"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 13 août 2022

Le staretz et le fabuliste...

Ambrosius of Optina.jpg


Le staretz Ambroise d'Optina était très friand des fables de Krylov. Parfois, pour reposer son esprit, il demandait à l'un de ses moines assistants de lui lire une fable à partir d'un livre de Krylov. Ce livre de fables se trouvait presque toujours près de lui sur une table dans sa cellule. 
Le staretz Ambroise donnait souvent des conseils spirituels en rimes et des fables ludiques, et il faisait lire quelque fable appropriée de Krylov à ses visiteurs. Ensuite, il disait quelques paroles d'instruction sur un ton humoristique avant de bénir tout le monde et de se retirer dans sa cellule.
(Source: 
Elder Ambroise of Optina, 
St. Herman of Alaska Press)



Par une belle journée d'été, les feuilles d'un arbre murmuraient doucement à la brise, et les ombres tombaient sur la vallée, voici ce qu'elles disaient, se vantant de leur luxuriante abondance:

"N'est-ce pas un fait que nous sommes la fierté de toute la vallée? N'est-ce pas grâce à nous que cet arbre est si vigoureux et si vaste, si imposant et majestueux? Que serait-il sans nous? Oui, en effet, nous pourrions bien nous vanter sans vanité! 

Ne protégeons-nous pas, par notre fraîcheur, le berger et le voyageur de la chaleur de midi? N'attirons-nous pas, par notre beauté, la bergère à venir danser ici? et en nous, à la fois matin et soir, le rossignol chante, tandis que vous, douces brises, vous ne nous quittez presque jamais. "

"Vous pourriez dire juste un petit mot de remerciement pour nous", interrompit une voix faible en sous sol.

"Qui a l'audace de nous demander des comptes? Qui êtes-vous, qui parlez là-bas sous l'herbe?" rétorquèrent avec impertinence les feuilles, remuant dédaigneusement sur ​​l'arbre.

" C'est nous," fut la réponse venant de loin en dessous, "qui creusons ici dans l'obscurité pour vous fournir de la nourriture. Est-il possible que vous ne nous connaissiez pas? Nous sommes les racines de l'arbre sur lequel vous vous épanouissez. Continuez à vous réjouir de votre beauté mais rappelez-vous, il y a cette différence entre nous qu'à chaque automne, les vieilles feuilles meurent, et avec chaque printemps de nouvelles feuilles naissent; mais si les racines périssent une seule fois, ni vous, ni l'arbre ne peuvent du tout vivre. "

Version française Claude Lopez-Ginisty
D'après les Fables de Krylov
adaptées par William R.S. Ralston
in
HERMITAGE OF THE HOLY CROSS
Newsletter
August 2013 - Issue 24

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Cette même fable fut traduite du russe en français et mise en vers par Charles Parfait au XIXème siècle.


Les Feuilles et les racines

Sur le flanc d'un vallon, par un beau jour d'été,
Les feuilles, répandant une ombre fraîche et pure,
Du haut d'un chêne altier sous leur masse abrité,
Vantaient aux doux zéphyrs leur épaisse verdure.
"C'est nous qui du vallon faisons tout l'ornement, 
Disaient-elles; ce tronc, inutile instrument,
Nous doit sa majesté, sa grâce et sa parure.
Que serait-il sans nous? Pourrait-on contester
A qui fait de tels dons le droit de s'en vanter?
Vous le savez, notre feuillage
Des feux du jour sait protéger
Le voyageur ou le berger
Qui vient dormir sous son ombrage.
Dès que le printemps a souri,
La bergère accourt en cadence,
Sous ce frais et discret abri,
Chercher les plaisirs de la danse.
Le rossignol de ces coteaux,
Que le jour fuie ou qu'il renaisse, 
Dans nos bosquets reste sans cesse,
Et vient chanter dans nos rameaux;
Et vous-mêmes, zéphyrs fidèles,
Si l'on vous voit, pour quelques jours,
Quitter les feuilles, vos amours,
Vous revenez toujours près d'elles.
- Et nous, ne pourriez-vous nous dire au moins merci?
Dit une faible voix qui sortait de la terre.
- Qui donc ose, la-bas, nous interrompre ainsi?
Quand nous parlons, sachez vous taire!
Que vous croyez-vous donc ici?
Disent en frémissant les feuilles indignées.
- C'est nous, nous qui, dans l'ombre à languir résignées,
Vivons pour vous nourrir; pouvez-vous l'ignorer?
De l'arbre ou vous brillez nous sommes les racines.
Jouissez à loisir de ces beautés divines
Dont vous aimez à vous parer;
Mais n'oubliez jamais que votre destinée
Est. quoique différente, à la nôtre enchaînée.
Quand le printemps vient refleurir,
Avec lui, tous les ans, renaît feuille nouvelle;
Mais, si votre racine, un jour, vient à périr,
Tronc, feuilles et rameaux, vous mourrez avec elle.*

Version versifiée de  Charles PARFAIT
Librairie Henri Plon
Paris
Mai 1867

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* Ces racines si modestes, dit M. de Saint-Jullien, représentent l'humble et laborieuse population des campagnes; car, en Russie, plus que dans nos contrées d'industrie et de commerce, l'agriculture entretient les feuilles élégantes et bruyantes de l'arbre social.

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vendredi 12 août 2022

Père Sofian Boghiu: Les maladies spirituelles



Les maladies spirituelles sont plus nombreuses en nous, que nous ne le réalisons: la colère, l'hypocrisie, l'orgueil, l'incrédulité, l'indifférence et le manque d'amour pour les autres, les dommages que nous faisons à notre prochain en parlant mal et en discréditant les autres.

 L'immense mal réside dans la perte de la conscience du péché. 

Nous ne réalisons pas que nous avons tort, en commettant les péchés mentionnés ci-dessus. De tels péchés causent un grand chaos interne et nous devenons étourdis et tombons malades de l'intérieur.

Jésus guérit d'abord ces blessures de l'âme, puis, en conséquence de la guérison intérieure essentielle, Jésus guérit la maladie corporelle.

Chacun de nous a de nombreuses blessures internes qui guérissent par la repentance, à savoir la reconnaissance du péché et le sincère regret de ce que nous avons commis et pour lequel nous demandons pardon. 

Etant pardonnés, nous acquérons la guérison intérieure, après quoi nous pouvons facilement résoudre les problèmes externes de la vie, même la guérison corporelle, si nous souffrons.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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jeudi 11 août 2022

Staretz Syméon, higoumène du monastère de Grigoriou [Mont Athos] (+1905)


Higoumène Syméon Grigoriatis (+1905)

Homme béni de Dieu, Spyridon Angelidis, comme il se nommait avant sa tonsure, naquit à Tripolidans le Péloponnèse en 1830. En 1852il arriva au monastère de Saint Paul (Mont Athos) avec trois amis. Selon l’higoumène Séraphim, décédé en 1960 : "larguant les amarres de tous soucis profanes pour les choses matérielles, il se consacra avec zèle et abnégation au service de l’higoumène et des autres Pères, et après avoir été testé dans une variété de fonctions, il fut renommé Syméon". Par la suiteil fut ordonné diacre et servit au Secrétariat du monastère. Il fit ses études à l’Académie d'Athoniada et servit au sein du Secrétariat de la Sainte communauté.

Les ferventes prières des Pères du monastère de Grigoriou l'amenèrent au trône de l’higoumène, après qu’il ait d’abord été ordonné prêtre. Il fut emmené au monastère de son staretz, Sofronios Ayiopavlitis (†1882). Dans son style élevé habituel, le staretz Gabriel Dionysiatis (†1983) écrit : "ce cénobium avait la chance d’avoir des higoumènes qui étaient déjà connus pour leur zèle au service du monastère, et tout d’abord parmi ceux-ci le hiéromoine Syméon, fut également le nouveau fondateur, qui érigea les splendides nouveaux quartiers résidentiels qui sont presque équivalents des plus anciens, et aussi la très remarquable porte d’entrée. Ayant été invité à être l’higoumène de Saint Paul, il imposa son autorité, même s’il y était un étranger, à travers son mode de vie austère, sa diligence et son amitié envers tous, tandis que son amour du labeur et ses efforts exceptionnels pour la construction de la nouvelle aile devinrent proverbiaux. Il fut le premier parmi les travailleurs et, du matin jusques au crépuscule, il portait des pierres et d’autres matériaux sur son dos, sans toutefois omettre le moindre détail de son travail spirituel planifié.

A un moment donné, l’approvisionnement en huile d’olive du monastère fut considérablement réduit et il était loin d’être certain qu’il durerait toute l’année. Le moine responsable, Hypathe, alla vers l’higoumène Syméon et demanda s'il devait continuer à servir de l’huile. La réponse fut : "l’huile est pour nous tous. S'il y en a assez, c’est assez pour nous tous." Et ils l'utilisèrent encore et encore, mais l’approvisionnement en huile, ne baissa  jamais. L'huile resta dans la jarre pleine, par la bénédiction de l’higoumène Syméon, par l’obéissance du serviteur Hypathe, et par  les prières des moines qui en bénéficièrent.

Il partit reposer en paix dans le Seigneur comme higoumène, le 20 octobre 1905. Le plus éminent de ses enfants spirituels fut le très vertueux Athanase (†1953), qui devint plus tard higoumène. Par la vertu de Syméon et de ses nombreux sacrifices, quand ses ossements furent retirés de sa tombe, ils exhalèrent une bonne fragrance.

Il servit en tant qu’higoumène pendant 46 ans et eut beaucoup de dons spirituels. Il était très intelligent, perspicace, fort et travailleur. Il mit toute son espérance en Dieu. Il laissa un exemple de diligence, de zèle, de sagesse et de spiritualité.
Monastère de Grigoriou (Mont Athos)


Lorsqu’A. Moraïtidis visita le monastère, il écrivit: "l’Athonite Syméon, originaire du Péloponnèse, homme d’assez grande taille et vénérable hiéromoine, vint vers moi accompagné du Père Barlaam, appuyé sur son bâton d'higoumène, et me bénissant de la manière la plus cordiale [...] et avec le doux sourire par lequel il réunit d'autres hommes pieux du Péloponnèse pour vivre comme moines avec lui, se révélant être ses fils obéissants et humbles. 

Après les discours officiels habituels, nous parlâmes longuement du cénobium hésychaste, des dernières rénovations qui sont entièrement attribuables à l’activité progressive de cet higoumène du Péloponnèse, dont l’ambition est de faire que ce petit monastère soit grand et merveilleux, en ce qui concerne le nombre de moines et leur vertu. 

Le résultat est qu’aujourd'hui il est préféré aux nombreux autres monastères par ceux qui désirent leur propre salut. Pour son ordre et l’observation méticuleuse de la prière et le réfectoire très complet, dans les restrictions de la règle monastique, qui fournit la subsistance à tous ces moines qui portent le poids du service et des obédiences de la nuit noire jusques au crépuscule de la journée suivante - avec les activités de pétrissage, cuisson, boulangerie et travail dans l'atelier du tailleur, du cordonnier, dans le jardin, au débarcadère, au déchargement de l’abondance des produits que rapportent les caïques du monastère depuis ses dépendances, pour tout cela, et la rénovation des murs et l’ajout d’une nouvelle aile, de nouveaux moines et d’un nouveau régime, l'higoumène Syméon jouit de la réputation d’être le nouveau fondateur de ce monastère.

Source : Moine Moïsis, Μέγα Γεροντικό εναρέτων αγιορειτών του εικοστού αιώνος Τόμος Α΄, 1901-1955, § Ιερομόναχος Συμεών Γρηγοριάτης (1830-1905), Publications de Mygdonia, 1ère édition, septembre 2011
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
la version anglaise 
de