Photo : patriarchate.org
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Cet article a été proposé pour
analyser le discours du Patriarche de Constantinople Bartholomée, à la Synaxe
(Conseil) des Archevêques du Patriarcat de Constantinople, qui a eu lieu à
Istanbul du 1er au 4 septembre 2018.
Dans son discours - qui n'a été
contesté par aucun évêque de l'Église de Constantinople, mais qui a même reçu
l'approbation générale – le Patriarche Bartholomée au niveau ecclésiastique
officiel a proclamé la position dogmatique selon laquelle le Patriarcat de
Constantinople (ou "œcuménique") et ses Patriarches ont la primauté
du pouvoir sacral, administratif et judiciaire d’appel (1) dans l'Église du
Christ.
Ces dispositions sont une
révision de l'hérésie latine de la papauté. Développée surtout au cours du
siècle dernier par les travaux de divers théologiens phanariotes [id est du Patriarcat de Constantinople, sis au
Phanar], cette révision fut appelée " papisme
oriental ". Cela signifie que le Patriarcat de Constantinople prétend
créer un modèle de gouvernance et d'autorité dans l'Église orthodoxe, semblable
à celui de l'Église catholique romaine, seulement avec le Patriarche de
Constantinople à la place du Pape, et à la place de l'Église romaine-l'Église
de Constantinople.
L'actuel Patriarche œcuménique a
déclaré que la primauté d'honneur, que l'Église du XIe siècle, le Patriarche de
Constantinople possédaient à la place du Pape dans le Diptyque (2) de l'Église
orthodoxe, était une institution spéciale avec des autorités, prérogatives et
privilèges jamais connus dans la tradition religieuse.
Patriarche de Constantinople
Bartholomée.
Photo : Atilla Kisbenedek / AFP
Il est lamentable de voir
comment, après tant de siècles de lutte contre le papisme romain, l'Église de
Constantinople elle-même tombe dans la même hérésie, la même séduction que le
papisme. L'imposition du pouvoir sur la plénitude de l'Orthodoxie par le
Phanar, comme ce fut le cas avec le Pape en son temps, est une tentative
présomptueuse et fière de s'emparer de la position de "Chef [Tête] de
l'Église" de Notre Seigneur Jésus Christ, de réviser l'ecclésiologie
apostolique et patristique, de devenir au-dessus de l'Église, de détruire la
structure canonique de l'Église, de priver les Églises locales de cette
véritable liberté si caractéristique et distincte qui a toujours été celle de
la Sainte Orthodoxie. Le papisme du Phanar ose ignorer et annuler le podvig
(3[exploit spirituel]) de l'opposition au papisme occidental, baigné dans le
sang des martyrs et dans la souffrance des confesseurs de la foi orthodoxe.
Ainsi, dans son discours, le Patriarche
Bartholomée de Constantinople a dit ce qui suit :
"Le Patriarcat œcuménique est, pour l'Orthodoxie, un levain
"qui fait lever toute la pâte" (cf. Gal. 5, 9) de l'Église et de
l'histoire " (4).
Il est clair que le Patriarche de
Constantinople a voulu exprimer par ces paroles que son Patriarcat est une
institution spéciale, sacrée, une force spéciale qui forme l'Église et l'histoire
même, comme le levain pour une boule de pâte.
Il est toutefois difficile
d'imaginer une citation plus malheureuse. Ce qui a été cité par l'apôtre Paul
(Gal. 5:9) était dans le contexte d'un reproche adressé aux Galates (5). Le
saint hiérarque Jean Chrysostome explique cela comme suit :
"Et ainsi, cette légère
erreur, si elle n'est pas corrigée, a le pouvoir (comme le levain a avec la
pâte) de vous conduire dans le judaïsme complet.
Et voici l'explication du
bienheureux Théophylacte de Bulgarie :
"Cette circonstance
apparemment insignifiante cause un préjudice important. Car le levain, aussi
petit soit-il, peut fermenter et changer la pâte, si bien que la
circoncision (6), bien qu'elle ne
soit qu'un enseignement, peut vous conduire au judaïsme complet." [ et vous faire édulcorer le message du
Christ, en retournant vers l’Ancienne Loi ! ndt]
Comparer le rôle d'un Patriarcat
dans l'Église avec la circoncision qui peut conduire au judaïsme est certes
audacieux, mais en fait, nous le répétons, ce que le Patriarche Bartholomée
voulait dire est clair.
Plus loin dans le texte de son
discours, le Primat de l'Église de Constantinople a souligné plus d'une fois
que son Église, et il veut dire son propre trône, a une place sacrée spéciale
dans toute l'Église orthodoxe:
"Premier trône de l'Orthodoxie, le Patriarcat œcuménique exerce un
ministère prophétique, étendant le mystère de l'Église catholique en
Jésus-Christ dans le monde entier à chaque époque. (7) "
"Au commencement était la Parole... en lui était la vie, et la vie
était la lumière des hommes." (Jean 1.1,4) Le Patriarcat œcuménique est à
l'origine de l'Église orthodoxe : "En ceci est la vie, et la vie est la
lumière des Églises". Le regretté Métropolite Kyrillos de Gortyna et
d'Arcadie, cher Hiérarque de l'Eglise Mère et ami personnel, a eu raison de
souligner que "l'Orthodoxie ne peut exister sans le Patriarcat œcuménique ." (8)
Le Patriarche Bartholomée parle
partout, semble-t-il, du Patriarcat, et non d'un Patriarche de Constantinople.
Nous voyons ici une mise en garde importante : une déclaration du Patriarcat
œcuménique "Comme premier trône de l'Orthodoxie".
En d'autres termes, le discours
ne portait pas simplement sur les droits et privilèges exclusifs de l'Église de
Constantinople, ce qui serait en soi une grave entorse à la vérité
ecclésiastique, mais il allait jusqu'à parler d'être "le premier trône de
l'Orthodoxie", tout comme le "trône apostolique" de l'Église
catholique romaine.
Ainsi, selon le Patriarche Bartholomée et sa doctrine incontestée :
La Synaxe des hiérarques de
l'Église de Constantinople, le Trône de Constantinople, occupent une position
et des prérogatives exceptionnelles et uniques dans l'Église, qu'aucun autre
trône ou Église locale ne possède.
La condition préalable à
l'existence même de l'Église universelle [œcuménique] est la présence du Trône
de Constantinople en elle, c'est-à-dire que sa présence dans l'Église est le
critère même de la vérité de cette dernière. Sans ce trône, l'existence de
l'Orthodoxie est impossible ! C'est le levain qui forme l'Église même du Christ
et son histoire.
Le Trône de Constantinople est le
commencement mystique de l'Église orthodoxe, tout comme le Dieu Parole l'était
au début de tout. Et tout comme dans le Christ "il y a la vie" qui
"est la Lumière de l'homme", le Patriarcat de Constantinople a une
vie particulière qui lui est propre, étant la lumière des autres Églises.
Par conséquent, la conclusion
logique est que le trône patriarcal de Constantinople a un droit unique, unique
pour le "premier trône de l'Orthodoxie" - le droit à l'enseignement
extraterritorial [hors de son territoire juridictionnel], (9) universel dans le
monde entier à tout moment.
Les prétentions administratives
papistes du Patriarche de Constantinople s'expriment dans ces paroles de son
discours :
"Le Patriarcat œcuménique jouit de la juridiction canonique et de
tous les privilèges apostoliques dans sa responsabilité de sauvegarder l'unité
et la communion des Églises locales, mais aussi pour l'ensemble du cheminement
de l'Orthodoxie dans le monde et dans l'histoire contemporaine. Dans cet
esprit, en tant que Président du corps de l'Orthodoxie, le Patriarche
œcuménique a convoqué le Saint et Grand Conseil en Crète en juin 2016, le plus
grand événement ecclésiastique de ces dernières années. " (10)
"Le Patriarcat œcuménique a la responsabilité de mettre les choses
dans l'ordre ecclésiastique et canonique parce qu'il est le seul à avoir le
privilège canonique ainsi que la prière et la bénédiction de l'Église et des
Conciles œcuméniques pour accomplir ce devoir suprême et exceptionnel en tant
que mère nourricière et donatrice des Églises. Si le Patriarcat œcuménique nie
sa responsabilité et se retire de la scène interorthodoxe, les Églises locales
agiront "comme des brebis sans berger" (Mt 9,36), dépensant leur
énergie dans des initiatives ecclésiastiques qui confondent humilité de la foi
et arrogance du pouvoir .(11)
Ainsi, l'autorité administrative
du trône de Constantinople, conformément à la doctrine du papisme oriental [et
décrite ci-dessus], comprend :
Privilège apostolique et
juridiction ecclésiastique sur toute l'Eglise, en matière de préservation de
l'unité de l'Eglise et de communion des Eglises locales. C'est-à-dire, sans
parler dans le style "élevé" du Phanar, cela signifie que le Phanar
est la cathèdre apostolique [siège épiscopal] fondatrice, dont la communion
détermine l'appartenance d'une Église locale particulière à l'unité de l'Église
orthodoxe. Ainsi, la communion de l'Église locale se fait à travers la
Cathédrale de Constantinople. L'expression "juridiction canonique"
souligne la position subordonnée des Églises locales au Phanar dans ce schéma.
Le trône de Constantinople est le
chef ou "président du corps de l'Orthodoxie" avec la seule
prérogative de convoquer des conciles panorthodoxes (et œcuméniques).
Le trône de Constantinople se
donne les droits les plus vagues mais les plus exclusifs de "mettre les
choses dans l'ordre ecclésiastique et canonique " (12). Il souligne
expressément que "lui seul " (13) a ce droit sur toute l'Eglise, et
la source de son "privilège canonique" est "la prière et la
bénédiction de l'Eglise et des Conciles œcuméniques". Ceci déclare en fait
son pouvoir illimité dans toute l'Eglise, dans la mesure où tout ce qui s'y
trouve peut être inclus sous [la disposition et le prétexte de] l'ordre
ecclésiastique (14). Ceci souligne particulièrement l'autorité du Phanar dans
les questions canoniques. Le "devoir" de la Cathédrale de
Constantinople - établissement d'un "ordre ecclésiastique et canonique"
dans toute l'Église - est "suprême (15)", c'est-à-dire qu'elle possède
un caractère suprême et incontestable.
L'Église de Constantinople est
"Mère et donatrice des Églises (16)". Ce que le Patriarche
Bartholomée voulait dire ici, n'est pas tout à fait clair: soit que lui seul a
le pouvoir exclusif d'accorder l'autocéphalie à toute nouvelle Église locale
dans le monde, soit que toutes les Églises locales ont le Patriarcat de
Constantinople comme source de leur origine et de leur genèse. Si l'on se base
sur les autres matériaux de la synaxe, une chose est certaine : Le Patriarche
de Constantinople déclare qu'il est le possesseur exclusif du droit d'accorder
et de reconnaître l'autocéphalie des Églises locales naissantes, tout en
définissant et en modifiant les frontières canoniques des Églises existantes !
Et enfin, point central de tout
cela - l'affirmation qu'en l'absence du Patriarcat œcuménique, "les
Églises locales agiront "comme des brebis sans berger" (Mt
9,36)". C'est-à-dire que le trône de Constantinople est déclaré pasteur
suprême de toute l'Église orthodoxe, par rapport à laquelle les Églises locales
avec tous leurs Patriarches et Primats ne sont qu'un troupeau, des brebis,
obéissant à la voix du berger.
Le dernier privilège que le Patriarche
Bartholomée attribua à sa cathédrale fut la plus haute autorité ecclésiastique
d'appel judiciaire dans l'Église du Christ !
"Nous imaginons que tous les Hiérarques servant dans la
juridiction du Trône œcuménique savent très bien que le 4ème Concile
œcuménique, entre autres décisions, a honoré le privilège exceptionnel du
"droit d'appel" (ekkliton) du Trône de Constantinople avec les
décrets des 9ème et 17ème Canons. De nombreux exemples de l'exercice de ce
droit d'appel par les hiérarques et le clergé d'autres juridictions ont été
enregistrés au cours des siècles dans le parcours historique de l'Église Mère.
Il convient de mentionner ici la détermination du canoniste Miodrag Petrovic,
selon laquelle "l'archevêque de Constantinople a seul le privilège de
juger et de se prononcer sur les conflits des évêques, du clergé et des
métropolites d'autres Patriarches". (Nomocanon sur les 14 titres et les
commentateurs byzantins, p. 206) " (17)
"Le très révérend évêque Kyrillos, professeur à l'Université
Nationale et Capodistrienne d'Athènes, professeur à l'Université Nationale et
Capodistrienne d'Athènes, fervent érudit de la parole et de l'écrit, abordera
le privilège unique de l'Église de Constantinople de recevoir, dans sa
présentation intitulée "Le privilège d'Ekkliton (droit d’appel): perspectives historiques, canoniques et
théologiques", le recours des hiérarchies et des clergés à la protection
des églises locales orthodoxes. Nous attendons avec impatience son analyse à ce
sujet... " (18)
Une telle doctrine délibérément
exprimée des privilèges et des pouvoirs du trône de Constantinople porte
l'influence claire et le symptôme de la doctrine catholique romaine de la
papauté. Bien sûr, il y a une différence, mais les multiples similitudes et
relations des deux doctrines dogmatiques indiquent clairement qu'il s'agit de
deux sous-espèces du même faux enseignement.
Examinons la vision catholique
romaine de la papauté.
Le papisme romain classique
La constitution dogmatique du Pastor Aeternus du Concile Vatican I
affirme :
"Et, pour que l'épiscopat
soit aussi un et indivis, et pour que, par un sacerdoce étroitement uni, la
multitude des fidèles soit maintenue en sécurité dans l'unité de la foi et de
la communion, il mit le bienheureux Pierre au-dessus des autres apôtres. Et Il
fixa en lui le principe constant de cette double unité avec son fondement
visible... (Latin : perpetuum principium ac visibile fundamentum...).
...Il a donc toujours été
nécessaire que chaque Église - c'est-à-dire les fidèles de partout - soit
d'accord avec l'Église romaine, en raison de la plus grande puissance de la
principauté qu'Elle a reçue, afin que, tous réunis dans l'unité de ce Siège, de
la vénération de laquelle les droits de communion découlent pour tous,
s'unissent étroitement comme membres de la tête, dans l'unité compacte du
corps...
...Nous renouvelons la définition
du Concile œcuménique de Florence, en vertu duquel tous les fidèles du Christ
doivent croire que le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain ont la
primauté sur le monde entier, et que le Pontife romain est le successeur du
Bienheureux Pierre, Prince des Apôtres, et le vrai Vicaire du Christ, et le
Chef de l'Église entière, Père et Professeur de tout chrétien ; et que la
pleine puissance lui a été donnée, dans le bienheureux Pierre, par Jésus-Christ
notre Seigneur, pour paître, diriger et gouverner l'Église universelle, comme
cela est aussi contenu dans les actes des Conciles généraux et dans les canons
sacrés...
...les pasteurs et les fidèles,
individuellement et collectivement, sont tenus, par leur devoir de
subordination hiérarchique et d'obéissance véritable, de se soumettre, non
seulement dans les matières qui appartiennent à la foi et à la morale, mais
aussi dans celles qui relèvent de la discipline et du gouvernement de l'Église
dans le monde entier, afin que l'Église du Christ soit un troupeau sous un même
pasteur suprême...
...Et puisque, par le droit divin
de primauté apostolique, le Souverain Pontife romain est placé sur l'Église
universelle, Nous enseignons et déclarons en outre qu'il est le juge suprême
des fidèles, et qu'en toutes causes, dont la décision appartient à l'Église, on
peut avoir recours à son tribunal...
... le pouvoir suprême de
l'enseignement est également inclus dans la primauté apostolique que le Pontife
romain, en tant que successeur de Pierre, Prince des Apôtres, possède sur toute
l'Église... " (19).
L'apologiste pontifical Joseph de
Maistre a écrit : "Le Pape est indispensable. Il est le seul Père
exceptionnel du christianisme... sans lui, l'unité disparaît, et cela signifie
aussi l'Église !"
Le véritable sens des 9e et 17e Canons du IVe Concile œcuménique
Dans la conclusion de cette
"humble" analyse de la confession de l'hérésie du papisme oriental,
qui a eu lieu à la Synaxe des hiérarchies dirigeantes du Patriarcat de
Constantinople, il est crucial de répondre à la fausse interprétation du Patriarche
Bartholomée des 9e et 17e Canons du IVe Concile œcuménique.
Ceux-ci donneraient au Patriarcat
de Constantinople le droit spécial d'être la cour d'appel suprême de l'Église, et
y compris le droit de réviser les tribunaux ecclésiastiques des autres Patriarches
et Primats des Églises locales orthodoxes. Voici des extraits des textes de ces
canons :
Le neuvième canon : ... Si, par
contre, un ecclésiastique a un différend avec son propre évêque, ou avec un
autre évêque, qu'il soit jugé par le Synode de la province. Mais si un évêque
ou un ecclésiastique a un différend avec le Métropolite de la même province,
qu'il s'adresse soit à l'Exarque du diocèse, soit au trône de la capitale
impériale Constantinople, et qu'il soit jugé devant lui. (20)
Mais si quelqu'un a été injustement
traité par son propre Métropolite, qu'il se plaigne à l'Exarque du diocèse, ou
qu'il fasse juger son cas devant le trône de Constantinople, selon son choix...
" (21).
Ce canon est réinterprété en ce
sens que les clercs et les évêques ont le droit de défier les tribunaux de
leurs propres Patriarches par l'intermédiaire du Patriarche de Constantinople.
Ce malentendu est corroboré par
le fait que le(s) " Exarque(s) du (des) grand(s) diocèse(s)22 " sont
considérés comme des Patriarches (23). Seul Aristenos adhère à cette vision des
trois interprètes classiques des canons. Mais il n'y a aucune raison d'appeler
d'autres Patriarches Exarques, nulle part ailleurs dans les canons des conciles
œcuméniques cela n'a lieu.
Deux autres interprètes des
canons, Balsamon et Zonaras, précisent que lorsqu'il est dit "Exarques",
il se réfère aux Métropolites des diocèses plus grandes cathedrae et - dans le
corps du Patriarcat de Constantinople, dont le territoire canonique fut formé
précisément par le IVe Concile œcuménique (voir le 28e Canon du IVe Concile
24).
Il s'agit donc de parler du droit
du Patriarcat de Constantinople en tant que cour d'appel au sein de son propre
Patriarcat, et non d'autres Patriarcats.
Sinon, une situation absurde est
patente : ces canons donnent au Patriarche de Constantinople le droit d'être la
plus haute autorité d'appel judiciaire, par rapport à l'Église romaine, et aux
évêques de Rome, qui à l'époque [à l'époque du IVe Concile œcuménique]
occupaient sans conteste la première place dans le Diptyque des Églises.
Balsamon, interprétation du 9ème
Canon : L'Exarque d'une région (Russe : Okroug) n'est pas, je pense, un Métropolite
de chaque province (Russe : Oblast'), mais le Métropolite de la Région entière.
Et une région comprend de nombreuses provinces. (25) Maintenant, le privilège
ou l'avantage des Exarques n'a aucun effet ; car bien que certains Métropolites
soient appelés Exarques, ils n'ont pas d'autres Métropolites dans leur région
qui leur sont subordonnés. Donc, très probablement, à cette époque, il y avait
une sorte différente d'Exarques régionaux ; ou tout de même, les privilèges qui
leur étaient accordés par les canons ont cessé d'agir.
Zonaras, interprétation du 17ème
Concile : Ainsi, l'idée de cette règle sur la séparation des tribunaux serait
la suivante : lorsqu'un évêque a un litige avec un autre évêque, ou un clerc
avec un évêque, alors le Métropolite, ce que les canons appellent l'Exarque de
la région, les jugera. Mais quand un évêque a une accusation contre son Métropolite,
les canons la confient à la cour du Patriarcat de Constantinople. Mais le Patriarche
de Constantinople n'est pas envoyé comme juge sur tous les Métropolites sans exception
- seulement sur ses subordonnés. Car il ne peut pas amener à sa cour les Métropolites
de Syrie, ni la Palestine et la Phénicie, ni l'Egypte contre leur volonté ;
mais plutôt les Métropolites de Syrie sont soumis à la cour du Patriarche
d'Antioche, et les Palestiniens à la cour du Patriarche de Jérusalem, et les
Egyptiens doivent aller au Patriarcat d'Alexandrie, par qui ils ont été
ordonnés et auxquels ils sont assujettis. D'autres Exarques, par exemple,
l'évêque de Césarée de Cappadoce, d’Ephèse, de Thessalonique et de Corinthe
étaient aussi appelés Exarques, qui avaient donc le privilège de porter le
Polystavrion (26) dans leurs églises".
Saint Nicodème de la Sainte Montagne
Saint Nicodème de la Sainte
Montagne brise de façon plus décisive la fausse interprétation des 9e et 17e
canons dans le célèbre "Pedalion"[Recueil des canons de l’Eglise et
leur interpréàtation], le monument canonique de la fin du 18e siècle, qui fait
d'ailleurs autorité dans les églises grecques :
Comme des abeilles autour d'une
ruche, diverses opinions ont entouré cette partie du Canon actuel. Car nos
propres autorités, opposées au pouvoir et à la primauté du Pape, et désireuses
d'honorer le Patriarche de Constantinople, ont eu tendance à exagérer ; c'est
pourquoi Macaire l'Evêque d'Ancyre comprend par "Exarques du diocèse"
les autres Patriarches, tandis que le Patriarche de Constantinople renvoie le
dernier appel, et il veut être le chef et juge suprême sur tous les Patriarches.
Macaire a été suivi également par Alexios dans "Histoire", et par
Nicholas l'évêque de Méthone dans ses écrits contre le principe du Pape.
Les papistes, qui veulent, encore
une fois, établir le statut monarchique du Pape, suivent nos autorités et
admettent que l'évêque [ Patriarche] de Constantinople est juge en chef sur
tout, parce que l'évêque de Rome[Pape] est premier[en honneur] selon ces mêmes
canons, même sur l'évêque de Constantinople. L'évêque de Rome est donc le juge
ultime et commun de tous les Patriarches, et même du Patriarche de Constantinople
en ce qui concerne la juridiction ; et c'est donc à lui que doit s'adresser
l'appel de tous les Patriarches de la terre habitée (appelé en grec "Œcumene").
Tous ces hommes, cependant,
errent loin de la vérité. Constantinople n'a aucune autorité pour officier dans
les diocèses et paroisses (ou districts) des autres Patriarches, et ce canon ne
lui a pas donné le droit d'appel final dans toute l'Eglise. Ceci ressort
clairement de ce qui suit :
1)Dans le quatrième acte de
l'actuel Concile de Chalcédoine, l'évêque de Constantinople Anatole fut blâmé
par les dirigeants ainsi que par l'ensemble du Concile pour avoir outrepassé
ses limites et pris Tyr à son évêque - Photius, et l'avoir remis à Eusèbe,
l'évêque de Beyrouth, ayant déposé et excommunié Photius. Bien qu'il ait donné
de nombreux prétextes, malgré cela, tout ce qu'il avait fait a été annulé et
invalidé par le Concile, et Photius fut justifié, et il reçut en retour
l'épiscopat de Tyr. C'est pourquoi Isaac, évêque d'Éphèse, a dit à l'empereur
Michel Ier Paléologue, le premier des paléologues, que l'autorité de l'évêque
de Constantinople ne s'étend pas sur les Patriarcats d'Orient (selon
Pachymères, Livre 6, Chapitre 1).
2) Les lois civiles et impériales
ne stipulent pas que seuls le jugement et la décision du seul Patriarche de
Constantinople ne sont pas susceptibles d'appel, mais se contentent de dire
indéfiniment (de façon illimitée) "tout Patriarche ou tous
Patriarcats" au pluriel....
Ainsi, selon les lois de ces
empereurs, qui sont en accord avec les canons sacrés, les décisions de tous les
Patriarches sont insusceptibles d'appel, ou, en d'autres termes, elles ne
peuvent être portées devant la cour d'un autre Patriarche pour révision,
comment le Patriarche de Constantinople peut-il alors leur accorder une
audience et les réviser ? Et si l'actuel canon de ce Quatrième Concile, comme
le 17e canon, avait pour but de donner au Patriarche de Constantinople le
pouvoir de faire appel aux autres Patriarches, comment les empereurs
auraient-ils pu décréter l'opinion diamétralement opposée et contraire, à une
époque où ils savaient bien que les lois civiles en désaccord avec les canons
étaient considérées comme invalides ?
3) Si nous sommes d'accord avec
les papistes susmentionnés, que le Patriarche de Constantinople peut juger les
autres Patriarches, et qu'il peut revoir leurs décisions et leurs jugements,
alors, puisque le canon ne fait pas exception pour l'un ou l'autre Patriarche,
il est donc, conclusion logique, considéré avoir le droit de juger l'Evêque de
Rome lui-même, et le Patriarche de Constantinople devient ainsi le premier et
le dernier juge commun à tous les Patriarches, et même au Pape lui-même.
Et ainsi, cherchant à justifier
la monarchie de Rome avec ces supercheries, ils sont en fait en train de
détruire et de démolir leur propre argument avec ces mêmes supercheries.
4) Si personne - ni un Métropolite
ni un Patriarche - n'a le droit d'imposer quoi que ce soit aux Églises en
dehors de sa juridiction, mais seulement à celles qui se trouvent à l'intérieur
des frontières et qui lui sont soumises, selon les 34e et 35e Canons des
Apôtres, et les Canons 6 et 7 du Premier Concile œcuménique, ainsi que 3-8 du
Deuxième Concile Œcuménique, 20, 36 et 39 du Sixième Concile Œcuménique, 3, 11
et 12 du Synode de Sardes, 9 d'Antioche, ainsi que d'autres, comment le Canon
actuel ou d'autres peuvent-ils décider et ordonner l’opposé et le contraire de
tout cela ?
5) Si Constantinople avait reçu
un tel privilège, comment se fait-il que les Patriarches de Constantinople,
lorsqu'ils se disputaient souvent avec le Pape, n'aient pas revendiqué un tel
droit, mais aient simplement insisté pour que les privilèges de tous soient
égaux ? Ou comment se fait-il que d'autres chrétiens, au milieu de leurs
querelles et de leurs différences, disent que le Patriarcat de Constantinople
est plus grand que celui de Rome ?
Et c'est ainsi que le Seigneur
vit ! Il vit ! La véritable explication du Canon est la suivante :
L'Exarque du Diocèse, selon
Balsamon, n'est pas le Métropolite de la province (puisqu'un diocèse comprend
plusieurs provinces et métropoles), mais le Métropolite du Diocèse n'est pas
non plus le Patriarche, comme le montre le 6ème Canon du Deuxième Concile
Œcuménique.
Si quelqu'un déshonore tous les
évêques du diocèse, cela revient à dire l'Exarque du diocèse, ce que dit
d'ailleurs le Canon actuel ; alors qu'un Synode du diocèse et un Exarque du
diocèse occupent une position différente de celle tenue par chaque Patriarche
et les évêques qui lui sont soumis.
Ainsi, l'Exarque d'un diocèse est
le Métropolite du diocèse, qui a un certain privilège par rapport aux autres Métropolites
du même diocèse.
Mais ce privilège des Exarques
n'est pas en vigueur aujourd'hui. Car si certains Métropolites sont appelés Exarques,
les autres Métropolites de leur diocèse ne leur sont en fait pas subordonnés.
Ainsi, selon ce que dit Balsamon,
les Exarques des diocèses ont perdu leurs privilèges, soit immédiatement, soit
peu de temps après la tenue de ce quatrième Concile œcuménique.
C'est pourquoi Justinien ne le
mentionne pas dans ce qu'il dit sur les litiges entre ecclésiastiques, alors
qu'il énumère les autres cours ou tribunaux des ecclésiastiques.
Il est donc évident que le Canon
signifie que si un évêque ou un ecclésiastique a un litige ou un différend avec
le Métropolite d'un diocèse, qu'il s'adresse à l'Exarque du diocèse : ce qui
revient à dire que les ecclésiastiques et les Métropolites soumis au trône de
Constantinople doivent faire juger leur cas soit devant l'Exarque du diocèse où
ils sont situés ou devant l'Evêque de Constantinople, comme leur Patriarche
personnel.
Il n'a pas dit que si un membre
du clergé a une dispute ou un différend avec le Métropolite d'un autre diocèse,
ou si un Métropolite a une dispute ou un différend avec le Métropolite d'un
diocèse ou d'une paroisse quelconque, il doit être jugé devant l'évêque de
Constantinople.
Il n'a pas dit non plus qu'il
devait d'abord faire appel à l'Exarque du diocèse, puis à l'Évêque de
Constantinople, car le Pape Nicolas déforme le Canon ; mais, au contraire, il a
laissé au choix de ceux qui doivent être jugés le soin de déterminer, sur un
pied d'égalité, s'ils doivent ou non se présenter devant l'Exarque du diocèse
ou devant l'Évêque de Constantinople et être jugés exactement de la même
manière et d’une manière égale aussi bien devant l'un que devant l'autre.
C'est pourquoi Zonaras, dans son
interprétation du 17e Canon du 4e Concile œcuménique, dit que l'évêque de
Constantinople n'a pas nécessairement le droit de siéger comme juge sur tous
les métropolitains, mais seulement sur ceux qui lui sont légalement soumis.
Et dans son interprétation du
5ème Canon de Sardique, il dit aussi :
"L'évêque de Constantinople
ne peut entendre que les appels de ceux qui sont soumis au Siège de
Constantinople, précisément comme l'évêque de Rome ne peut entendre que les
appels de ceux qui sont soumis au Siège de Rome."
Or, maintenant que le Synode et
l'Exarque du diocèse ne sont plus actifs ou en vigueur, l'évêque de
Constantinople est le premier et le seul et unique juge des Métropolites sous
sa direction, mais pas de ceux des autres Patriarches.
Car c'est seulement un concile
œcuménique qui est le juge ultime et le plus commun de tous les Patriarcats comme nous l'avons dit.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
1 Le pouvoir d'appel judiciaire,
ou compétence d'appel, est le droit d'un tribunal ou d'une autorité de
jugement, en l'occurrence un patriarcat, d'entendre les appels interjetés par
les "tribunaux inférieurs". Cela comprend la révision de leurs
décisions et même leur modification. En d'autres termes, le Patriarcat œcuménique
se considérerait comme la "Cour suprême" du monde orthodoxe, capable
de revoir et de changer les réalités des autres Eglises nationales. Cela n'est
pas conforme aux Canons orthodoxes, dans lesquels le Patriarcat œcuménique
n'occupe qu'une haute position honorifique et symbolique. Comme nous l'avons
déjà dit à ce sujet, il ne faut pas confondre "symbolisme et réalité"
http://orthochristian.com/115189.html
( en anglais)
2 Dans ce contexte, le diptyque
ne fait pas référence à une icône pliante, mais plutôt à une liste,
traditionnellement à deux côtés, contenant des noms à commémorer des vivants et
les défunts. Dans ce contexte spécifique, il se réfère à la liste formelle de
tous les Patriarches et Primats de l'Église orthodoxe universelle, qui sont en
communion avec l'Orthodoxie universelle. Leurs noms sont énumérés par ordre de
"primauté" parmi les églises locales autocéphales, mais cette
primauté est celle de l'honneur, et chaque évêque est également
"premier" dans sa propre juridiction, conformément au droit canon.
Ces noms sont ensuite commémorés lors des services hiérarchiques, ou bien chaque
fois que tous les Primates sont commémorés. La présence du nom d'un évêque dans
ce diptyque signifie que l'église est en communion avec lui, et le retrait,
comme avec le Pape après le schisme, indiquerait une rupture de communion.
Voici un exemple de Diptyque en anglais, de l'OCA :
https://oca.org/liturgics/music-downloads/diptychs
3 Podvig est un mot russe souvent
considéré comme intraduisible, mais qui signifie en gros un exploit ou une
action spirituelle de valeur. C'est le mot qui fait référence à la lutte des
martyrs, mais aussi à la souffrance nationale et au renversement du nazisme
dans la Grande Guerre Patriotique (Seconde guerre Mondiale), qui a causé la
mort d'au moins 20 millions de personnes sur les terres de Rus’. Son
utilisation ici montre seulement comment les orthodoxes très sérieux ont
souffert et lutté pendant des siècles contre l'oppression papiste de l'Ukraine
à la Roumanie et à l'Empire byzantin/au Moyen Orient pendant les croisades.
5 Saint Paul avertit (en Galates
5) que la circoncision n'a aucun rapport avec l'Église du Christ. Il dit que la
circoncision "ne vous servira à rien", donc la circoncision elle-même
peut être une petite affaire... mais... si quelqu'un devient trop radical et
légaliste avec elle, c'est-à-dire en l'exigeant ou en l'interdisant, cela peut
conduire à l'hérésie...
6 Voir ci-dessus.
8 Ibid.
9 En Orthodoxie, un évêque n'a
pas le droit d'envoyer des représentants ou d'interférer de quelque façon que
ce soit avec le territoire canonique d'un autre évêque.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Ibid.
14 En d'autres termes, selon
cette logique, le Patriarche œcuménique aurait le droit d'intervenir dans les
activités de n'importe quelle Église du monde, à condition de citer le prétexte
de "remettre les choses dans l'ordre ecclésiastique". En fait, cela
lui donne un pouvoir illimité, car presque toutes les matières peuvent être
considérées comme telles.
15 Ces affirmations citées sur
les devoirs suprêmes et "lui seul" possédant ce "privilège
canonique" ne sont pas l'opinion ou l'interprétation des auteurs, elles
sont tirées directement du discours lié du Patriarche de Constantinople :
https://www.uocofusa.org/news_180901_1.html
16 Ibid. (Voir ci-dessus)
18 Ibid.
22 Le mot slave
"Oblast", utilisé dans l'article original, ne signifie pas dans ce
contexte province, comme le mot russe moderne oblast, mais plutôt
"diocèse" d'où la forme slave traditionnelle de commémoration d'un
évêque "имярек егоже есть есть область". Dans une traduction russe
des explications des canons des conciles œcuméniques, le mot
"diocèses" (éparchie) est utilisé à la place du mot "oblast
slave", qui a une signification différente en russe ( province).
23 En d'autres termes, cela donne
le droit de faire appel des décisions de l'Exarque diocésain au sein du
Patriarcat de Constantinople devant le Patriarche de Constantinople. Cela ne
signifie PAS qu'un individu d'une autre église locale peut faire appel des
décisions de son Patriarche/Conseils locaux de l'église, au Patriarche de
Constantinople, parce que les Patriarches ne sont évidemment pas des Exarques
diocésains communs, ils sont les leaders des Églises locales.
25 Ici, le mot russe moderne
"Oblast" est utilisé à la place du mot slave, et il a donc été
traduit comme province. Le mot Okroug se traduit ici par région. Okroug en russe
moderne est souvent utilisé comme "district fédéral" où il se réfère
à de grandes régions de la Russie, qui contiennent de nombreuses provinces,
d'une manière similaire à la façon dont les Anglais ont utilisé les termes :
Midlands, Côte Ouest, etc.
26 Un vêtement épiscopal spécial
avec de nombreuses croix, d'où son nom.
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