"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 11 avril 2015

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


29 mars / 11 avril
GRAND SAMEDI
Liturgie de Saint Basile le Grand
Lectures : Rom. VI, 3-11 ; Matth. XXVIII, 1-20
AU SUJET DE L’OFFICE DU GRAND SAMEDI

L’office du Grand Samedi est consacré à la mémoire du séjour de notre Seigneur Jésus-Christ « au tombeau avec le corps, aux enfers avec l’âme, comme Dieu, au paradis avec le larron et sur le Trône avec le Père et le Fils, Celui qui est incirconscriptible remplissant tout » et, enfin à la Résurrection même du Sauveur. La Divine Liturgie commence en ce jour par les Vêpres. Après la Petite Entrée et le chant « Lumière joyeuse… » commence la lecture des quinze parémies, dans lesquelles sont rassemblées les préfigurations et les prophéties les plus importantes concernant le salut des hommes par la Passion et la Résurrection du Christ. Après les parémies et l’épitre commence la fête de la Résurrection du Christ. Le chœur chante lentement « Lève-toi, ô Dieu, juge la terre, car Tu domines sur toutes les nations… ». À ce moment, dans le sanctuaire, les célébrants enlèvent leurs ornements noirs et revêtent des ornements blancs. Cela est fait en mémoire des myrophores qui, « dès l’aube » virent près du Tombeau du Christ l’Ange, dont la robe était « blanche comme la neige » et entendirent de lui l’annonce joyeuse de la Résurrection du Christ. Après ce chant, le diacre, vêtu également de blanc, à l’instar de l’Ange, sort du sanctuaire devant l’épitaphios, et annonce la Résurrection du Christ par la lecture de l’Évangile correspondant. Ensuite, la Liturgie de St Basile se déroule selon l’ordre habituel, à l’exception du chant des Chérubins et de celui de la Mère de Dieu après la consécration des Dons (voir ci-après). Le chant de communion est tiré du Psaume 77 : « Le Seigneur s’est éveillé comme un homme qui dort ; Il s’est levé notre Sauveur, Alléluia ».

La Liturgie commence par les Vêpres.
Stichères du lucernaire (Seigneur, j’ai crié vers Toi), ton 1 :
Вечéрнiя на́ша моли́твы  прiими́, Святы́й Го́споди,  и пода́ждь на́мъ оставлéнiе грѣхо́въ,  я́ко Еди́нъ еси́,  явлéй въ мíрѣ Воскресéнiе.
Seigneur Très-Saint, reçois nos prières du soir, accorde-nous la rémission des péchés, car seul, Tu as manifesté au monde la Résurrection.


Обыди́те лю́дiе Сiо́нъ,  и обыми́те его́,  и дади́те сла́ву въ нéмъ Воскрéсшему изъ мéртвыхъ:  я́ко То́й éсть Бо́гъ на́шъ,  избавлéй на́съ отъ беззако́нiй на́шихъ.
Peuples, longez Sion, entourez-la, en elle, rendez gloire au Ressuscité d’entre les morts, car Il est notre Dieu, Lui qui nous délivre de nos fautes.

Прiиди́те лю́дiе  воспои́мъ, и поклони́мся Христу́,  сла́вяще Его́ изъ мéртвыхъ Воскресéнiе :  я́ко То́й éсть Бо́гъ на́шъ,  отъ лéсти вра́жiя мíръ избавлéй.
Venez peuples, chantons, prosternons-nous devant le Christ ; glorifions Sa Résurrection d’entre les morts, car Il est notre Dieu ; Lui qui délivre le monde du mensonge de l’ennemi.

Стра́стiю Твоéю Христé,  отъ страстéй свободи́хомся,  и Воскресéнiемъ Твои́мъ изъ истлѣ́нiя изба́вихомся:  Го́споди, сла́ва Тебѣ́.
Ta Passion, ô Christ, nous a libérés des passions ; et Ta Résurrection nous a rachetés de la corruption. Seigneur, gloire à Toi !

Днéсь а́дъ стеня́ вопiéтъ:  у́не мнѣ́ бя́ше, а́ще бы́хъ отъ Марíи Ро́ждшагося не прiя́лъ:  пришéдъ бо на мя́, держа́ву мою́ разру́ши,  врата́ мѣ́дная сокруши́:  ду́ши, я́же содержа́хъ прéжде, Бо́гъ сы́й воскреси́.  Сла́ва Го́споди, Кресту́ Твоему́, и Воскресéнiю Твоему́.
Ton 8 : En ce jour, l’enfer s’écrie en gémissant : il eût mieux valu que je ne reçoive pas le Fils de Marie, car en pénétrant chez moi, Il a détruit mon pouvoir, Il a brisé les portes d’airain, et les âmes que je tenais captives, Il les a ressuscitées, car Il est Dieu. Gloire, Seigneur, à Ta Croix et à Ta Résurrection ! (2 fois)

Днéсь а́дъ стеня́ вопiéтъ:  разруши́ся моя́ вла́сть,  прiя́хъ Мéртваго я́ко еди́наго отъ умéршихъ,  Сего́ бо держа́ти отню́дъ не могу́,  но погубля́ю съ Ни́мъ, и́миже ца́рствовахъ:  а́зъ имѣ́хъ мертвецы́ отъ вѣ́ка,  но Сéй всѣ́хъ воздвиза́етъ.  Сла́ва Го́споди, Кресту́ Твоему́, и Воскресéнiю Твоему́.
En ce jour, l’enfer s’écrie en gémissant : mon pouvoir est aboli, j’ai reçu un Mortel comme l’un des autres défunts, mais je ne puis le retenir : mais avec Lui, je perds tous ceux sur lesquels je régnais ; Il ressuscite ceux que je retenais captifs dans la mort depuis les siècles. Gloire, Seigneur, à Ta Croix et à Ta Résurrection !
Днéсь а́дъ стеня́ вопiéтъ:  пожéрта моя бы́сть держа́ва,  Па́стырь распя́тся, и Ада́ма воскреси́:  и́миже ца́рствовахъ, лиши́хся,  и я́же пожро́хъ возмогíй, всѣ́хъ изблева́хъ.  Истощи́ гро́бы Распны́йся,  изнемога́етъ смéртная держа́ва.  Сла́ва Го́споди Кресту́ Твоему́, и Воскресéнiю Твоему́.
En ce jour, l’enfer s’écrie en gémissant : mon pouvoir est aboli ; le Pasteur est crucifié et Il a ressuscité Adam ; je suis privé de ceux sur lesquels je régnais ; ceux que j’avais engloutis, j’ai dû les rejeter. Le Crucifié a vidé les tombeaux, l’empire de la mort est resté sans force. Gloire, Seigneur, à Ta Croix et à Ta Résurrection !
Gloire… ton 6 :
Днéшнiй дéнь та́йно вели́кiй Моѵ́сей прообразова́ше, глаго́ля:  и благо-слови́ Бо́гъ дéнь седьмы́й.  Сiя́ бо éсть благословéнная Суббо́та,  сéй éсть упокоéнiя дéнь,  во́ньже почи́ отъ всѣ́хъ дѣ́лъ Свои́хъ, Едино-ро́дный Сы́нъ Бо́жiй,  смотрéнiемъ éже на смéрть, пло́тiю суббо́тствовавъ:  и во éже бѣ́, па́ки возвра́щься воскресéнiемъ,  дарова́ на́мъ живо́тъ вѣ́чный,  я́ко Еди́нъ Бла́гъ, и Человѣколю́бецъ.
Le Grand Moïse préfigura mystiquement  ce jour en disant : « Et Dieu bénit le septième jour », car voici le jour béni du Sabbat, voici le jour du repos où le Fils unique de Dieu Se reposa de toutes Ses œuvres, dans la mort corporelle qu’Il subit en vue de notre salut, retournant à la gloire où Il était avant,  nous donnant la vie éternelle par Sa Résurrection, car Il est le seul Bon et Il aime les hommes.
Et maintenant, Theotokion, ton 1 :
Всемíрную сла́ву  отъ человѣ́къ прозя́бшую,  и Влады́ку ро́ждшую,  небéсную двéрь  воспои́мъ Марíю Дѣ́ву,  безпло́тныхъ пѣ́снь, и вѣ́рныхъ удобрéнiе;  Сiя́ бо яви́ся нéбо, и хра́мъ Божества́;  Сiя́ преграждéнiе вражды́ разруши́вши,  ми́ръ введé, и Ца́рствiе отвéрзе.  Сiю́ у́бо иму́ще вѣ́ры утверждéнiе,  побо́рника и́мамы изъ Нея́ ро́ждшагося Го́спода.  Дерза́йте у́бо, дерза́йте лю́дiе Бо́жiи: и́бо То́й побѣди́тъ враги́ я́ко Всеси́ленъ.
Chantons la Vierge Marie, gloire de l’univers, fruit de l’humanité, Mère du Maître Souverain, porte du ciel, louange des esprits célestes, parure des croyants ; Elle est apparue, ciel et temple de Dieu ; détruisant la barrière de la haine, Elle a ramené la paix et ouvert le Royaume. Par Elle, ancre de la foi, un défenseur nous est acquis ; le Seigneur, qu’Elle a enfanté. Peuple de Dieu, prends cœur et prends courage, car Il combat tes ennemis, Lui, le Tout-Puissant !

Au lieu du chant des chérubins, on chante le tropaire suivant, ton 8:
Да молчи́тъ вся́кая пло́ть человѣ́ча,  и да стои́тъ со стра́хомъ и трéпетомъ,  и ничто́же земно́е въ себѣ́ да помышля́етъ:  Ца́рь бо ца́рствующихъ, и Госпо́дь госпо́дствующихъ,  прихо́дитъ закла́тися и да́тися въ снѣ́дь вѣ́рнымъ.  Предхо́дятъ же Сему́ ли́цы Áнгельстiи  со вся́ким Нача́ломъ и Вла́стiю,  многоочи́тiи Херувíми,  и шестокрила́тiи Серафíми,  ли́ца закрыва́юще, и вопiю́ще пѣ́снь:  аллилу́iа, аллилу́iа, аллилу́iа.

Que fasse silence toute chair mortelle, qu’elle se tienne immobile, avec crainte et tremblement, et que rien de terrestre n’occupe sa pensée, car le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, s’avance pour être immolé et donné en nourriture aux fidèles, précédé des chœurs angéliques, avec toutes les Principautés et les Puissances des cieux, les Chérubins aux yeux innombrables et les Séraphins aux six ailes, qui se couvrent la face et chantent l’hymne sainte : Alléluia, Alléluia, Alléluia.

Au lieu de « il est digne en vérité » ton 6
Не рыда́й Менé, Ма́ти,  зря́щи во гро́бѣ,  Его́же во чрéвѣ безъ сѣ́мене зачала́ еси́ Сы́на:  воста́ну бо и просла́влюся  и вознесу́ со сла́вою непреста́нно, я́ко Бо́гъ,  вѣ́рою и любо́вiю Тя велича́ющiя.

Ne me pleure pas, ô Mère, bien que tu aies vu gisant dans le Tombeau le Fils que tu avais conçu de merveilleuse façon, car Je ressusciterai et serai glorifié, et dans Ma Gloire divine J’exalterai pour l’éternité les fidèles qui t’aiment et chantent ta gloire.
HOMÉLIE DE ST ÉPIPHANE DE CHYPRE SUR LE GRAND SAMEDI
Qu’est ceci ? Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblée et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair, et qu’Il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli. Dieu s’est endormi pour un peu de temps, et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les enfers... Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort. Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans ses liens, et Ève captive avec lui, Lui qui est en même temps leur Dieu et leur fils. Descendons donc avec Lui pour voir l’alliance entre Dieu et les hommes ...Là se trouve Adam, le premier père et, comme premier créé, enterré plus profondément que tous les condamnés. Là se trouve Abel, le premier mort, et comme premier pasteur juste, figure du meurtre injuste du Christ pasteur. Là se trouve Noé, figure du Christ, le constructeur de la grande arche de Dieu, l’Église... Mais, comme, par Son avènement, le Seigneur voulait pénétrer dans les lieux les plus inférieurs, Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de Celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla ainsi "j’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous !" Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la Croix. Et lorsque le premier père, Adam, Le vit, plein de stupeur, il se frappa la poitrine, et cria aux autres "Mon Seigneur soit avec vous tous !" Et le Christ répondit à Adam :"Et avec ton esprit" Et, lui ayant saisi la main, Il lui dit : “Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, Je suis devenu ton fils. Lève-toi, toi qui dormais, car Je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, Je suis la vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image… Lève-toi, et partons d’ici, de la mort à la vie, de la corruption à l’immortalité, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous, partons d’ici, et allons de la douleur à la joie, de la prison à la Jérusalem céleste, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubins est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle de noce est préparée, les tentes et les demeures célestes sont ornées, les trésors de tout bien sont ouverts, le Royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend.

jeudi 9 avril 2015

K. F. Volkovitch-Drok: DE LA PHILAUTIE (Amour de soi) AU PRELEST (Illusion Spirituelle)



Icon of Extreme Humility

Il existe un grand danger pour tous les pieux chrétiens orthodoxes de tomber de charybde en scylla, de l’amour de soi (philautie) à l’illusion spirituelle (prelest), qui sont tous deux néfastes pour l’âme. 

L’amour de soi et le contentement de soi, sont toujours spirituellement mortels. Ce n’est pas parce que nous menons une vie de prière, que nous fréquentons régulièrement nos temples et que nous nous conformons aux prescriptions du jeûne, et que nous croyons, contre toute logique (puisque nous avons un comportement aberrant contraire à la charité) être de bons chrétiens, que nous serons sauvés. Tout cela est bel et bon, et nécessaire, « mais si je n’ai pas l’Amour, » cela ne me sert de rien. Souvenons-nous du pharisien de l'Ecriture!

Dans les relations avec nos frères et sœurs en Christ, si à un moment donné, ce que nous faisons pour eux dans l’Amour du Christ, nous le considérons comme une dette qu’ils auraient envers nous, et que nous leur en voulons de ne pas nous « rembourser » cette dette que nous leur imposons, en ne redoublant pas de prévenances envers nous, en ne nous manifestant pas obligatoirement leur reconnaissance, quelles que soient les circonstances, nous sommes dans l’erreur. Car quelquefois, elles sont telles ces circonstances (lors d'une maladie, ou d’un deuil par exemple), que ces frères et sœurs sont dans une douloureuse et immense détresse*, et ils ne sont pas à même de réagir à notre bonne action de départ, ce qui ne signifie pas qu'ils ne sont pas reconnaissants. 

Ils ne sont pas non plus conscients –comment le seraient-ils, encore brisés par leur douleur, leur peine ou leur deuil ?- de ce grief insane et absurde que nous avons envers eux. Nous substituons alors, dans ce cas, à notre bonne action première, un jugement sévère pour une absence de reconnaissance que notre orgueil, notre philautie, inventent de toutes pièces, et nous tombons orgueilleusement dans l'illusion spirituelle (prelest), les jugeant spirituellement, alors que nous tombons sous notre propre jugement, pour cette conduite indigne. Nous ne sommes alors plus digne du beau Nom de chrétien.

Nous sommes dans l’illusion spirituelle la plus ignoble, la plus délétère, car nous ajoutons un fardeau terrible à la détresse de celui ou celle que nous prétendions aider, surtout si nous lui reprochons cette faute qu’il/elle ne peut pas avoir commise. Cette attitude qui tient en dernier lieu de la manipulation, et qui se croit spirituelle, n’est qu’une manœuvre du Diable dont nous devenons, engoncés que nous sommes dans la conscience de notre bon droit et de notre suffisance bien peu spirituelle, le jouet.

Ainsi, ce que nous avons fait pour un frère ou une sœur, n’était pas vraiment motivé par l’Amour du Christ qui nous enjoignait de partager son épreuve, sa peine, sa douleur ou son deuil, mais se revêtait seulement de ce masque hypocrite, pour ensuite rendre ce frère ou de cette sœur nos débiteurs. Cette attitude possessive, tyrannique, égocentrique, motivée par l'amour de nous-mêmes, néantise totalement l’acte de charité que nous avons d'abord fait pour eux.

Le Christ n’a pas dit : « parce que vous avez aidé votre frère et que vous avez partagé sa peine, son deuil ou sa douleur, il doit devenir l’esclave docile de votre personne et vous devoir une reconnaissance éternelle et de tous les instants, une quasi vénération… » Il nous a par contre dit très clairement : « Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. » 

Dieu ne nous demande à aucun moment de tyranniser par nos paroles ou notre attitude, ceux à qui nous avons rendu service en Son Nom. Il ne nous enjoint pas, lorsque nous avons accompli une bonne action, de croire que l’autre, doit être à notre merci jusqu’au temps où il aura payé sa dette de reconnaissance, surtout si l’autre, dans sa bienveillance à notre égard, croit à notre action gratuite, pro Deo.

Si un frère en Christ accomplit tout ce que le Christ, dans la charité, lui demande de faire, il n’a en aucun cas le droit de se voir comme quelqu’un d’extraordinaire et s'en glorifier, et plus encore d'en tirer un argument de ressentiment de ne pas, quelles que soient les circonstances, être payé en retour. ‘Au contraire’, dit Jésus, il devrait se dire, Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. Toutes ces choses ne sont rien de plus que notre devoir envers Dieu pour notre prochain. Pourquoi ensuite vouloir que ces frères/sœurs soient nos débiteurs, alors que nous le sommes toujours de Dieu ? 

Il vaudrait mieux ne rien faire pour son prochain, que de faire la moindre chose pour se l'attacher ainsi ensuite dans un esclavage prétendument spirituel obligatoire, et de lui en vouloir de ce que nous avons fait pour Dieu, parce que nous voulons qu’il nous rembourse, quelles que soient les circonstances, alors que quelquefois, l’autre ne soupçonne pas du tout la malignité de ce comportement de juge impitoyable, et nos reproches ineptes de manque de reconnaissance, ne font qu'ajouter à sa déjà grande détresse.

Car, si celui ou celle qui est dans la détresse, voit sa peine, sa douleur, son deuil allégés par notre bonne action en Christ, le fait de vouloir faire de cette action une sorte de reconnaissance de dette obligatoire, un esclavage de la soumission et de la reconnaissance, est un grand péché devant Dieu.  Et lui reprocher un manque de reconnaissance à cause du diktat infantile de cette enflure de notre ego, est une véritable abomination, fille de notre orgueil, de l'importance démesurée que nous accordons à notre petite personne mesquine qui se considère comme le nombril du monde. 

« Tous ceux dont le cœur est orgueilleux, font horreur à l’Eternel » (Proverbes 16 :5). Et c’est l’orgueil qui conduit à la philautie, et cet amour de soi mène ensuite à l’illusion spirituelle, et finalement, sans repentance et sans retour à une saine attitude de réelle fraternité, sans jugement constant des autres pour des méfaits qu'ils n'ont pas commis, mais que nous leur prêtons, l'âme s'achemine sûrement vers la perte finale de la Grâce.

Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
K. F. Volkovitch-Drok
Simple Theology
Ed. Sam-izdat
Libertyville, TN.
(sans date)

* excruciating distress: détresse causant une peine horrible (de crux, crucis, la Croix en latin)

Père Raphael de Maldon: Ma vocation monastique ( s/t anglais)

Vidéo de la présentation de « La divine liturgie de saint Jean Chrysostome » du hiéromoine Grégoire du Mont Athos


Présentation de « La divine liturgie de saint Jean Chrysostome »
 du hiéromoine Grégoire du Mont Athos from J. Panev on Vimeo.


Le  samedi 21 mars,  à la librairie L’Âge d’Homme, dans le cadre du cycle de conférences « L’orthodoxie d’hier et d’aujourd’hui », a été présenté le livre du hiéromoine Grégoire du Mont Athos, La divine liturgie de saint Jean Chrysostome. Commentaires à la lumière des Pères de l’Église, tout récemment paru aux éditions des Syrtes. La présentation a été faite par Bernard Le Caro, traducteur du livre.

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


27 mars / 9 avril
GRAND JEUDI
Liturgie de Saint Basile le Grand
Lectures :  Exode XIX, 10-19 ; Job XXXVIII, 1-23 ; XLII, 1 1-5 ; Isaïe L, 4-11 ; I Cor. XI, 23-32 ; Matth. XXVI, 1-20 ; Jn. XIII,3-17 ; Matth. XXVI, 21-39, Lc. XXII, 43-45, Matth. XXVI, 40 – XXVII, 2.
LA LITURGIE DU GRAND JEUDI
La Liturgie de St Basile commence par les vêpres. Le chant des chérubins et le chant après la communion (« Que nos lèvres s’emplissent de Ta louange ») sont remplacés par : « A Ta Cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui... ». Ce chant est également repris pendant la communion des fidèles. Nous reproduisons ci-dessous les stichères du Lucernaire (« Seigneur, j’ai crié vers Toi, entends-moi).
Ton 2
Cтека́ется про́чее собо́рище iуде́йское, да Содѣ́теля и Зижди́теля вся́ческихъ Пiла́ту преда́стъ. О беззако́нныхъ, о невѣ́рныхъ ! Я́ко гряду́щаго суди́ти живы́мъ и ме́ртвымъ, на су́дъ гото́вятъ: исцѣля́ющаго стра́сти, ко страсте́мъ уготовля́ютъ. Го́споди долго-терпѣ́ливе, ве́лiя Твоя́ ми́лость, сла́ва Тебѣ́.
Le sanhédrin des Juifs se rassemble pour livrer le Créateur de tout. Ô les iniques ! Ô les impies ! Car ils préparent au jugement Celui qui viendra juger les vivants et les morts ; Celui qui guérit les passions, ils Le préparent à la Passion. Seigneur longanime, grande est Ta miséricorde, gloire à Toi !


Iу́да беззако́нный, Го́споди, омочи́вый на Ве́чери ру́ку въ соли́лѣ съ Тобо́ю, простре́ къ беззако́ннымъ ру́цѣ прIя́ти сре́бреники, и мѵ́ра умы́сливый цѣ́ну, Тебе́  Безцѣ́ннаго не убоя́ся прода́ти : но́зѣ простры́й во е́же умы́ти, Влады́ку облобыза́ льсти́вно, во е́же преда́ти беззако́ннымъ : ли́ка же апо́стольскаго отве́ргся, и три́десять пове́ргъ сре́бреники, Твоего́ тридне́внаго воскре́сенIя не вѣ́дѣ, и́мже поми́луй насъ.
Judas l’inique, Seigneur, qui mit la main dans le plat avec Toi lors de la Cène, tendit la main aux hommes iniques pour recevoir les deniers ; celui qui estima le prix du parfum, ne craignit point de Te vendre, Toi le parfum inestimable ; celui qui étendit ses pieds afin qu’ils fussent lavés, donna au Maître un baiser perfide, afin qu’Il fût livré aux hommes iniques ; celui qui fut rejeté du chœur apostolique et jeta les deniers, ne vit point la Résurrection du troisième jour, par laquelle, aie pitié de nous.

Iу́да преда́тель льсти́въ сый, льсти́внымъ лобза́нiемъ предаде́ Спа́са Го́спода, и Влады́ку всѣ́хъ, я́ко раба́ продаде́ iуде́омъ : я́ко овча́ на заколе́нiе, та́ко послѣ́доваше, А́гнецъ Бо́жiй, Сы́нъ О́тчiй, еди́нъ Многоми́лостивый.
Judas le traître, le fourbe, par un baiser perfide trahit le Seigneur et Sauveur et lui le serviteur livra le Maître aux Juifs ; comme une brebis à l’abattoir, le suit l’Agneau de Dieu, le Fils du Père, le seul Très-miséricordieux.

Iу́да ра́бъ и льсте́цъ, учени́къ и навѣ́тникъ, дру́гъ и дiа́волъ, отъ дѣ́лъ яви́ся : послѣ́доваше бо Учи́телю, и на Него́ поуча́шеся преда́нiю, глаго́лаше въ себѣ́: преда́мъ Того́, и приобря́щу собра́нная имѣ́нiя, иска́ше же и мѵ́ру про́дану бы́ти, и Iису́са ле́стiю я́ти, отдаде́ цѣлова́нiе, предаде́ Христа́. И я́ко овча́ на заколе́нiе, си́це послѣ́доваше А́гнец Бо́жiй, еди́нъ Благоутро́бный и Человѣколю́бецъ.
Judas le serviteur et le fourbe, le disciple et l’insidieux, l’ami et le diable, fut manifesté par ses actes : il suivait le Maître alors qu’il méditait la trahison, disant en lui-même : je Le livrerai et je gagnerai l’argent amassé. Cherchant à vendre le parfum, et à faire arrêter Jésus par la ruse, il  donna un baiser au Christ et Le trahit. Et comme Agneau de Dieu, le seul Miséricordieux et Ami des hommes le suivait.

Его́же проповѣ́да А́гнца Иса́iа, гряде́тъ на заколе́нiе во́льное, и плещи́ дае́тъ на ра́ны, лани́ты на зауше́нiя, лица́ же не отврати́ отъ срамоты́ заплева́нiй, сме́ртiю же безобра́зною осужда́ется. Вся́ Безгрѣ́шный во́лею прiе́млетъ, да всѣ́мъ да́руетъ изъ ме́ртвыхъ воскресе́нiе.
Celui qu’Isaïe nomma l’Agneau, avance vers Son immolation volontaire, et donne Son dos au fouet, Ses joues aux soufflets ; Il ne détourna pas Son visage de la honte des crachats, Il est condamné à une mort honteuse. Celui qui est sans péché subit tout pour accorder à tous la résurrection des morts. 

Слава, и ныне, глас 6: Рожде́нiе ехíдновъ вои́стинну Iу́да, я́дшихъ ма́нну въ пусты́ни, и ро́пщущихъ на Пита́теля : еще́ бо бра́шну су́щу во устѣ́хъ ихъ, клевета́ху на Бо́га неблагода́рнiи : и се́й злочести́вый Небе́сный Хлѣ́бъ во устѣ́хъ нося́й, на Спа́са преда́тельство содѣ́ла. О нра́ва несы́тнаго, и де́рзости безчеловѣ́чныя! Пита́ющаго продае́тъ, и Его́же любля́ше Влады́ку, предая́ше на сме́рть : вои́стинну онѣхъ сы́нъ беззако́нный, и съ ни́ми па́губу наслѣ́дова. Но пощади́ Го́споди, ду́ши на́ша отъ такова́го безчеловѣчества, Еди́не въ долготерпѣнiи неизрече́нный.
Gloire, et maintenant, ton 6 :
Judas, tu appartiens vraiment à la race de vipères qui, alors qu’ils mangèrent la manne dans le désert, murmurèrent contre Celui qui les nourrissait ; la nourriture étant encore dans leur bouche, les ingrats blâmaient Dieu ; et portant le Pain Céleste dans sa bouche, il méditait la trahison contre le Sauveur. Ô esprit cupide et audace inhumaine ! Il vend Celui qui l’a nourri et il livra à la mort le Maître auquel il avait donné un baiser. Il est vraiment le fils d’iniquité issu de ceux-ci, et avec eux il hérita la perte. Mais délivre nos âmes, Seigneur, d’une telle inhumanité, Toi seul dont la longanimité est ineffable.

Tropaire, ton 8
Егда́ сла́вніи ученицы́  на умове́ніи ве́чери просвѣща́хуся, тoгда́ Іу́да злочести́вый, cpeбролю́біемъ неду́-говавъ, oмрача́шеся, и беззако́ннымъ судія́мъ Tебе́ пра́веднаго Cyдію́ предаéтъ. Bи́ждь, имѣ́ній paчи́телю, cи́хъ ра́ди удавле́ніe употреби́́вша ! Бѣжи́ несы́тыя души́, Учи́телю такова́я дерзну́вшія : и́же о вcѣ́xъ Благі́й, Го́споди сла́ва Teбѣ́.
Lorsqu’à la Cène, au Lavement des pieds, les glorieux disciples étaient illuminés, Judas l’impie, malade d’avarice, se couvrait de ténèbres et aux juges iniques  il Te livrait, Toi le juste     Juge. Vois donc, toi qui t’attaches aux richesses, comment à cause d’elles il s’est pendu ! Fuis l’âme insatiable qui osa commettre un tel acte contre le Maître. Toi qui es bon envers tous, Seigneur, gloire à Toi. 
Kondakion, ton 2
Хлѣ́бъ пріе́мъ въцѣ преда́тель, coкрове́нно ты́я прocтиpáeтъ, и пріе́́млетъ цѣ́ну созда́вшаго Свои́ма рукáма человѣ́ка ; и неиспра́вленъ пребы́сть Іу́да ра́бъ и льсте́цъ.
Ayant reçu le pain dans Ses mains, le traître les tend en secret pour recevoir le prix de Celui qui a façonné l’homme de Ses propres mains. Il est demeuré incorrigible, lui le serviteur et félon.
Au lieu du chant des chérubins :
чepи Твоея́ та́йныя днécь, Cы́нe Бо́жій, прича́стника мя́ пріими́ ; не бо́ враго́мъ Твои́мъ та́йнy повѣ́мъ, ни лобза́нія Ти́ да́мъ я́ко Іу́да, но я́ко разбо́йникъ исповѣ́даю Tя́ : помяни́ мя́ Го́споди во Ца́рствіи Твоéмъ.
À Ta Cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu, car je ne dirai pas le secret à Tes ennemis, ni ne Te donnerai le baiser de Judas. Mais comme le larron je Te crie : souviens-Toi de moi, Seigneur dans Ton Royaume.

Au lieu de « Il est digne en vérité » :
Стра́нствія Влады́чня, и безсме́ртныя Трапе́зы на го́рнѣмъ мѣ́стѣ, высо́кими yмы́, вѣ́рніи пріиди́те наслади́мся, возше́дша сло́ва, oтъ Сло́ва научи́вшeecя, Его́же величáeмъ.
Venez fidèles, rassasions-nous de l’hospitalité du Maître et de la Table immortelle, en la chambre haute, élevant l’esprit et apprenant la parole (de l’Écriture) du Verbe, que nous magnifions. 


HOMÉLIE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME SUR LE JEUDI SAINT
… Mais il est temps enfin de s'approcher de cette table terrible. Approchons-nous donc tous avec le calme et la vigilance convenables. Qu'on ne voie plus de Judas, plus d'esprits pervers, d'âme empoisonnée affichant des sentiments qu'elle n'a pas. Le Christ est là : c'est Lui qui a préparé cette table, c'est Lui qu'on y reçoit. Ce n'est pas un homme qui fait que ce qui nous est offert soit véritablement le Corps et le Sang de Jésus-Christ, mais c'est ce même Christ qui a été crucifié pour nous (…) Écoutez donc ce qu'Il dit : Lorsque vous offrez votre présent à l'autel, si vous vous souvenez en ce moment que votre frère a quelque chose contre vous, laissez votre offrande à l'autel et allez vous réconcilier avec votre frère, après quoi vous viendrez offrir votre présent. (Matth. V, 23, 24.) Qu'hésitez-vous à pardonner, puisque ce sacrifice a été institué pour la paix avec votre frère? Si donc le but de ce Sacrifice est de vous conserver en paix avec votre frère et que vous ne vouliez pas de cette paix, vous participez en vain au Sacrifice, votre action est rendue inutile. Commencez donc par accomplir ce pourquoi le Sacrifice a été offert et alors vous en recueillerez abondamment les fruits. Le Fils de Dieu est descendu pour réconcilier notre nature avec Son Seigneur, et de plus, pour nous faire participer à Son Nom si nous voulions imiter son action. Écoutez : Bienheureux les pacificateurs, parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu. (Matth. V, 9.) Ce qu'a fait le Fils unique de Dieu, faites-le selon votre pouvoir, afin de vous concilier la paix à vous-mêmes en même temps qu'aux autres. C'est pour cela que vous êtes appelés pacifiques, enfants de Dieu, c'est pour cela qu'au temps du sacrifice on ne vous rappelle aucun autre précepte que celui de la réconciliation avec votre frère, pour vous faire comprendre que c'est le plus grand de tous. Je désirerais m'étendre davantage, mais en voilà bien assez pour ceux qui sont attentifs, s'ils veulent s'en souvenir. C'est pourquoi; mes bien-aimés, rappelons-nous toujours ces paroles, et ces saints baisers de paix et cette communion redoutable. Rien n'est plus propre à unir nos âmes et à faire de nous tous un seul corps que cette participation au Corps de notre Sauveur. Confondons-nous donc tous en un seul et même corps, non dans une union charnelle, mais par le lien mutuel de la charité qui réunira nos âmes. Ce sera le moyen de recueillir avec confiance le fruit de ce banquet. Quand même nous aurions pratiqué à l'infini des œuvres de justice, si nous conservons le souvenir des injures, tout cela s'évanouit et ne nous sert de rien; nous n'en pourrons retirer aucun profit pour le salut. Après ces enseignements, laissons toute colère, et la conscience purifiée, approchons-nous avec toute la douceur et l’humilité possibles de la Table du Christ, à qui soient la gloire, l’honneur, le règne, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen !