"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 4 janvier 2020

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (5)



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Nous devons rester en contact avec Dieu

Qu'est-ce que la joie spirituelle ?

-La joie spirituelle.... C'est quelque chose d'inexplicable. On ne peut qu'en faire l'expérience. Une personne demande à une autre : "As-tu déjà aimé ? Tu sais ce qu'est l'amour ?" Il répond : "Oui. Je sais ce qu'est l'amour." Le premier demande : "Alors, partage-le avec moi !" Ce dernier est d'accord : "D'accord." Il se met à soupirer, à choisir les mots appropriés et à citer des exemples. Et finalement, il avoue : "Ecoute, je ne peux pas expliquer ce qu'est l'amour... Ça ne peut être que vécu..." Comment peut-on expliquer ce qu'est l'amour ? C'est au-delà de toutes les catégories de ce monde.

Comment communiquez-vous avec les icônes tout en les peignant ?

-Je ne communique pas avec les icônes, je les peins. En peignant une icône, je dis : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi... Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi..."

Quand quelqu'un fait un travail créatif, il peut être distrait de la prière. Une fois, je faisais une fresque dans un sanctuaire à Karoulia sur le Mont Athos. Tandis que je peignais, je répétais toute la journée : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi... Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi..." Mon ami laïc était venu avec moi. Alors, pendant que je peignais des icônes et que je priais, il transportait du bois de chauffage toute la journée et priait : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi... Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi..."

Le troisième jour, un moine athonite ne pouvait plus se contenir et se demanda : "Il n'y a pas de questions pour vous... Mais votre compagnon... Est-il vraiment directeur de banque ?" J'ai répondu : "C'est le directeur de toutes les banques de la région d'Orenbourg !" Il a continué : "Est-ce qu'il dit vraiment la prière de Jésus toute la journée ?" J'ai dit : "Oui, et pas seulement ça. Il se lève aussi pour prier de deux à trois heures du matin toutes les nuit!" Soit dit en passant, c'est une leçon pour ceux qui prétendent être extrêmement occupés. Et le directeur de toutes les banques de la région d'Orenbourg est un fainéant, n'est-ce pas ? Après tout, il arrive à se lever et à prier de deux à trois heures toutes les nuits. Il dit : "Mon épouse me gronde le soir en disant que je suis devenu accro à l'Orthodoxie et que je devrais "ralentir". Je réponds : "D'accord, pas de problème." Après qu'elle se soit endormie, il se lève à deux heures du matin et commence à prier ! Et elle n'a pas la moindre idée que son mari a une rencontre avec Dieu de deux à trois heures du matin.

Sortez au grand jour

Comment les laïcs peuvent-ils faire la prière de Jésus ? Elle est destinée aux moines et peut être dangereuse pour les laïcs....

D'où avez-vous cette expérience de la prière de Jésus ? Chaque fois que j'entends des jugements catégoriques, je veux obtenir des informations plus précises : "Pourquoi affirmez-vous sur un ton péremptoire que seuls les moines et non les laïcs peuvent accomplir la prière de Jésus ?"


Moniales mégaloschèmes du couvent d'Iveron à Orsk


-C'est ce que dit mon père spirituel...

-Alors pas d'arguments ! Amen ! Bien que je la ferais en secret de toute façon. Si seulement tu pouvais "marcher sur le bord" de la prière de Jésus... Quant à moi, personne ne me forcera à l'abandonner. Bien que je ne polémiquerai avec personne à ce sujet. Et je vais certainement tenir compte de l'opinion des autres. Mais il est impossible de faire renoncer quelqu'un qui connaît le goût de la prière de Jésus. Ce n'est pas possible.

Un de mes amis, un prêtre, est venu me rendre visite. Il a dit : "Père Serge, tu dis tout le temps la prière de Jésus avec le chapelet, alors que je ne le fais que sporadiquement. Parfois je reprends cette règle, parfois j'y renonce, parfois je suis trop occupé... Mais maintenant je ne l'abandonnerai plus." J'ai demandé : "Pourquoi ?" Il a dit : "Parce que maintenant je connais son goût. Tout le reste n'a aucun goût pour moi."

J'aimerais que tous ces prêtres qui dissuadent d'autres personnes de dire la prière de Jésus puissent aussi en goûter le goût. Pas le goût de ça : "As-tu lu les prières préparatoires de bout en bout ?" "Oui." "D'accord. Alors tu peux communier !" Mais plutôt le goût de la proximité de Dieu avec nous. Il est si inspirant, si sensible...

Parfois, je dis : "Imaginez un homme né de parents sans-abri. Il est né et a vécu dans un sous-sol, dès l'enfance il a été nourri de pain et d'eau, et le soleil était à peine perceptible à travers une petite fenêtre poussiéreuse... Et tout à coup, il est conduit vers l'extérieur : il voit le soleil brillant, le ciel d’azur et le vert émeraude qui s'étend au loin... Il peut goûter cette vie... Et après ? Auparavant, alors qu'il l'ignorait, il se contentait d'un verre d'eau avec un morceau de pain rassis qui lui était donné régulièrement. Maintenant qu'il a appris à connaître le goût et le pouvoir de la vraie vie, il lui sera insupportable de retourner à son ancienne vie.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

vendredi 3 janvier 2020

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (4)


Le Père Serge Baranov à la réunion au monastère Novospassky.
Photo par Olga Orlova

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Quelque chose que nous devrions faire toute notre vie

Comment puis-je trouver un instructeur dans la prière de Jésus ?

-Il y a un exemple dans le livre, L'Instructeur dans la prière de Jésus, dédié au staretz Charalampos de Dionisiou, disciple de saint Joseph l’Hésychaste. Un étudiant vint de Thessalonique et lui dit : "Père, je me suis rendu compte que je dois obéir au commandement de prier sans cesse (1 Thessaloniciens 5:17) et pratiquer la prière de Jésus. J’ai contacté un prêtre dans ma ville et je lui ai demandé de m'instruire dans la prière de Jésus. Mais il m'a grondé en me disant : " Tu ne devrais pas faire ça ! Tu vas devenir fou et tomber dans l'illusion ! Je n'étais pas satisfait de cette réponse et je me suis tourné vers un autre prêtre, qui m'a conseillé : " Je ne suis pas expert en la matière. Alors, va au Mont Athos - c'est le thème clé de leur vie – et tu  y trouveras quelqu'un pour t’instruire." Et puis le Père Charalampos s'est étonné en disant : "Le deuxième prêtre a bien fait d'admettre qu'il ne savait pas et qu'il fallait aller chercher la bonne personne pour s'informer à ce sujet. Et c'était malhonnête de la part du premier prêtre qui ne s'intéressait pas à la prière de Jésus d'essayer de te dissuader de la pratiquer."

Tout d'abord, persévérez dans la recherche d'un instructeur, même si vous ne pouvez toujours pas le trouver. Il y a eu des moments où, par exemple, saint Païssi Vélitchkovsky est venu au mont Athos à la recherche des pratiquants de la prière de Jésus et n'a trouvé presque personne. Je dis "n'a trouvé presque personne" parce qu’il reste toujours quelqu'un.

Deuxièmement, ne cherchez pas d'états surnaturels ou d'expériences pendant la prière pour ne pas tomber dans l'illusion. Votre mentor vous le rappelle à chaque fois. Un père spirituel expérimenté le suggère : Ne te presse pas, n'accélére pas les événements, sinon tu n'obtiendras pas ce que tu cherches - ce sera une illusion de tes "réalisations".

Les Pères du désert disaient : donne du sang et reçois l'esprit. Je donne souvent cet exemple : pour réaliser quelque chose dans les sciences et les arts terrestres, il faut travailler avec soin. Il y a une expression : « grignote le granit de la science… » C'est vrai : si vous voulez atteindre quelque chose, vous devrez "user" vos dents.

D'autant plus lorsqu'il s'agit de la prière - la science des sciences et l'art des arts. Par conséquent, si vous avez décidé de maîtriser sérieusement la prière de Jésus, essayez de trouver un mentor.

Ne planifiez rien. Ne dites pas : Maintenant, je vais commencer et dans six mois, je dois avoir tel ou tel résultat. En fait, vous devez entrer dans le domaine de la prière et ne jamais la quitter jusqu'au moment de votre mort. C'est le labeur de votre vie ; c'est quelque chose que nous devrions faire toute notre vie.

Ne vous hâtez pas, n'essayez pas de sauter plusieurs étapes ou vous trébucherez et glisserez vers le bas. Ce "glissement vers le bas" peut vous décevoir et vous n'irez pas de l'avant. Il y a une expression précise dans l'Evangile : le Royaume des Cieux souffre violence (Matthieu 11,12). En d'autres termes, il s'agit d'un processus très long et permanent, souvent très désagréable. Mais il donne un résultat sûr, alors que les effets rapides sont souvent de simples mirages.

Ne cherchez pas les "états". Ne cherchez pas Dieu pendant la prière - Dieu Lui-même vous trouvera. Laissez le Christ avoir la place centrale dans votre vie. Dites les prières sans émotion, sans intonation sentimentale. Rien de tout cela n'est nécessaire ! Tout ce dont vous avez besoin, c'est de constance. Tout travail effectué avec constance donne des résultats.

Sans "absence" ou "jours fériés", attribuez une heure ou au moins une demi-heure chaque soir. Enfermez-vous dans votre chambre et commencez par répéter la prière de Jésus avec des enclins : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi..." Puis, après les enclins, dans l'obscurité, fermez votre esprit aux impressions et aux reflets et libérez-vous de toute imagination. Rendez votre esprit sec, invisible et peu créatif. Arrêtez votre créativité. Donnez de la place à Dieu. Il suffit de dire : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi..."

Et pendant la journée, répétez les prières orales aussi souvent que possible. Quand quelqu'un a peur, il crie aussitôt : "Maman !" Il serait bon de s'habituer à la prière pour pouvoir crier immédiatement en cas d'urgence : "Ô Seigneur !"

Le staretz Ephrem d'Arizona a raconté que lorsqu'ils vivaient avec le staretz Joseph, la prière de Jésus devint leur seconde nature. Parfois, au début de la Liturgie, ils sortaient pour dire l'exclamation et dire de l'ambon : "Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi...".

Devrions-nous forcer nos enfants à prier ?

-Nous devons nous forcer à prier. Laissez vos enfants voir comment vous priez et remarquer que vous priez sincèrement. Qu'ils voient qu'après avoir prié, vous devenez bon, fort et paisible et non irritable. Qu'ils n'observent pas seulement la façon dont vous priez, mais qu'ils ressentent aussi le résultat de vos prières. Parce que les enfants ne nous pardonnent pas quand nous disons des paroles qui paraissent élevées, mais qui ne portent pas de fruits. Ça leur fait vraiment mal de voir cela. Alors, d'abord et avant tout, forcez- vous à prier. Et vos enfants vous suivront. Mais ne les fatiguez pas, sinon ils n'arriveront à rien.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

jeudi 2 janvier 2020

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (3)


Extrait du film Le prix de ma vie

La chose la plus importante dans la prière est le Christ

Comment notre prière peut-elle être entendue rapidement par les saints, la Sainte Génitrice de Dieu et par le Seigneur ?

-A mon avis, le Seigneur écoute le mieux nos. Celui qui a planté l'oreille n'entendra-t-il pas ? Celui qui a formé l'œil ne verrait-il pas ? (Ps. 93 :  9). C'est pourquoi Dieu est aussi appelé, "le Connaisseur des cœurs" - Il pénètre jusqu'au plus profond de nous-mêmes, à tel point que nous ne nous connaissons même pas nous-mêmes. On peut dire que nous n'avons pas besoin d'expliquer quoi que ce soit à Dieu ou de Le persuader de faire quoi que ce soit. Il n'est même pas nécessaire de Lui demander quoi que ce soit. C'est le Christ et non notre demande qui est d'une importance primordiale dans la prière. Une fois que vous avez rencontré le Christ dans la prière, vous pouvez en abandonner l'aspect verbal - les mots ne sont pas l'essence de la prière.

Acquérir quelque chose qui ne meut jamais

Comment faire en sorte que Jésus-Christ devienne le centre de notre vie ?

-Nous devrions Lui donner cette place. Parce qu'elle est habituellement occupé par notre ego, qui s'imagine être le centre de l'univers... Et il n'y a pas de place pour le Christ, il n'y a pas de coin pour Lui dans tout notre univers.

Toutes les règles de vie spirituelle de la littérature ascétique orthodoxe disent que nous devons laisser cette place au Christ dans notre vie. Alors ce sera un univers viable, fait par le Créateur Lui-même, Qui est Alpha et Oméga, le commencement et la fin, le premier et le dernier (Apocalypse 22 :13). Il est au centre de l'univers, tout vient de Lui et pour Lui. Et vous serez heureux parce que la place centrale appartiendra à Celui Qui en vaut la peine.

Il ne peut y avoir qu'une seule recette. C'est là tout le caractère complexe de la vie spirituelle. Ne vous limitez pas à étudier les aspects moraux et rituels de l'Orthodoxie - essayez de comprendre les lois de la vie spirituelle. Apprenez ce que les saints Pères ont écrit sur la prière. Comment ont-ils prié ? Nous devons construire toute notre vie autour de cette expérience de prière parce que le Christ est au centre de cette expérience.

Acquérir quelque chose qui ne meurt jamais

Que puis-je faire pour ne pas perdre la motivation pour la prière ? Parfois j'arrive à exécuter la règle de prière avec des enclins et parfois non.

-Les orthodoxes ont toujours utilisé certains moyens de mobilisation ; dès que vous vous oubliez, vous commencez à vous forcer. Vous organisez un événement spirituel pour vous-même afin d'en faire un début par la suite. Dès que vous vous refroidissez spirituellement, vous allez dans un lieu saint. Une fois que vous avez repris des forces et trouvé l'inspiration, vous allez de l'avant : mais ne négligez pas votre règle de prière- priez !
   
Mais nous devons comprendre que cela ne sera jamais facile. Ce " dur travail " est l'essence même de l'amélioration de soi. Qu'a dit le  Christ quand Il est venu ? Détendez-vous ? Non. Il a dit : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il Me suive ( Matthieu 16,24). Est-il facile d'être au Golgotha ?

Il n'a pas promis que "tout irait bien". C'est ce qu'enseignent les protestants : vos affaires vont se développer, vos conditions de vie vont s'améliorer... "Dieu m'aime ! Hourra ! C’est bien !"

Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la vie spirituelle ! Par les afflictions, le Seigneur nous ouvre les yeux à nous-mêmes. C'est ainsi qu'Il nous montre quelque chose d'important.

Le souvenir de la mort est un don très important. Certains le trouveront peut-être rigide. On peut s'adoucir - gagner du temps. C'est quand quelqu'un sent que non seulement il meurt tout le temps, mais que tout ce qui l'entoure est de courte durée, fragile et sujet à la décomposition.

Pendant que nous parlons, les minutes passent à toute vitesse... Il y aura la fin dans une heure et demie. C'est ce que j'appelle "mourir en tout temps et en tout lieu". C'est certainement plus pertinent que tout ce qui passe.

C'est quelque chose que le staretz Sophrony (Sakharov) a vécu comme jeune homme - le Seigneur lui a donné le sens du temps... Afin d'acquérir quelque chose qui ne meurt jamais – la sainteté. Dieu Lui-même.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

mercredi 1 janvier 2020

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (2)


La nouvelle église du couvent d'Iveron à Orsk, dédiée à Saint Gabriel (Ourgebadze)
   
Il y a une chose à laquelle je veux que vous réfléchissiez. Nous nous efforçons de vivre moralement, de vivre dans la pureté, d'éviter les péchés, d'aimer notre prochain, d'être de bons époux et de bonnes mères, d'être fidèles à nos conjoints, de prendre soin de notre famille, de ne pas boire d'alcool, de ne pas fumer... Certains se décident à faire plus : visiter les malades, les vieillards, les prisonniers, nourrir les sans-abri, adopter les enfants, démarrer des centres pour femmes en crise, pour éviter que ces femmes avortent... Mais y a-t-il quoi que je puisse énumérer et qui les athées ne peuvent faire ? Ils peuvent faire tout cela !

Alors qu'est-ce qui nous différencie des athées ? Quelle est notre essence ? Qu'est-ce que les athées ne font pas et que les chrétiens doivent nécessairement faire ? La prière ! Par "prier", je ne veux pas dire lire formellement les règles de la prière, ou les psaumes, ou réciter quelques prières par cœur ; je veux dire la prière comme un état dans lequel Dieu est très proche de vous. C'est un état dans lequel Dieu se transforme soudainement d'une idée noble, brillante et philosophique en Dieu vivant, le Dieu personnel.

Parfois, les gens me le disent :

"J'ai lu dans les Saints Pères qu'il ne faut pas prier sans larmes."

Et nous ne devrions pas non plus communier sans larmes, comme l'a écrit saint Siméon le nouveau théologien. Nous commençons donc à travailler avec nous-mêmes psychologiquement, à nous "accorder" à la repentance, en pensant naïvement que maintenant nous allons verser des larmes et ensuite commencer à prier...

Je leur réponds : "Écoutez, quand le Christ viendra (le vrai Christ et non une idée de Lui), vous ne pourrez pas empêcher vos larmes de couler ! Alors vous verserez des flots de larmes !"

Mais quand l'Esprit Saint viendra et vous ouvrira les yeux, vous ne pourrez plus vous empêcher de pleurer... C'est bien quand il vient de Lui-même et non pas de notre entraînement auto-déterminé ou de notre "auto-accordement" car cela peut conduire à l'illusion. Une fois que vous croyez en ce que vous avez essayé d'imiter, c'est un état d'illusion.

La vie spirituelle correcte, c’est quand tout vient graduellement et naturellement. Il y a une expression : "faites la prière, et la prière vous apprendra tout."

Utilisez votre temps à bon escient ! Consacrez-le aux choses qui comptent vraiment !

Comment pouvons-nous prier aujourd'hui, alors que nous n'avons pas le temps pour quoi que ce soit avec notre rythme de vie moderne ?

-Le temps est le même, mais notre attitude à son égard a changé. Nous perdons des heures à faire des choses inutiles alors que nous n'avons pas de temps pour les choses qui comptent. Par exemple, quel temps ma grand-mère avait-elle, elle dont le mari a été tué pendant la Seconde Guerre mondiale et dont le fils a perdu son père ; qui n'a pas été payée pour son travail ; qui n'avait que des "journées de travail" [dans la ferme collective] avec des coches sur les feuilles de rapport ; avec une vache maigre qui meuglait à l'étable... Mais pour une raison quelconque les gens trouvaient du temps pour la vie spirituelle et la prière... Maintenant nous sommes bien équipés : nous avons les appareils de nettoyage, aspirateurs, lave-linges... N'avons-nous vraiment pas de temps libre ? Nous vivons simplement sans réfléchir.

Le philosophe grec Diogène courait dans les rues d'Athènes un flambeau en  main à midi en criant qu'il était à la recherche d'un homme ! De même, je veux sortir en courant en criant : "Utilisez votre temps à bon escient ! Consacrez-le à des choses qui comptent vraiment ! On a très peu de temps !!!!! On ne peut pas vivre en restant assis devant la télé sans rien faire et en faisant des choses futiles..."

Nous trouvons toujours le temps de voyager ou d'aller dans un endroit intéressant. Mais ce n'est pas la chose la plus importante dans nos vies. Tout cela est permis, car Dieu bénit le temps de repos. Mais ce n'est pas essentiel...

La rencontre au monastère Novospassky, le public
   
Savez-vous quand les gens commencent à s'en rendre compte ? Quand ils se retrouvent dans une clinique d'oncologie et qu'on leur dit : "Il y a de mauvaises nouvelles pour vous. Vous avez une tumeur." Que se passe-t-il avec de telles personnes ? Hier, ils n'avaient pas le temps, mais maintenant ils trouvent du temps pour les médecins, pour les exercices chinois, pour trouver de l'argent pour des médicaments coûteux... D'où ? Pour faire quoi ?

Nous ne sentons plus que notre vie elle-même est une mort lente. Y a-t-il quelqu'un parmi nous qui ne meure pas lentement maintenant ? Ce processus dans notre corps peut être plus rapide ou plus lent, mais il ne peut pas être arrêté ou surmonté....

Mais la chose la plus terrible est la mort spirituelle. La mort de quelque chose qui ne peut pas mourir - l'âme immortelle. C'est terrible de réaliser que vous restez seul face à face avec ce problème... Sans l'aide de Dieu ...

Je pense que si nous pesons le pour et le contre, nous pouvons trouver le temps de prier. Nous devons poser cette question sans détour : soit je le fais et je vis, soit je ne le fais pas et je meurs pour l'éternité.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

mardi 31 décembre 2019

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (1)



Conférence sur l'acquisition du goût de la prière

L'archiprêtre Serge Baranov (photo), réalisateur et scénariste bien connu, s'entretient avec de jeunes adultes au monastère Novospassky à Moscou sur la sainteté comme but de la vie et trouve celle-ci dans la prière. Le Père Serge est largement connu pour ses films lyriques et profonds. Sa première conférence portait sur le court métrage "Le prix de ma vie". Et si la vie est si précieuse, alors son but n'est rien de moins que la sainteté. 

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Le trait distinctif des chrétiens

Un jour, lorsque le futur staretz Sophrony (Sakharov) aborda des sujets très élevés, un moine expérimenté dit :

"Père Sophrony, parlons ds choses qui sont pertinentes à notre niveau... Nous devrions être prudents avec les thèmes qui sont trop élevés."

Mais alors le très jeune hiéromoine a répondu par ces arguments :

"Bien sûr, je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. Mais pourquoi est-ce que je me permets de parler de choses élevées, sans craindre que cela ne nuise à mon âme ? Tout d'abord, lorsque vous avez un objectif illimité devant vous en tant qu'idéal, son inaccessibilité vous fait agir tout le temps. Puisque vous le poursuivez continuellement, vous ne pouvez pas le posséder pleinement, et cela vous fait travailler sans arrêt. Et, deuxièmement, lorsqu'un idéal élevé est devant vous, vous sentez votre petitesse en contraste avec lui. Vous avez peu de chances de devenir prétentieux parce que vous vous sentez tout le temps inadéquat."

En l'écoutant, le vieux moine mégaloschème athonite répondit :

"Eh bien, Père Sophrony, si c'est le cas, cette conversation est possible."

J'ai osé appeler notre réunion : "La sainteté est le but de la vie." Certains la trouvent trop audacieuse ; d'autres, tout simplement inintelligible ; d'autres encore reculent devant une telle hauteur....

Selon moi, pour les premiers chrétiens, la sainteté était le but de la vie. C'était simplement leur mode de vie. Les apôtres dans leurs épîtres s'adressaient les uns aux autres : "Écrivez aux saints de telle ou telle Église."

Quand il s'agit du but de la vie, l'expression banale suivante est souvent utilisée : "Tu devrais construire une maison, faire pousser un arbre et élever un fils." Mais à un moment donné, j'ai commencé à évaluer ma vie en fonction de ces critères et j'ai réalisé que j'avais grandi avec plus d'un arbre, construit plus d'une maison, élevé six enfants et maintenant des petits-enfants... En plus de cela, j'ai construit des églises et peint des icônes. Le Seigneur m'a fait faire les fresques de petites cellules sur le mont Athos... J'ai été au service des prisonniers pendant vingt-trois ans, j'ai organisé un foyer pour les SDF et je l'ai géré pendant treize ans. J'ai construit une cathédrale. J'ai écrit des livres, fait des films, écrit des scénarios pour le théâtre... J'ai travaillé dans tant de domaines. J'ai même chanté dans une chorale d'anciens combattants soviétiques de la ville. Alors, et maintenant ? On me demande souvent pendant les réunions : "Père Serge, êtes-vous satisfait ? Vous avez participé à de nombreuses et diverses activités dans votre vie..."

Mais je ne sais pas quoi leur répondre. Je sens une sorte de vide. Ces sentiments sont semblables aux réflexions du livre L’Ecclésiaste du Sage Salomon : 9Je devins grand, plus grand que tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem. Et même ma sagesse demeura avec moi. 10Tout ce que mes yeux avaient désiré, je ne les en ai point privés; je n'ai refusé à mon coeur aucune joie; car mon coeur prenait plaisir à tout mon travail, et c'est la part qui m'en est revenue. 11Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n'y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le soleil. (Ecclésiaste 2:9-11).

Il semblerait que l'Ecclésiaste du Sage Salomon puisse être qualifié de livre pessimiste, sauf pour sa dernière phrase : Crains Dieu et observe ses commandements. C'est là ce que doit faire tout homme (Ecclésiaste 12:13). Mais je dirais que le sens orthodoxe de "crainte" ici est "amour". "crainte" dans le sens de "peur de le perdre, de l'insulter, de le trahir, ou d'être laissé seul sans Lui." Parce que c'est vraiment terrible.

Plantation d'un jardin monastique tous ensemble

Après tout ce que j'avais fait dans ma vie, j'ai réalisé que tout cela est vanité des vanités. La dernière réalisation, la plus importante, la plus précieuse et la plus sainte fut le couvent d'Iveron. J'ai passé trois jours loin de notre couvent d'Iveron d'Orsk (où je suis le père-confesseur), et j'ai l'impression que nos moniales, notre règle, notre esprit, notre liturgie de nuit me manquent tellement ! Et notre règle de la prière de Jésus me manque, quand tout le couvent se calme le soir, et les mêmes mots se répètent dans chaque cellule" Seigneur, Seigneur, Seigneur..." J'ai enfin trouvé le but.

Tout le reste n'a de sens que lorsqu'il s'agit de la chose la plus importante. Tout est christocentrique en Orthodoxie. S'il n'y a pas de Christ, alors tout est vanité, comme disait le Sage Salomon.

Et où est le Christ ? Il est très regrettable que parfois les gens vont à l'église pendant cinquante ans, parfois même plus longtemps, mais ils n'ont jamais rencontré le Christ. Ils en savent beaucoup sur le Christ, se disputent sur le Christ, étudient sans cesse quelque chose en rapport avec le Christ... Mais ils n'ont jamais fait l'expérience du Christ. C'est comme une situation où vous allez dans la mauvaise direction, même si vous êtes sincère, zélé et constant. Quelqu'un marche, fait des efforts, transpire... Mais il va dans la mauvaise direction ! Il ne se dirige pas vers le Christ !

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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lundi 30 décembre 2019

Archimandrite André [Konanos]: LES SIGNES D'UNE VIE SPIRITUELLE CORRECTE


Quelqu'un m'a demandé un jour : "Comment savoir si je mène une vie correcte dans l'Église ? Certains vont souvent à l'église, prient, participent aux offices, participent aux sacrements, mais je ne vois aucun changement notable dans leur vie, ou plutôt, je vois le même genre de personnes dans le monde ; j'attendais plus de leur part. Quels sont les signes d'une vie d'église convenable ?"

Je ne peux pas dire qu'il y a un certain nombre de signes. Dieu fait les "calculs", parce que les changements sont internes, secrets, cachés de l'extérieur. D'un côté, seuls vous et Dieu savez ce qui se passe dans les recoins de votre âme, et de l'autre, certaines choses sont déterminées par votre comportement avec votre conjoint, vos enfants, avec les autres. 

Certaines personnes âgées disent : "Je vais à l'église depuis que je suis enfant." Et alors ? Quel est le résultat ? Qu'avez-vous accompli au fil des ans ? Je veux dire, vous ne pouvez pas dire que vous allez à un gymnase, disons, depuis cinq ans et cinq mois, et que vous pesez 80 kilos, mais maintenant vous pesez 110 kilos. Ou que vous apprenez l'anglais depuis de nombreuses années, mais quand vous arrivez à l'aéroport, vous n'êtes pas capable de réunir de façon cohérente deux ou trois mots. 

Quand vous dites que vous êtes près de Christ, il y aura du fruit, il n'y a pas d'autre manière. Votre vie intérieure se manifestera d'une manière ou d'une autre à l'extérieur. 

Quand vous vous approchez du Christ, vous obtenez le bonheur non pas de l'extérieur, mais de l'intérieur de vous-même ; c'est-à-dire que vous ne vous affligez pas de certains événements, vous n'êtes pas déçus par des choses insignifiantes. Quelqu'un dit quelque chose et vous êtes offensé ; le temps est mauvais dans la rue et vous tombez dans la mélancolie ; tandis que celui qui réussit dans la vie spirituelle ressent la paix et la tranquillité dans le fond de son cœur, et cela se manifeste dans toutes ses actions. 

Saint Isaac le Syrien a dit : "Imagine dire à un ivrogne : "Ta maison est en feu. Et il répond : "Ne t'inquiète pas, laisse-la brûler." C'est une métaphore, bien sûr. Votre ivresse, d'autre part, votre bonheur, c'est ce que l'Église appelle la béatitude. Quand vous avez la béatitude du Saint-Esprit en vous, aucun facteur extérieur ne peut perturber votre paix intérieure.

Je me souviens des paroles suivantes de Mère Gabriela : "Il n'y a pas encore un homme né qui puisse blesser mon âme, qui puisse m'enlever ma joie." Pourquoi en est-il ainsi ? Bien sûr, il y avait des gens qui l'ennuyaient, l'offensaient, la dérangeaient, la calomniaient. Mais la façon dont vous vous comportez avec les autres est votre propre problème. La façon dont vous y répondez dépend de votre position dans la vie, et votre position de vie est une question de choix personnel. Ce que vous voulez, c'est ce que vous leur répondez. Si vous commencez à être nerveux et à crier, alors je perçois, selon saint Porphyre, que vous êtes comme celui qui est blessé, frappé et qui saigne. Si je vous vois dans cet état, mon comportement devrait être approprié. Nous devons devenir plus perspicaces, comprendre à la fois notre propre âme et celle de notre frère.

Un jour, il y a longtemps, je me suis fâché contre quelqu'un et j'ai commencé à lui parler grossièrement, mais il continuait à me regarder calmement. Longtemps après, je lui ai demandé : "Comment as-tu supporté tout ce que je t'ai dit ?" "J'ai compris que tu avais un problème. Je ne voulais plus te contrarier, je ne voulais plus te faire de mal", dit-il. Écoutez calmement votre prochain, mais ne vous mêlez pas de son problème. Ça ne veut pas dire que vous le méprisez. Essayez de le comprendre.

Un jour, le Père Païssios voyageait sur un bateau de Daphné à Ouranoupolis. On lui a offert une chambre séparée pour les moines afin d'éviter tout peuple mondain. Géronda répondit : "Pour quoi faire ? Pourquoi devrais-je m'asseoir seul, à part si je cachais quelque chose ? Nous sommes tous pareils." 

C'est quelque chose de très important. Nous devons nous rendre compte que nous sommes tous frères et sœurs en Christ et que nous avançons vers le même but. Plus vous grandissez spirituellement, plus vous vous connectez avec votre prochain. Quand vous arrivez à comprendre les paroles du Christ sur ce que signifie être le serviteur de votre frère, vous commencez à comprendre ce que cela signifie de laver les pieds d'un autre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après