Dans une interview au quotidien allemand Bild, publiée le 11 janvier, Vladimir Poutine est revenu sur l’année éco, les tensions internationales, le rôle de l’OTAN et la phobie des chiens d’Angela Merkel. Le Courrier de Russie a sélectionné et traduit les passages les plus marquants.
Sur les relations Russie-Occident
Depuis le début [la fin de la Guerre froide, ndlr], nous avons échoué à surmonter les divisions en Europe. Il y a 25 ans, le mur de Berlin s’effondrait, mais des murs invisibles se sont déplacés vers l’Est de l’Europe, et ont posé les prémices de futures crises et incompréhensions mutuelles.
Sur l’OTAN
À la chute du mur de Berlin, on a entendu dire que l’OTAN ne s’élargirait pas à l’Est. Si mes souvenirs sont bons, c’est ce qu’avait déclaré Manfred Wörner, alors secrétaire général de l’Alliance. Certains politiques allemands de l’époque, notamment Egon Bahr, avaient mis en garde contre un possible élargissement et proposé des solutions.
M. Bahr avait notamment déclaré, le 26 juin 1990, lors de sa rencontre avec les politiques allemands Hans-Dietrich Genscher et Helmut Kohl et les dirigeants soviétiques Mikhaïl Gorbatchev et Valentin Faline, alors directeur du département international du Comité central : « Si aucune mesure décisive n’est prise pour éviter la scission de l’Europe en blocs ennemis lors de la réunification de l’Allemagne, l’URSS risque d’être condamnée à l’isolement international. »
M. Bahr proposait des mesures concrètes. Il parlait de la nécessité de créer une nouvelle union, distincte de l’OTAN, au cœur de l’Europe. Toute l’Europe centrale, avec ou sans l’Allemagne de l’Est, devait former cette nouvelle union avec l’Union soviétique et les États-Unis. Voici ce qu’il disait : « En tant qu’organisation dotée de structures militaires, l’OTAN ne doit pas s’étendre en Europe centrale. »
C’était déjà un patriarche de la politique européenne, avec sa propre vision de l’avenir de l’Europe. Il disait à ses collègues soviétiques : « Si vous n’êtes pas d’accord et que vous approuvez l’élargissement de l’OTAN, si l’Union soviétique l’approuve, alors je ne viendrai plus à Moscou. » Il était très intelligent. Il voyait alors le sens profond des événements en cours, et était convaincu qu’il fallait changer totalement de format pour tourner la page de la Guerre froide. Ce que nous n’avons pas fait.
Et que s’est-il passé ? Précisément ce qu’avait prédit M. Bahr, qui affirmait qu’il ne fallait pas développer la structure militaire du bloc nord-atlantique à l’Est mais créer une union qui comprendrait l’ensemble de l’Europe. Il n’en a rien été. C’est même exactement l’inverse qui s’est produit, ce contre quoi il avait mis en garde : l’OTAN a commencé à se développer et à s’élargir à l’Est.
Nous avons entendu mille fois ce mantra, répété par les politiques américains et européens : les pays ont le droit de choisir seuls la façon dont ils garantissent leur sécurité. Nous le savons, c’est vrai. Mais il est aussi vrai que les autres pays ont le droit de décider d’élargir ou non leur propre organisation, d’agir dans ce qu’ils estiment être l’intérêt de la sécurité internationale. Les principaux membres de l’OTAN pourraient dire : « Nous sommes ravis que vous souhaitiez vous joindre à nous, mais non – nous n’avons pas l’intention d’élargir notre organisation, nous voyons un autre avenir pour l’Europe. »
La charte de l’OTAN stipule-t-elle que l’organisation doit accueillir tous ceux qui souhaitent y entrer ? Non. Il y a des critères, des conditions. S’il y avait eu une volonté politique, ils auraient pu tout faire. Mais ils ne le voulaient pas, tout simplement. Ils voulaient régner, dominer. Ils voulaient s’asseoir sur le trône. Et ensuite ? Aujourd’hui, nous discutons de situations de crise.
Sur le bouclier antimissile
En matière de sécurité, outre l’élargissement de l’OTAN à l’Est, nous avons vu apparaître le système de défense antimissile, qui se développe en Europe sous prétexte de contrer la menace nucléaire iranienne. En 2009, le président américain Barack Obama avait déclaré que si cette menace disparaissait, il n’y aurait plus aucune raison de créer ce système de défense antimissile.
Un accord a été signé avec l’Iran, on examine aujourd’hui la question de la levée des sanctions, tout cela sous le contrôle de l’AIEA, et un premier chargement d’uranium a déjà été transféré à la Russie. Or, le bouclier antimissile continue d’être développé. Des accords bilatéraux ont été signés avec la Turquie, la Roumanie, la Pologne et l’Espagne. En Espagne, des forces navales sont déployées pour la défense antimissile. Une zone de déploiement de missiles a déjà été créée en Roumanie, une autre doit apparaître en Pologne vers 2018, et un radar est installé en Turquie.
Sur son "changement de rhétorique "
Je n’ai jamais changé. Encore aujourd’hui, je me sens jeune. J’étais et je reste l’ami de Schröder. Rien n’a changé. Les relations entre États se construisent quelque peu différemment de celles entre personnes. Je ne suis pas un ami, ni une fiancée, ni un fiancé, je suis le président de la Fédération de Russie. Soit d’un pays de 146 millions d’habitants, avec leurs propres intérêts, que je me dois de défendre. Nous sommes prêts à le faire non de façon conflictuelle mais en cherchant des compromis, sur la base, bien entendu, du droit international, compréhensible pour tous de façon univoque.
Nous sommes confrontés à des menaces communes et nous continuons d’aspirer à ce que tous les États, en Europe et dans le reste du monde, unissent leurs efforts pour lutter contre ces menaces. Il s’agit évidemment du terrorisme, mais aussi de la criminalité, de la traite des êtres humains, de la lutte pour l’environnement – tous ces phénomènes demeurent des problèmes communs. Mais cela ne signifie pas que nous devions à chaque fois être tous d’accord sur ces questions ou sur d’autres.
Si notre position ne plaît pas à certains, nous qualifier systématiquement d’ennemis n’est pas la meilleure solution. Ne vaudrait-il pas mieux, parfois, écouter, réfléchir de façon critique, concéder certains points et chercher des solutions communes ? C’est précisément ce dont j’ai parlé à New York, lors de la 70e session de l’Assemblée générale de l’ONU.
Nous étions vivement opposés à ce qui s’est passé en Irak, en Libye et dans plusieurs autres pays. Nous avons dit : il ne faut pas faire cela, il ne faut pas intervenir là-bas, il ne faut pas commettre cette erreur. Personne ne nous a écoutés ! Au contraire, notre position a été jugée « anti-occidentale ». Mais aujourd’hui, alors que vous avez des centaines de milliers, voire déjà un million de réfugiés, qu’en dites-vous ? Notre position était-elle vraiment « anti-occidentale » ?
Sur la Crimée
Vladimir Poutine : Qu’entendez-vous en parlant de « Crimée » ?
Bild : Le changement des frontières.
V.P. : Eh bien, pour moi, « la Crimée », cela signifie 2,5 millions de personnes qui craignaient un coup d’État, n’ayons pas peur des mots, en Ukraine. Et après le coup d’État à Kiev – car il s’agit bien d’un coup d’État, quels que soient les termes que certains utilisent pour enjoliver cette réalité –, des forces ultranationalistes sont arrivées au pouvoir et se sont tout bonnement mises à menacer la population : les Russes et les russophones qui vivent en Ukraine, de manière générale, et en Crimée, en particulier, où ils sont plus nombreux que partout ailleurs en Ukraine.
Qu’avons-nous fait ? Nous n’avons combattu personne, ni occupé quoi que ce soit, nous n’avons tiré sur personne, et personne n’a péri dans les événements survenus en Crimée. Personne ! Nous n’avons eu recours aux forces armées que pour empêcher la vingtaine de milliers de soldats ukrainiens qui se trouvaient sur ce territoire d’interférer avec l’expression de la volonté des habitants. Ces derniers ont participé à un référendum et ont voté. Ils voulaient faire partie de la Russie. La démocratie est la manifestation de la volonté du peuple, les gens voulaient vivre comme ils l’avaient voté. Ce qui m’importe, ce n’est ni le territoire, ni les frontières, mais bien le sort de la population.
Le droit international n’a pas été violé en Crimée. En vertu de la charte de l’ONU, chaque peuple a droit à l’autodétermination. Dans le cas du Kosovo, la Cour internationale de justice a décidé que l’opinion des autorités centrales pouvait ne pas être prise en compte en matière de souveraineté. Le Kosovo a proclamé son indépendance et le monde entier l’a acceptée. Et savez-vous comment il l’a fait ? Par une décision du parlement. Ils n’ont même pas organisé de référendum.
Maintenant, je vous le demande : si les Kosovars ont droit à l’autodétermination, pourquoi pas les Criméens ? Si l’on veut maintenir entre la Russie et nos amis et voisins en Europe et dans le monde des relations positives et constructives, la condition sine qua non est de toujours se respecter les uns les autres, de respecter les intérêts de chacun et de s’en tenir à des règles identiques, sans les changer à chaque fois au gré des intérêts particuliers.
Sur la crise ukrainienne
Tout le monde assure qu’il faut absolument réaliser les accords de Minsk, et qu’ensuite seulement, on pourra réexaminer la question des sanctions. Mais croyez-moi, on en arrive à un théâtre de l’absurde, parce que la réalisation des principaux points ne dépend que des autorités ukrainiennes actuelles. Il ne faut pas exiger de Moscou ce qui incombe à Kiev.
Par exemple, la question la plus importante dans tout le processus de résolution de cette crise a un caractère politique, avec, en son centre, la réforme de la Constitution. C’est le onzième point des accords de Minsk, qui stipule clairement qu’une réforme constitutionnelle doit être menée en Ukraine et que les décisions à ce sujet ne doivent pas être prises par Moscou ! Prenez le texte, c’est écrit noir sur blanc : « Point 11 : Organisation d’une réforme constitutionnelle en Ukraine avec entrée en vigueur avant la fin 2015. » L’année 2015 est finie. Nos partenaires européens – aussi bien la chancelière allemande que le président français – devraient se pencher davantage sur ce problème, me semble-t-il.
Il est aussi écrit que les changements apportés à la Constitution doivent être permanents. Le gouvernement ukrainien a introduit dans la Constitution une loi conférant un statut particulier à ces territoires [Donetsk et Lougansk, ndlr]. Mais cette loi n’est valable que trois ans. Et deux ans sont déjà passés. Lors de notre rencontre à Paris, la chancelière allemande et le président français ont approuvé l’idée que cette loi devait être permanente. Pourtant, la Constitution n’a pas été votée même sous sa forme actuelle, et cette loi n’a toujours pas de statut permanent. Pourquoi exige-t-on de Moscou ce que doivent faire nos collègues de Kiev ?
Sur les sanctions
Vous savez, la population russe comprend parfaitement – avec le cœur et avec la raison – ce qui se passe. Napoléon disait que la justice était l’incarnation de Dieu sur Terre. Le rattachement de la Crimée à la Russie est une décision juste.
Concernant la réaction de nos partenaires occidentaux, il me semble qu’elle était erronée, et qu’elle visait non à soutenir l’Ukraine mais à gêner la croissance de la Russie. Ce n’est pas ainsi qu’il faut agir, c’est une grossière erreur. Il faut au contraire utiliser les capacités des uns et des autres pour encourager la croissance mutuelle, pour trouver des solutions communes aux problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.
Vous avez parlé des sanctions. Je pense qu’il s’agit d’une mesure stupide et nocive. Nos échanges commerciaux avec l’Allemagne s’élèvent à 83-85 milliards de dollars et ont créé des milliers d’emplois en Allemagne. Quelles sont les restrictions pour nous ? Ce n’est pas l’épreuve la plus difficile que nous ayons connue, mais la limitation de l’accès aux marchés financiers étrangers est aussi nocive pour notre économie.
Sur Angela Merkel
Je suis persuadé que c’est quelqu’un de très honnête. Son travail est soumis à certaines limites, mais elle aspire sincèrement, j’en suis certain, à trouver des solutions pour résoudre, entre autres, la crise dans le Sud-Est ukrainien.
Sur la peur des chiens de la chancelière allemande
Je ne savais pas [qu’elle avait peur des chiens, ndlr]. Au contraire, je voulais lui faire une bonne surprise en lui montrant mon chien. [En 2007, Poutine avait amené son labrador, Koni, lors d’une rencontre bilatérale avec Mme Merkel,ndlr]. Je me suis expliqué avec elle ensuite et lui ai présenté mes excuses.
Sur la Russie
Nous ne prétendons pas au rôle de superpuissance. Cela coûte très cher et ne mène à rien. Notre économie est la cinquième ou sixième mondiale. Elle est peut-être un peu plus faible aujourd’hui, mais nous savons très bien que nous avons d’excellentes perspectives et un très fort potentiel de développement. En termes de parité de pouvoir d’achat, nous occupons plus ou moins la sixième place mondiale.
Sur le G8
Nous prévoyions d’accueillir le G8 en 2014 [la Russie a été exclue du G8 à cause de la situation en Ukraine, ndlr]. La Russie n’est pas devenue membre à part entière du G8 parce qu’il y a toujours eu des discussions entre les ministres des affaires étrangères des sept autres pays. Je ne peux pas dire que c’est un instrument inutile. Il est toujours utile de se rencontrer, de débattre et de chercher des solutions communes.
Il me semble que la présence de la Russie était tout de même nécessaire, parce que nous exprimions une opinion alternative sur différentes questions. Nous discutons des mêmes choses dans le cadre du G20, de l’APEC et des BRICS. Nous étions prêts à accueillir le G8 en 2014. Ce n’est pas nous qui avons refusé de nous rendre quelque part, c’est eux qui ne sont pas venus chez nous. Si nos collègues décident de venir, de grâce, qu’ils le fassent !, nous les accueillerons avec plaisir, mais nous-mêmes n’avons pas encore acheté de billets pour où que ce soit.
Nous sommes prêts à travailler avec tout le monde s’il y a matière à discuter ensemble. Nous pensons que c’est le cas, mais l’amour, pour être heureux, doit être réciproque. Si l’on ne veut pas travailler avec nous, c’est qu’il ne faut pas le faire.
Sur la situation avec la Turquie
La Turquie est membre de l’OTAN. Mais les problèmes survenus ne sont pas liés à ce statut : personne n’a attaqué la Turquie. Plutôt que de s’expliquer avec la Russie sur le crime commis en abattant notre bombardier alors que celui-ci frappait les terroristes, les dirigeants turcs ont couru se réfugier auprès de l’OTAN. C’est très étrange et, selon moi, humiliant pour la Turquie.
Je le répète encore une fois : certes, l’OTAN doit défendre ses membres contre les attaques dont ils sont l’objet, mais personne n’a attaqué la Turquie. Si la Turquie a des intérêts quelque part dans le monde, dans des États voisins, cela signifie-t-il pour autant que l’OTAN doive défendre tous ces intérêts ? Qu’un membre de l’OTAN comme l’Allemagne doive aider la Turquie à assimiler ces territoires voisins ?
J’espère que ces incidents n’entraîneront pas de confrontation de grande ampleur. Mais évidemment, chacun comprend que la Russie se défendrait par tous les moyens à sa disposition si elle devenait la cible de menaces.
Sur la Syrie
Ils mentent tous [en disant que les forces armées russes en Syrie frappent les rebelles qui se battent contre Bachar el-Assad et non l’État islamique, ndlr]. Les vidéos qui étayent cette thèse sont apparues avant même que nos pilotes ne commencent à frapper les positions des terroristes ! On en a la confirmation. Mais nos détracteurs font mine de rien.
Je crois que les pilotes américains ont – par erreur bien sûr ! – bombardé un hôpital de Médecins sans frontières à Koundouz, en Afghanistan, faisant des blessés et des morts, y compris parmi les médecins. La presse occidentale essaye de passer cette erreur sous silence pour que tout soit rapidement oublié. Elle n’en a parlé que deux fois, et uniquement parce que des étrangers travaillant pour Médecins sans frontières étaient présents sur les lieux, avant de clore le sujet.
Qui se souvient aujourd’hui du mariage bombardé [au Yémen, ndlr] ? De la centaine de personnes tuées en une seule frappe ? Les fausses informations selon lesquelles nos pilotes bombardent des sites civils ne cessent d’être publiées. Si l’on considère les « oléoducs vivants », composés de milliers de camions-citernes, comme des sites civils, alors oui, c’est vrai que nos pilotes frappent ces sites. Mais les autres le font aussi : Américains, Français, etc.
Par ailleurs, nous nous entendons avec eux sur des actions communes, et nos frappes aériennes soutiennent leurs attaques sur différentes zones de front. Des centaines, voire des milliers de soldats combattent l’EI. Nous soutenons aussi bien l’armée d’Assad que l’opposition armée. Certains en ont déjà fait part publiquement, d’autres préfèrent se taire, mais ce travail a lieu.
Sur Bachar el-Assad
Je pense que le président Bachar el-Assad a commis beaucoup d’erreurs lors du conflit en Syrie. Mais ce conflit aurait-il atteint une telle ampleur s’il n’avait pas été initialement soutenu de l’extérieur grâce à d’énormes quantités d’argent, d’armes et de soldats ? Malheureusement, dans ce genre de conflits, ce sont les civils qui souffrent. Mais à qui en incombe la responsabilité ? Au gouvernement, qui aspire à préserver sa souveraineté et lutte contre ces actes anticonstitutionnels, ou bien à ceux qui organisent cette lutte armée contre le gouvernement ?
Bachar el-Assad ne cherche pas à éliminer sa propre population. Il se bat contre ceux qui sont venus chez lui les armes à la main. Et si la population civile souffre, je pense que c’est avant tout de la responsabilité de ceux qui le combattent avec des armes, et de ceux qui aident ces derniers.
Nous ne voulons pas qu’il se passe en Syrie la même chose qu’en Libye ou en Irak. J’en ai déjà parlé au président égyptien al-Sissi : s’il n’avait pas pris ses responsabilités, s’il n’avait pas eu le courage de reprendre en main le contrôle du pays, l’Égypte aurait pu connaître le même sort que la Libye.
Pour moi, il faut diriger tous les efforts vers la consolidation du pouvoir légitime dans les pays de la région, y compris en Syrie. Il faut rétablir et consolider les structures du pouvoir en Irak et en Libye. Atteindre la stabilisation en Somalie et dans d’autres pays. Renforcer le pouvoir en Afghanistan. Mais cela ne signifie pas qu’il faille tout laisser en l’état. Cette stabilisation doit bien sûr servir de base à des réformes politiques.
Concernant la Syrie, j’estime qu’il faut avancer vers une réforme constitutionnelle – un processus difficile, bien sûr. Et ensuite, sur la base de cette nouvelle Constitution, il faudra organiser des élections législatives et présidentielle. Il revient au peuple syrien, et à lui seul, de décider qui gouvernera le pays et comment. Ce n’est que de cette façon que l’on atteindra la stabilité et la sécurité, que l’on créera les conditions propices à la croissance de l’économie et au bien-être des habitants, afin qu’ils ne s’enfuient pas en Europe mais vivent dans leurs maisons, dans leur pays.
Sur le conflit Iran-Arabie saoudite
Ce conflit complique notre travail sur la résolution du problème syrien et la crise des migrants en Europe ainsi que la lutte contre le terrorisme. C’est évident. Je ne sais pas s’il en résultera un conflit régional de grande ampleur. Je ne veux pas en parler ni même y penser. Nous avons de très bonnes relations avec l’Iran et nous sommes en train d’établir un partenariat durable avec l’Arabie saoudite.
Nous regrettons ce qui s’est produit, d’autant que ce prédicateur [saoudien chiite, Nimr Baqr al-Nimr, ndlr] ne se battait pas contre l’Arabie saoudite avec des armes. Toutefois, l’attaque contre l’ambassade [saoudienne à Téhéran, le 2 janvier 2016ndlr] est absolument inadmissible dans le monde actuel. Si notre participation est demandée, nous serons prêts à tout faire pour que le conflit s’apaise le plus tôt possible.
Sur la démocratie en Russie
Généralement, la classe dirigeante parle de liberté pour laver le cerveau de ceux qu’elle gouverne. Il n’y a rien de nouveau concernant la démocratie en Russie. Comme nous l’avons déjà établi, la démocratie est le pouvoir du peuple et l’influence du peuple sur les autorités. Nous avons été vaccinés contre l’autocratie émanant d’une force politique unique – le parti communiste. C’est pourquoi nous avons fait il y a longtemps le choix de développer des institutions démocratiques dans le pays. En Russie, 77 partis peuvent participer aux élections législatives. Nous sommes également revenus à un système d’élection directe des gouverneurs.
Nous continuerons à développer les instruments de démocratie directe, soit les organisations civiles les plus diverses. Mais la démocratie n’est pas la même aux États-Unis, en Europe, en Allemagne, en Russie ou en Inde. Vous savez qu’il y a deux cas, dans l’histoire américaine, où le collège électoral n’a pas élu le candidat présidentiel ayant recueilli la majorité des suffrages populaires ? S’agit-il d’une absence de démocratie ? Non, bien sûr. Mais ce n’est pas le seul ni le principal problème. Comme me l’a dit un dirigeant européen : aux États-Unis, il est impossible de se présenter à l’élection présidentielle si l’on ne dispose pas de plusieurs milliards de dollars.
On me dit tout le temps : jusque quand serez-vous président ? Pourtant, dans le système parlementaire, la figure la plus importante – le chef du gouvernement – peut diriger le gouvernement un nombre illimité de fois.
Bien entendu, nous avons encore énormément à faire pour que la population sente qu’elle influe réellement sur les autorités et que ces dernières réagissent à ses exigences. Nous travaillerons au perfectionnement de nos instruments démocratiques. Par ailleurs, utiliser le sport à des fins politiques est à mes yeux une grossière erreur. Il faut être idiot pour faire ça. Si des problèmes apparaissent, en particulier au niveau international, le sport, l’art, la musique, le ballet et l’opéra sont censés rapprocher les gens et non les éloigner. Il faut promouvoir ce rôle de l’art et du sport plutôt que le dénigrer et le détruire.