Raison garder … Mais que faut-il encore entendre par « raison » ? Pour aller un peu plus loin, il nous faut à présent distinguer, même de façon sommaire, deux acceptions différentes ouvertes par ce mot. Pour nous aider, partons des deux adjectifs issus de ce même substantif : nous pouvons dire d’une décision ou d’une analyse qu’elles sont raisonnables ou qu’elles sont rationnelles. Intuitivement, nous percevons des nuances entre ces deux qualificatifs : raisonnable renverra plus volontiers à un jugement, une décision, une attitude.  Par exemple, des parents se demanderont s’il est raisonnable d’acheter à leur enfant ce téléphone multifonction que l’usage nomme smartphone. Mais, posée ainsi, à un tel degré de généralité, la question ne pourra recevoir aucune réponse ! Elle n’aura aucun sens : la décision d’acheter ou non s’élaborera au sein d’une situation donnée. Quel est l’âge de cet enfant ? Quel est son caractère ? Quels sont ses intentions et ses projets ? Quelles sont ses fréquentations ? Quel type de smartphone désire-t-il ? Etc. … Ces questionnements précis, inscrits dans une situation concrète, orienteront vers une décision appropriée. Et nous savons bien, par expérience, qu’aucune de ces interrogations ne recevra de réponse simple et claire. Certes, une requête émanant d’un petit drôle de sept ou huit ans recevra une fin de non-recevoir par tout parent dans son bon sens, mais après ? Qu’en sera-t-il quelques années plus tard, lors même que lesdits parents pourront encore estimer qu’il n’y a pas urgence ? Des hésitations vont sourdre, de façon inévitable : Apprendre à son enfant à résister à la tyrannie du désir tout en ayant le souci de préserver avec lui une relation de confiance, l’inciter à ne pas se fondre dans un groupe mais prendre en compte son besoin de camaraderie etc… Nous pourrions noircir moult lignes susceptibles, au mieux, de donner des conseils, mais jamais à même d’apporter une « solution », car, lorsqu’il s’agit d’évaluer, de choisir, de décider, nous ne sommes pas dans le domaine du logique, du déductible, mais dans celui du discernement. La raison est bien présente et active, mais l’aisance dans le calcul et le schéma logique n’y sera d’aucun recours. Cette manifestation-là de la raison, indissociable du jugement, de l’intuition, de l’expérience correspond à ce que les Anciens ont, la plupart du temps, nommé la prudence. Ils n’ont jamais réduit la raison à la rationalité et ils n’ont surtout pas fait de la rationalité la manifestation par excellence de la raison, comprenant bien que les savoirs d’esprit mathématique ou déductif – ce qui caractérise la rationalité - vont rapidement nous fausser compagnie lorsqu’il s’agira de discerner le sens de notre vie ou nos raisons d’agir. Il y a donc fort à parier que la discrimination du raisonnable requière une plus haute qualité d’âme et d’esprit que le seul calcul rationnel, et qu’elle soit d’une bien plus large nécessité.

Or, l’imaginaire de notre temps veut nous faire accroire l’inverse : il tend à faire du rationnel une norme universelle, comme le laisse entendre l’usage indu, abusif et fallacieux du verbe gérer. Verbe devenu éminemment invasif, puisque nous sommes censés tout gérer : nos passions, nos désirs, nos stress, notre vie matrimoniale, notre libido, voire notre vie spirituelle. Mais oui ! Il suffirait, pour nos « ascensions spirituelles » de trouver le coach adéquat …  Et les offres ne manquent pas sur Internet ! Comme souvent d’ailleurs, des conseils frappés au coin du bon sens gîteront dans une onéreuse escarcelle emplie en même temps d’admonestations absconses pour faire plus scientifique, plus sérieux. Pour ma propre gouverne, mon lamentable atavisme me susurrera de persister à butiner encore et encore chez un saint Jean Climaque ou un Isaac le Syrien … ! Cette extension tératologique du verbe gérer peut passer pour un effet de mode ; j’y vois plutôt le signe d’une confusion, voire d’une méconnaissance bien plus profonde : celle, déjà évoquée, entre le rationnel et le raisonnable, mais plus encore la méconnaissance des différences si profondes entre le domaine de l’action et celui de la gestion. Posons que le savoir-faire, les techniques portent sur des objets, des matériaux et que la gestion est proche de ce domaine des techniques : gérer le débit des eaux retenues par un barrage, ou le stockage de biens de consommation dans des entrepôts a une signification claire : il s’agit bien de gestion. Les réalités concernées ne vont ni réagir, ni interpréter, ni faire surgir de l’imprévu. L’action, elle, ne porte pas sur des objets ou des biens, elle s’exerce, par définition, sur des personnes, sur des êtres humains. Aussi est-ce dans la chose militaire et le domaine politique que se rencontrent des hommes d’action. L’action requiert parole et autorité, afin de convaincre et faire se mouvoir ses semblables, son domaine n’est pas celui de la gestion mais de la décision. Et les personnes concernées par l’action proposée peuvent ou bien ne rien faire, ou bien se rebeller et modifier profondément la donne ; voilà pourquoi l’action et l’imprévisible ont toujours partie liée.  Enfin et comme par définition, la volonté y sera plus importante que la connaissance. La connaissance excelle, le cas échéant, à peser le pro et le contra, mais elle ne fera rien advenir, et agir c’est justement faire advenir une réalité qui, antérieurement à la décision, n’existait pas. L’action malmène les évidences, elle fait surgir de l’inattendu, elle fait entrer l’improbable dans la réalité même : ainsi, sans Jeanne d’Arc, le fantasque Charles VII ne serait jamais devenu roi de France ! Par conséquent, les qualités propres au politique ne relèvent pas de la gestion – même si les effets éventuellement désastreux de ses décisions lui seront, à juste titre, opposables ! – elles relèvent de la décision.

Cette confusion entre gérer et agir engendre des suites abondantes et graves. Une des plus importantes vient de la parenté entre la gestion et la rationalité, ou plus exactement entre un imaginaire de gestion et un imaginaire de rationalité. Parce qu’enfin, point n’est besoin d’être doté d’un sens suraigu de l’observation pour ne pas voir que l’irrationalité si pressante, si prégnante et si pesante dans le monde contemporain se travestit, de façon récurrente, dans un grimage de rationalité. La démesure que les Grecs nommaient l’hybris s’acoquine volontiers, aujourd’hui, avec la prétention à agir rationnellement. Les Grecs associaient l’hybris, la démesure à une passion, en quoi ils avaient raison ; notre temps a ceci de singulier qu’il présente et accroît cet hybris au nom d’une prétendue rationalité. L’irrationnel se déploie, de nos jours, au nom de la raison ! C’est ainsi qu’au nom d’une gestion rationnelle de l’énergie se sont multipliées des centrales nucléaires dont les déchets ont une puissance léthale de l’ordre de plusieurs siècles, qu’au nom d’une rationalité économique, la production industrielle a été sommée de quitter le sol européen, qu’au nom de l’organisation rationnelle de l’élevage, des animaux dont la diversité génétique a été réduite au minimum sont parqués en camp de concentration etc.  

Alors bien sûr, raison garder implique que nous ne laissions pas émoustiller nos cervelles par ces étranges noces de Dionysos et de la « Raison ». On a d’ailleurs vu pire dans le passé, avec les peu drolatiques fêtes de la Déesse Raison dans les années 1793-1794. Ces dernières offraient tout de même l’avantage d’être ridicules, au lieu que l’imaginaire actuel se présente drapé dans un infini sérieux, même si sa mise en scène peut se mettre à tanguer et virer brusquement de guingois en quelques petites journées, comme nous le vivons en ce moment-même. Mais où se trouve, dans notre situation, la ligne de flottaison entre raison et déraison ?  Est-il évident qu’il soit raisonnable de « confiner » des millions de personnes dans l’espoir d’enrayer une épidémie ? Les injonctions émises par Léviathan procèdent-elles plutôt de l’action – et en ce cas la décision est politique ; nous devons lui obéir, mais rien ne nous interdit d’en examiner le bien-fondé – procède-t-elle plutôt de l’espoir de parvenir à gérer une situation complexe et redoutable, et s’il y a « gestion », rationalité et « experts » ne manqueront pas de se draper d’une compétence censée incontestable, et inviteront à faire silence dans les rangs … Or, nos décisionnaires n’exposent-ils pas, à chacun de leurs prônes, que la clôture à nous tous infligée, a préalablement été estampillée des cautions et bénédictions des plus hautes Autorités Scientifiques Agréées ? Après tout, un des grands critères invoqués est le nombre de lits disponibles en soins intensifs, critère assurément respectable, mais qui fait silence sur les effets psychologiques et … épidémiologiques d’une population durablement confinée, parfois dans des conditions sanitaires plus que médiocres…

Enfin, pour nous chrétiens orthodoxes, que peut bien signifier raison garder ? Avec l’ensemble des autres chrétiens nous sommes de facto assujettis à l’interdiction de nous réunir pour célébrer l’Unique Dieu Vivant, Celui qui seul est « Chemin, Vérité et Vie ». (Jn 14,6), et cela fut décidé peu avant ce temps liturgique si dense de la Grande Semaine. Interdiction ambiguë, puisqu’elle nous fait songer à ces périodes de persécution que nous n’avons pas eues à vivre jusqu’ici, alors qu’elle ne procède pas d’une volonté persécutoire : tout rassemblement est interdit, y compris les rassemblements religieux, sans que ces derniers soient particulièrement visés. Aurions-nous alors le devoir spirituel de ne pas obtempérer, estimant que Léviathan outrepasse son domaine, que César se prend pour Dieu ? La réponse unanime des hiérarques est de dire non : La prophylaxie est sans conteste possible dans le domaine du Pouvoir, et la contagiosité virale par la proximité des personnes assemblées, n’est pas contestable.

Ce questionnement sur l’incidence de la législation dans la vie de l’Eglise est essentiel, puisqu’il nous conduit à un dernier approfondissement sur le sens de cette expression raison garder. En effet, dans la foi orthodoxe, la raison, le rationnel ou le raisonnable lui-même ne constituent pas des critères ultimes : que Dieu se fasse Homme, que la Mère de Dieu ait enfanté Son Fils et Créateur en demeurant vierge, que le Christ soit ressuscité des morts, autant de fondements de notre foi qui ne sont ni rationnels ni raisonnables. Impossible, avec de telles prémisses, de dire autre chose que ce que saint Paul écrivit sur la sagesse des hommes et la folie de Dieu. (1 Co 1, 20-27) Notre foi nous conduit donc à une mise en garde contre toute transformation de la raison humaine en une idole. Cette tension entre la foi et une image de la raison rejaillit sur le domaine des connaissances scientifiques aussi. Ces dernières en effet, nonobstant les confusions si prégnantes dans l’opinion, ne nous dévoilent pas une « Vérité », si l’on entend par là un savoir qui nous donnerait à comprendre le sens de notre vie, notre raison d’être. Elles nous donnent seulement des connaissances dont le bien-fondé est attesté par les explications qu’elles permettent et le consensus dont elles font l’objet de la part des savants compétents. Non seulement les sciences ne peuvent pas être dévoilement d’une vérité, mais elles ne peuvent non plus nous donner une compréhension de l’être-même du monde, et c’est d’ailleurs là un des enseignements fondamentaux de la physique quantique. Ces deux affirmations ne cherchent pas à jeter le discrédit sur les savoirs scientifiques, elles visent le scientisme ambiant, c’est-à-dire la sacralisation de ces savoirs, qui leur confère une valeur indue. Cette critique du scientisme a plusieurs fois été faite, même sur des bases seulement philosophiques. Je pense par exemple à Bergson qui, dans un de ses textes fondamentaux l’Evolution créatrice, utilise, pour ce faire, une image, afin de montrer qu’un savoir scientifique n’est pas le dévoilement de la structure même du réel. L’auteur nous demande d’imaginer une main gantée qui appuie avec force dans de la limaille de fer, jusqu’à y pénétrer profondément, puis se retire ensuite de cette limaille en laquelle elle a laissé sa marque. Il nous invite ensuite à imaginer nombre de savants dont la tâche sera d’expliquer la configuration de l’anfractuosité désormais patente au sein de la limaille. Par hypothèse, ces savants ignoreraient tout de la cause de ce qu’ils étudient, ils ignoreraient tout de cette main gantée. Que vont-ils faire ? Rendre compte de ce qu’ils observent à l’aide de calculs fondés sur la position et les caractéristiques de chaque copeau de limaille, élaborer de savantes équations, construire un modèle mathématique qui rendra effectivement compte de l’état donné de l’objet étudié. Mais cela, sans être faux, restera sans lien avec ce qui s’est effectivement passé, et qui fut à la fois autre et bien plus simple. La science ne dévoile ni le devenir du monde ni sa raison d’être.

Cette tension entre la foi et la raison va d’ailleurs au-delà du domaine des sciences, parce qu’elle peut fort bien concerner aussi ce qui vient de l’opinion, ou de religions, ou de sagesses profanes ; la foi confirme ce que Bergson a su exposer et illustrer, même si elle se fonde sur les présupposés qui lui sont propres. Mais si, dans notre foi, le rationnel ou le raisonnable ne constituent pas des critères ultimes, il ne s’ensuit pas que nous les mépriserions par principe ! D’une part, notre existence se déroule aussi dans le monde et dans la cité, avec les contraintes qui sont inhérentes à la condition humaine et dont nous ne pouvons faire fi, surtout si nous exerçons des responsabilités engageant d’autres personnes que nous. D’autre part, nous ne sommes pas des « théodidactes », enseignés magiquement par Dieu qui installerait entre Lui et moi je ne sais quelle ligne téléphonique directe. Nous croyons, ô combien, que l’Esprit-Saint peut agir aujourd’hui comme Il l’a toujours fait, qu’Il peut nous éclairer en une Lumière intérieure … mais il ne s’ensuit pas que tout « illuminé » soit habité par l’Esprit-Saint ! La foi orthodoxe ne récusera donc pas a priori tout apport et conseils émanant des sciences, mais elle ne se prosternera pas davantage devant leurs oracles. Voilà pourquoi une approche, à mon sens, trop souvent et quasi exclusivement consensuelle et « raisonnable » de l’actuelle épidémie ainsi que l’acquiescement benoît à toutes les mesures liées au « confinement » suscite en moi quelque perplexité voire quelque malaise. Ils ne procèdent pas de je ne sais quel scepticisme mais, ce me semble, de la foi elle-même, qui appellerait au moins des réserves et des mises en garde en prélude à une obéissance civique.  Ma perplexité trouve à se nourrir dans ces pages extraordinaires de saint Isaac le Syrien dans ses Discours Ascétiques, les discours 72 à 75 dont il nous résume lui-même le contenu en affirmant : « Je ne veux pas dire que la connaissance est répréhensible, mais que la foi est plus élevée. » (72-75, 7). On objectera que les sciences contemporaines n’ont de commun que le nom, comparées à ce qu’elles furent au temps de ce Père. S’il s’agit du volume des connaissances disponibles ou des suites qu’elles ont dans le vaste monde des technologies, c’est incontestable. S’il s’agit des fondements anthropologiques de ces sciences, c’est une autre affaire ! Que nous montre cet auteur ? Que la démarche dans le domaine des connaissances mondaines – celles qui portent sur le monde présent - se caractérise par l’investigation indéfinie, par le refus – par principe – de rien admettre qui puisse être en désaccord avec l’ordre naturel des choses. Et que toute autre est la force vivifiante de la foi : l’investigation sans fin lui reste étrangère, elle se rapproche plutôt, par son sens de la simplicité et de la confiance, de l’enfant : « La demeure de la foi est l’esprit d’enfance et la simplicité du cœur » (72-75, 2). Cette foi ne s’englue pas dans les rets d’un ordre naturel supposé immuable, elle nous fait marcher sur l’aspic et le basilic, et fouler le lion et le dragon (Ps 90) ; la vie du Christ, celle des saints montrent combien l’ordre naturel des choses n’a pas ce caractère ultime que des savoirs lui prêtent. Cela n’autorise pas à le méconnaître, mais invite à avoir d’autres critères que lui dans mes décisions.  

Ces connaissances « mondaines » sont adaptées, dans une certaine mesure, à la conduite dans ce monde, mais ce sont des « connaissances dépouillées », comme le dit saint Isaac, dépouillées de tout souvenir de Dieu, ce sont des savoirs qui ne se soucient de rien d’autre que de ce monde. Une telle connaissance « ignore complètement qu’il existe une Puissance spirituelle, un Gouverneur invisible qui conduit l’homme, une Providence divine qui se soucie de lui et en prend soin d’une manière parfaite. (…) Elle pense que tout ce qui sauve (l’homme) de ce qui pourrait lui nuire (…) procède uniquement de nos efforts et de notre ingéniosité naturels ». (Discours ascétiques 62-65, 11-12) C’est par conséquent, une exigence de notre foi, d’être la gardienne de notre raison, non point pour la tenir en laisse, mais pour lui refuser la prépotence explicative à laquelle elle peut tendre, et pour ne pas obéir à une décision parce qu’elle procèderait, en droite ligne en quelque sorte, de la raison. Obéir, oui, mais pas au nom de la raison, car toute décision et toute décision politique par conséquent, relève d’un choix, et non d’une certitude. Notre foi doit nous aider à débusquer les forces spirituelles tapies dans les savoirs profanes. Nous vivrons donc en tension entre ces connaissances « mondaines » qui ne nous sont pas étrangères et notre foi dans la lumière de laquelle nous les situons ? Oui ! Cet écartèlement, cette crucifixion ne sont rien d’autre que la condition normale du chrétien. « Petits enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jn 5, 23)
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