Le métropolite Onuphre, locum tenens du siège
métropolitain de Kiev : « L’Église doit suivre le Christ et non les
politiciens ».
Le site pravmir.ru a regroupé et publié
plusieurs interviews accordées par le métropolite Onuphre, avant les récents
événements en Ukraine et sa nomination en tant que locum tenens du siège
métropolitain de Kiev. Nous les publions in-extenso ci-dessous.
- Cette année, quinze années se seront
écoulées depuis l’Assemblée épiscopale de Kharkov. Vous étiez l’un de ceux qui
ont adopté une position rigide envers Philarète [le primat de l’Église schismatique ukrainienne,
ndt] et ceux qui étaient avec lui.
Maintenant, alors que tant de temps s’est passé, comment estimez-vous ces
événements, vos propres actes ? Qu’est-ce qui vous a alors renforcé dans
vos convictions ?
- L’époque était complexe, certains s’employaient
très activement à impliquer l’Église dans les labyrinthes des réseaux
politiques. Quant à moi, bien sûr, je comprenais et savais que l’Église ne peut
emboîter le pas aux politiciens. Je voyais de façon précise et définie que
c’était là une tentative d’annihiler l’Église, bien que personne ne puisse
l’anéantir. Mais ceux qui combattaient l’Église de cette façon, pensaient
qu’ils la transformeraient en club politique, qu’elle les applaudirait et se
laisserait mener par le bout du nez. Non seulement moi-même, mais beaucoup,
presque tous les évêques, lorsqu’arriva le moment critique – être ou ne pas
être l’Église canonique en Ukraine – ont fait front. C’était un moment auquel
on ne pouvait se taire, être passif. Dieu a agi ainsi par notre intermédiaire.
C’est alors que se réalisèrent à nouveau les paroles prophétiques du Sauveur,
selon lesquelles les « portes de l’enfer ne prévaudront pas » contre
l’Église. Et si ce n’était pas nous, d’autres auraient agi. De toutes façons,
l’Église canonique a survécu. Nous avons agi selon l’injonction de Dieu, et le
Seigneur nous a donné une telle raison et un tel zèle, que nous nous sommes
réunis à Kharkov et avons condamné Philarète [métropolite ayant causé le
schisme dans l’Église orthodoxe d’Ukraine et déposé ensuite par les autorités
ecclésiales canoniques, ndt]. Nous avons fait ce qui était nécessaire selon les
règles et les canons de l’Église, nous avons élu un nouveau primat [le
métropolite de Kiev Vladimir].
- Combien y a-t-il maintenant d’églises dans
le diocèse de Tchernovtsy, accaparées par Philarète ?
- Dans notre diocèse, il y a deux
« diocèses », deux « évêques » de Philarète. Pour autant
que je sache, il y a environ 45 paroisses dans chacun d’entre eux. Il y a
quelques villages qui sont passés entièrement du côté de Philarète, mais en
définitive très peu. Dans certains villages, il y a une division : il y a
à la fois nos propres églises, et celles de Philarète. Il y a des villages, où
il n’y a que l’église de Philarète, mais les fidèles vont dans d’autres
endroits, dans les villes, afin d’aller dans l’église canonique et se
confesser, communier.
- En comparaison avec les autres diocèses,
par exemple celui de Tchernigov et de Rovno, où se produisent des heurts
« physiques » avec Philarète, se comporte-t-il ici aussi
agressivement ?
- Philarète se comporte de façon identique
dans tous les diocèses. Il voudrait tout soumettre à lui, mais il a perdu la
canonicité, et son rang sacerdotal. Il tente de temps à autre, à l’aide des
courants politiques, de se réanimer, mais c’est la même chose que d’appliquer
un cataplasme sur un corps mort.
– Existe-t-il aujourd’hui un danger de
répétition de la situation qui s’est produite il y a quinze ans, lorsque le
pouvoir ukrainien a tenté d’imposer depuis le haut une union contre-nature avec
Philarète ?
- Un danger semblable existe de la part du
président [Ianouvkovitch,
ndt]. Il insiste, de façon
particulièrement active pour que toutes les Églises ukrainiennes s’unissent et
se séparent de Moscou. Mais c’est là de la politique. Nous ne pouvons nous séparer,
nous avons avec Moscou, comme avec tout le monde orthodoxe, des canons, des
règles communes. Il peut y avoir dans l’Église des séparations, mais leur cause
doit être non politique, mais spirituelle. Si une partie de l’Église tombe dans
l’hérésie, l’erreur, et bien que cela ne me plaise pas, que je ne désire pas me
séparer d’elle, je dois néanmoins le faire, je dois partir. Comment l’Église
russe a-t-elle quitté Constantinople ? La Russie n’a jamais était
dépendante de Constantinople politiquement, elle a toujours été indépendante,
mais elle s’est trouvée pendant 600 ans sous l’omophore du patriarche de
Constantinople. Or, les patriarches de Constantinople ont commencé à conclure
l’union, celles de Lyon et de Florence, suite à quoi celle de Brest-Litovsk
couvait déjà. Tout cela a duré longtemps. Et puis, lorsqu’il devint évident que
Constantinople s’engageait dans l’hérésie, alors l’Église russe a quitté le
giron de Constantinople, et s’est choisi un primat. C’est la seule raison.
C’est une question de fond, les politiciens doivent suivre l’Église, et non
l’Église suivre les politiciens. Et que se passe-t-il maintenant ? De la
même façon que, dans le monde, tout est sens dessus dessous, tant dans
l’économie que dans la politique, on s’efforce aussi dans la vie ecclésiale de
placer au premier rang ce qui est secondaire, et au second rang ce qui est
primordial.
- L’Église est-elle satisfaite des relations
qui existent en Ukraine entre elle et l’État ?
- Il serait souhaitable que tous obéissent à
la Loi divine : tant nous, que les prêtres, et tous les chrétiens, et le
pouvoir à tous les nouveaux. Je ne veux pas que le pouvoir m’obéisse, mais je
souhaite moi-même obéir à la Loi divine et m’y soumettre. C’est ce que je
souhaite que le pouvoir fasse lui-même. Lorsque l’on dit que l’Église était jadis
« leader », menait tous les hommes, on comprend avant tout l’Église
comme Loi sacrée, laquelle définit celle-ci, la remplit de la Grâce divine.
C’est cette Loi sacrée qui doit constituer une orientation pour nous tous, qui
vivons sur terre ; nous tous, que nous soyons détenteurs du rang
sacerdotal, des gens simples, des dirigeants – nous devons suivre cette Loi
sacrée.
- Monseigneur, dites-nous, comment avez-vous
perçu l’union de l’Église russe [la réunion du Patriarcat de Moscou et de
l’Église russe hors-frontières, ndt] dans votre diocèse ?
- Les gens d’Église, qui fréquentaient
toujours l’Église, ont accueilli avec grande joie cet événement. Aujourd’hui,
lorsque tout se désunit, se brise, cela constitue un défi à ceux qui prônent le
séparatisme. Les gens, particulièrement ceux qui vivent à l’étranger, sont très
satisfaits de cette union. Parce qu’auparavant, ceux qui vivaient en Allemagne,
en Amérique, en Australie, ne savaient pas quelle église fréquenter. Ils
venaient chez nous, écrivaient, demandant dans quelle église on pouvait aller,
et dans laquelle cela était interdit. Séjournant en terre étrangère, ils ne
pouvaient s’orienter immédiatement, et nous, pourquoi le taire encore, donnions
la bénédiction de fréquenter aussi les lieux de culte de l’Église
hors-frontières. Moi-même, je la donnais, afin que nos fidèles, s’il y avait là
une communauté de l’Église russe hors-frontières, aillent là et non chez les
uniates ou les catholiques. Et ils le faisaient. Mais la situation était
tendue, le clergé de l’étranger ne commémorait pas le patriarche. Or, en se
réunissant, la blessure a littéralement été guérie.
- Monseigneur, votre service archipastoral a
lieu dans cette région, où vous êtes né et avez été élevé. Cette une région
complexe, multinationale, frontalière… Quels changements s’y sont produits
durant ces dernières années, qui ne sont peut-être pas les plus réussies quant
aux relations interethniques ?
- La région, dans laquelle j’accomplis mon
obédience épiscopale, est celle de Tchernovtsy. C’est effectivement une région
multinationale, où vivent beaucoup de Roumains, de Moldaves, de Russes, il y a
aussi des Géorgiens et des Polonais, auxquels se sont maintenant ajoutés des
ressortissants d’Asie Centrale. Mais, traditionnellement, tous les peuples
habitant cette région ont vécu en paix. Actuellement, c’est effectivement une
époque à laquelle est cultivée le nationalisme, mais la région de Tchernovtsy,
Dieu soit louée, n’a pas été ébranlée par ce nationalisme, et les gens
continuent à vivre comme par le passé dans la concorde, la paix, la tolérance
les uns envers les autres.
- Si on la compare aux autres régions
d’Ukraine ou de Russie, est-ce une région religieuse ?
- Oui, sans aucun doute, c’est une région où
il y a beaucoup de croyants.
- En était-il ainsi durant les années
soviétiques ?
- Même à l’époque soviétique, lorsque les
fidèles se « dissimulaient » aux autorités, il y avait ici néanmoins
beaucoup d’églises en comparaison avec les autres régions. Même pendant les
soviets, il y avait ici jusqu’à 150 prêtres simultanément. Maintenant, il y a
dans notre diocèse 400 paroisses, la population ne comptant que 960.000
personnes.
- Dans une situation fort complexe comme
celle qui s’est créée en Ukraine maintenant, à quel point l’Église orthodoxe
peut-elle préserver l’indépendance de sa position, de ses décisions ?
- Cela est possible non sans difficultés… En
fait, ces personnes qui allaient à l’église sous le régime athée, sont
aujourd’hui des enfants dévoués à l’Églises, ennemis de l’immixtion des
politiciens dans la vie ecclésiale, ils se prononcent pour l’unité de la sainte
Église orthodoxe russe. Parmi ceux qui sont venus à l’Église beaucoup plus
tard, lorsqu’a commencé le temps de la liberté, beaucoup sont également devenus
de fidèles enfants de l’Église, mais certains d’entre eux n’ont pas une
compréhension suffisante de la mission de l’Église, de ce qu’est l’Église à
proprement parler…
- Est-ce à dire que l’on peut affirmer que,
dans une mesure significative, les problèmes de la vie ecclésiale en Ukraine
sont liés à ceux que l’on peut qualifier de jeunes convertis ?
- On peut dire qu’ils comprennent et aiment
moins l’Église. Ils pensent qu’il s’agit d’une organisation humaine, que l’on
peut manipuler. Il n’y a pas une compréhension claire que l’Église a ses
propres lois, ses règles et son Chef. L’Église a pour chef le Christ, elle doit
Le suivre, et non pas suivre les politiciens.
- Monseigneur, malheureusement et ce n’est un
secret pour personne, que de nombreuses discussions ont lieu au sujet de la
possibilité potentielle de détachement de l’Église d’Ukraine du Patriarcat de
Moscou. À quel point cela est-il possible de votre point de vue ? Et si, à
Dieu ne plaise, cette séparation se produisait, quelles en seraient les
conséquences ?
- Je suis convaincu que nous n’avons aucun
argument spirituel en faveur du détachement du Patriarcat de Moscou. La mission
principale de l’Église est le salut des âmes. Dans notre Église – l’Église
orthodoxe russe – cette grâce du salut existe à ce jour. Que peut-on chercher
de plus dans l’Église ? Ces gens qui cherchent leurs propres intérêts dans
l’Église, et non ceux de Dieu, souhaitent la séparation. Si elle a lieu, ce
sera contre la volonté de Dieu. Si cela se produit, je pense que l’Orthodoxie
en Ukraine se trouvera en grand danger, et je suis même convaincu qu’elle sera
anéantie.
- Anéantie ou réformée ?
- On peut appeler cela de différentes façons.
Il y a déjà eu des tentatives de formation d’une Église indépendante en
Ukraine, et non seulement une, mais plusieurs. Et tout cela n’a mené à rien de
bon. Pourquoi ? Je ne sais pas : l’Esprit nous manque, ou alors il y
a un dessein Divin quelconque, contre lequel on ne peut aller… Et ce dessein,
je pense, est que nous soyons les enfants d’un seul prince Vladimir, que nous
soyons ensemble. Et que ces enfants vivent en Ukraine, ou en Russie, ou en
Biélorussie, cela n’a pas d’importance.
- À quel point sont puissants en Ukraine aujourd’hui
ces gens qui cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Dieu ?
- Fondamentalement, ce sont les gens qui se
trouvent près du pouvoir, qui ont entre les mains les leviers et qui les
utilisent pour détruire l’Église, réalisant cela au moyen des schismes :
un schisme, un autre, un troisième… Naturellement, ce ne sont pas tous les
politiciens, en Ukraine, qui agissent ainsi, mais il y en a un certain nombre.
- Et comment surmonter cette nouvelle menace
de schisme en Ukraine ?
- Surmonter ? Elle ne se surmonte pas,
il faut simplement rester ferme dans la foi et confesser la vérité. Ils ont
leurs buts, leurs objectifs, scinder, mais notre tâche est de conserver
l’Église une et canonique.
- Aujourd’hui en Ukraine, pour celui qui ne
comprend pas bien toutes les subtilités des relations ecclésiales actuelles, il
est facile de confondre une église orthodoxe avec une église uniate, une église
relevant de l’Église d’Ukraine du Patriarcat de Moscou avec celle des
schismatiques. Comment une personne « habituelle », vivant en
Ukraine, qui vient seulement de se joindre à l’Église, ou encore qui vient
d’arriver en Ukraine, peut-elle éviter les erreurs ?
- En demandant aux gens qui est le chef de
l’Église. Et si l’on ne peut demander à personne, si on est entré dans une
église par mégarde, écouter quel évêque est commémoré. Si l’on commémore
Philarète ou Méthode Koudriakov, [schismatiques, se prétendant tous deux Primats
de l’Église orthodoxe d’Ukraine, ndt], ou encore le pape de Rome, il faut
sortir, tandis que si l’on commémore le patriarche [de Moscou] métropolite
Vladimir, il faut rester.
- Et selon votre point de vue, y a-t-il des
différences spécifiques dans la vie ecclésiale en Russie et en Ukraine ?
- Il y a des différences, peut-être,
concernant des éléments administratifs insignifiants, dans la résolution des
questions économiques, d’intendance, mais non dans la foi. Tout est identique
dans les offices liturgiques.
- Monseigneur, il y eut un temps où l’Église
se trouvait pratiquement exclue de la vie publique, d’autant plus de la vie
politique de l’État. L’Église se trouvait alors dans des conditions extrêmement
critiques. Aujourd’hui, au contraire, l’implication dans la politique se
produit, parfois, consciemment, parfois inconsciemment, mais cela, probablement
recèle aussi certains dangers. Ne le pensez-vous pas ?
- Je le pense. Vous savez, il y a ce conseil
chez les pères spirituels qu’au monastère, il ne doit pas y avoir entre les
frères de relations trop proches, amicales, pas de confidences excessives. La
raison en est que, les hommes étant imparfaits, ces relations proches,
ouvertes, le fait que l’on confie l’un à l’autre des secrets intérieurs, tout
cela peut être parfois utilisé par l’ennemi [le diable, ndt] et retourné de
telle façon que les personnes concernées deviennent les ennemis les plus
irréconciliables. Cela s’est produit et peut se produire et dans l’Église et
dans l’État : dans les deux cas, les hommes ne sont pas parfaits. Et une
union trop étroite peut finalement se transformer en haine mutuelle. Que Dieu
fasse qu’il ne se produise rien de semblable.
- Monseigneur, dans votre diocèse, vous avez
dit qu’il y a près d’un million d’habitants en tout, avec 400 paroisses, 500
moines et moniales. Ces beaucoup…
- Cela résulte beaucoup du fait que le
pouvoir soviétique en Russie a été établi dès 1917, tandis que chez nous, en
Bucovine, depuis 1946. Nous n’avons pas connu des persécutions, des
destructions, aussi violentes qu’en Russie. Je pense que cela est l’un des
facteurs fondamentaux de cette situation.
- Cela veut dire que malgré tout les
traditions de la vie ecclésiale et monastique y ont été préservées dans une
mesure plus grande qu’en Russie, plus exactement, qu’elles y ont été moins
détruites ?
- Oui. Ici, il n’y a pas eu un tel
anéantissement du monachisme, du clergé, des fidèles, comme en Russie. Au moins
dans la région de Tchernovtsy, parce que dans les autres régions [d’Ukraine],
sous la domination de l’Union soviétique dès le début, ils sont passés par les
mêmes épreuves qu’en Russie.
- Si l’on parle de la situation des
monastères, il arrive souvent, malheureusement que lorsque l’on fonde un
nouveau monastère ou restaure un monastère ancien, il n’y a pas de supérieur
expérimenté, de père spirituel expérimenté, qui pourraient y organiser
correctement la vie monastique, et pour cette raison, le cheminement d’une
nouvelle communauté est difficile, douloureux.
- C’est un problème commun. Nous avons aussi
ce genre de problèmes. Chez nous aussi, tous les moines sont jeunes, la
transmission de la vie monastique a été interrompue, et les supérieurs, les
higoumènes, sont de jeunes moines. Ils apprennent comment il faut vivre la vie
monastique, et s’efforce de l’enseigner à leur communauté. L’homme apprend
lui-même comment cheminer spirituellement, et apprend aussi à l’autre à
marcher… Mais, bien sûr, la personnalité de l’higoumène est importante pour le
monastère. C’est comme la cellule du corps, si elle est saine, tout sera sain
autour d’elle, un organisme sain se formera, mais si elle est malade,
l’organisme peut connaître des complications, et à l’intérieur il se
détériorera, sera faible, maladif.
- Monseigneur, existe-t-il des professions
agréables ou désagréables à Dieu ? Quelle attitude avoir envers l’activité
publique ou politique ?
- Les professions peuvent être classifiées en
fonction de leur moralité. Il n’est secret pour personne quelles sont les
profession immorales. Pour ce qui concerne l’activité politique, c’est une
fonction complexe, dans laquelle il n’est pas facile de s’unir à Dieu, car dans
le domaine politique, il y a beaucoup de compétition, d’aspiration à acquérir
de l’influence, il y a le mensonge, qui d’une façon ou d’une autre agit sur
l’homme, l’assombrit et ne lui donne pas la possibilité de voir la Lumière
divine. Les professions dans lesquelles il y a le moins de mensonges et le plus
de vérité, aident mieux l’homme dans sa vie spirituelle.
- Est-ce à dire que le chrétien ne doit pas
s’occuper de politique ?
En général, ce n’est pas une œuvre chrétienne
en elle-même, mais Dieu y appelle aussi les chrétiens. C’est ainsi que si, dans
notre pays orthodoxe, il n’y a que des politiciens qui ne sont pas chrétiens,
nous retournerons peu à peu au passé athée récent, lorsque l’Église était
persécutée. Aussi, si Dieu appelle des hommes à ce service, Il leur donnera la
force de résister aux tentations.
- Et si un politicien déjà formé, ou un homme
qui occupe une certaine place dans la société, dans quelque structure politique
et économique, devient un chrétien sincère, doit-il abandonner son
activité ?
- Je pense qu’il faut agir selon sa
conscience. Peut-être doit-il l’abandonner, mais peut-être aussi, le Seigneur
lui dira de rester en place et de témoigner. C’est un fait que parfois des
politiciens se convertissent sincèrement au Christ. Rappelez-vous seulement du
saint prince Vladimir, égal-aux-apôtres. Le principal est que l’homme dispose
d’un critère spirituel correct, de mesures justes, par lesquels il peut définir
où est la vérité, où est le mensonge. Si vous les distinguez tous les deux,
vous pouvez vous détourner du mensonge. Peut-être pas entièrement, mais d’une certaine
façon. Si l’homme ne peut s’y retrouver, c’est une tragédie pour lui.
- C’est justement cette question que l’on
doit soumettre à son père spirituel ?
- Sans aucun doute. Il est très difficile
pour l’homme d’être objectif envers lui-même. Habituellement, les gens ont
envers eux-mêmes une attitude empreinte de partialité, ils s’efforcent de
prouver qu’ils ont raison ou de se justifier. Pour être sûr de la justesse de
ses opinions, il faut prendre conseil de son père spirituel, et si celui-ci
approuve, il faut agir en conséquence.
- Nous avons des fraternités orthodoxes, des
mouvements associatifs. Nous, orthodoxes, devons-nous nous réunir dans des
organisations, cela est-il nécessaire, utile ?
- Les fraternités se sont justifiées dans les
cas où l’Église était fortement persécutée [allusion aux fraternités orthodoxes qui se sont
constituées en Ukraine au XVème-XVIème siècle pour résister à l’uniatisme, ndt]. C’étaient des laïcs qui avaient une
attitude pleine de zèle envers la pureté de la foi, ils s’unissaient, parce que
l’Église n’était pas en position de le faire. Ils se réunissaient et luttaient.
Mais quand l’Église mène une existence paisible, les fraternités militantes ne
doivent pas exister. Les gens doivent aller à l’église et agir, accomplir les
obédiences dans l’enceinte de l’Église sous une direction spirituelle. Le
principal est ici que les gens n’errent pas, en l’absence de direction
spirituelle. Car tout en pensant qu’ils luttent pour l’Église, qu’ils la
défendent, ils commencent à la combattre. S’ils sont orthodoxes, ils doivent
être dans l’Église. S’ils sont orthodoxes sans avoir l’esprit d’Église [et créent des mouvements], il faut
les considérer comme des mouvements séculiers. Si l’on se considère orthodoxe,
avec un esprit ecclésial, aucun mouvement ou fraternité n’est nécessaire. Il
faut être dans l’Église, il faut être obéissant à l’Église, accomplir un
service social, et alors le Seigneur dirige Lui-même.
- Mais alors, qui peut-on qualifier
d’orthodoxe ?
- L’orthodoxe est celui qui est baptisé et
qui, ne serait-ce que dans une certaine mesure, s’efforce de vivre de façon
orthodoxe. Il ne suffit pas de confesser les dogmes orthodoxes, mais il faut
vivre selon ces règles. Si l’on croit intellectuellement de façon orthodoxe, mais
que l’on vit selon des critères tout autres, on ne peut s’appeler orthodoxe.
Dans ce cas on peut dire d’un tel homme qu’il est sympathisant de l’Orthodoxie,
proche d’elle, mais non pleinement orthodoxe.
En ce qui concerne les canons de l’Église, ceux-ci
disposent que celui qui ne fréquente pas les offices pendant trois semaines
consécutives et sans raison valable, peut être excommunié de la communauté
ecclésiale. Cela ne signifie pas que l’Église doive ignorer ses enfants égarés.
Elle prie pour tous. Toutefois, à la proscomédie, dans le sanctuaire, selon les
règles ecclésiales, il faut commémorer les membres véritables de l’Église,
tandis que lors des offices d’intercession, on peut commémorer tous les
baptisés. Dans ses prières personnelles, chacun peut prier pour tous, dont les
athées.
Lors de la proscomédie, les parcelles
détachées pour les membres de l’Église, sont placées à côté de l’Agneau, ceci signifiant qu’ils portent leur croix et montent avec le Christ au
Golgotha. Et il est indispensable que cet acte symbolique ne soit pas en
contradiction avec la réalité.