"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 16 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (7)


Ioan Popa. 

Bien qu'il ait seulement 38 ans, Popa a déjà peint avec la technique de la fresque deux églises à Bucarest et à Alba Iulia, l'église d'un monastère dans les monts Apuseni ainsi que des baptistères et de petites chapelles du sud de l'Italie, de Chypre et du Mont Athos. 

Popa est doté d'une très bonne connaissance de l'art byzantin, de ses racines et de son héritage dans les Balkans et l'Italie du Sud. Bien documenté en histoire de l'art et doué aussi d’une vocation de chercheur, il penche artistiquement vers un "style local connecté à la tradition byzantine de l'Eglise Une". 

Il est capable de composer ses peintures murales adaptées soit à l'architecture traditionnelle ou expérimentale, et ainsi de générer des programmes iconographiques uniques.


Ioan Popa, G. Alexandrescu Hospital Chapel (Bucharest)
Ioan Popa, G. Alexandrescu
Chapelle de l'Hôpital (Bucarest)



Ioan Popa, SS Redentore Church (Manfredonia, Italy)
Ioan Popa, Église SS Redentore (Manfredonia, Italie)

Auteur de nombreuses icônes, Popa crée parfois de nouveaux cycles narratifs dans les scènes peintes dans la marge de l'icône.


Ioan Popa, St. M. George, icon

Ioan Popa, icône de saint Georges

Ioan Popa, St. Seraphim of Sarov, icon

Ion Popa, icône de saint Seraphim de Sarov


Il a accompli une fresque d'une grande originalité dans l'église dédiée à saint Jean-Baptiste à Alba Iulia. Les scènes sont réduites à l'essentiel, peintes sur de grandes zones délimitées par des inscriptions, des fragments de l'Ecriture et des textes liturgiques. Il maîtrise une technique de dessin ferme qui transmet à ses ensembles muraux une certaine monumentalité et l'atmosphère hiératique spécifique de l'art primitif.


Ioan Popa, Southern Wall, The Church of Alba Iulia


Ioan Popa, mur sud, église d'Alba Iulia


Ioan Popa, The Church of Alba Iulia, detail

Ioan Popa, L'église d'Alba Iulia, détail


Version française Claude Lopez-Ginisty
cité par

vendredi 15 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (6)


Gabriel Toma Chituc. 

Egalement  éduqué principalement comme peintre classique, Chituc est un iconographe original et doué d'une expressivité artistique. Dans la dernière décennie, il est devenu un iconographe prolifique cherchant à trouver le mystère de l'icône authentique inspirée par l'Esprit Saint. 

Influencé par l'art des maîtres russes de Novgorod et de Moscou, dont il a pris la transparence, la grâce et la délicatesse de portraits, il filtre tout dans un style personnel de physionomies délicates, de gestes et de mouvements élégants, de couleurs chaudes et « désaturées » et de plis raffinés. Il est original et très personnel soit quand il repense un thème classique comme l’icône de la Nativité ou l'Annonciation, ou quand il crée le portrait d'un saint ou d’un martyr.

Gabriel Toma Chituc, Nativity

Gabriel Toma Chituc, la Nativité

Gabriel Toma Chituc, Annunciation
Gabriel Toma Chituc, Annonciation

Gabriel Toma Chituc, St. M. George

Gabriel Toma Chituc, St. George

Gabriel Toma Chituc, St. Venerable George of Cernica

Gabriel Toma Chituc, Saint George le Vénérable de Cernica


Version française Claude Lopez-Ginisty
cité par

jeudi 14 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (5)

Elena Murariu représente la génération intermédiaire. 

Elle a travaillé en tant que spécialiste de la fresque qui a restauré différentes peintures murales du XIVe au XVIIIe siècle, puis a commencé à peindre ses propres icônes. 

Murariu peint les modèles iconographiques des princes roumains nouvellement canonisés, en composant un récit historique avec des scènes de leur vie inspirées de la chronique de type russe de l’iconographie du XVIe siècle. 

Très prolifique, elle est en mesure d'élaborer un certain sujet, par exemple le martyre des saints Brancovan, dans divers médias et techniques, depuis des icônes suivant la composition stricte du canon byzantin à d'autres modalités artistiques telles que des graphiques ou tempera sur panneau de bois. 

Ces compétences remarquables lui permettent d'insérer dans le langage iconographique classique certaines des techniques et des moyens d'expression propres à d'autres médias artistiques tels que les hachures, les traits brillants et un dynamisme accentué. 
   
Elena Murariu, St. Stephen the Great

Elena Murariu, Saint-Etienne le Grand

Elena Murariu, Holy Brancovan (Brвncoveanu) Martyrs
Elena Murariu, les saints martyrs Brancovan (Brâncoveanu)


Version française Claude Lopez-Ginisty
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mercredi 13 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (4)

II. Certains iconographes et leur travail

Gregore Popescu. 

Il est le plus ancien parmi les peintres de l'Eglise roumaine et possède la plus grande œuvre artistique. Bien que les jeunes peintres n’aient pas été ses apprentis directs, ils ont tous été inspirés par son attitude libre à explorer un certain thème et par sa connaissance de composer avec originalité une icône, une scène ou un mur entier. Popescu est novateur en termes de couleur, de forme et de composition, il est inspiré par l'iconographie classique roumaine, qu’il stylise travers l’amincissement, l’ondulation ou l’allongement des formes anatomiques du corps humain, parfois à sa manière. Il innove également en termes de style chromatique en utilisant une palette chaude et pittoresque inspirée par l'art ancien roumain populaire qu’il connaît en profondeur.







Gregore Popescu, Le mur oriental du sanctuaire

Grigore Popescu, Christ in Glory, Porch

Gregore Popescu, le Christ en gloire, Porche
    
Popescu est aussi le créateur d'un nouveau cycle iconographique: dans le porche de la nouvelle église du monastère de Lainici (sud-ouest de la Roumanie), il a composé une «chronique de l’Hésychasme roumain » peint dans lequel une place centrale est consacrée à l'histoire de la Philocalie. Ce récit peint comprend les Pères Cappadociens avec leur Philocalie, saint Nicodème de l'Athos avec son recueil imprimé à Venise, saint Païssy Vélitchkovsky et les scriptoria monastiques médiévaux, et il se termine par la traduction en roumain du célèbre livre dans la collection en douze volumes réalisée par le Père Dumitru Stăniloae.




Gregore Popescu, Scènes de la vie de saint Païssy Vélitchkovsky, Cycle de la Philocalie


Version française Claude Lopez-Ginisty



cité par




mardi 12 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (3)


Ioan Popa travaillant sur l'icône des saints martyrs Brâcoveanu


1. Une formation approfondie en art classique. Bien éduqués en peinture classique, les iconographes appartenant à l'ancienne génération (maintenant dans leur cinquantaine ou soixantaine) ainsi que quelques-uns de la nouvelle génération (dans leur trentaine ou quarantaine) ont une expérience importante dans la restauration des anciens monuments religieux (icônes et fresques). 

Ce faisant, ils ont acquis une connaissance fine de la composition et une sensibilité chromatique particulière qu’ils ont montré plus tard par la création de vastes programmes iconographiques. La nouvelle génération de peintres (dans leur trentaine et quarantaine) n'a pas été formée par apprentissage direct avec un maître. 

La plupart d'entre eux ont étudié l'art classique à la Faculté des Beaux-Arts dans le but d'acquérir une solide formation de ces techniques essentielles telles que le dessin, la composition, l'anatomie ainsi que leur culture visuelle. En outre, ils ont étudié les albums et les collections d'art byzantin, voyagé à travers le monde orthodoxe pour étudier les peintures murales et, tout aussi important pour leur progrès, ils ont été guidés par leur talent artistique, leur intuition et leur vie spirituelle. Maintenant, ils sont maîtres accomplis de techniques iconographiques traditionnelles, ils choisissent et préparent des matériaux très diligemment et s’abstiennent d'utiliser certains ingrédients populaires aujourd'hui, comme l’acrylique et les peintures chimiques, qui donnent un effet scintillant vulgaire à l'image. 

La splendeur chromatique ne doit pas être confondue avec les couleurs charnelles de la télévision. Nous devons mentionner que, grâce à eux, la difficile technique de la fresque traditionnelle a survécu dans la Roumanie moderne, très probablement un des rares endroits du monde; et, de plus, elle est devenue un art majeur.

2. Une vie spirituelle personnelle. Tout assument, avec la tradition orthodoxe, qu'une dimension spirituelle est un ingrédient nécessaire à la peinture d'icône. La peinture d’une icône n’est pas une simple activité artistique mais une facette de la croissance spirituelle plus large, à la fois personnelle et faisant partie de la communauté dans laquelle vit l’iconographe. 

Peindre une icône, par conséquent, devient une manière d'exprimer leur créativité, une recherche spirituelle dans une continuité directe avec leur héritage orthodoxe ancestral et un mode de vie auquel ils se consacrent entièrement. Ainsi, ils cherchent à comprendre l'icône d'une manière théologique, comme une image sacrée, et à la traiter sous un angle spirituel. Il y a quelques cas dans lesquels les artistes ont même choisi la vie monastique; et la peinture d'icônes est devenue leur principale obédience dans le monastère.

3. Ils n’imitent pas, mais innovent en restant dans les canons de la tradition. Probablement que la valeur la plus intéressante progressivement assumée par les iconographes de la nouvelle génération est qu'ils chérissent l’originalité et la liberté d'expression artistique. Ils n’acceptent de créer d'une façon maniériste et de reproduire les maîtres du passé tout en faisant une concession à un goût populaire commun. 

Prêtant attention au moindre détail technique et théologique, ils cherchent à éviter non seulement le kitsch religieux, mais aussi les clichés religieux. Après avoir assimilé les compétences, le canon byzantin, une riche documentation et une connaissance générale de l'art médiéval, certains d'entre eux ont été en mesure de définir leur propre style. Et ce fait a permis de repenser l’iconographie classique et d'innover en termes de style, de couleurs et de composition ainsi que de trouver de nouveaux thèmes et de devenir "hagiographes". 

Tous ces éléments entre eux ont conduit à atteindre une qualité sans précédent de l'acte iconographique dans lequel ils s’engagent à l'originalité artistique dans les limites de la tradition iconographique orthodoxe. De ce point de vue, une scène iconographique peut être réinventée à la lumière du texte biblique et de l'iconographie traditionnelle. 

Comme l’expose Ioan Popa, "je relis le texte de l'Écriture, puis repense l'iconographie classique d'une fête." Pour eux, la splendeur des couleurs et des formes doit rendre transparente l'atmosphère hiératique du royaume spirituel et guider l'œil, l'esprit et l’âme de celui qui contemple les mystères du monde invisible. Pour obtenir cet effet, ils remodèlent parfois l’anatomie humaine en silhouettes filiformes et ondulent les corps humains selon la manière grecque des Paléologue, ou les allongent eux comme les maîtres russes classiques.

Version française Claude Lopez-Ginisty
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lundi 11 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (2)


D'une part, il y a des peintres qui reproduisent la composition classique et les styles chromatiques de Manuel Panselinos - les plus fréquents et les plus imités -, l'iconographie macédonienne, les chefs-d'œuvre du Mont Athos, les styles locaux roumains (soit des monastères moldaves ou de l’art des Brancovan (Brâncoveanu) développé en Valachie au XVIIIe siècle). 

D'autre part, il y a les artistes qui cherchent à définir leur propre style et langage en ce qui concerne soit la manière du dessin, ou de choisir la palette chromatique, ou de ré-imaginer la composition interne des icônes et des programmes iconographiques. Certains d'entre eux ont trouvé leur propre style et ils sont devenus ainsi en mesure de pousser plus loin l'iconographie comme domaine artistique, du moins dans ce pays orthodoxe.


Elena Murariu working on an icon of the burning bush.
Elena Murariu travaillant sur une icône du Buisson Ardent.

Notre intérêt se concentre sur ces derniers artistes qui ont atteint une aptitude avancée de la maîtrise de la peinture d'icônes et de fresques. Socialement, ils sont aussi la catégorie la plus visible, ils savent comment promouvoir leur création, comment mettre en place des événements et intégrer leur art dans le domaine culturel et artistique plus large. 

Leurs personnalités sont complexes: en plus de travailler en studio ou sur l'échafaud, ils organisent des colloques, des expositions et des ateliers ouverts, invitent des collègues du pays et de l'étranger, certains d'entre eux enseignent l'art religieux et, en général, ils apportent l'iconographie à l’attention du public. 

On peut observer que, au cours des cinq à dix dernières années, le phénomène est devenu plus vivant et a configuré un groupe d'iconographes et les peintres de l'église qui ne sont pas seulement des artistes de talent, mais aussi des conservateurs, des théoriciens et des gestionnaires de projet. En outre, l'un des aspects les plus importants est que quelques valeurs artistiques ont été progressivement prises en charge par les iconographes plus talentueux.

Version française Claude Lopez-Ginisty
cité par



dimanche 10 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (1)



Note de la rédaction (Orthodox Arts Journal [OAJ]). Depuis quelque temps, nous voulions trouver un moyen de présenter l'iconographie qui est actuellement en plein essor en Roumanie. Et donc, après un peu de recherche, cet article présentant la nouvelle école d'iconographie a été écrit spécialement pour OAJ par Mère Atanasia (Văetişi) du monastère Stavropoleos de Bucarest et a été traduit [en anglais] par mon propre prêtre de paroisse Père Dragos-Andrei Giulea, ici à la paroisse  Saint Benoît de Nursie à Montréal.

Toma et Mihai Coman Chituc, 
deux iconographes du renouveaut de l'icône roumaine.


I. L‘iconographie, un langage artistique retrouvé

Il aurait été impossible d'imaginer une conversation publique sur les icônes et leur vénération, il y a quart de siècle en Roumanie communiste. Il aurait été impossible d'imaginer ainsi l’iconographie enseignée dans une école publique, et la technique de la peinture d’icônes au département des Beaux-Arts. 

En ces temps-là, l'intérêt pour les icônes était une simple occupation privée, ou de niche. Institutionnellement, le Patriarcat roumain avait une commission spécialisée sur l'art religieux s’occupant essentiellement de la préservation du patrimoine national. Cependant, au cours des 25 dernières années qui se sont écoulées depuis les révolutions anti-communistes en Europe de l'Est, les changements ont été impressionnants. 

Aujourd'hui, c’est devenu un geste commun que de commander une icône pour votre maison ou pour offrir une icône comme cadeau. Quatre des douze facultés de théologie orthodoxe dans le pays ont créé des départements d'art sacré, préparant des iconographes et des spécialistes de la préservation de l'iconographie médiévale; et nombre de leurs diplômés sont devenus compétents dans la peinture des icônes et des fresques. 

Dans la foulée du régime athée, la vie religieuse a été ravivée dans toutes ses dimensions: l'art, la Liturgie, la vie de  paroisse et des communautés monastiques. 

Il y a de nouvelles églises paroissiales, de nouveaux monastères, de nouveaux saints canonisés ainsi que de nouveaux martyrs chrétiens de la persécution communiste recevant une grande vénération populaire, qui attendent d'être canonisés. Dans ce contexte, l'icône est devenue une présence commune dans les maisons et les bureaux.
    
L'aspect le plus remarquable de cette renaissance est que la demande iconographique abondante et le nombre élevé d’iconographes qualifiés ont donné lieu à une ambiance compétitive qui a conduit à une avance évidente, dans la qualité de l'iconographie, et, par la suite, à un nouveau mouvement iconographique. 


Comme pour toute profession, les nouveaux iconographes et les peintres de l'église démontrent une valeur inégale; il ne suffit pas d'apprendre la technique et de suivre "l’herminia" byzantine (manuel du peintre) pour devenir un iconographe qualifié et apprécié. 

Version française Claude Lopez-Ginisty



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