"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 15 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [19]


 Господи Исусе Христе, Сыне Божий, помилуй мя грешнаго.
 Господи, Ісусе Христе, Сине Божий, помилуй мене грішного.
19. Le mystère de la prière de Jésus
Pendant les derniers jours de sa vie, elle fut très attristée: "Je suis tellement pécheresse, si indigne.  Autrefois la Mère de Dieu me rendait visite, et saint Séraphim aussi, mais maintenant, ils m'ont abandonnée, je suis plus coupable que vous toutes." Elle pleurait et disait seulement: "Vous serez plus élevées que moi, mais je suis pire que vous toutes." Nous étions très impatientes d'aller aux offices de l'Église, nous aimions beaucoup l’hymnodie de l'Église, nous essayions toujours de sortir tranquillement, la première d'entre nous, puis une autre, et nous laissions Matouchka derrière. Parfois, l'une d'entre nous restait, mais parfois personne ne le faisait, tout le monde se précipitait à l'église. Je me souviens un jour toute la maison était remplie de gens, beaucoup de gens de Sarov et de Diviyévo étaient là. C'était la fête de l'icône de la Mère de Dieu "Apaise ma douleur." Comme elle dormait tranquillement nous étions toutes sorties, y compris moi, la plus coupable de toutes. J'ai pensé: "Je vais aller pendant qu'elle dort, et elle ne va même pas se réveiller avant que je sois de retour." J'avais un pied là-bas, l'autre ici. Matouchka se sentait encore plus mal à ce moment-là et nous ne lisions plus tellement les offices à la maison, alors bien sûr nous voulions aller à l'église. Je suis restée dans l'église jusqu'à ce qu'ils chantent le "Notre Père," j’ai couru à la maison, et elle ne dormait pas. Elle gisait là incapable de parler. J'ai eu peur, peut-être qu'elle était à nouveau paralysée. Je lui ai demandé: "Qu'est-ce qui est arrivé?" Elle m'a dit: "Ne me touche pas!" J'étais horrifiée. Dois-je appeler Véra? Dois-je appeler le médecin? Elle a vu que j'étais inquiète et m'a calmée, a agité la main et m'a dit que tout allait bien. Quelques minutes passèrent, et je me suis assise et je l’ai regardée. Là elle m’a dit tranquillement: "Tu sais ce qui s'est passé?" Eh bien, gloire soit à Dieu, pensais-je, rien ne s'est passé. "Pourquoi êtes-vous toutes parties? Pourquoi êtes-vous toutes parties? J’ai pleuré et pleuré, mais le Seigneur m'a consolée. Vous avez toutes fui, mais le Seigneur n'abandonne pas Ses petites folles." Et voilà ce qu'elle nous a dit: "Je me trouvais ici à pleurer… cette personne m'a fait du mal et cette autre personne m’a fait du mal, et celles-ci se sont  enfuies et il n'y a personne ici." Alors une voix est venue de l'icône du Sauveur, disant: "Pourquoi pleures-tu? Ici tu as Diviyévo, le Mont Athos, Kiev et Jérusalem. Pourquoi pleures-tu?" Et la prière de Jésus a coulé. Elle a dit," Quelle prière! J'étais dans l'air."
Je suis venue et cet état venait de se terminer, et c'est pourquoi elle me retenait, afin que je ne rompe pas cet état de grâce. C'est ainsi que le Seigneur Lui rendit visite avec Sa Grâce. Elle avait une Prière de Jésus qui se disait d’elle-même. Parce qu'elle n'avait jamais abandonné la prière, le Seigneur lui avait montré ce mystère de la prière de Jésus.
On l’appelait bienheureuse Pachenka, et apparemment elle avait bien une croix [à porter] et un exploit ascétique [podvig] à accomplir, car pour autant que je connaisse les Bienheureux [Fols et Folles–en-Christ], ils ont toujours eu des obédiences incroyables pour eux-mêmes. Les gens qui l'entouraient toujours plus tard (ses parents) étaient des gens du monde, et leur présence était un fardeau. Matouchka était déjà épuisée et faible, mais ils murmuraient seulement. Ils attendaient simplement qu’elle parte. Ils ne le voulaient pas, bien sûr, mais ils avaient compris qu'elle était déjà très vieille et qu'il était temps de libérer ce métochion, parce qu’on avait seulement besoin de nous là, pour prendre soin de Matouchka. En outre, ils buvaient et étaient des gens grossiers. Mais avec quel amour elle leur disait comment elle aimait chacun d’eux. Le père de Véra causait à Matouchka le plus de problèmes, mais elle lui disait: "Tolenka, mon cher Tolenka."
Quand elle fut complètement faible et infirme, ces parents nous ont demandé à toutes de quitter le métochion. Ils voulaient aller y vivre eux-mêmes, et alors ils restèrent seuls avec elle. Nous lui rendions visite, autant que nous le pouvions, et j’allais là-bas très souvent. Vous pourriez dire qu'elle les a sauvés, ce qui lui coûta sa grande abnégation, jusques à la fin.
Comme elle le dit elle-même, les moines de la Laure lui donnèrent la bénédiction pour garder cette maison pour les croyants. Ils voulaient que je vive là, mais Matouchka m'a dit tout de suite : "Le Seigneur te donnera un petit coin. Mais ils [ses parents] ne te laisseront pas en paix, c'est-à-dire, qu’il y aura de grandes disputes à propos de cette maison, et il n'est pas nécessaire pour toi de te laisser prendre en elles. Ta tête est très précieuse. Tu as encore besoin de servir Dieu." En outre, lorsque Matouchka fut paralysée, ils ont secrètement forgés des documents s’attribuant la maison à eux-mêmes. Un tel gâchis a été concocté, mais elle ne s’est pas s'impliquée et l’a simplement accepté comme une croix. Ainsi, elle a dû vivre ses jours avec eux. Bien sûr, c'était un podvig, parce qu'ils ne comprenaient pas le genre de personne qu’elle était.
Ils ont caché son Psautier de sorte que ses yeux ne soient pas malades. Ils l’aimaient à leur façon: "Oh non, grand-maman, tu deviendrais aveugle, pas de Psautier pour toi." Alors ils cachaient tout, et elle était sans son Psautier.
Elle l’utilisait constamment pour prier pour les défunts, et elle avait beaucoup de Dyptiques [Livrets de commémoration des vivants et des défunts pour lesquels une parcelle est mise dans le Calice avec le Corps et le Sang du Christ lors de la Divine Liturgie]. Ils cachaient tous ses livres de prière, son livre des Canons; seule la prière de Jésus lui fut laissée. Mais c’était une "détective" expérimentée. Elle priait et trouvait tout, puis le remettait à nouveau à l'endroit où ils l’avaient caché. Ainsi elle continua secrètement son ascèse. Je venais et elle me disait: "J'ai tout trouvé. Véra a tout caché, mais j'ai tout trouvé."
Elle avait la cataracte, et elle était presque aveugle. Mais quelle foi qu'elle avait! Elle demandait seulement: "Mère de Dieu, donne-moi mes yeux pour que je puisse terminer mes commémorations des défunts." Elle avait des dyptiques d’Optina, de Chamordino, de Diviyévo et de beaucoup, beaucoup d'autres monastères. Nous aurions aimé l'aider à lire, mais quand nous n'étions pas là, elle n'abandonnait cependant pas ses commémorations, et elle les lisait toutes elle-même. Parfois, un film couvait ses yeux et elle ne voyait rien." Tu vas prendre de l'eau de la Mère de Dieu, de la source là, prends un compte-gouttes et mets-en dans mes yeux." Après cela, tout passait. Nous ne l'avons jamais soignée avec des médicaments, seulement avec de l'eau bénite. Nous la déposions dans ses yeux, et la pellicule [de la cataracte]  se brisait. Ainsi la Reine Céleste lui donnait sa vue, et elle lisait, et elle ne se sépara jamais de ses livres jusques à son dernier jour.
Ses parents lui donnaient à manger tout ce qu'ils mangeaient eux-mêmes, de la viande ou que ce soit, juste pour la maintenir, de sorte qu'elle ne développerait pas une démence ou une paralysie. Elle comprit que ce n'était pas son genre de nourriture. Alors, elle l'évitait avec divers contes et comédies. Puis, un séminariste est apparu, comment savait-il qu’elle existait? La Reine Céleste devait l’avoir envoyé, et il passait sa nourriture par la fenêtre alors qu'ils étaient au travail. Ainsi, elle vécut avec l'aide de Kolya, Nicolas.
Je suis venu avec le Père Epiphane pour lui donner la Sainte Communion pour la dernière fois, et elle se plaignit: "Tolya [diminutif d’Anatole] a été tellement en colère contre moi. Eh bien, que lui-ai-je fait ? Il m'a attrapé si durement, mais je n'ai pas eu peur"
Une semaine plus tard, elle n'était plus. Qu'était-il arrivé? Véra nous l’a dit à l'enterrement: elle était venue à la maison vers 7h dans la soirée, et Matouchka était dans le beau coin d’icônes, où étaient l'autel et les fonts baptismaux de Père Séraphim. Il aimait à s'y asseoir. Elle était à genoux, avec ses coudes sur les bras de ce fauteuil, la tête pendante, déjà froide et morte.
Personne ne savait comment cela était arrivé. Tolya était à la maison, mais pas sobre. Qu'était-il arrivé? Peut-être qu'il lui avait fait peur? Peut-être que son cœur s'était arrêté? Mais en tout cas, elle était à genoux, on peut dire en prière, ressemblant même à Saint Séraphim quand il est mort, seulement il avait lui, une icône de la Mère de Dieu "Oumilénié [de l’attendrissement]." L'icône de Matouchka "Oumilénié" était dans la grande salle, mais dans la petite salle était l'icône d’Iviron. Ainsi, dans la chambre où elle avait servi toute sa vie, comme elle l'avait toujours voulu, elle a terminé sa vie devant cette icône de la Mère de Dieu. Sa mort était comme sa vie. Elle a dit que les défunts (pour qui elle priait) ne l'abandonneraient pas. Parce qu'elle les aimait et elle aimait beaucoup et priait pour leur repos éternel, le Psautier était son livre préféré. Elle aimait aussi beaucoup les Evangiles, mais elle ne se séparait jamais de son Psautier, ni des dyptiques. Alors le Seigneur lui accorda de mourir peu de temps avant la réouverture du monastère de Diviyévo. Le vendredi les Louanges de la Mère de Dieu, ils eurent le premier office à Diviyévo, dans la cathédrale de la Sainte Trinité. Matouchka est morte deux semaines avant, le 15 Mars, la fête de l'icône de la Mère de Dieu "Régnante," l'icône qui a pris toute la Russie entre ses mains [Elle apparut le jour de l’abdication du saint Tzar Martyr Nicolas II. Elle est vénérée pour cela comme un signe que la Mère de Dieu règnerait sur la Russie, à la place du Tzar].
Alors ils ont appelé Matouchka la "moniale royale". Son premier nom de tonsure était Arsène, et elle est morte le jour de la commémoration de saint Arsène et de l'icône de la mère de Dieu "Régnante". Nous l'avons enterrée le dimanche et le samedi il y eut un service de commémoration, car c’était le Grand Carême et le samedi des défunts.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Haïjin Pravoslave (CCCVI)


C'est dans le silence
Que Dieu vient s'entretenir
Au logis du cœur

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 14 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [18]


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Eglise de l'Annonciation de la Mère de Dieu de Diviyévo
18. " Le Métochion de Diviyévo "
Quand je suis arrivée, nous avons vécu là, juste nous deux, mais plus tard, beaucoup de filles sont venues et ont vécu dans cette maison. Le métochion  [dépendance d’un monastère] existe encore naturellement. Nous sommes très respectueuses les unes des autres, même aujourd'hui, car elle a uni tout le monde avec amour, et nous avons appris beaucoup dans ce métochion. C’était comme une petite communauté monastique, et l'Église des Catacombes a continué avec nous. Père Séraphim lui-même avait dit: "Tu auras un métochion."
Il y avait une règle très stricte. Matouchka était déjà une moniale du grand schème, et elle avait une très longue règle de prière. Elle devait lire le Psautier entier tous les jours, dire 1600 Prières de Jésus et faire la règle monastique en plus. Et comment peut-on faire tout cela quand il y a toujours des gens dans la maison? De très nombreuses personnes venaient la voir. Elle n'a jamais renvoyé quiconque. Nous avions l'habitude de nous lever à 5h du matin. Elle venait frapper à notre porte: "Réveillez-vous les enfants, réveillez-vous, c’est le temps de la prière." Nous grommelions avec déplaisir, ne voulant pas nous lever, mais nous le faisions. Maintenant, je ne pourrais pas faire ces travaux que nous faisions alors, c'était probablement possible grâce à ses prières. Nous travaillions dur et nous avions un tel travail dans le monde, que nous devions mortifier nos passions.
Au travail, nous étions fatigués, le soir presque tous les jours, nous lisions Vêpres. Nous avions des livres de Services Divins à la maison. Elle ne nous laissait aller à la Laure qu'à contrecœur, même si nous étions impatientes d'y aller de toutes nos forces. Elle disait: "Vous n’avez rien à faire là-bas. Apprenez les offices ici. Là-bas, vous agissez comme des folles, vos yeux flottent tout autour, vous devriez rester à la maison et prier…" Donc, la plupart du temps, elle nous gardait à la maison.
Nous nous levions le matin, lisions la règle, qui durait parfois jusqu'à midi; c'est-à-dire de 5h à midi. Nous lisons tout le Livre des Canons, plus un acathiste pour le saint du jour, ainsi que les prières avant la Liturgie; Liturgie bien sûr, que nous ne pouvions pas faire. Nous lisions et Matouchka faisait la prière de Jésus, puis elle a prenait le Psautier, alors que nous courions à la cuisine, car il fallait préparer la nourriture pour les gens qui venaient toujours après le déjeuner et avant même. La première priorité était de les nourrir, et nous avons souvent fait de grands pots de nourriture. J'étais l'ennemi juré de la cuisine, c’était pour moi la plus grande épreuve. Je souffrais incroyablement qu'ils m'aient attribué les casseroles. Mais voici comment patiemment Matouchka portait ceci: "Mon enfant, mon enfant, allons mon enfant." Je murmurais: "Nous ferions mieux de prier. Nous avons notre règle à faire, et là, te voilà, toi et tes casseroles! En quoi avons-nous besoin de ces casseroles?" "Mon enfant, mon enfant, permets-moi de nettoyer quelques carottes. Donne-moi des carottes, et verse un peu d'eau." Ainsi m’a-t-elle convaincue. Mais le Seigneur m'a humilié pour ma désobéissance. Tout ce que j'avais à faire était de désobéir, et les gens viendraient en foule et il n'y aurait rien à manger.
Elle n'a jamais grondé quelqu'un dans sa vie, n'a jamais dit "Je t’ai dit de le faire, mais tu ne le fais pas." Elle disait: "Aïe, vite, vite, Tanya dépêche-toi, les gens sont arrivés." Quelle humilité, quelle patience, quel amour elle avait pour nous, mais elle était aussi remarquablement stricte avec nous. Nous ne pouvions pas prendre une tasse dans le placard sans le demander. Au début, je ne comprenais pas et je murmurais beaucoup. Je pensais que je ne serais tout simplement pas en mesure de supporter tout cela, d'autant plus que j'étais habituée à la liberté, à la mauvaise conduite, pour être plus précise, et maintenant je devais marcher sur une plancheet obéir à une vieille dame. Je me souviens qu’une fois que j'ai pleuré et j’ai dit: "Je ne peux plus le faire, tu fais tout cela, juste tout exprès pour te moquer de moi." Mais Matouchka très calme et paisible a déclaré: "Je tiens à t’enseigner ce qui est correct. Afin que tout soit la volonté de Dieu,  avec une bénédiction, afin que l'obéissance soit présente en tout, car le Seigneur ne l'acceptera pas si cela vient de toi-même."
 Il était très difficile de lutter avec moi-même, mais le Seigneur m'a aidé par ses prières. Il était extraordinairement facile de prier avec elle. Les pages et les livres semblaient juste voler. Le faire sur une base individuelle était comme faire tourner une meule de moulin, mais avec Matouchka nous ne remarquions même pas le temps passer. Je n'étais pas la seule à remarquer cela. Lorsque nous priions, il semblait qu'une certaine mesure du fardeau tombait de nos épaules. Nous nous sentions si légères après les prières…
Elle avait le don de clairvoyance. En raison de sa modestie et de son humilité, elle le garda pour elle-même, ne le révélant à personne. Bien que j'ai été avec elle pendant longtemps, le Seigneur ne me le montra que plus tard, et je compris que je devais lui obéir en tout, même s’il y avait des startsy dans la Laure, et que j'avais un père spirituel. Il arrivait qu’elle disait: "Tanya, va au magasin et tu verras Annoucha [petite Anne]. Elle te donnera quelque chose." Je sortais comme une fusée, et bien sûr, Annoucha était là et me donnait cette chose. Nous n’étions jamais allées nulle part, et nous ne savions rien. Elle disait: "Dans la Laure, ce prêtre fait quelque chose de mal, et tu dois lui dire cela." Nous sommes allés, et j'ai dit: "Père, s'il vous plaît pardonnez-moi, mais vous ne devez pas faire cela."
Un diacre, le Père. Vladimir, vivait à côté de chez nous (il sert maintenant en Amérique). Je lui ai dit à ce sujet: "Ils font cela dans la Laure. Est-ce vrai ou pas ? Matouchka nous l’a dit?" Il était étonné: "Comment le sait-elle ? Vous êtes assises à la maison et vous n’allez nulle part?" Ensuite, le diacre a dit: "Ah! Je sais. Elle s'assied et regarde par la fenêtre, et les moines passent tout près (ils avaient là un métochion)." J'ai dit: "Oui, bien sûr, on regarde par la fenêtre et on voit ce qui se passe dans la Laure ?
Matouchka était très directe de nature. Vladyka Sérapion était son père spirituel. Quand le Père Séraphim n'était plus, elles ne reconnaissaient pas que quiconque soit au-dessus d’elles, sinon "Papa". Mais l'évêque Sérapion les a guidées. Il tonsura Mère Suzanne et Mère Nikodima dans le schème. Il voyageait à l'étranger; là, ils avaient peur des prêtres "rouges", et ils lui ont dit: "Nikodima, tu le sais, tu devrais quitter Sérapion : il a un" livret rouge [c’est-à-dire qu’il a un passeport soviétique du gouvernement communiste, et travaille pour le KGB]". Elle s'approcha de lui et dit: "Pardonne-moi Batiouchka (il n'était pas évêque à l'époque), mais bénis-moi pour aller vers un autre père spirituel." "Pourquoi? "dit-il, car il l’aimait et la respectait. "Tu as une sorte de livret rouge." Il répondit, "Il n'est pas rouge, il est gris." "Je ne sais pas à quoi il ressemble, ce n'est pas grave. Mais bénis-moi pour aller vers un autre père spirituel. Pardonne-moi, je te le dis en face. Que tu m'aimes ou que tu ne m'aimes pas, je te le dis comme ça !"
C'est ainsi qu’elle était. Elle pouvait dire quelque chose à quelqu'un, face à face, et le dire d'une manière telle qu'elle n’offensait personne. Elle avait le don d'ouverture et de franchise afin de sauver l'âme de son prochain.
Elle vénérait beaucoup sa sainte patronne, sainte Parascève, et recevait toujours la Sainte Communion pour son jour de fête, en se préparant bien pour cela.
Un jour, je suis allé à la Laure [pour trouver un prêtre pour lui donner la Sainte Communion]. Habituellement, ils venaient facilement, mais cette fois il y avait quelque tentation : personne ne voulait la communier, ils étaient tous trop occupés. Alors je me tournai vers le Père Platon, et il a dit: "Je ne peux pas non plus, mais je vais demander à l'un des élèves externes, lui donner mes Saints Dons, et il ira la communier." J'ai dit à ce prêtre avec indignation: "Pardonne-moi mon père, mais c'est une Matouchka de Diviyévo, s'il te plaît, fais un effort pour l'amour du Christ." Je pensais, bon il a ses propres affaires, et maintenant nous lui avons trouvé plus de travail.
Il me regarda avec surprise: "Que veux-tu dire, par Divyévo? D’où viennent les moniales de Diviyévo?" J'ai dit: "Elle vit ici depuis longtemps, car  elle a reçu la bénédiction pour le faire." Il ne dit plus rien. Il avait un regard de séculier, et semblait comme tel. Eh bien, je l'ai amené à la maison et il est entré. Matouchka était déjà dans son habit, prête, regardant par la fenêtre, et attendant.
Alors elle se retourna soudainement: "Bénis, Vladyka [Maître : pour un évêque]! J'ai dit: "Eh bien, bonjour, un simple prêtre est venu pour te servir. Les moines aujourd'hui ont refusé de le faire. Cela doit vouloir dire que tu fais quelque chose de mal " Elle a juste regardé en disant: "Je ne sais pas, mais voilà un évêque." Ce prêtre fut frappé de cet imprévu." Matouchka, comment sais-tu cela ?" "Eh bien, je ne sais pas, mais voilà un évêque." Il ne dit rien, se rendit dans la salle, la confessa et la fit communier.
Puis ils se sont assis à table et le prêtre dit qu'il avait eu de très grandes épreuves. Il avait été persécuté dans sa paroisse et avait enduré beaucoup d'injustice, de tentations de l'Ennemi. Le Diable avait fomenté des persécutions contre lui. C’était un prêtre marié. Cette nuit même, avant que je l’aie rencontré, saint Séraphim lui était apparu en rêve. Le saint l’avait réconforté et lui avait dit: "Ne t’afflige pas, tu seras évêque." Il ne croyait pas en ce rêve, et il décida que c'était une attaque du Diable. Il ne l'acceptait pas du tout à cause de son humilité. Mais quand je l'ai invité à communier une religieuse de Diviyévo, et quand il l’a entendue l’appeler Vladyka dès la porte, comme il l’avait entendu dire de saint Séraphim, il fut bien sûr choqué et surpris.
Quand je suis rentré avec lui à la Laure, il m’a dit quelque chose que personne n'avait jamais dit, c'était la vérité, il a dit: "Tanya, accroche-toi à cette moniale, car il y a quelque chose en elle qui a été pratiquement anéanti chez les gens. C'est ce que les saints Pères appellent l’humilité. Il s'agit de la plus profonde de toutes les vertus. Mais beaucoup des ascètes d'aujourd'hui ne savent même pas ce que c'est. Mais ces anciens esclaves de Dieu le savent. La grâce de Dieu n'est pas donnée pour rien, il faut souffrir et pleurer, son chemin a sans doute été difficile."
Quand il m'a dit cela, j’ai réfléchi sur elle et j’ai commencé à l'observer plus attentivement. Elle avait une humilité très profonde; Elle pouvait ployer sous toutes les conditions de la vie, passer inaperçue en tout, pour voir tranquillement et sans mots inutiles et comprendre la volonté de Dieu, et tout supporter magnanimement. Quand Matouchka mourut, nous nous sommes souvenues d'elle, et nous nous sommes rappelées soudain qu'elle ne s'était jamais irritée, n’avait jamais crié après quiconque, ne s’était jamais mise en colère, juste un regard d'elle était suffisant. C'était terrible de la mettre en colère. Son mécontentement s’exprimait en quelques mots: "Papa, mon cher saint Séraphim, regarde juste ce qu'elles font." C'était sa punition, mais elle n'était pas terrible, car nous savions que ces paroles coûtaient très cher.
Ainsi, elle était toujours pacifique, toujours, toujours en prière. Peu importe qui venait la voir, elle pleurait avec ceux qui pleurent, mais son chapelet se déplaçait  toujours [entre ses doigts]. Même la nuit, nous nous réveillions et la regardions et elle dormait, le sifflement de sommeil emplissait l'air, mais sa main se déplaçait sur le chapelet. Comment cela pouvait-il être possible? Cette main ne cessa jamais de travailler, comme si, [telle une montre], elle avait été remontée un jour et qu’elle n'avait jamais cessé depuis de fonctionner. Elle aimait beaucoup la prière de Jésus.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


jeudi 13 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [17]



La Sainte Face, Novgorod, fin 15e siècle
17. Les "Vacances"
Quand elle était devenue âgée, et travaillait dans la Laure, elle était allongée là et un jour, elle a dit: "Seigneur, je suis fatiguée de tous ces travaux, je n'ai pas de force." Alors elle entendit une voix venant de l'icône "non-faite-de-main-d’homme" du Sauveur (elle avait une petite icône de ce type): "Eh bien, repose-toi." A ce moment, ses mains, ses pieds et sa langue devinrent mous. Sur les rideaux, sa vie était montrée de la naissance à ce moment-là quand elle se coucha. "Je restai là," dit-elle, "et c'était comme un film, comme la télévision. Tout dans les moindres détails." Puis sa nièce Véra est entrée, qui prenait soin d'elle alors, et elle a été horrifiée. "Maman, qu'est-ce qui ne va pas?" "Je riais. C'était drôle pour moi parce que je ne pouvais tout comprendre, tout entendre et tout voir, mais je ne pouvais pas bouger ma langue, ni mes bras ou les jambes, pas même un doigt." Elle fut comme ça pendant une année entière.
Il faut dire qu'elle était très grosse. Une fois, elle avait jeûné pendant quarante jours, ne prenant que de l'eau, mais elle n'avait pas perdu de poids. Père Séraphim riait d’elle, en disant: "Eh bien, Mère, rien ne peut t’aider." Elle a dit: "Dieu me donne du gras pour ma simplicité." Quelle grande personne de poids… elle resta là pendant un an (Véra n'était pas en état de la déplacer), mais elle n'avait pas d’escarres ou quoi que ce soit sur son corps. Personne ne pouvait lui faire des piqûres, bien que son corps ait été mou, les aiguilles se cassaient quand elles pénétraient dans son corps. C'est un miracle que le Seigneur accomplit en elle. Ainsi elle resta étendue paisiblement, se  reposant pendant un an, puis tout commença à fonctionner à nouveau… Les bras et les jambes. Le médecin qui prenait soin d'elle était étonné. Dans tous les cas, la science médicale n'a pas d'explication pour cela. Plus tard, elle a été paralysée à nouveau, mais seulement légèrement, jusqu'à sept fois. Mais comme elle le dit, elle ne ressentait aucune des douleurs que les malades ressentent habituellement. Cela peut aussi être la Providence de Dieu.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Haïjin Pravoslave (CCCV)

 

Nous qui sommes siens
Disons avec le Liturge
Gloire à Dieu pour tout

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mercredi 12 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [15-16]





15. Tonsure
Lorsque les orphelins ont grandi, ils ont quitté cette maison. Matouchka était très étroitement liée à la Laure de la Sainte Trinité-Saint-Serge à  Serguiev Possad.
Un jour, elle alla vers le moine du grand schème, l’higoumène Koukcha à Odessa. Quand elle arriva vers lui, il porta une accusation contre elle, se demandant pourquoi elle n'avait pas reçue la tonsure, et dit qu'il était grand temps [de le faire]. Ce staretz la bénit pour recevoir la tonsure monastique. Elle fut tonsurée avec le nom d’Arsène, d’après saint Arsène, évêque de Tver. Son premier nom monastique était masculin, Arsène, et dans le schème elle fut Nikodima (venant de Nicodème, nom également masculin).

16. "Martha"
Plus tard Matouchka travailla dans la Laure pour nourrir les moines. Elle avait toujours été bonne cuisinière. La cuisine était sa vocation. Elle disait: "Je suis Marthe." Mais en réalité, elle était toujours aussi une femme de prière profonde. Dans la Laure il n'y avait que deux ou trois moniales, et elles nourrissaient l'ensemble du monastère, et le Patriarche quand il venait en visite. Elles nourrissaient respectivement tous les pèlerins et les visiteurs, le tout avec très peu de mains.
C’était un grand travail, mais Matouchka le faisait avec beaucoup d'amour. Elle aimait beaucoup la Laure, et elle y travaillait sans repos pour l'amour de saint Serge de Radonège. Elle a dit que plus d’une fois, elle vit saint Serge sur les coupoles de la cathédrale de la Dormition. Même à notre époque, elle venait à la Laure et pleurait parce que le saint n’était pas là, qu’il était parti. "Peut-être que tu ne le vois pas à cause de tes péchés," demandaient les gens. "Je ne sais pas, il n'est tout simplement pas ici, le saint est parti." Père Séraphim lui prédit: "Tu ne vivras pas pour voir la réouverture de Diviyévo, mais tu auras un métochion."
Je suis venue pour voir Matouchka quand Mère Susanne est morte. Elle était restée toute seule. Elle était triste, elle priait la Mère de Dieu, car la compagne de sa vie, Mère Susanne, lui manquait. Donc, elle a de nouveau demandé à la Reine Céleste de la prendre, elle vieille et infirme, sous son voile de protection. Elle était déjà assez âgée, septante-neuf ans.
Matouchka fut paralysée sept fois différentes, et à la surprise de tous les médecins (en fonction de leur pronostic, elle aurait dû mourir la première fois), elle n'est pas morte de paralysie.
Elle faisait de très nombreux travaux. Elle était très capable de travailler, et ne savait pas ce que cela signifiait que d'être fatiguée. Dans le monastère, comme à l'usine, elle travaillait jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce qu'elle tombe. Les gens venaient constamment à la maison où le Père Séraphim avait vécu, et elle devait préparer de la nourriture pour eux, les accueillir, les conduire et les nourrir et, en même temps, elle avait onze enfants.
Maintenant, parlons de la douzième fille. Matouchka était dans le doute, en disant que Maria Ivanovna s’était trompée, car elle n'avait que onze enfants. Elle avait une nièce, Marthe, qui était à demi orpheline. Sa mère était morte et son père remarié, et sa seconde épouse n'aimait pas ces enfants. Elle et son mari décidèrent secrètement d’abandonner les enfants dans un orphelinat. Marthe vint vers Matouchka et dit: "Grand-mère Pacha, j'ai vu un rêve dans lequel tu me tirais d'un fossé par la main." Matouchka était sage, et elle écouta cette petite fille et lui dit: "Tu sais quoi, Marthe, ne va nulle part; reste ici avec moi aujourd'hui." Elle pria, apparemment, et le Seigneur lui révéla ce que les parents avaient décidé de faire avec l'enfant. Elle y resta un jour, deux jours, et les parents naturellement entreprirent une recherche de la fille disparue. Alors ils vinrent vers Matouchka et lui demandèrent: "Pacha, sais-tu où est notre Marfoucha [petite Marthe] ?" "Votre Marfoucha est ici. Et qu'avez-vous décidé de faire d’elle?" Le père de l'enfant, le frère de Matouchka, comprit tout et se repentit aussitôt, en disant: "Tu sais, Pacha, nous avons voulu la mettre à l'orphelinat." "Ah!" dit-elle, "c'est donc ça. Eh bien, j'ai onze enfants, un douzième ne sera pas plus mal. Je ne vais pas la rendre. Qu'elle reste vivre avec moi."
Cela les a tellement touchés que, sans jugement, mais en même temps avec calme et respect, ils ont repris la jeune fille, faisant à Matouchka la promesse que l'enfant serait élevée comme leurs propres enfants. Ils dirent qu'ils ne l’abandonneraient pas, et l'aimeraient comme leur propre enfant. L'action de Matouchka les poussa à une profonde repentance. Vraiment, cette jeune fille fut bien traitée dans la famille, et elle reçut même une éducation, mais elle mourut très jeune. Apparemment, c’était une élue de Dieu. C'est ainsi que le Seigneur la préserva de l'orphelinat, et peut-être même ainsi sauva son âme. Puis Matouchka se rappela et dit: "Eh bien, Maria Ivanovna, pardonne-moi, c'était le douzième morceau de bonbon." Ici, elle parlait du salut de l'âme de la jeune fille.
Il faut dire qu'ils avaient une grande cour et un grand jardin, et quand Matouchka était encore forte, tous les chemins étaient nettoyés et saupoudrés de sable, et tout était comme dans le monastère pendant la vie de Père Séraphim, en dépit du fait qu'il y avait les persécutions. On pourrait penser, comment pourraient-ils avoir des chemins et du sable [dans ces conditions défavorables], mais il y avait toujours des fleurs, et les déchets étaient toujours jetés derrière les arbres. Et tout dans la maison devait être fait pour la gloire de Dieu. Elle devait travailler à l'usine, et faire des offices, et chanter, et recevoir des invités, mais elle avait assez d’énergie pour tout cela. Il s'agit clairement d'un miracle de Dieu. Le Seigneur lui donnait des forces.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Sur l'excellent blog de Maxime!


"Ukraine : Les nazis, ces grands démocrates..."

Un article éclairant publié le 07 mars 2014 à 13:00 de Daoud Boughezala rédacteur en chef de Causeur.
"On a beaucoup glosé sur les nazis ukrainiens qui ont contribué à renverser le tigre en papier Ianoukovitch. Les plus rationalistes d’entre nous croient rêver en entendant Vladimir Poutine dénoncer des « néo-fascistes antisémites » pendant que Bernard Henri-Lévy porte aux nues les libéraux alliés de l’Occident place Maïdan.
On a beau avoir conscience de vivre dans un monde renversé, cette coalition euro-libéro-facho nous met cul par-dessus tête. Difficile de juger in abstracto lorsqu’on crie au loup nazi tous les quatre matins dans notre République de France.
Il n’empêche, en dehors de tout parti pris poutinien, les faits sont têtus : Secteur droit et Svoboda (« Liberté ») rassemblent une bonne partie des opposants ukrainiens qui ont pris le pouvoir à Kiev. Secteur droit, la roue solaire sur ses boucliers, affiche clairement la couleur : il faut « nettoyer » ou « éliminer » les Russes de Crimée, région où ils sont majoritaires. D’un coup d’un seul, les justifications du Kremlin à la protection de la Crimée prennent tout leur sens : protéger les populations russes de ces zigs n’est sans doute pas du luxe. Imprécations, esthétique crypto-nazi, appels à la déportation ou au meurtre, SD ne fait pas vraiment dans la dentelle… 
Mais que dire de son rival et néanmoins proche partenaire Svoboda, réputé moins extrémiste ? Ce parti identitaire, qui entend également remettre la main sur la Crimée, n’avance pas franchement masqué. Ses membres montrent une nostalgie certaine pour ce qu’ils estiment être les heures les plus glorieuses de l’histoire ukrainienne. Comprenez les années 1940 durant lesquelles, alliés du Reich hitlérien, les nervis du nationaliste ukrainien Stepan Bandera constituaient la division SS-Galicie pour faire la nique aux troupes soviétiques de l’Oncle Jo. Les vétérans de cette petite unité combattante ne s’y trompent d’ailleurs pas : en mai 2010, ils ont décerné une croix d’or à Oleh Tiahnybok, le chef charismatique de Svoboda.
 Vous me direz, le port d’insignes militaires est un loisir comme un autre… Mais leurs excentricités folklos ne s’arrêtent pas là : à la nuit tombée, bombers, Doc et symboles SS ponctuent les défilés des gros bras de Svoboda. Le cocasse, c’est que ces musclés – nettement moins affables que ceux du Club Dorothée – se piquent aussi de penser, flanqués de Yurii Mykhal’chyshyn, la petite trentaine, député et ancien candidat à la mairie de Lvov. En 2005, ce petit prodige, qui se rêve en intellectuel organique de l’extrême droite ukrainienne, avait créé le « Joseph Goebbels Political Research center » pour régénérer la pensée « nationale-socialiste » ukrainienne. N’allez surtout pas croire qu’il s’agit d’un énième nazillon négationniste : Mykhal’chyshyn admet l’existence de la Shoah comme… « l’un des épisodes les plus éclatants de la civilisation européenne » qui « réchauffe le cœur des Palestiniens, lesquels espèrent qu’il se reproduise » (sic). Dans le lobby pro-Maïdan de Paris, il ne s’est pour l’instant pas trouvé grand monde pour juger ce discours « nauséabond »…" (source)

mardi 11 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [14]


 « RADONITSA »  (JOUR DE JOIE) : JOUR PARTICULIER DE COMMEMORATION DES DEFUNTS


14. La surveillance du syncelle de Père Séraphim
Voici une autre chose intéressante à propos de Père Séraphim. Il a été enterré dans le nouveau cimetière. Pendant longtemps, je ne pouvais pas trouver sa tombe. Matouchka était déjà très vieille et ne pouvait pas aller au cimetière, et Véra n’avait pas le temps de m'y conduire. Elle a seulement dit: "Près de l'étang."
Je marchais autour de cet étang, mais je ne pouvais pas trouver la tombe. Ils m'avaient dit combien de croix étaient là. Simotchka et le Père Séraphim y étaient tous deux enterrés. C’était Radonitsa, [Premier mardi après la Semaine Lumineuse de Pâques, quand les défunts sont commémorés].
Je suis allé tôt le matin au cimetière. Je suis passée par une porte par hasard, et il y avait une croix sur une tombe, et sur la croix était une icône de saint Séraphim de Sarov. J’ai vénéré cette icône.
Il n'y avait personne dans le cimetière, c’était calme et paisible… Radonitsa. Je suis sortie par la porte. Bientôt, je suis tombée sur une autre tombe. Dans la Laure, il  avait un autre staretz, également nommé Séraphim, et quand il reposa en Christ, il apparut dans un rêve à Matouchka et il lui dit: "Je suis le syncelle de ton Batiouchka." Matouchka a dit: "N'est-ce pas intéressant, son syncelle!"
Et maintenant, j’étais arrivée à la même porte où était notre Séraphim de la Laure. Nous l'appelions "petit duvet." Il était petit, ressemblait à saint Séraphim, et avait les cheveux très duveteux. C’était également un esclave de Dieu à la vie spirituelle élevée, et maintenant il semble qu'il est le syncelle de Père Séraphim (Batioukov) dans l'autre monde. A présent, j’étais venue sur sa tombe, ne sachant pas où il était.
J'ai pensé, n'est-il pas intéressant de voir comment saint Séraphim m'a conduit ici. Depuis cette tombe je descendis un peu plus loin, puis je vis l'étang et cette porte qui enfermait ce que je cherchais depuis près de cinq ans. Ensuite, j'ai vraiment compris que ce rêve était réel, et que le syncelle de Père Séraphim m'avait conduit à la tombe de Père Séraphim, juste le jour de Radonitsa.
Des miracles se sont produits sur la tombe de Père Séraphim. Ses enfants spirituels qui venaient vers Matouchka nous en ont parlé. Quand le Père Séraphim était vivant, il avait béni la croix de baptême d'une femme, et plus tard, elle l’avait perdue. Elle en était terriblement attristée.
C'était la seule chose qu'elle avait en souvenir de Père Séraphim, et en outre, c’était une croix, pas n'importe quoi. Elle pleurait et se désolait. Puis elle vint à la tombe de Père Séraphim. Là, elle pleurait, et dit tout en larmes: "Batiouchka, pardonne-moi, j'ai perdu ma croix." Ainsi, elle pleurait et pleurait, puis elle se retourna, et la croix qu’elle avait perdue était accrochée à cette porte du cimetière.
Sur la croix, sous laquelle il gisait, un certain nombre de personnes avaient vu à différents moments une icône de saint Séraphim, mais il n'y avait là absolument aucune icône, seulement un petit cercle entourant un emplacement pour une icône.
Quand les gens diaboliquement possédés viennent à la tombe, le Diable ne peut bien sûr pas le supporter: ils y crient et deviennent très agités. Nous étions là-bas une fois avec une femme démoniaque possédée. Nous étions de l’autre  côté de la porte avec le verrou fermé, quand l'Ennemi en elle cria : "Oh, qu’ils sont forts. Laissez-moi sortir d'ici."
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Les moniales de Ma'loula ont été libérées


Haïjin Pravoslave (CCCIV)


Avec tes prières
Dieu écrit sous ta dictée
Ton futur céleste

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

lundi 10 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [13]


13. Ninochka



Maison de  Serguiev Possad où Père Séraphim (Batioukov) vivait secrètement
Plus de Père Séraphim. Ils prirent son cercueil et l'emportèrent. C'était incroyablement triste bien sûr, alors la nièce de dix ans de Matouchka, Ninochka [petite Nina], qui vivait déjà avec elle, s’accrocha à cette charrette et commença à courir.

Quelqu'un lui avait donné la charge d’aller voir où ils emmenaient Batiouchka. Donc elle a couru et couru tout le chemin jusqu’au bout, et personne n’a fait attention à elle. Cette petite fille de dix ans les a suivis à l'endroit où ils ont amené le Père Séraphim, puis elle revint chez elle et le dit à Matouchka et à sa mère. (Sa mère était Synclétique, la sœur de Matouchka, à qui le Père Séraphim apparut et donna les icônes. Elle était déjà très malade et était enceinte de sa dernière fille, Véra. Cette Véra vivait avec Matouchka à la fin. Véra avait sept mois quand Simotchka est morte.) Batiouchka avait été jeté dans une fosse commune. Ils avaient pris son cercueil et l’avaient jeté dans le fossé.
La nuit Simotchka et une autre femme sont descendues dans la fosse, dans le fossé plein de cadavres et en ont retiré Père Séraphim. Elles l’ont enterré à nouveau en secret, la nuit, mais cette fois sans cercueil. Lorsque Véra est né, toute sa peau était couverte de boutons, après tout, sa mère avait eu une grande terreur. Véra est restée grêlé comme ça.

Le destin de Nina, qui ne leur permit pas de profaner le staretz quand elle était petite fille, s'est également avéré être très compliqué. Elle a finalement épousé un homme qui était un malade mental. Elle ne l’a jamais abandonné, mais l’a supporté, ne le mettant jamais dans un hôpital psychiatrique, en disant que c'était sa Croix. Elle ne voulait pas de ce péché sur elle, et elle dit qu'elle ne l’abandonnerait pas, mais qu’elle persévérerait  jusques à la fin. Elle est tombée très malade à cause de l'angoisse, a subi plusieurs opérations, mais le Seigneur l'a amenée à mourir sur le lit de Matouchka dans cette maison où le Père Séraphim est mort. Elle a été sortie de l'hôpital. La gangrène s'était installée, et elle était dans une terrible douleur. Elle a reçu l'onction divine et la Sainte Communion et tout est passé.
Il n'était même pas nécessaire de lui donner une injection de morphine, mais seulement une solution, et cela la calmait. Alors le Seigneur disposa de telle sorte, que pour la fête de l'Ascension, le Père Georges de l'église Saint-Elie a servi une Liturgie, est venu à elles et lui a donné la Sainte Communion, et elle était consciente. Elle a fait sa confession finale et a reçu les Saints Dons. Quinze minutes après que le prêtre ait quitté la salle, Ninochka est tranquillement partie. Ainsi, le Seigneur lui a accordé une fin heureuse. Matouchka dit que c'était par les prières du Père Séraphim, parce Ninochka avait découvert où il était,  et accompli son obédience. Plus tard, la dernière nièce, Véra, l'a transporté au cimetière de Koukouev et l’a enterré à nouveau. Il a été enterré là, avec sa mère. A ce moment-là, ne restaient que ses os.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


Jean-Claude LARCHET: Recension: Saint Théophane le Reclus, « Lettres de direction spirituelle »


St_Theophane



Saint Théophane le Reclus, Lettres de direction spirituelle. Traduit du russe par Anne Kichilov ; introduction de Bernard Le Caro, Éditions des Syrtes, Paris, 2014, 269 p.
Les éditions des Syrtes publient sous le titre Lettres de direction spirituelle un ouvrage du célèbre évêque et ascète russe saint Théophane le Reclus (1815-1894). Il s’agit à l’origine de lettres adressées à une jeune femme de la haute société russe, à travers lesquelles saint Théophane lui a enseigné progressivement la vie spirituelle, pour laquelle elle montrait des dispositions mais dont elle n’avait pas au départ de connaissance précise. L’ensemble présentant une suite cohérente, Théophane a réécrit ses lettres pour en faire une sorte de traité d’initiation à la vie spirituelle sous forme épistolaire, d’où le titre qui lui a été donné en russe: Qu’est ce que la vie spirituelle et comment y disposer son cœur? Ce livre a eu un grand succès en Russie où il a été publié la première fois en 1878 et a connu ensuite six éditions jusqu’à la Révolution.
Saint Théophane veut tout d’abord poser des bases anthropologiques; autant avertir tout de suite le lecteur que les quinze premières lettres où elles sont exposées n’entrent pas dans le vif du sujet et peuvent même paraître fastidieuses et sans intérêt, puisqu’elle reposent sur des catégories psychologiques et physiologiques de la fin du XIXe siècle qui paraissent aujourd’hui très datées.
C’est à partir de la lettre XVI que Théophane déploie son exposé de la vie spirituelle, abordant pédagogiquement ses différentes étapes et ses divers aspects. Sont ainsi successivement traités, dans un style simple et vivant, les thèmes suivants: le vrai but de la vie présente; l’Unique nécessaire; le péché originel; le dérèglement dans la nature de l'homme; la nécessité de l'union avec Dieu; le relèvement rédempteur de l'homme tombé; le zèle spirituel; le renouveau et la purification de soi-même; l’action cachée de la grâce; la concentration intérieure; la patience et la constance; comment soutenir l'aspiration initiale; la préparation à la sainte communion; la préparation à la confession; les dispositions du cœur; le mystère du repentir et la communion; comment être en harmonie avec la volonté de Dieu; comment l’ennemi essaye de nous égarer; les différentes causes du refroidissement spirituel; le souvenir constant de Dieu; la paix intérieure; la prière sans distraction; comment faire jaillir en soi le souvenir incessant de Dieu; comment transformer le fardeau de la vie en profit spirituel; brûler d’amour pour Dieu; les passions comme obstacle à l'esprit; la lutte contre les passions; les mouvements les plus subtiles des passions; les étapes dans le développement des passions; la prière dans la lutte avec les pensées passionnées; comment purifier le cœur; comment garder l’ouïe et la vue; la lutte active contre les passions; au sujet du chant et de la musique; la solitude; la nécessité d’avoir un bon conseiller; la dépression et la peur; sur la lecture de livres spirituels et des livres séculiers; sur la froideur dans la prière; le vœu de renonciation au monde; le vœu de chasteté; l’aspiration à la vie monastique; les ruses de l'ennemi; les tentations venant des incroyants; l’obéissance aux parents; comment supporter les injustices et les fausses accusations; les anxiétés et les troubles de la fin; le repos après la tempête.
L’œuvre de Théophane est précédée d’une excellente introduction biographique de Bernard Le Caro, basée sur des documents authentiques, pour la plupart inédits en français.
La vie de saint Théophane est particulièrement intéressante.
Connu comme un ascète qui a vécu une longue période de réclusion volontaire (c’est-à-dire qu’il était enfermé dans sa cellule et ne communiquait que par lettres avec l’extérieur, comme ce fut aussi le cas des saints ascètes palestiniens saint Barsanuphe et saint Jean de Gaza), Théophane avait suivi tout le cursus des études théologiques et avait occupé divers postes importants comme professeur, inspecteur ou recteur dans l’enseignement supérieur religieux (Institut ecclésiastique de Kiev, Séminaire ecclésiastique de Novgorod, Séminaire ecclésiastique d’Olonetz, Académie ecclésiastique de Saint-Pétersbourg), avant de devenir évêque de Tambov puis de Vladimir, l’un des plus importants diocèses de Russie.
La détérioration de sa santé et aussi des désagréments dans la direction du diocèse lui donnèrent l’occasion de réaliser le désir qu’il avait depuis longtemps de quitter le monde pour mener la vie ascétique et surtout se consacrer pleinement à la rédaction et à la traduction d’ouvrages spirituels.
En 1866, alors qu’il était âgé de 52 ans, il se retira à l’ermitage de Vycha. C’est alors que commença la période de la vie la plus fructueuse de sa vie, qui dura presque vingt-huit ans et au cours de laquelle il vécut reclus.
Durant ses six premières années à Vycha, il reçut encore des visiteurs. Mais en 1872, il se retira complètement dans la solitude, cessant toute relation avec le monde extérieur, à l’exception de son père spirituel.
Chaque jour il se levait très tôt et, après avoir accompli sa règle de prière en cellule, il se rendait à sa chapelle, au même moment que la cloche sonnait pour l’office, et il y célébrait tous les offices du matin selon le typikon du monastère, puis la Divine Liturgie qu’il célébrait quotidiennement seul. La suite de la matinée était consacrée à ses travaux de rédaction, de traduction et d’édition. À deux heures de l’après-midi, il prenait son déjeuner, ne mangeant que ce qui était nécessaire au soutien de ses forces (les jours ordinaires où l’on ne jeûnait pas, il mangeait deux œufs, et dans les dernières années, il ne prenait souvent qu’un seul verre de lait avec du pain ; durant tous les carêmes, il suivait les règles prescrites, mais pendant le Grand Carême, il y avait des jours où il s’abstenait de toute nourriture). Après le repas, il se reposait un peu assis sur une chaise et s’occupait ensuite de travaux manuels, comme la sculpture de petits objets en bois ou encore la reliure de livres qu’il distribuait ensuite comme cadeaux. Assurant lui-même la diffusion de ses ouvrages, il préparait lui-même les paquets qu’il envoyait. En outre, il peignait des icônes. Le soir, il célébrait les vêpres dans sa chapelle et se préparait à la Liturgie du lendemain. Il ne dînait pas, mais prenait deux verres de thé à quatre heures de l’après-midi. Après avoir accompli sa règle de prière du soir, il s’étendait jusque tôt le matin. Le temps qui lui restait était consacré à la lecture de livres, de journaux et de périodiques, et à la réflexion sur ce qu’il devait écrire dans ses œuvres et ses lettres.
Dans ses dernières années, saint Théophane était parvenu à un tel degré de perfection, que les moines ayant accès à sa cellule remarquaient que la grâce divine l’avait rendu simple et innocent comme un enfant, et qu’elle émanait visiblement de lui sous la forme d’une joie, d’une paix et d’un amour débordant.
Durant la dernière année de sa vie terrestre (1893), saint Théophane s’affaiblit ; il eut des maux de tête qui le rendaient incapable d’écrire et il souffrit de fortes crampes aux jambes qui le contraignirent à rester alité. Il quitta ce monde le 6 janvier 1894, jour de la Théophanie et de la fête patronale de sa chapelle. Son corps resta six jours dans le cercueil, trois jours dans sa chapelle et trois jours dans l’église du monastère, sans manifester aucun signe de décomposition. La nouvelle de son trépas se répandit rapidement, et la foule afflua pour atteindre plusieurs dizaines de milliers de fidèles le jour de ses funérailles.
En 1988, l’évêque Théophane fut canonisé par le concile local de l’Église orthodoxe russe. Ses reliques se trouvent l’église de Notre Dame de Kazan de l’ermitage de Vycha.
Saint Théophane a mené une vie de réclusion moins par désir d’ascèse que dans le but de se consacrer pleinement à des travaux d’écriture et de traduction. Il pensait pouvoir par là accomplir un travail pastoral plus large que celui d’un évêque dans son diocèse.
Le résultat de ce choix de vie (qui ne fut pas toujours aisé pour lui) fut la production d’une œuvre immense.
Saint Théophane écrivit tout d’abord soixante ouvrages spirituels, dont : La voie vers le salut (1868-1869), L’ordre de la vie agréable à Dieu (1868-69), Lettres sur la vie spirituelle (1870-71), Pensées pour chaque jour de l’année sur les lectures ecclésiales de la parole de Dieu (1871), Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment y disposer son cœur? (1878) Courtes pensées pour chaque jour de l’année, placées selon le nombre des mois (1882), Esquisse de la morale chrétienne (1891).
Saint Théophane écrivit aussi plusieurs commentaires de l’Ancien (en particulier des psaumes) et du Nouveau Testament (notamment de tous épîtres de saint Paul à l’exception de l’épître aux Hébreux).
En plus de ce travail d’exégèse, il déploya une intense activité de traduction de textes patristiques : les Catéchèses et Discours de S. Syméon le Nouveau Théologien (1877-1881), Le combat invisible de St Nicodème l’Hagiorite (1885-1887) dont il offrit une version révisée, et Les règles monastiques de S. Pacôme, S. Basile le Grand, S. Jean Cassien et S. Benoît (1892).
Le couronnement de son œuvre de traductionio fut l’édtion en russe de la Philocalie, en faisant d’autres choix de textes que ceux qu’avait faits S. Païssy Velitchkovsky (1722-1794) pour sa version slavonne.
À cette œuvre volumineuse vient s’ajouter une vaste correspondance: chaque jour, S. Théophane recevait entre vingt et quarante lettres et il répondait à toutes. Il a ainsi laissé environ 1500 lettres d’un grand intérêt spirituel.
Les écrits de saint Théophane sont fortement appuyés sur les œuvres des Pères, mais il apporte souvent une touche d’originalité. Conformément à son projet pastoral, son style et simple et ses ouvrages sont abordables par un large public.
Malheureusement peu d’entre eux sont traduites en français, en dehors de Pour garder la flamme (éditions L'Age d'Homme; actuellement épuisé), et des extraits divers (surtout de commentaires de l'Écriture) que l'on trouve  sur le blog de Claude Lopez-Ginisty consacré à saint Théophane).
Cette publication constitue donc un événement qu’il faut saluer.