Trois saints hiérarques
Au XIe siècle, les Grecs se disputèrent pour savoir qui était le plus grand hiérarque parmi les saints. Les Basiliens étaient des dévots de saint Basile le Grand, archevêque de Césarée, qu'ils considéraient comme prééminent en raison de la clarté de son enseignement et de la pureté de sa vie. Les Grégoriens soutenaient saint Grégoire le Théologien pour sa profonde défense de l'Orthodoxie face aux tentatives ariennes de pervertir la foi. Les Johannites préféraient saint Jean Chrysostome (Bouche d'or) pour la beauté et la clarté de son discours lorsqu'il prêchait la foi. Ces trois hiérarques vécurent et servirent l'Église au IVe siècle. Ils eurent chacun leur propre commémoration : saint Basile le 1er janvier, saint Grégoire le 25 janvier et saint Jean Chrysostome le 27 janvier.
Le conflit entre les fidèles s'aggrava au point de provoquer de graves divisions. À l'époque, Jean Mauropous, évêque d'Euchaita, très respecté pour sa sagesse et son intégrité spirituelle, refusa de prendre parti dans la controverse qui faisait rage. C'est ainsi qu'en 1084, les trois grands hiérarques lui sont apparus dans une vision, lui demandant son aide pour résoudre le problème. Ils affirmèrent leur unité d'esprit et leur complète unité dans la foi en disant : "Il n'y a pas de division entre nous et pas d'opposition entre nous". C'est ainsi que l'évêque Jean proposa la solution, à savoir l'instauration d'une fête commune commémorant les trois grands hiérarques. Cette fête fut instituée le 30 janvier à Constantinople vers l'an 1100 et elle continue à être célébrée avec une grande joie depuis lors.
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La lecture de l'Évangile d'aujourd'hui est la parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32). Une fois de plus, il y a un grand symbolisme dans le fait que l'homme avec deux fils représente Dieu et que les deux fils représentent les deux caractéristiques humaines, les justes et les pécheurs. Les dons de Dieu sont nombreux et sont offerts à chacun d'entre nous. Le commentaire nous rappelle que toutes ces choses données par Dieu peuvent être considérées comme des biens, y compris le ciel, la terre, l'ensemble de la création, la loi et les prophètes. La dernière génération pécheresse, symbolisée par le fils cadet, a fait du ciel un dieu, a adoré la terre, a rejeté la loi de Dieu et a persécuté les prophètes. Dieu nous accorde à tous ses bénédictions, mais il n'oblige personne à Le servir s'il ne le veut pas. S'Il avait voulu nous contraindre, Il ne nous aurait pas donné le libre arbitre.
Le fils cadet s'en alla dans un pays lointain. Lorsque nous nous rebellons contre Dieu, nous nous éloignons de Lui. Alors que la vertu peut être une entité simple et unique, le vice opposé peut avoir de multiples facettes et être complexe ; une erreur en entraînant et en créant une autre. Le fils cadet a tout dilapidé de son propre chef. Il y eut alors une grande famine et le jeune homme commença à souffrir. La famine était une absence de pain, mais c'était aussi l'absence de tout ce qui était bon, à savoir les bénédictions de Dieu. Il commença donc à être dans le besoin. Il nous est rappelé qu'il n'y a pas de pénurie pour ceux qui craignent le Seigneur (Psaume 33:9).
La description de la situation du fils cadet, qui s'est soumis à un étranger, vraisemblablement un païen, et qui a vécu avec des porcs, symbolise la profondeur de sa dégradation, car il s'est éloigné du droit chemin autant qu'il est possible de le faire. Il avait pris congé de ses sens en rejetant tout ce qui lui avait été enseigné dès son plus jeune âge. Pourtant, les yeux de son esprit se sont ouverts. Il revint à lui, lorsqu'il pensa que même les mercenaires recevaient de la nourriture. Nous voyons ici symbolisés ceux qui rejettent leur foi et renoncent à Dieu ; car même les catéchumènes, qui n'ont pas encore reçu le sacrement du baptême, sont nourris spirituellement en entendant la Parole de Dieu. Alors le fils cadet dit : Je me lèverai et j'irai vers mon père. Les premiers mots sont significatifs : Je me lèverai. Il est décidé à cesser de se vautrer dans la crasse et l'apitoiement sur soi, il s'arrache à la fange et se lève. C'est ainsi qu'il a commencé à se repentir. Lorsqu'il se comportait mal, il n'était pas observé par son père. C'est ainsi que lorsqu'un homme pèche, il agit comme s'il n'était pas sous le regard de Dieu.
En retournant chez son père et en admettant ses fautes, le jeune homme fut accueilli avec joie. Son père le prit dans ses bras et l'embrassa en signe de pardon et de réconciliation. Les serviteurs, qui symbolisent ici les anges, s'occupèrent du jeune pénitent et lui rendirent sa robe, qui peut être considérée soit comme le vêtement d'incorruptibilité, que nous portions avant notre premier péché, soit comme la robe honorée du baptême, qui est la première chose que nous recevons après être entrés sacramentellement dans l'Église.
Le frère aîné entre maintenant dans l'histoire. Il a appris la nouvelle du retour de son frère cadet et de la réaction de son père. La question qui se pose est la suivante : comment le fils, qui a été loyal dans son service à son père, peut-il céder à une telle jalousie apparente ? La réponse se trouve dans le contexte dans lequel cette parabole fut racontée. Regardez les événements précédents, et les paraboles qui ont été racontées auparavant en réaction aux Pharisiens, qui se considéraient comme purs et justes, et qui ont donc indignement critiqué le Seigneur pour avoir reçu des prostituées et des publicains. Il est parfois difficile de comprendre l'effusion de la compassion de Dieu. Dans le commentaire, Théophylacte observe :
Dans cette parabole, le Seigneur dit donc aux pharisiens des paroles comme celles-ci : "Supposons que vous soyez aussi justes que le fils aîné et que vous plaisiez au Père ; je vous supplie, vous qui êtes justes et purs, de ne pas maugréer, comme ce fils aîné, contre la joie que nous manifestons pour le salut du pécheur, qui est aussi un fils."
Le message de la parabole aux pharisiens, et en fait à nous tous, est de ne pas être vexés lorsque la miséricorde est montrée aux pécheurs, de peur que nous soyons vus comme remettant en question les jugements de Dieu, qui seul peut regarder dans nos cœurs et nos esprits. Notre Dieu miséricordieux peut en effet voir quelque vertu secrète qui n'est pas apparente aux autres, mais qui est la cause pour laquelle Dieu regarde favorablement cette âme.
Dans le kondakion de ce dimanche, nous lisons :
Quittant follement ta gloire paternelle,* Dans le mal j'ai dispersé la richesse que Tu m'avais donnée.* Et je Te dis les paroles du fils prodigue:*J'ai péché contre Toi, Père compatissant,* Reçois-moi qui me repens,* Et fais de moi l'un de tes serviteurs.
Le kondakion est chanté dans le Canon aux Matines. Aujourd'hui, nous ne pouvons manquer de remarquer que, bien que le sujet soit, en théorie, le fils prodigue de la parabole, tout le texte du Canon est exprimé à la première personne. Cela doit nous faire réfléchir. La parabole a été racontée comme une instruction aux pharisiens. Récemment, dans les lectures de l'Évangile du dimanche, nous avons beaucoup entendu parler de leur attitude de jugement. Nous savons combien il est facile d'adopter cette mentalité. Dans l'histoire de ce pays, [id est l'Angleterre]nous avons vu le puritanisme être confondu avec la pureté. Or, ce dimanche, on nous donne l'exemple du repentir du fils prodigue, mais le concept n'est pas spécifique au genre. Au milieu du Grand Carême, nous entendrons la lecture liturgique de la vie de Sainte Marie d'Égypte, un autre exemple d'égarement chez les jeunes et de repentir ultérieur. L'Église nous donne toutes ces choses pour notre instruction et nous pouvons y voir un thème continu. Alors, pourquoi le Canon est-il à la première personne ? La réponse est que nous sommes mis en garde contre la mentalité du pharisien qui aurait pu dire : "Dieu, je Te remercie de ne pas avoir passé ma jeunesse comme le fils prodigue".
Voici quelques citations du Canon :
J'étais asservi à des étrangers, exilé dans le pays de corruption, et j'étais rempli de honte. Mais maintenant je reviens, Seigneur miséricordieux, et je crie vers Toi : j'ai péché. (extrait de l'Ode 5)
J'ai gaspillé dans une mauvaise vie les richesses que le Père m'avait données, et maintenant je suis réduit à la pauvreté. Je suis rempli de honte et asservi à des pensées stériles. C'est pourquoi je crie vers Toi qui aimes les hommes : Aie pitié de moi et sauve-moi. (extrait de l'Ode 6)
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
in Mettingham.
ENGLAND