"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 9 mai 2020

Olga Rozhneva: "LE CHRIST ATTEND DE NOUS LA FOI" La vie et les instructions de Gérondissa Macrina (Vassoloulou) (1921-1995) (II et fin)

Gerontissa Macrina
Gérondissa Macrina

Instructions spirituelles de Gérondissa Macrina

***

Les paroles en l'air sont comme un feu

Nous devons éviter tout discours oiseux, car le discours oiseux est comme un feu, disent les saints Pères. Comme nous voyons des forêts entières brûler, de telle sorte que les montagnes sont complètement nues, ainsi les paroles oiseuses emportent tout le bien de notre âme, l'enlèvent de notre cœur, et un homme devient inutile, comme une boîte de conserve rouillée.

Quand quelqu’un de met en avant, le Christ se retire

Nos intentions doivent être mises en ordre, c'est-à-dire nous convaincre que pour être sauvés, nous devons devenir les derniers de tous. Si quelqu’un se met en avant, le Christ reculera, mais celui qui se place derrière tous les autres avancera.

Vous voyez votre frère, vous voyez le Seigneur lui-même !

Nous devons être attentifs à notre style de vie, à nos manières, à nos relations avec ceux qui nous entourent. Comme c'est important ! Vous voyez votre frère, vous voyez le Seigneur lui-même ! C'est pourquoi les saints Pères avaient tant d'amour et de compassion.

Sur le souvenir de la mort

Après sa dormition, Gérondissa Macrina apparut à l'une de ses filles spirituelles et dit "Je voudrais dire à ceux qui sont sur terre : on leur demandera de rendre compte de toutes leurs actions, et ils en rendront compte après leur mort !

Sur la pureté

Ces jeunes qui préservent leur pureté auront dans leur vie à venir la Grâce des anciens confesseurs.

Sur la patience

La Grâce de la patience est la plus forte de toutes, car elle est le fondement de toutes les autres vertus.

Sur la charité

La plus grande charité est la prière pour les défunts.

La prière est le plus grand don de Dieu

Lorsqu'un homme a la prière, l'Esprit Saint est actif dans son âme, c'est-à-dire qu'il demeure dans l'Esprit Saint.

Remarquez la fréquence avec laquelle on parle des personnes qui ont la prière mentale : "Oh, quel homme ! Son visage est tout illuminé !" Quelle œuvre miraculeuse qu'une prière.

La prière est le plus grand don de Dieu, et quand l'amour de Dieu vient à l'homme pendant la prière, il est comme baigné dans cet amour.

Si nous acquérons la prière, alors une certaine lumière apparaîtra dans nos âmes, et une sorte de protection, parce que Dieu ne nous abandonnera pas et nous couvrira.

Lorsqu'un homme progresse dans la prière, il comprend alors ces états qu'il ne pouvait même pas imaginer auparavant. C'est comme s'il entrait de plus en plus profondément dans la lumière éternelle, et se voyait de l'intérieur. Tout cela se passe dans un souci de parfaite obéissance et d'humilité, quand un homme est d’une précision extrême et ne se dit pas à lui-même : "Oublie ça, il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Allez, ne fais pas attention aux petites choses".

Quand l'âme s'humilie, alors viennent la pureté de l'esprit, les pensées élevées et la béatitude

Lorsque l'âme s'humilie, alors viennent la dévotion, l'amour, le respect et le rejet des pensées et des jugements. En voyant un si grand amour du Christ pour elle-même, l'âme ne prête déjà aucune attention aux méfaits des autres. "Ah, Il m'aime tant, et prend tant soin de moi, m'orne de la tête aux pieds et me tient dans Son étreinte ! Comment pourrais-je être ingrate ?" Et en se purifiant avec des larmes, après quoi vient la pureté de l'esprit, un homme ne peut déjà plus se comporter de manière provocante, ni dire quoi que ce soit d'inconvenant. Lorsque nos vêtements sont souillés, ne les mettons-nous pas dans l'eau et ne les lavons-nous pas avec du savon et une brosse ? Nous devrions agir de la même manière avec nous-mêmes, et alors nous brillerons et nous acquerrons joie et aisance.

Comment ne pas en venir alors aux larmes ; comment ne pas en venir à la bénédiction et aux pensées élevées ? Lorsque vous goûterez à cela une fois, vous essaierez de toutes vos forces d'être très attentif à vous-même, et cette attention amène la prière. Par exemple, vous commencerez à vous abstenir de parler inutilement et de vous plaindre, même si, en tant qu'hommes, nous péchons encore parfois. Mais essayez de prendre immédiatement acte de votre chute. C'est-à-dire, dès que nous constatons que nous avons déçu le Christ d'une manière ou d'une autre, disons-Lui immédiatement : "Pardonne-moi !" Et quand une des sœurs nous déçoit ? La première chose à faire est de dire : "bénis" et "pardonne", avec une prosternation au Christ et à notre prochain.

Le Christ attend de nous la foi

Est-il vraiment difficile d'aimer le Christ ? Bien sûr que non. C'est assez facile à atteindre. Beaucoup de gens Le cherchent de leurs propres mains - précisément comme ça : de leurs propres mains - parce qu'ils ont une grande foi. Et ils Lui parlent de leur douleur, de la lourdeur de leur âme, comme parlant avec une autre personne dont ils savent qu'elle répondra à toutes leurs questions. Ne parlez pas froidement et ne doutez pas que vous recevrez ce que vous avez demandé. "Fais cela pour moi, Christ. Que je le veuille ou non, guide-moi au Paradis." Le Christ ne supporte pas la tiédeur - la tiédeur qu'il recrachera. Le Christ attend la foi de notre part.

Le livre "Paroles du cœur" fut utilisé pour la biographie de Gérondissa Macrina, y compris ses instructions et ses conversations, publiée par le monastère de Panagia Hodigitria, et le film sur elle, "Echos du cœur", d'abord traduit du grec par Olga Zatushevskaya, ainsi que le livre "Mon staretz Joseph l’Hésychaste" par le staretz Ephraïm de Philothéou, et des souvenirs des enfants spirituels de Gérondissa.


Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après

Le livre "Paroles du cœur" fut utilisé pour la biographie de Gérondissa Macrina, y compris ses instructions et ses conversations, publiée par le monastère de Panagia Hodigitria, et le film sur elle, "Echos du cœur", d'abord traduit du grec par Olga Zatushevskaya, ainsi que le livre "Mon staretz Joseph l’Hésychaste" par le staretz Ephraïm de Philothéou, et des souvenirs des enfants spirituels de Gérondissa.

vendredi 8 mai 2020

Olga Rozhneva: "LE CHRIST ATTEND DE NOUS LA FOI " La vie et les instructions de Gérondissa Macrina (Vassoloulou) (1921-1995) (I)

Gerontissa Macrina
Gérondissa Macrina

Gérondissa [1] Macrina était l'higoumène du monastère de Panagia Hodigitria près de la ville de Volos, fille spirituelle du staretz Joseph l’Hésychaste († 1959) et du staretz Ephraïm de Philothéou et d'Arizona. Gérondissa dirigea des monastères fondés avec la bénédiction du staretz Joseph l’Hésychaste pendant plus de trente ans, de 1963 à 1995. Elle acquit de nombreux dons spirituels et fut bénie par l’obtention d’états spirituels élevés.

"C’était une personne de prière continuelle"

Gérondissa menait une vie difficile, pleine d’épreuves. naquit en 1921 dans un village non loin de la tristement célèbre ville de Smyrne en Asie Mineure. Un an à peine après sa naissance, la ville et ses environs connurent une terrible tragédie, qui est devenue le dernier épisode de la guerre gréco-turque de 1919-1922. Le 9 septembre 1922, des soldats turcs entrèrent dans Smyrne (l’actuelle Izmir) et organisèrent un terrible massacre de la population chrétienne de la ville. Au cours de ce massacre et de l'incendie qui s'ensuivit, environ 200 000 personnes furent tuées. Les chrétiens restants quittèrent Smyrne, et la ville devint complètement turque.
La famille de Gérondissa survécut miraculeusement à la catastrophe en Asie Mineure - l'expulsion de la population grecque indigène de ces lieux, de leurs anciennes terres natales - et réussit à se réinstaller en Grèce. Le sort d'environ 1 500 000 immigrants et réfugiés grecs dans une Grèce déchirée par la guerre fut très difficile. Un grand nombre de personnes moururent de faim et de maladie.

Gérondissa Markella, du monastère de la Très Sainte Mère de Dieu de la Source Vivifiante [Zoodohos Piyi] ("Lifegiving Spring" à Dunlap, en Californie) a parlé des parents de Gérondissa Macrina : "Ses parents, mère et père, étaient des gens très spirituels. Un jour, son père lui a dit : "Je vais mourir cette année, le lundi pur [premier jour du Grand Carême de Pâques]. Et ta mère mourra l'année prochaine". Et c'est ce qui s'est passé. Le grand carême commença, et il mourut, et un an plus tard, sa mère est morte". La jeune fille de dix ans fut obligée de travailler pour n'importe quel salaire afin de se nourrir et de nourrir son jeune frère.

Le Seigneur n'abandonna pas les orphelins. Maria se défendit et éleva son frère. Ce que cela lui coûta, seule la Toute Sainte Mère de Dieu, qui prie pour les orphelins, le sait.

Alors qu'elle était encore une enfant, le Seigneur envoya vers Maria une connaissance avec l'un des disciples du staretz Joseph l’Hésychaste -le hiéromoine Ephraïm (Karaiannis), qui lui enseigna la Prière de Jésus. Elle futune ascète zélée et elle aimait particulièrement prier la nuit.


Maria Vassoloulou
Maria Vassoloulou
Maria vécut avec son frère à Volos, une ville située au centre de la Grèce continentale, à 300 kilomètres au nord d'Athènes, près du mont Pélion - le plus beau du pays, glorifié par la poésie grecque.
La vie s'améliore, mais le 28 octobre 1940, l'armée italienne commença son invasion de la Grèce depuis l'Albanie, et la Grèce entra dans la Seconde Guerre mondiale. Maria avait alors dix-neuf ans. Les courageux soldats grecs vainquirent l'agresseur et les Italiens se retirèrent en Albanie, mais en avril 1941, Hitler envoya ses troupes pour capturer la Grèce, après avoir reporté de six semaines l'attaque sur l'Union soviétique. L'occupation du pays par les soldats allemands s'en suivit, avec à nouveau les horreurs de la guerre et de la famine. La Grèce subit des destructions particulièrement graves de la part des occupants par rapport à d'autres pays européens, seule la Russie ayant souffert davantage. Les gens affamés mangeaient des hérissons, des mules et des tortues.

Dans ses mémoires, le diplomate suédois et membre de la Croix-Rouge en Grèce, Paul Mon, décrit la capitale grecque : "La ville présente un spectacle désespéré... Des enfants au visage cendré et aux jambes fines comme celles d'une araignée se battent avec des chiens près des tas d'ordures. Lorsque le froid commença à l'automne 1941, les gens s'effondraient d'épuisement dans les rues. Cette année, chaque matin d'hiver, je suis tombé sur des cadavres."

A Volos, il n'y avait ni nourriture ni épicerie. Maria et son frère étaient affamés et sur le point de mourir d'épuisement. Ils furent contraints de se séparer dans l'espoir qu'au moins l'un d'entre eux soit sauvé. Son frère se rendit à Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, pensant y trouver de quoi se nourrir, mais Maria resta à Volos et se lamenta de leur séparation. Une fois de plus, elle pria avec ferveur. Cette prière devint son principal soutien dans sa vie difficile.

Après la guerre, Maria travailla très dur pour pouvoir acheter un morceau de pain. Elle partageait ses gains avec les pauvres : elle se distinguait par sa gentillesse, son pardon, sa grande miséricorde et sa patience dans les épreuves.

Le staretz Ephraïm de Philothéou naquit à Volos, il y passa son enfance et son adolescence. Il connaissait Maria depuis son enfance et se souvenait d'elle :

Un jour à Pâques, après un long et difficile travail, elle réussit à rassembler de l'argent pour s'acheter un  cierge à l’office de la lumineuse résurrection du Christ. Cependant, lorsqu'elle allait à l'église, elle rencontra une jeune fille pauvre et affamée. Ne pensant pas le moins du monde à sa propre pauvreté, elle lui donna ce qu'elle avait amassé avec un tel travail. Elle alla donc  à l'église sans cierge. Quand le moment vint de recevoir la Lumière sacrée et que tous les gens allèrent voir le prêtre avec leurs cierges, Maria se tint derrière tout le monde, sans cierge. Elle se tenait dans l'obscurité, pleurant et disant "O, mon Christ ! Quel pécheresse je suis, je ne suis pas digne de recevoir ne serait-ce qu'un seule cierge pour Ta fête". À ce moment, alors qu'elle le disait avec des larmes et des reproches, elle vit soudain la Lumière Incréée. Maria perdit conscience et les gens, pensant qu'elle s'était évanouie de faim, la portèrent dans leurs bras.

Gérondissa elle-même raconta à ses sœurs son expérience spirituelle :

À cette époque, notre père spirituel avait l'habitude de s'incliner devant l'icône de la Résurrection du Christ dès son entrée dans l'église après la procession pascale. Dès que je l'ai embrassée, j'ai immédiatement senti que la Sainte Résurrection entrait dans mon cœur et le remplissait. J'ai entendu une voix forte comme si tous les haut-parleurs du monde avaient été allumés... J'ai entendu l'Évangile pascal en moi, bien que Père ne l'ait pas encore lu, et je me suis évanouie. Je n'ai pas compris ce qui m'est arrivé. Quand je suis revenu à moi, la parole de l'Évangile était dans mes oreilles, elle restait dans mon cœur. Une telle satiété m'est venue, comme si j'avais mangé des œufs, du fromage et de la viande du monde entier. Je ne sais pas combien de temps j'ai été inconsciente. Ces mots se sont gravés dans mon âme. J'ai entendu cette belle voix pendant tout le service pascal et les paroles de l'Évangile m'ont apporté une telle satisfaction !... Puis j'ai eu la pensée : "Cela semble être le genre de satiété que les Pères ressentaient dans le désert, à ne rien manger"... J'étais épuisée pendant toute la Semaine Sainte par le manque de nourriture et les privations, mais maintenant une force m'est apparue. Je me sentais comme une sorte d'homme fort. Quand mon père spirituel m'a dit : "Le Christ est ressuscité !" Je ressentis dans mon âme une richesse spirituelle encore plus grande. Lorsque je communiai, cette satiété atteignit sa limite. Je suis rentrée chez moi. Je suis arrivée. Je ne voulais ni manger ni boire. Mon cousin m'a invité à rompre le jeûne. Mais comment lui dire que j'avais déjà "mangé" ? J'y suis allé, mais je n'ai pas pu supporter ne serait-ce qu'une cuillerée... Il est donc vraiment dit dans l'Evangile que les gens ne vivent pas seulement de pain, mais de la Grâce de Dieu. À la gloire du Christ, je vous dis que j'ai senti la Grâce du Christ m'enlever ma faim, ma souffrance et mon indigence. Dieu m'a permis de comprendre à quoi mènent de telles difficultés. Quelle bonté la continence et la prière apportent à un homme !


The future Elder Ephraim
Le futur staretz Ephraïm

Le staretz Ephraim se souvient de la rencontre de sa mère (la future moniale Théophano) avec Maria Vassoloulou, et de la création d'une petite communauté de femmes à Volos : "À cette époque, la jeune Maria rencontra ma vertueuse mère. Ces âmes saintes prièrent ensemble dans notre cuisine, se tenant à genoux toute la soirée, versant beaucoup de larmes et faisant de nombreuses prosternations au sol. Leur saint exemple m'apprit beaucoup. Grâce aux vertus de Maria, plusieurs jeunes filles vertueuses se rassemblèrent autour d'elle dès l'époque de l'occupation, désireuses de devenir des épouses du Christ".
Le père Ephraïm (Karaiannis) a parlé à cette communauté de femmes de son staretz Joseph l’Hésychaste, de ses instructions et de ses conseils spirituels. Lorsque le père Ephraïm (Karaiannis) retourna sur la Sainte Montagne en 1952, les sœurs de la communauté écrivirent une lettre au staretz Joseph l’Hésychaste, disant qu'elles avaient entendu parler de lui par son fils spirituel, le père Ephraïm, et lui demandant de les recevoir également au nombre de ses enfants spirituels.

Le staretz Ephraim de Philotheou et d'Arizona se souvient :

J'étais déjà sur la Sainte Montagne à l'époque, avec le staretz Joseph l’Hésychaste. Le staretz leur répondit : "Si vous m'obéissez, alors je vous recevrai. Si vous ne le faites pas, je vous quitterai". Elles répondirent : "Père, quoi que tu nous ordonnes, nous t'obéirons." Alors le staretz leur ordonna d'obéir à Maria, qu'il n'avait jamais vue de sa vie. Il leur expliqua la raison de son ordre : "Faites obéissance à Maria, car je l'ai vue dans une vision ce soir pendant la prière. J'ai vu beaucoup de brebis autour d'elle, et elle se tenait au milieu. J'ai donc compris que je devais la faire la gérontissa. Alors, écoutez Maria, et que personne ne la contredise". Elles répondirent : "Que cela soit béni !" et le staretz se réjouit de leur obéissance.

Lorsque Maria apprit le choix du staretz Joseph, elle eut très peur de devenir la supérieure et de prendre la responsabilité de la vie spirituelle des sœurs, car elle était l'une des plus jeunes de la communauté. Alors le staretz pria et par ses prières, Maria eut une vision : elle vit une multitude de moines monter au ciel, et devant eux s'avançait saint Jean le Précurseur avec un bâton sacré. Soudain, le saint se tourna vers la jeune fille et lui tendit le bâton, symbole de l'autorité abbatiale.

Une des religieuses a témoigné de l'étroite connexion spirituelle entre les sœurs et le staretz Joseph l’Hésychaste et s'est souvenue d'un moment où Maria, ayant déjà reçu la tonsure monastique et étant devenue Gérondissa Macrina, tomba gravement malade et commença à tousser du sang :

Nous n'avions pas de téléphone pour lui en parler [au staretz Joseph], nous devions tout lui écrire. Nous n'avions pas de téléphone pour le lui dire - nous devions tout lui écrire. Mais nous ne l'avons pas mentionné dans une lettre, mais nous le lui avons caché. Nous avons décidé de ne pas le bouleverser et de l'éloigner de sa prière. Il nous a envoyé cette réponse : "Mes enfants, pourquoi ne m'avez-vous pas écrit que Gérondissa est malade et souffre, que nous pourrions prier à ce sujet ? Vous avez très mal agi, en décidant que cela allait me séparer de la prière. Après tout, nous l'avons vue le soir mentalement, quand je priais avec le père Arsène, et nous avons réalisé que Gérondissa Macrina était gravement malade. Nous avons prié avec ardeur. Mes enfants, je veux que vous me racontiez tout ce qui se passe dans le monastère, et surtout avec Gérondissa. Écrivez-moi à ce sujet". Mais Gérondissa Macrina les vit tous les deux ce soir-là, à côté de son staretz Joseph et du père Arsène, alors qu'ils priaient avec leurs chapelets de laine, faisaient le signe de croix et disaient : "Ô Seigneur, guéris Ta servante !" Cela se produisit à de nombreuses reprises. Lorsque le sage Joseph et le sage Arsène priaient, ils virent comment les choses se passaient ici et comment nous nous en sortions.
Elder Ephraim and Gerontissa Macrina
Staretz Ephraim et Gérondissa Macrina

   
Avant son repos en Christ en 1959, le staretz Joseph l’Hésychaste déplaça les sœurs sous la direction spirituelle de Père Ephraïm, aujourd'hui staretz Ephraïm de Philothéou et d'Arizona. Le père Ephraim a commença à exercer son ministère auprès de la communauté des sœurs. Bientôt, les sœurs acquirent un terrain dans le village de Portaria, près de Volos, et commencèrent à y organiser un monastère.

Alexandra Lagos, fille spirituelle du staretz Ephraim, décrit la situation comme suit…

De son vivant, le staretz Joseph savait que son novice Ephraïm devrait un jour assumer le rôle de pasteur de cette communauté bénie, et il lui donna un jour une lettre des sœurs à lire, afin qu'il ait déjà des liens avec elles. Et bien sûr, les sœurs connurent le staretz Ephraïm alors qu'il était encore dans le monde. Peu de temps après, après la dormition du staretz Joseph, e staretz Ephraim quitta la montagne sacrée pour la première fois afin de rendre visite à la communauté des sœurs, dont [faisait partie] sa propre mère. Son père était déjà mort à ce moment-là, et sa mère avait rejoint cette fraternité bénie. Gérondissa Macrina et d'autres sœurs étaient également présentes. Lorsqu'elles rencontrèrent le staretz,, sa mère ne le reconnut pas au début. Tant d'années s'étaient écoulées depuis que ce jeune homme de dix-neuf ans, sans barbe, avait quitté la maison de son père… Des années d’ascèse [ podvigs] et d'épreuves sur la Sainte Montagne avaient grandement modifié son apparence. De plus, il se tenait ici devant les sœurs en tant que hiéromoine, et la coutume en Grèce à cette époque était telle que les femmes n'osaient pas regarder un moine en face. La mère du staretz était assise avec les autres sœurs, la tête baissée, ne devinant pas que c'était son fils devant elle. Mais dès qu'elle se rendit compte avec qui elle parlait, son visage changea immédiatement d'expression, et elle dit très sévèrement à son fils : "Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi as-tu quitté la Sainte Montagne ?" Et pas "Bonjour, cher fils ! Laisse-moi te regarder ! Comment va ta santé ?" Elle ne se calma que lorsqu'il lui expliqua qu'il faisait obéissance au staretz Joseph. Une telle éducation, Ephraim la reçut de sa bienheureuse mère.


Elder Ephraim with the sisters
Le staretz Ephraïm avec les sœurs
   
La première tonsure qu'Ephraim célébra dans la confrérie de Volos fut celle de sa mère, en 1963. Il la tonsura sous le nom de Théophano. La deuxième tonsure fut celle de Gérondissa Macrina (également en 1963), et Gérondissa Théophano devient sa marraine. Gérondissa Macrina considéra toujours Gérondissa Théophano comme sa mère spirituelle et lui obéit en toutes choses. 
Elles n'avaient qu'une seule cellule, comme mère et fille. La mère du staretz Ephraïm n'avait pas de filles, seulement trois fils, mais Gérondissa Macrina est devint pour elle une fille.

Gerontissa Macrina
Gérondissa Macrina

Au cours des premières années, Père Ephraim quitta souvent la Sainte Montagne et demeura à Portaria pendant un court moment, jusqu'à un mois, et quelquefois plus longtemps. Il instruisait les sœurs dans la Prière de Jésus, de sorte qu'elles firent l'expérience d'états spirituels élevés à plusieurs reprises. Ainsi, les moniales de Portaria reçurent une éducation spirituelle unique et une grande aide de la part de Père Ephraim et de Gérondissa Macrina, qui était une sainte personne et de Gérondissa Théophano, la mère du staretz Ephraim.
L'higoumène Macrina et ses sœurs connurent un grand succès spirituel. L'archimandrite Sophrony (Sakharov) a dit de Gérondissa Macrina : "C'est un titan de l'esprit !" À de nombreuses reprises au cours de sa veillée nocturne, le sage Ephraïm de Katounakia vit avec des yeux spirituels deux colonnes de feu à Volos, s'élevant de la terre au Ciel. Elles représentaient Gérondissa Macrina et l'une de ses glorieuses moniales. Et Père Ephraïm dit, en se réjouissant : "Incroyable ! Regardez ! Nous travaillons tant ici sur les rochers pour trouver quelques miettes, mais ceux du monde ont acquis tant de Grâce !" Il déclara également à propos de Gérondissa qu'elle "était d'un degré spirituel tel que l'était le staretz Joseph l’Hésychaste".

Athanase Krallist de Scholari, en Grèce, se souvient :

Un jour, un bus de pèlerins vint au monastère, et le monastère n'avait plus qu'un paquet de riz. Gérondissa dit aux sœurs de préparer ce riz pour nourrir les invités. Les sœurs s'exclamèrent : "Gérondissa, c'est le dernier que nous avons, il ne nous reste rien", mais Gérondissa insista : "Préparez le riz pour nos invités, et la Très Sainte Mère de Dieu s'occupera de nous." Les sœurs obéirent et nourrirent leurs visiteurs, et alors qu'elles partaient, un homme apparut dans le monastère qui avait apporté un sac de riz entier. Elle avait tellement de foi en Dieu et d'amour pour les gens, pour tous les gens !

Gerontissa Macrina
Gérondissa Macrina

Stavros Kourousis, professeur de philologie byzantine à l'université d'Athènes, témoigne sur Gérondissa Macrina :   

Lorsque les gens parlaient avec elle, ils voyaient sur son visage les vertus de la virginité, de la pureté, de l'humilité, de l'obéissance, de l’esprit de non-possession et de l'amour sans limite pour Dieu et le prochain - non seulement pour ses sœurs, mais pour tous ceux qui venaient la voir en quête d'un soutien spirituel et matériel. C’était une personne de prière incessante et de communion avec Dieu et les saints, grâce à laquelle elle recevait constamment de l'aide dans les nombreuses tentations qui surgissaient dans son travail d'alimentation des âmes qui lui étaient confiées.

Gérondissa Fébronie du monastère de Saint-Jean le Précurseur (Serrès, Grèce) se souvient de Gérondissa : "De toutes les choses terrestres, elle aimait par-dessus tout la nature et les fleurs, mais, bien sûr, elle aimait surtout les choses spirituelles. Ainsi, elle est passée de la beauté terrestre et des dons divins, qu'elle avait dans cette vie temporelle, au Ciel. Elle s'est toujours intéressée au Ciel tout entier. Elle était portée de cette vie à une autre dans ses contemplations. De la terre, elle s'élevait constamment vers le Ciel".

Geronitssa Marcelle raconte cette histoire :

Un jour, je suis allée dans sa cellule alors qu'elle dormait. Je ne savais pas si elle était endormie ou éveillée, alors j'ai décidé d'entrer tranquillement pour ne pas la réveiller. J'ai commencé à tourner lentement la poignée de la porte, et quand la porte s'est ouverte, j'ai vu Gérondissa. Elle dormait, mais en même temps sa main passait sans cesse sur son chapelet de laine de prière. Elle priait alors qu'elle était dans un état de sommeil profond. Je n'ai jamais vu une telle chose. Bien sûr, on dit que la prière du cœur peut continuer même pendant le sommeil, mais prier avec son chapelet!

Gerontissa Macrina
Gérondissa Macrina

Sœurs Agnès et Parthenia du monastère du saint prophète et précurseur Jean (Goldendale, Washington) témoignent :
Elle n'arrivait pas à être stricte avec nous. Cela n'a tout simplement pas fonctionné. C’était elle-même une personne très sensible, très délicate, et elle estima qu'elle devait s'entendre avec nous de la même façon. Si elle voulait faire un commentaire à quelqu'un, elle l'appelait toujours par un diminutif affectueux. Elle était très gentille, très douce. Parfois, elle utilisait même le pluriel pour adoucir la réprimande. Elle voulait que nous nous rendions compte nous-mêmes de ce que nous avions fait de mal, comment nous nous étions fourvoyées. Elle était très, très ... comment dire ... car dans ses conversations elle dit qu'il faut toucher l'âme d'une autre personne avec légèreté et douceur, comme une plume. C'est exactement comme ça qu'elle a essayé de toucher nos âmes.

George Lagos, professeur de médecine neurologique à l'université de Ioannina, en Grèce, dit :
Dans l'Orthodoxie, je pense que le plus important est de vivre l'Orthodoxie. Notre foi et notre relation avec Dieu sont vivantes et s'acquièrent par l'expérience. Les personnes saintes endurent cette expérience dans une plus large mesure. Après l'avoir vécue, elles nous parlent de Dieu, de la Sainte Trinité et des dogmes de l'Église. Les saints sont ceux qui y vivent et en font l'expérience. Gérondissa Macrina était l'une de ces saintes personnes. Nous avons vu de nombreux miracles de Gérondissa Macrina. Nous avons reçu l'aide de sa grande assistance spirituelle... Je peux témoigner que j'ai vu et ressenti la sainteté personnelle de Gérondissa Macrina et un grand soutien spirituel. Elle était ma mère spirituelle, et même après sa mort, je ressens son aide et son intercession dans la prière.

La religieuse Théotekna du monastère de Saint-Étienne (Météores, Grèce) se souvient :

D'après mes quarante-cinq ans d'expérience de la vie monastique, je peux dire qu'elle était l'une des plus remarquables moniales de Grèce. C’était une grande ascète. Ses conseils aidèrent beaucoup de gens, pas seulement des moniales, mais aussi de nombreux laïcs, et même de nombreux moines de la Sainte Montagne se sont tournés vers elle pour obtenir des conseils. C'était une femme grande et majestueuse, et son apparence était imposante. Son visage était illuminé. Dès que vous la voyiez, vous compreniez qu'avec elle vous deviez parler sérieusement, des graves problèmes de la vie. Elle était éduquée dans les choses divines, et connaissait bien la vie des saints, le Synaxaire, et les Paroles des Pères du Désert. Bien qu'elle n'ait jamais eu d'éducation laïque ou de titres universitaires, elle avait le don du discours spirituel par la Grâce du Saint-Esprit. Vous pouviez parler avec elle pendant des heures. Elle pouvait édifier spirituellement n'importe quel visiteur, surtout ceux qui s'efforçaient d'aimer le Christ.

Gerontissa's grave
La tombe de Gérondissa
   
Gérondissa Macrina reposa en Christ dans la semaine de la Toussaint du 22 mai au 4 juin 1995. Pendant les quelques jours qui précédèrent sa mort, elle vit constamment la Mère de Dieu dans sa cellule. Des moniales quittèrent son monastère pour restaurer quelques monastères grecs, et les sœurs de ces monastères furent envoyées à leur tour en Amérique. Père Ephraïm a toujours voulu peupler ces monastères de sœurs de Portaria, car ces moniales avaient suivi une école spirituelle unique et étaient très expérimentées en termes spirituels.


Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après


NOTES :

1] Gérondissa, la forme féminine de Géronda [staretz en russe], est le mot grec utilisé pour désigner avec respect une higoumène ou un instructeur spirituel féminin.


jeudi 7 mai 2020

Olga Rozhneva, Olga Zatushevskaya: UNE MERVEILLEUSE PURETÉ D'ESPRIT/ LA BIENHEUREUSE GERONDISSA MACRINA (1921–1995)

Eldress Macrina
Gérondissa Macrina


Le 4 juin, nous honorons le jour du repos en Christ de la bienheureuse Gerondissa Macrina (dans le monde, Maria Vassopoulou), higoumène du monastère de la Panagia Hodigitria [ Mère de Dieu To ute Sainte qui montre le Chemin]près de Volos, en Grèce, et fille spirituelle du staretz Joseph l'hésychaste et du staretz Ephraïm [Moraitissa]de Philothéou (et d'Arizona). Gérondissa Macrina a acquis de nombreux dons spirituels et elle fut digne d'états spirituels très élevés.


Choisie par Dieu dans le sein de sa mère


La bienheureuse gérondissa a connut beaucoup d'épreuves : la mort prématurée de ses parents, des maladies mortelles, la faim, les horreurs de la guerre et le dur labeur physique.
Elle fut choisie par Dieu dès le sein de sa mère. Alors que Maria n'avait que sept ans, pendant les prières avec les autres enfants, elle entendit une voix intérieure l'appelant à la vie angélique du monachisme. À ce même moment, la jeune fille fit l'expérience d'une présence divine dans son cœur et se mit à pleurer abondamment. Elle quitta ses amis, courut à la maison et tomba en larmes devant les saintes icônes.

Le soir même, après le retour de son père, Maria lui dit qu'elle aimerait devenir moniale. Lorsque son père lui demanda si elle savait ce que cela signifiait de devenir moniale, sa petite fille ne répondit pas. Il comprit alors compris que c'était un appel de Dieu. Il sourit à Maria, et renforçant son saint désir, il lui dit : "Sois une bonne moniale, mon enfant !"


Comment Maria fut guérie d'une maladie mortelle


Dès sa plus tendre enfance, Maria eut toujours un grand respect pour la Très Pure Génitrice de Dieu. Pendant l'occupation allemande, on diagnostiqua une pleurésie chez la jeune fille. Un jour elle était assise seule dans une pièce sombre, mourant de faim et priant la Mère de Dieu, attendant paisiblement qu'elle l'arrache à cette vie. À un certain moment, la pièce se remplit de lumière, et Maria vit une religieuse qui s'approcha d'elle et lui promit avec amour de la guérir. En un instant, la douleur et la sensation de faim disparurent, et Maria eut l'impression d'avoir mangé un dîner satisfaisant. Après cette vision miraculeuse, elle fut également guérie de ce grave cas de pleurésie.

"Je n'ai jamais vu des pensées aussi pures chez une autre personne."


La bienheureuse gérondissa connaissait bien plusieurs pieux ascètes grecs, dont plusieurs ont récemment été glorifiés comme saints par l'Église. Lorsqu'elle rencontrapour la première fois saint Païssios l'Hagiorite, maintenant canonisé, et qu'elle seprosterna devant lui, le staretz réagit rapidement en se prosternant devant elle. Il ne se leva pas avant que la dame âgée ne se lève la première. Saint Païssios ne reposa en Christ que deux mois après que l'âme de la bienheureuse Macrina fut passée à l'éternité. Lorsqu'il entendit parler du repos de la bienheureuse moniale, le saint dit : "Il n'y en aura pas d'autre comme elle!"

Le staretz béni Jacques [Iakovos Tsalikis] d'Eubée a dit à certaines personnes qui vivaient près du monastère de l'higoumène Macrina : "Si j'étais vous, je marcherais tous les jours jusqu'au monastère pour recevoir une bénédiction de gérondissa Macrina avant d'aller travailler. Saint Porphyre de Kapsokalyvia et le sage Jérôme [Ieronymos d'Egine] de bienheureuse mémoire ont également parlé en termes très élogieux de Gérondissa Macrina.


Elder Ephraim of Arizona and Abbess Macrina.
Ephraim, staretz d'Arizona, et l'higoumène Macrina.
Le staretz Ephraim d'Arizona a écrit à propos de la bienheureuse Macrina : "C'était une personne extraordinairement vertueuse et elle se distinguait par son humilité, sa douceur, son attention et sa prière incessante. Elle avait une merveilleuse pureté d'esprit. Je n'ai jamais vu des pensées aussi pures chez une autre personne".


Le monastère de l'abbesse Macrina est devenu une "pépinière divine"


Grâce à l'higoumène Macrina, le monastère de Panagia Hodigitria devint une "pépinière divine", à partir de laquelle se développèrent plusieurs nouveaux monastères aux États-Unis et au Canada. Aujourd'hui, l'archidiocèse grec d'Amérique du Nord compte déjà dix couvents, dont l'histoire remonte pour tous à saint Joseph l'Hésychaste.

Abbess Macrina and sisters.
L'higoumène Macrina et les moniales.

Cinq histoires de la bienheureuse gérondissa Macrina.


Nous aimerions partager avec vous, chers lecteurs, plusieurs histoires de la bienheureuse Macrina liées à ses enfants spirituels pour leur édification.


Première histoire, sur la pieuse veuve

Un jour, une veuve entendit quelqu'un frapper à sa porte. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle vit une jeune femme enceinte qu'elle n'avait jamais vue auparavant. La femme lui a dit en pleurant : "Tu es ma mère, tu es ma protectrice, tu es mon salut ! Sans aucune hésitation, la veuve laissa la femme entrer chez elle et, au cours des mois suivants, s'occupa secrètement d'elle. Chaque soir, quand il faisait sombre dehors, elle emmenait la femme faire une promenade pour qu'elle reste forte et en bonne santé, mais de manière à ce que personne d'autre ne la voit. Peu de temps avant que la femme n'accouche, la veuve trouva, avec son consentement, un couple pieux qui accepta d'adopter l'enfant.


Peu après, le fils de la veuve, qui vivait en Amérique, la contacta et lui demande de lui trouver une fille bonne et pieuse à marier. Sa mère lui demanda de venir en Grèce le plus vite possible, car elle lui avait trouvé une fille merveilleuse qu'il pouvait épouser. Avant de lui présenter la jeune femme, elle lui raconta comment elle avait rencontré la jeune fille et qu'elle avait accouché hors mariage.

Au début, le fils était perturbé, car il ne pouvait pas croire que sa mère allait choisir une épouse pour lui qui avait déjà perdu sa pureté. Mais elle a réussi à le convaincre que c'était la volonté de Dieu et qu'ils vivraient heureux ensemble. Le mariage  eut donc  lieu dans le village de la veuve, puis le fils rentra aux États-Unis avec sa jeune épouse.

En cette année 1919, une pandémie de grippe éclata en Europe, faisant 20 millions de morts, et la pieuse veuve devint l'une de ces victimes. Comme son fils ne pouvait pas arriver à temps pour les funérailles de sa mère, il décida de venir quand son corps serait exhumé après trois ans pour être déposé dans l'ossuaire (selon la tradition grecque).
Eldress Macrina, Elder Ephraim, and Fr. Joseph.
Gérondissa Macrina, staretz Ephraïm et Père Joseph.

Lorsque trois ans plus tard, ils s'approchèrent du lieu d'inhumation, l'air était rempli d'un merveilleux parfum que tout le monde remarqua. Mais ce n'était pas tout le miracle : Dieu avait recouvert les os de la veuve d'un filigrane d'or pur. Lorsque la femme de son fils vit cela, elle tomba à genoux, se mit à pleurer et dit à tous : "C'est parce qu'elle m'a protégée ! Lorsque cela fut connu, une multitude de gens vinrent de toute la Grèce pour vénérer la pieuse veuve, et ils devinrent les témoins de cet événement. Parmi eux se trouvaient de nombreux évêques et prêtres !

Combien d'âmes blessées Gerondissa Macrina "protégea" avec son amour inconditionnel ! Et combien d'autres encore continue-t-elle à protéger par son intercession constante et sa prière pour nous devant le trône céleste de Dieu !

La bienheureuse gérondissa a toujours enseigné à ses sœurs et à ceux qui venaient lui demander conseil sur le plan spirituel à rendre gloire à Dieu pour toutes choses : pour les soi-disant bonnes choses et les soi-disant mauvaises choses. Voici une histoire qu'elle a racontée à ce sujet :

Dans un des villages proches de son monastère vivait un couple pieux qui avait un fils de dix ans. Leur voisine d'à côté était une vieille femme à la personnalité insupportable. Elle réprimandait constamment tout le monde, grondant ses voisins avec colère et injustement, et lorsque leur fils revenait de l'école, elle lui lançait des bâtons et des pierres.

Un jour, le père se tournavers Dieu avec une prière fervente et décida de lui demander comment gérer le mauvais caractère de cette vieille femme. Le Seigneur lui répondit : "Elle vivra encore trente ans !" Et quelle fut la réaction de l'homme à cette nouvelle ? Il dit sans hésiter : "Gloire à Dieu !" Il partagea la réponse de Dieu avec sa femme et elle dit de même : "Gloire à Dieu !" Lorsque le fils rentra de l'école et qu'il entendit les nouvelles concernant la réponse de Dieu à la prière de son père, il dit également: "Gloire à Dieu !"
Elder Ephraim and Gerondissa Macrina.
Staretz Ephraim et Gerondissa Macrina.

Le lendemain, un silence total régnait dans la maison de la vieille femme. Elle ne  sortit pas pour déverser sa colère sur ses voisins. Le père alla voir comment elle allait et découvrit qu'elle était apparemment morte dans son sommeil. Il commença à prier Dieu pour comprendre comment cela avait pu arriver, et le Seigneur lui dit : "Quand tu as répondu : "Gloire à Dieu ! J'ai raccourci sa vie de dix ans. Lorsque ta femme a donné la même réponse, je lui ai enlevé dix ans supplémentaires. Et quand ton fils a dit la même chose et m'a aussi glorifié, je lui ai enlevé les dix dernières années de sa vie.

La troisième histoire, sur la nécessité de lutter contre l'esprit de contradiction


Il y a une autre histoire que gérondissa Macrina racontait souvent au sujet du prophète Moïse. Lorsque Moïse était avec les Israélites dans le désert, ils mouraient de soif. Dieu ordonna au prophète Moïse de frapper son bâton contre le rocher afin qu'une source d'eau en sorte. Le prophète doutait : "Est-il possible que de l'eau sorte d'un rocher ?"

Au cours de son pèlerinage en Terre Sainte, la bienheureuse gérondissa Macrina alla trouver cet endroit. Elle l'appela le "rocher de la contradiction".

Moïse n'a pas montré une obéissance immédiate au Seigneur - il l'a montré tardivement. Ensuite, le Seigneur lui a dit : "Parce que tu m'as contredit, tu n'entreras jamais en Canaan, la Terre promise".

Gérondissa a dit que nous devrions lutter contre l'esprit de contradiction et essayer de toujours faire preuve d'obéissance. C'est pourquoi l'obéissance est la première et la plus importante des choses enseignées dans un monastère.

Cette histoire a été racontée par la fille spirituelle de Gérondissa, Alexandra Lagou, professeur d'histoire médicale à l'Université de médecine de Ioannina en Grèce. L'un des enseignements préférés de la bienheureuse Macrina portait sur la grande bonté de Dieu - on le retrouve souvent dans ses conférences. Elle parlait souvent beaucoup de la patience. Je me souviens de la façon dont elle m'a enseigné avec sa douceur caractéristique. "Y a-t-il une fin à la grande bonté de Dieu ? Non ! La patience humaine devrait aussi être sans fin."

Je me souviens, après 1992, lorsque la bienheureuse Macrina est allée en Amérique pour voir Gerondissa Taxiarchia de mémoire bénie. Le vol au-dessus de l'océan qui dura de nombreuses heures produisit sur elle une telle impression que, plus tard, elle m'a dit : "Quel miracle cela représente : Tu voles et tu voles, et sous toi il n'y a rien d'autre que l'océan ! La grande bonté de Dieu est sans fin comme l'océan. La patience de l'homme devrait aussi être sans fin, comme l'océan".
Eldress Macrina with the sisters.
Gérondissa Macrina avec les sœurs
    
Souvent, à la fin de nos entretiens, j'inclinais la tête sur ses genoux pour qu'elle me bénisse, et elle me bénissait en disant : "Comme un océan énorme, comme de grands fleuves et des vallées, que le Seigneur nous accorde autant de patience". Avac mot "patience", elle utilisait le pluriel. Elle disait également : "La grâce de la patience est la grâce la plus forte", car la patience est à la base de toutes les vertus. Nous ne pouvons pas accomplir une seule vertu sans patience.

La cinquième histoire, sur la guérison miraculeuse de Maria


De nombreuses instructions de la bienheureuse Macrina soulignent l'importance primordiale de la prière, en particulier la Prière de Jésus. Gérondissa a souvent souligné le besoin aigu pour nous d'avoir une "affirmation spirituelle", dans la prière de Jésus et dans la lecture de notre règle de prière quotidienne. Voici l'une de ses histoires préférées, qu'elle racontait lorsqu'elle parlait de la prière.

Une femme nommée Maria eut une attaque, après quoi elle resta totalement paralysée en dessous de la taille et dans une certaine mesure sur le côté supérieur droit. Gérondissa Macrina lui avait appris, cinq ans avant son attaque, à répéter la prière de Jésus et la prière "Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous" aussi souvent que possible dans la journée, et lorsqu'un besoin essentiel se faisait sentir.

Alors maintenant, confinée dans son lit et immobile, avec son chapelet de laine dans la main gauche, Maria ne cessait, avec douleur et audace, de crier : "Très Sainte Mère de Dieu, aide-moi !" et "Très Sainte Mère de Dieu, sauve-moi, qui suis pécheresse !"
Eldress Macrina’s cell.
La cellule de Gérondissa Macrina.
  
Après plusieurs jours de cette prière sincère, la Très Sainte Génitrice de Dieu lui apparut une fois pendant ses prières. Elle était rayonnante, brillante comme le soleil, et suivie par une multitude d'anges et d'archanges ; et Maria sentit que la Mère de Dieu couvre et protège littéralement le monde entier !

La Très Sainte Génitrice de Dieu dit de sa voix céleste : "Maria, mon enfant, que puis-je faire pour toi ? Cette pieuse femme lui demanda d'abord de lui rendre sa capacité à se retourner d'un côté à l'autre, car elle souffrait beaucoup. Mais elle a ensuite commencé à la supplier : "En fait, je veux avant tout être sauvée. J'ai soif de salut, et c'est pourquoi je T'appelle". Et notre très aimable Protectrice a répondu : "Je te donnerai ce que tu demandes ; c'est pour cela que je suis venue, parce que tu m'asappelée jour et nuit. Je veux que vous m'appeliez tous ! Appelez-Moi constamment, et Je vous écouterai et viendrai à vous".

Toute la pièce et toute la maison furent remplies d'un rayonnement et d'un parfum céleste qui venait de la Mère de Dieu. Mais selon les paroles de la bienheureuse Gérondissa Macrina, tous les membres de la famille de cette femme furent témoins de ce miracle vivant. Le parfum céleste resta dans la maison pendant de nombreux jours, en particulier dans la chambre de la femme malade. Le visage de Maria brillait de la Grâce qu'elle avait reçue. Non seulement elle commença à se tourner progressivement d'un côté à l'autre, mais en quelques jours seulement, elle futcomplètement guérie et se releva de son lit de douleur.

À la fin de cette histoire, Gérondissa Macrina conclut que la Très Sainte Génitrice veut que TOUT LE MONDE fasse appel à elle pour l'aider. Gérondissa dit : "Qu'a-t-elle dit ? "Je veux que vous m'appeliez tous. Je veux que vous m'appeliez, et alors je vous écouterai et je viendrai. Je veux que vous m'appeliez ainsi: "Aide-moi, Très Sainte Génitrice de Dieu, Très Sainte Mère de Dieu, sauve-moi, Très Sainte Mère de Dieu, sauve mon enfant", et que vous me disiez tout ce que vous voulez du plus profond de votre cœur."

Par cette histoire, l a bienheureuse gérondissa montra que la Très Sainte Mère de Dieu SOUHAITE que nous nous tournions vers elle et elle nous promet qu'elle nous aidera par sa présence !

Par les prières de la bienheureuse Gérondissa Macrina, Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous !

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Saint Ephrem de NEA MAKRI


POUR AVOIR LA TRADUCTION (S/T en français) cliquer sur le symbole à l'extrême gauche au bas de la video)
                                           S/T
Merci à Denis MICHALAK d'avoir partagé son travail!

mercredi 6 mai 2020

LIRE LES PERES AVEC DISCERNEMENT

Saint Macaire d'Optina

Saint Macaire d'Optina (+ 1860) a jugé nécessaire d'écrire un "Avertissement spécial à ceux qui lisent des livres patristiques spirituels et qui désirent pratiquer la Prière mentale de Jésus". 

Ce  Père, presque de notre siècle, nous dit clairement quelle doit être notre attitude face à ces états spirituels [1] : 

"Les Pères saints et théophores ont écrit sur les grands dons spirituels non pas pour que quiconque s'efforce sans discernement de les recevoir, mais pour que ceux qui ne les ont pas, en entendant parler de ces dons exaltés et des révélations qui ont été reçues par ceux qui en étaient dignes, puissent reconnaître leur propre infirmité profonde et leur grande insuffisance, et soient involontairement enclins à l'humilité, qui est plus nécessaire pour ceux qui cherchent le salut que toutes les autres œuvres et vertus." 

Saint Jean Climaque


Saint Jean Climaque (VIe siècle) écrit encore : "De même qu'un pauvre, en voyant les trésors royaux, reconnaît d'autant plus sa propre pauvreté ; de même l'esprit, en lisant les récits des grandes actions des Pères Saints , est involontairement d'autant plus humilié dans sa manière de penser" (Degré 26, 25). Ainsi, notre première approche des écrits des Saints Pères doit être celle de l'humilité.

Version française Claude Lopez-Ginisty
citant 
THE HOLY FATHERS AND ORTHODOX SPIRITUALITY
The Orthodox Word, Vol. 11, N° 1
Jan.-Feb., 1975, 35-41

NOTE:

[1] Dans la collection de ses Lettres aux moines, Moscou 1862 pp. 358-380 ( en russe)

mardi 5 mai 2020

DES ICÔNES VOLÉES DANS UN MONASTÈRE GREC SONT VENDUES AUX ENCHÈRES DANS DES GALERIES PRIVÉES EN EUROPE

Épire, Grèce, 1er mai 2020

Entre 2000 et 2010, des centaines d'icônes précieuses ont été volées dans des églises et des monastères de la région de l'Épire, au nord de la Grèce, et la plupart d'entre elles ont fini à l'étranger et ont été vendues.

La création d'une base de données électronique sur les objets d'art volés, dont 150 icônes, a permis de réduire considérablement le nombre de vols.

Aujourd'hui, deux autres icônes sont sur le point d'être vendues aux enchères dans une galerie privée en Europe. Selon des sources fiables, les icônes du Christ Pantocrator et de la Panaghia [Très Sainte] Portaitissa proviennent du monastère de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu à Makrino, Zagori, dont près de 40 monastères ont été volés en 2007, rapporte le journal Epirus Post.

Les images du site web de la galerie, publiées par Epirus Post, montrent que les icônes ont été bien préservées.


   
Le prix de départ pour l'icône du Christ est de 10 985 dollars (10 000 euros), et de 13 180 dollars (12 000 euros) pour l'icône de la Mère de Dieu.

En 2011, 6 icônes volées ont été découvertes dans une galerie d'art près de l'ambassade de Grèce à Londres. Ayant appris qu'elles avaient été volées, le marchand d'art a volontairement renoncé à ses droits sur les icônes.

Le chef de file des vols a été identifié plus tard dans l'année grâce à des informations fournies par la galerie londonienne.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

lundi 4 mai 2020

Père Lawrence Farley : Qu’est-ce qui ne va pas avec l’intercommunion ?


Comme beaucoup, j'ai été plus qu'un peu surpris de voir un archevêque orthodoxe américain de premier plan suggérer que l'intercommunion est une bonne idée - c'est-à-dire qu'un prêtre orthodoxe devrait donner la Sainte Communion à une personne non orthodoxe. Certes, il ne suggérait pas une intercommunion sans discernement et de donner l'Eucharistie à quiconque se présente dans la rue. La situation qu'il envisageait était celle de l'intermariage, où un orthodoxe était marié à un non-Orthodoxe. Il pensait qu'il était incohérent de permettre au couple de partager un sacrement (le mariage) et non l'autre (l'Eucharistie). Comme, selon lui, ils ne formaient qu'une seule chair par le mariage, les deux devaient recevoir l'Eucharistie, même si un seul était orthodoxe. Que faut-il en penser ?

Pour faire le tri, il faut d'abord se demander pourquoi l'Église a toujours refusé de communier avec les non-Orthodoxes, ou avec ceux qui sont en schisme. La pratique de l'Église est ancrée dans ce que l'Eucharistie accomplit. L'affirmation classique se trouve dans les paroles de Saint Paul dans 1 Corinthiens 10:17 où il écrit : "Parce qu'il y a un seul pain, nous qui sommes nombreux, nous formons un seul corps, car nous participons tous au même pain".

C'est-à-dire que lorsque les nombreux fidèles partagent chacun l'unique pain eucharistique, ils sont reconstitués comme un seul corps dans l'Église. Dans cette symbiose spirituelle, l'Église fait l'Eucharistie et l'Eucharistie fait l'Église. Ainsi, l'Eucharistie n'apporte pas seulement la grâce transformante et curative de Dieu à l'individu qui y participe, elle unit aussi cet individu à d'autres individus dans l'unique Corps du Christ.

Dans ce sacrement, on ne peut pas séparer le Christ de Son Église : l'Eucharistie unit un au Christ parce qu'elle unit un à Son Corps, l'Église. L'Église n'est pas seulement un groupe d'individus réunis. Lorsque les chrétiens se rassemblent, le Christ est au milieu d'eux, à tel point que l'Église est le Christ.

Nous le voyons dans le vocabulaire de saint Paul. Par exemple, dans 1 Corinthiens 12:12, il parle des différents membres d'un corps humain constituant tous un seul corps, et lorsqu'il applique cette réalité à l'Eglise corinthienne, il ne dit pas "ainsi en est-il aussi de l'Église", bien que ce soit ce qu'il veut dire. Il dit plutôt "ainsi en est-il aussi du Christ", identifiant l'Église au Christ. Il dit la même chose dans Ephésiens 1:23, où il écrit que l'Eglise "est Son Corps, la plénitude de Celui Qui remplit tout en tous". L'Eucharistie unit au Christ ceux qui la partagent parce qu'elle les unit à Son Église, les réincorporant comme membres de ce corps. Dans l'Eucharistie, nous ne sommes pas seulement unis au Christ, mais aussi à tous les autres membres de Son Corps.

Nous nous demandons en outre : que signifie appartenir à un corps ? L'appartenance à un corps - pas seulement à l'Église chrétienne, mais à toute entreprise - implique deux choses : l'unité de foi ou d'idéologie et l'engagement à une discipline mutuelle. Prenez, par exemple, quelque chose de très différent de l'appartenance à l'Église chrétienne, comme l'appartenance au parti communiste. Pour devenir et rester membre de cet organisme, il faut souscrire à certains principes (par exemple le communisme) et respecter sa discipline mutuelle. Ainsi, si l'on rejette les principes du communisme ou si l'on profite de certaines entreprises commerciales, rejetant ainsi son insistance à renoncer à la propriété privée, on sera à juste titre rejeté pour l'adhésion au parti communiste. Pour faire partie d'un corps qui se définit par rapport à ceux qui n'en font pas partie, il faut souscrire à ses principes communs et vivre en accord avec ces principes. C'est ce que signifie faire partie d'un corps, et non pas en être étranger.

Il en va de même pour le corps de l'Église chrétienne : pour faire partie de l'Église, il faut souscrire à ses principes (c'est-à-dire à la foi orthodoxe) et vivre en accord avec ces principes. Si l'on n'adhère pas à cette foi ou si l'on refuse d'être lié par le mode de vie qu'elle exige, on ne peut pas faire partie de ce corps. Les baptistes, par exemple, n'adhèrent pas à la foi orthodoxe (si vous en doutez, entrez dans n'importe quelle église baptiste et commencez à offrir une prière à la Mère de Dieu), et ils ne se considèrent pas comme liés aux disciplines qui définissent et lient les orthodoxes. Aussi merveilleux que soient les baptistes, ils ne peuvent pas faire partie de l'Église orthodoxe, non pas parce que les orthodoxes sont si méchants, exclusifs et vilains, mais parce que les baptistes ne peuvent pas remplir les conditions requises pour ce que signifie l'appartenance à un corps (dans ce cas, le corps de l'Église orthodoxe).

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi l'Église, depuis sa création, refuse catégoriquement de communier ceux qui sont en dehors d'elle. Si l'on ne peut pas appartenir à l'Église parce que l'on ne peut pas confesser la foi de l'Église ou accepter la discipline morale de l'Église, on ne peut pas recevoir la  Communion, parce que la communion les unirait à un corps auquel ils ne peuvent pas appartenir. Recevoir l'Eucharistie unit au corps qui la célèbre, et l'hérétique ou le schismatique (pour donner leurs noms classiques) rejette les conditions requises pour l'appartenance à ce corps. La nature même de l'Église (ou "la plénitude de l'Église", pour reprendre le langage de la prière derrière l'ambon) interdit une telle communion. Non seulement elle n'apporterait aucun bénéfice aux personnes communiées de l'extérieur (et pourrait même leur faire du mal ; voir 1 Corinthiens 11:27et sq.), mais elle nuit également à l'Église elle-même, car elle admettrait ainsi des influences étrangères en son sein, comme le levain dans une pâte.

Bien entendu, toutes les confessions chrétiennes ne partagent pas ce point de vue sur l'Eucharistie. Certaines églises considèrent la réception de la Communion comme une affaire entièrement individuelle, la Communion exprimant leur engagement envers le Seigneur, mais sans l'aspect corporatif qui consiste à les unir à d'autres communiciants en un seul corps. Elles sont tout à fait cohérentes en offrant la Communion à des chrétiens d'autres dénominations, puisque tout ce que la Communion fait, selon elles, est l'expression de la gratitude envers Dieu pour la mort du Christ sur la Croix. Puisque les chrétiens d'autres confessions peuvent partager leur gratitude pour la mort du Christ, il n'y a aucune raison pour qu'ils ne puissent pas également partager leur Communion.

Il est difficile de leur reprocher leur cohérence. Compte tenu de cette théologie, il serait en effet étroit, grossier et erroné de refuser la Communion à ceux qui appartiennent à d'autres confessions. Le problème n'est pas leur cohérence, mais leur théologie. Car la Sainte Communion n'exprime pas seulement la gratitude pour la mort du Christ sur la Croix ; elle unit aussi les croyants aux autres croyants dans un seul corps. La légitimité de l'intercommunion dépend d'une compréhension erronément individualiste de l'Eucharistie.

L'argument orthodoxe selon lequel "dans un mariage mixte, le partenaire non orthodoxe reçoit un seul sacrement, alors pourquoi pas deux" passe totalement à côté de la question. (Il élude également la question de savoir si de tels mariages mixtes sont sages en eux-mêmes, même en dehors de l'Eucharistie. Car comment les enfants seront-ils élevés) ? La question ne peut être résolue en prétendant que la discipline appliquée à un sacrement s'applique à tous. Ce n'est clairement pas le cas, et c'est une étonnante confusion de pensée que de les confondre ainsi. Le problème est la nature de l'Eucharistie et de l'unité eucharistique.

Par définition, il n'y a donc pas de possibilité d'intercommunion avec le Christ, mais seulement de communion. Pour citer un ancien article du Métropolite Kallistos Ware (si ancien qu'il était alors "l’Archimandrite Kallistos Ware") : "La Bible, les Pères et les Canons ne connaissent que deux possibilités : la communion et la non-communion. C'est tout ou rien". Il poursuit en citant le professeur George Galitis qui a observé : "Admettre une personne à la communion et à l'appartenance à l'Eglise sont identiques... Le concept d'intercommunion est inconnu de l'Eglise ancienne, comme il l'est aussi du Nouveau Testament". Si l'on n'est pas encore membre de l'Église orthodoxe, alors la communion est impossible.

Il est important de reconnaître que le moteur qui conduit à cette erreur sans précédent dans la pratique historique est l'émotion, pure et simple. Certains trouvent émotionnellement difficile de dire aux gens : "Non, vous ne pouvez pas avoir ce que vous voulez". L'un d'entre eux est terrorisé, apparemment, par le fait de faire se sentir mal. Les parents savent qu'une telle approche représente non seulement un manque de courage, mais aussi une folie. Les enfants comme les adultes ne peuvent pas toujours avoir ce qu'ils veulent, et la maturité consiste à s'en rendre compte. Et un prêtre qui maintient la tradition de l'Église et refuse de céder à l'émotion trouve parfois qu'une telle position peut porter ses fruits.

Je me souviens que dans ma propre église de St. Herman [saint Germain d’Alaska], nous avons eu un jour un couple, dont l'un était orthodoxe et l'autre un protestant baptisé. Ils se sont finalement mariés et ont continué à fréquenter l'église St. Herman, mais le partenaire non orthodoxe ne communiait pas. Finalement, le non-Orthodoxe décida de devenir orthodoxe, et fut dûment reçu [dans l’Eglise]. Une telle issue heureuse n'aurait peut-être jamais eu lieu si nous avions abandonné la Tradition et admis à communier les deux depuis le début.

Mais en fin de compte, il ne s'agit pas des sentiments ou du destin d'un seul couple. Il s'agit de préserver la foi et la tradition de l'Église à travers les générations. Car soyons clairs : si l'Église décide d'abandonner sa tradition eucharistique par déférence pour les difficultés d'un mariage mixte, elle ne s'arrêtera pas là. Elle donnera très bientôt la Communion à tout chrétien qui se présentera à la file de Communion, car le moteur du changement initial était celui de l'émotion. Tout comme le prêtre au grand cœur ne pouvait pas supporter de décevoir le gentil couple marital en refusant la Communion à l'un d'entre eux, il ne pourra pas non plus supporter de décevoir le gentil protestant qui visitera sa paroisse et rejoindra la ligne de communion. Et puis, après cela,[ il en sera de même pour] tout individu sympathique. Je me souviens d'un prêtre anglican qui disait qu'il communiait toute personne qui était "en voyage spirituel". Le filet n'aurait guère pu être plus large.

Une pensée magique entonnera solennellement : "Cela ne pourrait jamais arriver dans l'Orthodoxie". C'est une foi touchante dans la nature humaine, et totalement injustifiée. Je reconnais que cela semble impensable. Mais il y a une génération, un archevêque orthodoxe désireux de communier un non-Orthodoxe était tout aussi impensable. Nous sommes au bord d'une pente glissante - ou si cette métaphore suscite le mépris - au bord d'un abîme. De nombreuses églises historiques y sont déjà tombées. Le moment est venu de se souvenir de notre Tradition apostolique et de faire marche arrière.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après