"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 9 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Jean Vlasaty le Miséricordieux (3 septembre)



Les reliques du bienheureux Jean Vlasaty reposent scellées en l’église du saint martyr Blaise, à Rostov. Sur sa tombe, on peut voir une croix d’argent et un psautier en latin. Une plaque sur le psautier porte l’inscription suivante : «En l’an 7089 (1581), le troisième jour de septembre, sous le règne du grand Tzar souverain et grand Prince Jean, fils de Basile, John Vlasaty reposa et fut enterré dans l’église du saint martyr Blaise qui est à Zarovy. Des guérisons sont opérées près de ce cercueil pour ceux qui y viennent avec foi. A cause de l’abondance des guérisons, il est surnommé par le peuple Le Miséricordieux».
Quand saint Dimitri devint métropolite de Rostov, en 1702, le psautier était très ancien et tombait en poussière. Il avait été relié et replacé sur le cercueil. Personne ne sait qui était le bienheureux Jean. Il arriva à Rostov durant le règne d’Ivan le Terrible. Certains pensent que puisqu’il savait lire le psautier en latin, il se pourrait qu’il soit un converti venant de l’occident comme saint Macaire le Romain ou saint Procope d’Oustioug. Il commença sa lutte spirituelle à Rostov et vécut toute sa vie en grandes privations, souffrance et persécution, à la fois de gens méchants et du fait des éléments. On sait que son père spirituel était le père Pierre de l’Eglise de Tous-les-Saints et que le saint était très proche d’une veuve âgée de Rostov. Quand il reposa en Christ, il fut enseveli, à sa propre demande, près du père Pierre et de la veuve, derrière l’église de saint Blaise. Son ensevelissement fut marqué par un orage terrible avec moult tonnerre et éclairs.
Peu après le repos du bienheureux, une rivière de guérisons commença à couler de son cercueil. Parmi ceux qui furent guéris était le métropolite Cyrille de Rostov qui, étant âgé et ayant perdu l’usage de ses bras et de ses jambes, avait renoncé à son siège d’évêque. Après une fervente prière à la tombe du bienheureux Jean, le prélat âgé qui avait été porté dans l’église, reçut une telle rémission dans sa maladie qu’il put retourner chez lui sur ses deux jambes. Subséquemment, il devint non seulement capable de célébrer les services divins, mais il fut à nouveau à même de diriger son éparchie pendant le temps de la captivité, par les Polonais, de son célèbre successeur, Philarète Romanov.
La mémoire de saint Jean est honorée localement le jour de son repos et le 12 novembre, jour anniversaire de la translation de ses reliques.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (25)



Mystère de l'intercession
Le saint qui a prié pour moi
Comment le remercier
Lui qui est déjà dans la plénitude

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 8 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Nicolas Salos de Pskov (28 février)


Святой праведный Николай, Христа ради юродивый, Псковский

Saint Nicolas Salos de Pskov

Le fait de savoir qu’Ivan le Terrible était en route pour leur cité après le carnage de Novgorod, dut être suffisant pour terroriser les citadins de Pskov. C’était le 20 février 1570, second dimanche du Grand Carême. Ivan le Terrible avait établi son camp au village de Lioubiatov à cinq verstes du Pskov. «Il vint, dit la chronique, en grande colère, comme un lion rugissant, pour mettre en pièces les innocents». Les rues de Pskov résonnaient des lamentations et des pleurs des habitants dont beaucoup fuirent dans les bois. Les plus courageux décidèrent de se barricader dans la ville et de se battre. Avec difficulté, le vice-roi de la cité, le prince aimant le Christ, Youri Tokmakov persuada les habitants de Pskov de se confier à la volonté de Dieu et de recevoir le Tzar avec soumission, dans l’espoir qu’il renonce à de nouvelles tueries. En attendant la catastrophe qui approchait, personne ne pouvait dormir. A minuit, les cloches résonnèrent pour les Matines du dimanche. Le Terrible pourrait se délecter en imaginant avec quelle sorte de sentiments les citadins allaient au temple de Dieu pour l’ultime fois, afin de supplier le Très-Haut pour qu’Il les sauve de l’ire du Tzar.

Ce matin du 20 février, les rues de Pskov se remplirent de gens qui tremblaient. Tous étaient habillés en costumes de fête et des tables avec le pain et le sel avaient été dressées, par chaque famille, pour accueillir le Tzar. Chacun se sentait condamné à mort. Au sein de cette foule sombre et terrifiée, un homme, vêtu d’une longue chemise attachée par une corde à la ceinture, déambulait pieds nus dans les rues. Insouciant, il courait d’une table à l’autre, essayant d’encourager ses concitoyens. C’était Nicolas Salos1, le fol-en-Christ !

Quand le Tzar commença à apparaître, une sonnerie de cloche festive vint en écho des cloches des tours de la cathédrale de la Sainte-Trinité et de toutes les églises de la ville. Ceux qui se tenaient aux portes se prosternaient jusques à terre, touchant de leur front le sol devant le Tzar. Le vice-roi prit le pain et le sel des mains du secrétaire de la cité et, avec un grand enclin, les présenta au Tzar. Le Terrible le regarda avec colère et repoussa le plat. Le sel tomba et se répandit dans la neige. Un frisson de terreur parcourut la foule alors que le Tzar franchissait les portes. Les citadins, prosternés jusques à terre, l’accueillirent avec le pain et le sel.

Soudain, de la foule, arriva Nicolas qui galopait sur un jouet, un bâton en guise de cheval. Il critiqua le Tzar : «Ivanouchka, Ivanouchka2, mange du pain et du sel au lieu du sang humain». Le Tzar en colère ordonna à ses gardes de se saisir de lui, mais Dieu couvrit son serviteur qui disparut dans la foule. Un souffle de vent soudain balaya la neige et glaça le sang des citadins apeurés. Une ligne de lourds nuages gris était soudain apparue à l’horizon et semblait se hâter vers la cité comme pour se joindre au Terrible dans l’accomplissement de ses inavouables desseins.

Le tzar Ivan approchait de la cathédrale. Il fut accueilli sur le porche par le père Corneille, higoumène du monastère des Grottes de Pskov et par le clergé de la ville. Ils entrèrent dans l’église et le Tzar écouta un moleben célébré pour sa santé. Comme le Tzar quittait la cathédrale, il fut à nouveau approché par le bienheureux Nicolas qui insista pour l’inviter dans sa cellule sous le clocher de la cathédrale. Le Tzar y consentit. Dans la cellule exiguë de Nicolas, une nappe propre avait été étalée sur une étagère sur laquelle il y avait un morceau de viande crue.

«Mange, Ivanouchka, mange !» dit Nicolas sentencieusement en s’inclinant cérémonieusement devant le Tzar. «Je suis chrétien et ne mange pas de viande pendant le Carême», répondit le Tzar renfrogné. «Tu fais pire que cela, remarqua le saint, tu te nourris de chair et de sang humains, oubliant non seulement le Carême mais Dieu par la même occasion».

L’âme du Terrible bouillait. Il sortit violemment de la cellule, poursuivi par le fol-en-Christ. Ivan ordonna que l’on abatte les cloches de la cathédrale et que la sacristie soit pillée. Mais le fol-en-Christ, le regardant sévèrement, lui dit : «Ne t’essaie pas à nous toucher, vagabond, quitte-nous promptement. Si tu tardes, tu n’auras pas de monture pour fuir de ce lieu» !

Le Tzar ne prêta pas attention au saint et demanda que ses ordres soient exécutés. «Si tes guerriers, proclama majestueusement le fol-en-Christ, osent toucher un seul cheveu sur le dernier des enfants de cette cité, un nuage rougeoyant sera au dessus de toi, c’est le jugement de Dieu qui est déjà au dessus de ta tête et tu n’échapperas pas à la mort par l’éclair» ! A ces paroles, les nuages bouillant d’orage qui avaient à présent gagné la ville, éclatèrent en coups de tonnerre. Les éclairs en sortaient comme des doigts enflammés. Le tzar Terrible regardait le ciel nerveusement. La peur commençait à remplir son âme. Soudain, un de ses gardes approcha en tremblant de terreur et annonça que le destrier du Tzar était mort subitement. Les paroles du fol-en-Christ frappèrent d’horreur le cœur du despote sanguinaire : «Si tu tardes, tu n’auras pas de monture pour fuir ce lieu» !

Le Terrible commença à trembler. Il se tourna vers le clergé, demanda des prières de protection, monta à cheval derrière un de ses gardes et s’enfuit en hâte de la cité.

On sait très peu de choses de la vie de saint Nicolas Salos. Selon un ancien tropaire inscrit sur sa tombe, «Nicolas naquit à Pskov mais, par son combat de folie pour le Christ, il devint citoyen de la Jérusalem Céleste».

Nous savons donc qu’il naquit dans cette cité. Il reposa en Christ le 28 février 1576. La grande estime en laquelle on le tenait est révélée par le fait qu’il fut enterré dans la crypte, sous la cathédrale. Ses reliques furent transférées plus tard dans la chapelle droite de la cathédrale de la Sainte-Trinité.

En 1581, durant l’invasion de la région par des Polonais sous leur grand roi Stephane Batory, saint Corneille et Nicolas apparurent en rêve à plusieurs personnes. Ils se tenaient devant la Mère de Dieu, la suppliant d’intercéder auprès du Christ pour les pécheurs de la cité. La Mère de Dieu leur accorda cette grâce et le Christ délivra Pskov. Une icône de cette vision fut peinte qui montre aussi saint Antoine de Kiev, le grand Prince Wladimir et les saints Princes de Pskov, Gabriel et Thimotée. Cette icône fut placée dans l’église de la Protection de la Mère de Dieu et devint source de nombreux miracles. Elle est fêtée le 1er octobre. Dès 1581, la fête de saint Nicolas de Pskov commença à être célébrée dans toute la Russie.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (24)



Ton cœur est le havre sûr
Où vont cesser paisiblement
Toutes les tempêtes du monde
Repoussées par le Nom Ineffable

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 7 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Jacques de Borovitchi


Saint Jacques de Borovitchi
(22 mai)

De toutes les vies de saints russes, la plus inhabituelle est celle de Jacques de Borovitchi. On ne connaît rien de son combat spirituel dans sa vie terrestre, mais on sait qu’il continua son labeur de folie pour le Christ après sa mort. En fait, la période qui suivit sa mort constitue tout ce que l’on sait de lui. Il révéla aussi lui-même certains faits lorsqu’il apparut à plusieurs personnes pieuses.
Jacques arriva à Borovitchi déjà mort et dans des circonstances très miraculeuses. Ceci advint comme suit…
Le fleuve M’sta est très vif et son courant est très fort en toutes saisons de l’année. Au printemps cependant, il devient encore plus turbulent. Pendant la fonte des neiges, au printemps 1540, le Jeudi de la Pâques Lumineuse du Christ, plusieurs citoyens de Borovitchi remarquèrent avec étonnement qu’un énorme bloc de glace flottait dans le courant, à contresens du flot tumultueux. Leur étonnement s’accrut encore plus quand la glace arriva près des rapides écumants de Borovitsky et se mit à flotter calmement vers eux. Comme cela s’approchait de la rive, ils virent, encore plus stupéfaits qu’auparavant, un cercueil ouvert qui reposait sur le bloc de glace. Dans le cercueil, gisait le corps d’un garçon mort. Le voyant, les paysans furent alarmés. Ayant peur, ils s’emparèrent de longues perches et repoussèrent la glace loin de la rive. Mais la glace, mûe par une force invisible, revenait au même endroit sur le rivage. Les paysans en détresse, prirent alors des cordes, les fixèrent au bloc de glace et le halèrent dans le courant descendant, à environ deux verstes en contrebas du village.
Au lever du soleil, le jour suivant, le bloc de glace fut retrouvé au même endroit. Ils le poussèrent à nouveau au loin, en contrebas sur la rivière, mais il revint une troisième fois. De plus, cette nuit-là, le jeune homme décédé apparut à de nombreux hommes pieux et honorables de Borovitchi et leur fit des reproches, disant : «Puisque vous êtes vous-mêmes chrétiens, pourquoi me repoussez-vous sans pitié bien que je sois moi aussi chrétien ? Si vous désirez savoir mon nom, je suis Jacques, qui porte le même nom que le saint apôtre Jacques».
Au matin, ces hommes relatèrent la vision les uns aux autres puis ils se précipitèrent à la rivière pour sortir le cercueil de la glace. Une chapelle fut spécialement construite pour y mettre les reliques.
Ainsi, par ses voies insondables, le Dieu plein de Grâce choisit de glorifier son saint, accordant ses reliques honorables aux fidèles de Borovitchi afin qu’elles accomplissent des miracles et guérissent les maladies. Jacques vint, selon le chroniqueur local, pour affermir la foi des gens. Dans sa vie, il avait été fol-en-Christ et, à présent, par son arrivée inhabituelle à Borovitchi, ses saintes reliques continuèrent son combat spirituel et complétèrent leur ascèse.
Tout ceci fut rapporté par l’archevêque Théodose de Novgorod qui envoya un prêtre du nom d’Ivan et un diacre de la cathédrale de la Sagesse de Borovitchi pour examiner les reliques et les relations de miracles. Ayant observé les reliques, les représentants de Novgorod organisèrent des réunions pour parler de la vie du bienheureux et des guérisons et des miracles attribués aux reliques. Après enquête, les investigateurs se mirent à rassembler une liste complète des miracles manifestés sur le cercueil du saint.
Ayant reçu le rapport sur les résultats de l’enquête, rapport soumis le 2 juin 1544, l’archevêque Théodose en avisa le métropolite Macaire de Moscou et demanda des instructions. Le métropolite répondit par un décret stipulant «qu’une commission soit appointée pour effectuer une translation solennelle des reliques vers l’église proche du Saint-Esprit. Un higoumène d’un monastère honorable, un prêtre et un diacre doivent être choisis à cet effet. Les saintes et honorables reliques doivent être portées jusques à l’église nouvelle érigée de la Descente du Saint-Esprit1 et placées près des portes latérales au sud. Un service funéraire doit être célébré».
En réponse à ce décret, l’archevêque envoya, le 6 octobre 1544, Constantin, higoumène du monastère Saint-Antoine, les mêmes prêtre et diacre de la cathédrale de la Sagesse, et leur ordonna : «Invitez les higoumènes, les prêtres et les diacres des lieux environnants à se rassembler pour un service de commémoration devant le cercueil de saint Jacques». L’archevêque exigea que les reliques ne soient pas enterrées mais plutôt placées dans un sarcophage et dans un sanctuaire. Les saintes reliques du fol-en-Christ Jacques furent déplacées le 23 octobre 1544. Le métropolite Macaire ne permit pas l’établissement d’une fête pour le bienheureux Jacques parce que rien n’avait été révélé de sa vie. L’archevêque Théodose permit cependant la commémoration de la translation des reliques pour l’anniversaire de cet événement.
Après cela, de tels flots de miracles se mirent à sourdre des reliques qu’en 1572, l’archevêque Léonide de Novgorod envoya une nouvelle commission pour examiner «soigneusement et strictement» les rapports des miracles opérés par les reliques du bienheureux Jacques. La commission alla à Borovitchi le 1er février 1572 pour examiner les reliques et commencer l’enquête. L’issue de cette enquête dépassa tous les espoirs. Le 8 février, la commission rapporta à l’archevêque qu’il y avait effectivement beaucoup de guérisons par l’entremise des reliques du bienheureux Jacques. Après ce rapport, on institua un jour de fête pour le saint.
Le 21 février 1657, le patriarche Nicon transféra les reliques au monastère de l’Icône d’Iviron, à Valdaisky, monastère qu’il avait fondé. Les reliques reposèrent dans l’église de la cathédrale. Le canon2 à saint Jacques fut écrit par un certain Ivan (ceci est évident à cause de l’acrostiche dans l’écriture de l’office) qui était probablement prêtre de la cathédrale de la Sainte-Sagesse. Il avait présidé la toute première commission qui avait examiné les reliques.
Le saint est commémoré le 22 mai et le 23 octobre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (23)



Les questions insidieuses du monde
Ne prouvent pas que les réponses
De la foi humble et pure
Soient inutiles et vaines

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Nativité à la Trinité Saint Serge

mercredi 6 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Laurent de Kalouga



Saint Laurent de Kalouga (10 août)

Comment et quand saint Laurent commença son combat spirituel de folie pour le Christ, nul ne le sait. Il est mentionné dans le Livre de Mémoire de la noble famille Khitrov, sous la généalogie d’un certain Grégoire Khitrov, fils de Syméon, et c’est tout ce que l’on sait de sa parenté.
Laurent vécut à la fin du xve et au début du xvie siècles, pendant l’administration du prince Syméon de Kalouga, fils d’Ivan.
Le bienheureux marchait pieds nus, hiver comme été, portant seulement une longue chemise et une veste en peau de mouton. Il prit une part très active aux besoins et aux peines de ses concitoyens et, par ses prières, il les sauva souvent du danger et de la détresse. Quelquefois, Laurent vivait dans le palais du Prince mais, en général, il allait et venait à sa guise où il le désirait. La plupart du temps, il habitait une cabane dans les bois denses, à une demie verste de la cité, près du site actuel du monastère de Saint-Laurent. A cet endroit, il y avait une colline sur la crête de laquelle était une petite église de la Nativité du Christ. Laurent passait généralement la nuit entière à prier sur les marches de cette église.
A cause des grandes foules d’admirateurs et de gens qui recherchaient ses conseils et s’agglutinaient autour de lui dans l’église, Laurent creusa un tunnel depuis sa cabane jusques à l’église et ainsi il pouvait passer inaperçu et se tenir hors de vue du peuple. Il y avait des services quotidiens dans l’église et Laurent en manquait rarement un seul, sauf s’il vaquait ailleurs aux affaires de Dieu.
Dans les archives du monastère de Saint-Laurent, il est noté qu’en l’an 1512, les Agariens (Tartares de Crimée) s’abattirent sur la cité de Kalouga et le Prince fit une sortie contre eux avec une petite troupe. En ces temps-là, Laurent était dans la maison du Prince et, soudain, il s’écria : «Donnez-moi ma hachette ! Les chiens sont tombés sur le prince Syméon et je le défendrai contre ces chiens». Et le fol-en-Christ sortit en courant de la maison. Le prince Syméon avait alors rencontré les Agariens sur l’Oka et ils se battaient dans des barques. L’ennemi avait encerclé le Prince et l’avait coupé de ses troupes. Soudain, Laurent apparut, brandissant sa hachette et hurlant : «N’aie crainte» ! Aussitôt, l’issue de la bataille changea et le prince Syméon défit les envahisseurs.
Le Prince, revenu du combat, raconta comment les troupes de Kalouga furent complètement défaites et comment lui-même était en grave danger lorsque le bienheureux était soudain apparu et, par ses prières, l’ennemi avait été vaincu.
Le juste Laurent reposa dans le Seigneur le 10 août 1515 et fut enseveli dans la petite église de la Nativité du Christ. Quelqu'un, probablement le prince Syméon, bâtit une petite maison monastique sur le site de l’église, par gratitude pour avoir sauvé Kalouga des Agariens. Les reliques du saint reposent maintenant dans la chapelle qui porte son nom.
D’anciennes icônes du saint sont préservées dans les églises et les foyers de la région de Kalouga. Le 10 août, jour de son trépas, la mémoire de saint Laurent le fol-en-Christ est célébrée à Kalouga par une procession qui va de l’église de la cathédrale au monastère de Saint-Laurent.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (22)



Ton existence toute entière
N'est qu'un bref instant
Avant l'Eternité de Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mardi 5 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Saint Isidore de Rostov



Saint Isidore de Rostov
(14 mai)

Le bienheureux Isidore vécut au milieu du xve siècle. Bien que slave par naissance, il vécut à Brannbor (Brandenbourg), une des plus anciennes cités de Prusse. En ces temps-là, les Slaves de cette région étaient durement persécutés par les Allemands afin de les convertir de force au catholicisme romain.
Quand il fut majeur, se sentant encerclé par la foi latine, Isidore résolut d’aller habiter un pays chrétien orthodoxe. Bien qu’il fût d’une classe de marchands prospères, Isidore se débarrassa volontairement de sa richesse et abandonna ses parents et son héritage pour l’amour du Christ.
Nous ne savons pas exactement quand Isidore arriva en Russie mais quand il y fut enfin, il se mit à voyager d’une ville à l’autre, jusques à atteindre la ville très peuplée de Rostov où il s’installa. Le fol-en-Christ trouva une aire marécageuse dans la cité, y choisit un site élevé au dessus de l’eau sur lequel il bâtit une petite hutte de broussailles. Cet abri ne le protégeait ni du chaud, ni du froid, car il n’était pas couvert : il ne faisait que dérober aux yeux des gens ses combats spirituels quand il priait. Saint Isidore passait son temps aux occupations habituelles des fols-en-Christ. La nuit, il priait sans cesse, s’accordant occasionnellement de courts laps de sommeil. Il passait ses journées dans les rues de la ville ou les marchés, à feindre volontairement la folie, reposant parfois son corps las sur un tas d’ordures ou de fumier. Il enseignait ceux qui pouvaient l’être, adressant des reproches aux méchants et il remit de nombreuses âmes sur le chemin du salut. La nuit, il priait pour ceux qui l’avaient offensé et pour ceux qu’il voyait engloutis dans les péchés.
«O, Isidore, l’entendait-on dire quelquefois, tu dois entrer dans le Royaume des Cieux à travers beaucoup d’épreuves» !
L’amour du Seigneur était très grand chez Isidore et le Seigneur l’aimait car il glorifia son serviteur par le don des miracles et de la prophétie.
Un jour, relate le biographe du saint, un marchand de Rostov était avec des amis en mer, durant une terrible tempête. Le bateau ayant probablement heurté un banc de sable cessa soudain d’avancer et commença à être brisé par les vagues. La forte puissance de la mer menaçait de le détruire. Tous ceux qui étaient présents sur le bateau en étaient conscients et, au désespoir, se préparaient à mourir. Mais alors, désespérés, imitant en cela ceux qui voyageaient avec le prophète Jonas, les voyageurs décidèrent de tirer au sort le nom des passagers, pensant que le bateau s’était arrêté à cause du crime de l’un deux. Le sort tomba sur le marchand de Rostov. L’équipage jeta immédiatement le marchand par-dessus bord avec un tronc d’arbre.
Ayant été précipité dans la mer en furie, l’infortuné marchand commença à se rendre à l’idée de la mort. Soudain, le bienheureux Isidore lui apparut, marchant sur la mer comme à pieds secs. Le saint prit le marchand par la main et lui demanda : «Me reconnais-tu» ? Le pauvre homme était à peine capable de respirer. «Je suis le serviteur de Dieu, Isidore». «Aide-moi» ! Le bienheureux Isidore mit le marchand sur le bois et, immédiatement, comme poussée par une main invisible, la poutre commença à suivre le bateau qui s’éloignait. Quand elle arriva à hauteur du bateau, le marchand se retrouva soudain debout sur le pont. Quand les autres voyageurs virent le camarade qu’ils avaient abandonné soudain présent au milieu d’eux, ils furent frappés de terreur et glorifièrent la miséricorde de Dieu.
Le bienheureux Isidore ne voulait pas de la gloire des hommes et avait donc strictement interdit au marchand de raconter ce qui était exactement arrivé.
Bien sûr, les autres passagers et l’équipage ne restèrent pas silencieux sur ce qu’ils avaient vu du miracle mais, quand ils supplièrent le marchand rescapé de donner des détails à ce sujet, il dit que Dieu l’avait sauvé par l’action particulière de sa grâce. Dès que le saint reposa en Christ, le marchand se précipita alors pour dire à tous les détails du grand miracle et toute la cité glorifia Dieu qui est «admirable dans ses saints».
Un autre épisode de sa vie témoigne aussi des dons prophétiques du saint.
Les Oblonsky et les Zubatys, deux branches des grandes familles nobles de la Russie, vivaient dans la province de Yaroslav, près de Rostov. Deux des jeunes princes, Sabbas Oblonsky-Yerlev et Syméon Zubaty-Zinoviev, étaient de proches amis et des compagnons d’armes dans la bataille avec Basile Chemyaka. Un troisième ami, le prince Syméon Nikititch-Lukhovak, qui avait été blessé, était à présent alité et les deux amis décidèrent de lui rendre visite.
A son chevet, ils rencontrèrent des parents du soldat blessé et la famille de son frère, le prince Basile Lukhovsky. Daria, fille du prince Basile, était une jeune beauté et elle ravit le cœur du prince Sabbas Oblonsky. Le prince Syméon était très heureux de la bonne fortune de son ami et il se mit immédiatement à organiser les cérémonies usuelles. Les fiançailles furent célébrées et un mariage d’une inhabituelle grandeur eut lieu, lors d’une somptueuse cérémonie.
Le jour de la fête du mariage, qui eut lieu au domicile de Syméon Lukhovsky, saint Isidore entra dans la maison. Les domestiques de Lukhovsky tentèrent de le jeter dehors, mais il les évita, les tançant ainsi : «Progéniture de Vaska Chemyaka !» et il courut bruyamment dans la salle des fêtes. Il avait dans les mains un couvre-chef tissé d’herbe et de fleurs sauvages. Allant vers le jeune marié, il lui tendit la coiffe à travers la table, en disant : «Voici une mitre d’archevêque pour toi» !
Ce don mystérieux et les étranges paroles du prophète remplirent de confusion le prince Sabbas et ses invités mais saint Isidore disparut rapidement de la salle et on l’entendit dans la rue qui criait avec les enfants.
Le don et les paroles prophétiques du fol-en-Christ ne furent pas vains car, plus tard, ils furent compris de tous. La princesse Daria fut enceinte et elle donna naissance à un fils en allant à Rostov. L’accouchement fut très difficile et causa la mort de la mère. La perte de son épouse bien-aimée ébranla le Prince d’une telle manière qu’il décida de quitter le monde et d’entrer au monastère de Saint-Théraponte. Il fut tonsuré sous le nom de Josaphat et devint plus tard archevêque de Rostov (1481-1489).
Le bienheureux Isidore entrait souvent dans les maisons des gens et, quand il le faisait, il en était souvent chassé sans cérémonie. Une anecdote a été conservée qui rapporte un tel incident…
Le prince Wladimir Andreyevitch de Rostov voulait que l’archevêque Bassien vienne bénir sa maison et prier pour toute sa maisonnée et il invita, pour ce faire, l’évêque à dîner chez lui, un dimanche. Ce jour-là, après la liturgie, le bienheureux Isidore se précipita à la demeure du Prince, bien avant tous les autres. Il entra et demanda à un domestique une boisson pour étancher sa soif. En fait, le fol-en-Christ ne voulait pas boire mais désirait le salut et la bénédiction du Seigneur sur la maison du pieux Prince car «Quiconque donne une coupe d’eau froide en mon Nom, dit le Seigneur, ne perdra pas sa récompense» !
Non seulement le domestique refusa une boisson au saint, mais il le chassa même en lui faisant des reproches. Le saint lui pardonna tout et quitta la maison sans une parole. Mais Dieu daigna glorifier le saint et affermir la foi des pieuses gens. Quand l’archevêque arriva, le Prince et tous ceux qui étaient présents s’installèrent à table pour dîner. Vint le temps de servir les vins. Les serviteurs trouvèrent les récipients vides. Avec crainte, ils allèrent informer le Prince. Celui-ci fut étonné et il alla vérifier leurs dires.
S’inquiétant de savoir qui était allé et venu pendant la journée, le Prince apprit de son majordome que le bienheureux Isidore était venu à la maison avant le dîner, avait demandé à boire, et avait été chassé.
Le Prince comprit le miracle comme une punition pour le rejet du mendiant par le serviteur sans miséricorde. Il envoya immédiatement des messagers pour rechercher le saint et le supplier de revenir chez lui. Mais on ne trouva Isidore nulle part. Le dîner touchait à sa fin et il n’y avait toujours pas de vin. Le Prince était triste et confus. Soudain, Isidore entra, tenant une prosphore dans ses mains. Il avança vers l’archevêque et lui donna la prosphore que, disait-il, il venait de recevoir du métropolite, dans l’église de la Sainte-Sagesse1, à Kiev. Entre-temps, le majordome trouva les récipients remplis. Il informa le Prince et tous les gens présents furent étonnés et glorifièrent Dieu qui accomplit des miracles par son saint caché.
Cet incident dans la maison du prince arriva peu de temps avant la mort de l’ascète de Dieu.
Le bienheureux Isidore reposa en Christ le 14 mai 1474, ayant su d’En-Haut qu’approchait son dernier jour, celui auquel il aspirait ardemment. Le saint ne quitta pas sa hutte pendant les derniers jours de son existence, passant son temps à prier avec force larmes jusques à l’instant de son juste repos.
Au moment où il s’endormit dans le Seigneur, une fragrance inhabituelle se répandit dans toute la cité. Tous furent étonnés et cherchèrent à savoir quelle en était la source. On découvrit que plus on approchait de la hutte du fol-en-Christ et plus la fragrance devenait forte. Un homme s’aventura à jeter un œil à l’intérieur et il vit l’ascète, gisant sur le sol, visage au ciel, bras croisés sur la poitrine. Il annonça à tous la mort de l’homme de Dieu. Le saint fut enterré sur place, à l’endroit même où il s’était endormi.
Le marchand qui avait été sauvé en mer par le fol-en-Christ était à l’ensevelissement. Enfin libéré de son lien de silence, il commença à sangloter et raconta à tout le monde son sauvetage miraculeux. Ayant reçu une bénédiction de l’évêque, ceux qui aimaient et révéraient saint Isidore érigèrent une chapelle de bois près de sa tombe, elle fut dédiée à l’Ascension du Seigneur parce que le saint avait rendu son âme sainte au Ciel la veille de cette fête.
En 1566, par ordre du tzar Ivan Vasilievitch, l’église de pierre actuelle fut construite à la place de l’église de bois. Les reliques de saint Isidore reposaient, scellées dans l’église. Un reliquaire d’argent fut fait en 1815. Un flot continu de guérisons commença à sourdre des reliques du saint.
La célébration du jour de fête du saint commença le jour même de son repos. Treize ans plus tard, son nom apparut dans le calendrier russe. Au commencement du xvie siècle, la fête du saint était célébrée dans toute la Russie. Le concile du 26 février 1547 qui demanda que soient écrits des services liturgiques pour vingt-trois saints, ne mentionne pas saint Isidore dans sa liste, mais nous pouvons en déduire qu’un service complet existait déjà pour lui, avant cette date, et il n’y avait donc nulle nécessité pour le concile de le mentionner.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (21)



La foi n'a nul besoin de preuves
Mais de l'Amour
Et de la douce certitude
Du salut à venir

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

lundi 4 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Jean d'Oustioug


Прокопий и Иоанн Устюжские

Saint Jean d’Oustioug ( Avec Saint Jean Baptiste)
(29 mai)

Au-delà de la rivière Soukhona, dans le village de Pykhov, près du Vieil Oustioug, vivaient Sabbas et Marie, pieux couple d’un certain âge. Un fils leur étant né, ils se souvinrent d’Elisabeth et de Zacharie et le nommèrent Jean. Il advint que ce nom soit prophétique, car le nouveau Jean se révéla imitateur du Prodrome.
Très tôt dans son enfance, Jean commença à mener une vie stricte ; il ne mangeait rien le mercredi et le vendredi tandis que, les autres jours, il ne prenait généralement que du pain et de l’eau. Quand sa mère lui demanda pourquoi il jeûnait aussi sévèrement alors qu’il n’était qu’un enfant, il répondit : «Afin d’être délivré des péchés. Personne, si ce n’est Dieu, n’est exempt de péché. Je ne vais pas commencer à nourrir la chair afin qu’elle puisse devenir mon ennemie».
Finalement, sa famille déménagea à Orlets mais, peu après, Sabbas mourut. Marie entra au couvent de la Sainte-Trinité et son jeune fils vécut avec elle, tout en continuant son combat silencieux. Plus tard, il suivit la voie de la folie pour le Christ et sa mère le laissa en paix faire la volonté de Dieu.
Jean retourna au Grand Oustioug et là, près de l’église de la Dormition, il vécut dans une cabane construite pour lui par le dévoué André Mishnev. Il passa là ses nuits en prière mais, dans la journée, il errait dans les rues avec toute l’apparence d’un fou, à demi-nu, vêtu d’une seule chemise liée à la taille par une ceinture. Suivant l’exemple du juste Procope, Jean, lorsqu’il était las, se reposait souvent sur un tas de fumier. Il se reposait cependant rarement car il priait toute la nuit et accomplissait son combat spirituel de folie pour le Christ pendant la journée, se soumettant constamment à la dérision, aux insultes et aux coups. Il endurait tout cela avec une humilité véritable.
Saint Jean cachait sa vie de prière aux yeux des hommes, de peur que la gloire mondaine ne détruise son âme, mais il ne pouvait cacher sa sainteté à quiconque. Le père Grégoire, pieux prêtre de l’église de la cathédrale était curieux de savoir comment le fol-en-Christ passait ses nuits… Une fois, durant l’hiver, il rampa jusques à la cabane de Jean et l’observa par une crevasse dans le mur. Saint Jean priait, les bras levés aux cieux. Pendant plusieurs heures, il pria pour tous ceux qui lui avaient causé du tort ou l’avaient blessé. Ayant complété ses prières, le saint commença à remuer les charbons de son feu. Se signant, il dit à voix haute : «Que la lumière de ta Face brille sur nous, Seigneur !» et il s’étendit paisiblement sur les charbons ardents. Le père Grégoire fut horrifié. Perdant contrôle de lui-même, il se précipita dans la cabane. Le saint sortit du feu, regarda sévèrement le prêtre troublé et dit : «Je t’interdis de raconter à quiconque ce que tu as vu jusques à ma mort» ! Le prêtre promit d’obéir.
A une occasion, la princesse Marie, femme du gouverneur d’Oustioug, le prince Théodore Krasny, tomba malade avec une sérieuse fièvre. Un serviteur fut envoyé pour trouver le bienheureux Jean et demander ses prières pour la Princesse. Le messager trouva le fol-en-Christ allongé sur un tas de fumier mais, avant même qu’il ne puisse l’approcher, saint Jean demanda : «Et comment va le bon prince Théodore et sa Princesse» ? Quand il fut retourné à la maison de son maître, la Princesse était déjà rétablie.
Saint Jean reposa dans le Seigneur le 29 mai 1494 et fut enterré près de l’église de la cathédrale où il avait passé les premières années de sa vie en combats spirituels agréables à Dieu.
La commémoration de saint Jean fut approuvée par le concile de Moscou de 1547. Ses reliques reposent dans l’église de la Procession de la Croix-Très-Vénérable qui fut construite sur le site de sa tombe.
Le service pour le saint fut écrit par un certain Théophane d’Oustioug, durant le règne du tzar Ivan le Terrible, fils de Basile.
La victoire des Russes à Sapyga, en 1610, et la délivrance d’Oustioug du joug polonais, en 1613, furent attribuées à l’intercession des thaumaturges d’Oustioug Procope et Jean.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (20)



Dans le cœur
Il n'y a ni temps ni lieu
Mais l'éternité
Et la plénitude du Royaume

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

dimanche 3 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Michel de Klopsko


Михаил Клопский

Saint Michel de Klopsko
(11 janvier)

Durant le règne du grand Prince Basile, fils de Dimitri du Don, et le pontificat du métropolite Photius, alors que Théodose était higoumène du monastère de la Sainte-Trinité à Klopsko, apparut soudain le bienheureux Michel et ce, dans des circonstances très inhabituelles. C’était le 23 juin 1408 et l’on célébrait les Matines dans l’église du monastère pauvre et peu connu de la Trinité de Klopsko. Pendant le chant de la neuvième ode du Canon, le hiéromoine Macaire qui encensait l’église alla également encenser sa cellule fermée à clé mais, quand il y arriva, à sa grande surprise, la porte était ouverte et il y avait à l’intérieur un homme en habit monastique. Un cierge était allumé sur le bureau et il copiait le livre des Actes des Apôtres.
Effrayé, Père Macaire parla immédiatement de cela à l’higoumène. Quand les Matines furent finies, l’higoumène et les frères allèrent à la cellule du père Macaire. Trouvant la porte fermée, et verrouillée de l’intérieur, ils la forcèrent et, à leur étonnement général, trouvèrent le moine calmement et paisiblement occupé à continuer son écriture. Quand l’higoumène voulut savoir qui il était et quel était son nom, l’étranger répondit d’une manière folle par les mêmes questions. Cependant, pendant la Divine Liturgie, l’étranger chanta avec les autres moines et il lut même l’épître. Pendant le repas au réfectoire, il lut la vie du saint du jour d’une manière très intelligible et édifiante.
L’higoumène lui donna une cellule, mais toutes les tentatives pour savoir d’où il venait et qui il était restèrent vaines. Le saint s’installa dans le monastère en 1408 et y resta jusqu’à sa mort. C’était un jeûneur strict qui ne mangeait que du pain et ne buvait que de l’eau une fois par semaine. Il avait l’esprit de non-possession et n’avait donc rien dans sa cellule, pas même une natte sur laquelle dormir.
Quand les frères le virent mener une vie tellement agréable à Dieu, dans le jeûne, la prière et la continence, ils commencèrent à l’honorer comme quelqu'un d’important et de saint. Afin de se défendre de l’orgueil et de la gloire du monde, le saint commença à se faire passer pour un fou en toute occasion. Il poursuivit sa vie de folie pour le Christ et de continence jusques au cercueil ! Un jour, pour la fête de la Transfiguration de notre Seigneur, la princesse et le prince Constantin Dimitrievitch visitèrent le monastère de Klopsko. Après la liturgie, le Prince dîna avec les pères au réfectoire. L’higoumène demanda au saint de lire la vie du saint prophète Job le très-souffrant. A l’instant où le prince Constantin entendit la voix du lecteur, il se leva, alla vers lui avec profonde attention, s’inclina devant le moine sans nom. «C’est notre parent, Michel Maximovitch», dit le Prince en se tournant vers l’higoumène.
«Pourquoi cachez-vous votre nom ?» demanda l’higoumène à Michel, respectueusement. «Dieu le sait !» répondit le saint. Il confirma qu’il était bien de l’illustre famille Maximovitch. Les pères commencèrent à trop honorer Michel, mais la renommée et l’honneur des hommes sont ce qu’il désirait le moins et il redoubla donc sa folie pour le Christ.
Néanmoins, la grâce de Dieu qui continuait à croître dans l’âme du juste athlète spirituel fut souvent manifestée visiblement devant tous.
Quand l’archevêque Jean reposa en 1410, le bienheureux Michel dit à l’higoumène Théodose : «Tu seras aussi dans la maison du maître1, mais tu ne seras pas capable d’être à sa table». Après le repos du bienheureux Syméon, en 1420, le peuple de Novgorod élut l’higoumène de Klopsko, Théodose, comme archevêque. Et, conformément à la prophétie de Michel, Théodose fut installé dans la maison du maître mais il n’y passa que deux ans car le conseil communal le força ensuite à se retirer au monastère.
Le prince Constantin avait été privé de son patrimoine par son frère, mais il n’en était pas devenu amer pour autant et il restait un chrétien charitable, très pieux et très prodigue de ses deniers. En 1419, il visita à nouveau le monastère. «Prie pour moi ! dit-il à Michel. Je suis affligé par la perte de mon héritage parental». «Ne t’afflige pas, Prince, le réconforta Michel, mais crois sincèrement en la Très-Sainte Trinité et construis une église de pierre au Nom de la Vivifiante Trinité. Alors, non seulement tu recevras ton patrimoine, mais tu hériteras aussi une demeure céleste et tes frères t’accepteront avec honneur». Le prince Constantin engagea immédiatement des bâtisseurs qui complétèrent en deux mois la construction de l’église qui fut consacrée le 24 septembre 1419. Le jour de sa consécration, le Prince annonça à saint Michel et à l’higoumène qu’il avait reçu son patrimoine.
Une sécheresse terrible arriva aux frontières de Novgorod et dura trois ans. Toutes les sources et même le fleuve Veryaj qui fournissait de l’eau au monastère furent taris. Quand le sacristain du monastère sortit à la recherche d’eau, il vit Michel qui écrivait quelque chose dans le sable, sur le rivage de la rivière à sec. Quand l’higoumène en fut informé, il alla à l’endroit indiqué et lut les paroles qui étaient écrites : «J’accepterai la Coupe du Salut ; à cet endroit apparaîtra une source». Quand l’higoumène demanda ce que cela signifiait, Michel se contenta de répéter les mots qu’il avait écrits. L’higoumène et le saint commencèrent à creuser dans la terre craquelée et, soudain, une source d’eau se mit à couler et produisit assez d’eau pour la population des environs.
Après la sécheresse, il y eut une famine dans le territoire de Novgorod. Des foules de pauvres commencèrent à venir au monastère pour avoir du pain. Comme les réserves s’amenuisaient, l’higoumène commença à s’inquiéter, craignant qu’ils ne soient complètement démunis. «Si cinq mille, sans compter les femmes et les enfants, furent nourris avec cinq pains, dit le saint, et quatre mille furent nourris avec sept pains, devons-nous repousser ceux qui nous supplient de les nourrir» ? Et il pria l’higoumène de nourrir tous ceux qui viendraient. Beaucoup de frères commencèrent à se plaindre que tout le pain était donné, mais saint Michel conduisit l’higoumène et les frères à la remise et ils virent avec étonnement que les réserves de pain n’avaient pas diminué, malgré tout ce que l’on avait déjà donné !
Un jour, alors que l’higoumène était debout dans l’église, pendant la Divine Liturgie, Michel vint vers lui en gloussant et lui dit : «Des invités veulent venir à nous» ! A la fin du service, tandis qu’il quittait l’église, l’higoumène vit trois étrangers dans la cour. «Fais-les venir au réfectoire» dit Michel. L’higoumène les fit entrer. «Nos compagnons sont à l’extérieur du monastère» dirent les visiteurs et l’higoumène ordonna qu’ils soient également invités. Les «compagnons» se révélèrent être trente-trois bandits armés. Le saint les conduisit au réfectoire et ils s’assirent tous pour manger — à l’exception de deux d’entre eux qui surveillaient et ne mangeaient rien. «Pourquoi ne mangez-vous pas, dit Michel, vous pouvez être certains que vos mauvaises intentions ne se réaliseront pas». Ces paroles frappèrent tellement les deux hommes qu’ils tombèrent au sol et furent incapables de prononcer un mot.
Les autres devinrent aussi terrifiés et, craignant que la même chose ne leur advienne, ils firent à l’higoumène une donation, demandèrent qu’il prie pour leurs compagnons qui avaient été projetés au sol et ils s’enfuirent du monastère. Après peu de temps, les deux voleurs commencèrent à revenir à eux. L’un demanda à l’higoumène de devenir moine, l’autre quitta en hâte le monastère. L’higoumène eut peur de tonsurer le bandit repentant mais saint Michel lui conseilla de le faire. Il fut donc tonsuré et mourut peu de temps après.
Le regard clair de saint Michel pénétrait profondément dans le futur et il vit la chute prochaine de Novgorod la Grande qui était pourtant au pinacle de son pouvoir et de sa grandeur.
Un jour, alors que saint Michel était au monastère de Vyashetsky-Nicolaï, le second archevêque Euthyme, fondateur du monastère, y vint en visite. Le bienheureux Michel apparut soudain dans le beffroi, sonnant les cloches aussi vite qu’il le pouvait. Les gens se demandaient ce que cela signifiait. «Aujourd’hui est jour de joie à Moscou», dit le saint à la manière d’un fou. «Un fils est né au grand Prince, son nom est Ivan. Et quel fils ! Il héritera de tout l’empire russe et sera terrible pour les contrées avoisinantes. Il prendra possession de votre Novgorod et abolira votre indépendance». Le 22 janvier 1440, le prince Ivan, fils de Basile (Prince qui fut surnommé le Terrible) naquit. Homme à la volonté de fer, il conquit et humilia cruellement Novgorod en 1471.
Saint Michel censurait aussi librement les puissants. Le premier archevêque Euthyme (1428-1442) avait été décrit comme «plein de convoitise, ayant accablé le monastère à cause de l’usure qu’il pratiquait à son encontre». Rencontrant l’avide hiérarque un jour, le bienheureux Michel fixa sur lui son regard et lui dit sévèrement : «Les lois autorisent-elles le berger à piller son troupeau ? Sais-tu de qui tu es occupé à récolter» ? Euthyme fut si frappé par cette accusation qu’il tomba malade et mourut.
Michel ne fut pas non plus embarrassé pour dire la vérité aux princes. Quand le prince Chemyaka était en exil à Novgorod, il demanda à Michel de prier pour le succès de ses entreprises. Le fol-en-Christ lui répondit : «Tu as créé assez de désordres. Si tu continues en prenant les armes contre le grand Prince Basile Vasilievitch, tu reviendras ici honteux, un cercueil t’y attendra». Chemyaka ne voulut pas entendre raison. Il dirigea à nouveau une insurrection contre le grand Prince et il fut à nouveau défait. Il alla en hâte à Klopsko pour demander pardon et avoir la bénédiction du fol-en-Christ. Michel l’accueillit avec ces paroles glaciales : «J’entends, ô Prince, que la terre a gémi trois fois et qu’elle t’appelle». Cette prophétie fut bientôt accomplie. A cause de sa défaite, ses nobles décontenancés empoisonnèrent le prince Démètre Chemyaka peu après.
La grâce de Dieu se manifesta par la prophétie avant même qu’il n’arrive au monastère de Klopsko. Ainsi, après son trépas, l’incident suivant fut connu : «Une foule d’enfants commencèrent à le maltraiter dans la rue à cause de sa prétendue folie, lui jetant des pierres et des ordures. Ignorant tout cela, il alla vers un garçon qui était tranquille près de la maison de l’église. Il saisit le garçon par les cheveux, l’éleva dans les airs au dessus de lui-même et lui dit : “Jean, étudie tes livres avec diligence ; tu seras archevêque du grand Novgorod” ! Et, effectivement, ce garçon, confié par sa mère — car il était orphelin de père — à un certain diacre pour étudier, devint plus tard le célèbre hiérarque Jonas dont les reliques incorruptibles reposent à présent dans le monastère d’Ostenkaya, dans l’église du Prodrome».
Ayant vécu quarante-quatre ans au monastère de la Trinité à Klopsko, le bienheureux Michel reposa dans le Seigneur le 11 janvier 1455. Le saint qui avait prédit le futur des autres prédit également son propre départ vers le Seigneur. On remarqua que le bienheureux ne rentrait plus dans l’église pendant les services divins mais il restait assis à l’extérieur de l’église, à droite. Quand l’higoumène lui en demanda la signification, Michel répondit par les paroles des Psaumes : «C’est ici mon repos pour les siècles des siècles, j’y habiterai, car je l’ai choisie [cette demeure]»1.
Le 5 décembre, il tomba gravement malade, d’une maladie qui dura jusques au 10 janvier. Ce jour-là, il appela les frères du monastère afin de leur demander pardon et de leur dire adieu. Les consolant, il promit de ne pas quitter le monastère, même après sa mort. Voyant la gravité de sa maladie, l’higoumène voulut le faire communier rapidement aux Saints Mystères. Le saint repoussa cependant sa communion au jour suivant et, à l’étonnement de tous, il vint en personne à la Divine Liturgie le matin suivant.
Après l’office, Michel prit du charbon et de l’encens et retourna dans sa cellule. Conforté par cette manifestation soudaine de vigueur, l’higoumène envoya de la nourriture au réfectoire au bienheureux staretz. Mais ceux qui lui apportèrent de la nourriture le trouvèrent sur son lit, mains croisées sur la poitrine, son âme juste étant déjà entre les mains du Sauveur. Quand la nouvelle du repos en Christ de saint Michel fut annoncée, tout le monastère fut en pleurs. L’higoumène Théodose avec l’archevêque Euthyme II et tous les clercs ordonnés se précipitèrent dans sa cellule qui était remplie de la fragrance de l’encens.
Une grande multitude s’assembla pour les funérailles du bienheureux fol-en-Christ. Et un miracle advint lors de son ensevelissement. Quand les fossoyeurs essayèrent de préparer une tombe pour le bienheureux dans le cimetière, le sol était dur comme de la pierre à cause d’un gel particulièrement fort. Alors, l’higoumène, comme inspiré, se souvint de l’endroit où le saint était assis pendant les services divins les derniers jours de sa vie. Il ordonna que la tombe soit creusée à cet endroit et, à l’étonnement de tous, le sol y était mou comme en plein été. Remplie d’une crainte sacrée, la fraternité ensevelit le saint qui avait si clairement choisi pour lui-même le lieu où il désirait reposer. Un flot constant de guérisons et de miracles se mit à sourdre du cercueil du saint, témoignage divin de la vie éternelle.
Les funérailles de saint Michel furent célébrées dans l’église de pierre de la Sainte-Trinité construite par le prince Constantin, d’après les instructions du fol-en-Christ. Plus tard, les reliques du saint furent placées dans cette église. Selon la chronique, cette église fut démolie en 1562 et un nouveau sanctuaire fut construit pour le thaumaturge, aux frais du Tzar. En 1614, le monastère et l’église furent détruits par les Suédois mais restaurés en 1641. Plus tard, le monastère fut reconstruit en pierre. Au centre du monastère, on édifia l’église cathédrale de la Sainte-Trinité dans laquelle les reliques du saint fol-en-Christ Michel furent scellées dans la muraille sud. En 1806, un sarcophage de bronze doré fut érigé au dessus de ces reliques.
La mémoire du saint est célébrée au 11 janvier, date de son repos en Christ et — du moins jusqu’à la Révolution — le 23 juin au monastère, en souvenir de son arrivée en ce lieu. La commémoration universelle du saint fut établie par le concile de 1547. Les reliques furent inventées en 1572.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (19)


Dieu est aussi proche
Que ton cœur
Aussi présent
Que ton souffle

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)