En ces quatre dimanches qui précèdent le grand carême, également connu sous le nom de préparation au carême, l'Église nous présente les principes fondamentaux sur lesquels nous devons baser notre jeûne de quarante jours. Le premier dimanche, appelé le dimanche du Publican et du pharisien, la parabole biblique nous révèle l'esprit avec lequel nous devons jeûner et prier pendant le carême à venir.
La signification essentielle de ce passage biblique tourne autour de deux thèmes essentiels : l'orgueil et la vanité d'une part, et l'humilité et la repentance d'autre part. Les deux premiers ne sont rien d'autre qu'une adoration viciée et fausse du Christ, tandis que les deux derniers sont les fondements du salut en Christ. Notre salut dépend de la façon dont nous adorons Dieu. Notre culte de Dieu peut nous justifier, mais il peut aussi nous juger. Dans l'Église, nous adorons le Vrai Dieu, mais notre culte peut devenir égocentrique.
Dans l'Église, le pharisaïsme est devenu un symbole de fierté et d'orgueil. Certains l'utilisent d'un point de vue moraliste pour désigner une épidémie dans la société ; d'autres l'utilisent pour décrire toute personne qui n'est pas d'accord avec leurs positions et leurs pensées.
Le Christ a rejeté l'orgueil pharisaïque et l'a jugé, non seulement parce que l'orgueil détruit toute vertu chez le croyant, mais plutôt parce qu'il détruit tout sens de la vérité en lui. Le début de l'orgueil apparaît dans le jugement des autres, l'auto-justification et l'égotisme. Le péché d'auto-justification est l'antithèse du repentir ; non seulement il fait paraître un homme juste à ses propres yeux, mais nourrit également son égotisme et son attachement à ses propres pensées et à sa propre volonté. Ces passions sérieuses constituent un voile sur nos yeux spirituels.
C'est précisément pour cette raison que le pharisien n'a pas vu la nécessité de chercher la miséricorde de Dieu et le pardon de ses péchés. Et celui qui ne voit que sa propre justice juge les autres facilement et les méprise. C'est pourquoi chaque chute de l'histoire et chaque hérésie qui a grandi dans le monde a été principalement causée par l'orgueil pharisien et la conviction égoïste. L'homme ne s'humiliera jamais et ne ressentira jamais le poids de ses péchés tant qu'il comptabilisera ses exploits et sera fier de ses grandes réalisations. L'énumération des exploits et l'orgueil qu'ils suscitent sont le principal facteur de l'orgueil.
Et la plupart des chrétiens vivent une sorte de « christianisme populaire » qui nourrit l'esprit de l'égoïsme, de sorte qu'ils tombent facilement en proie aux passions de la vanité, de la vaine gloire, de l'orgueil... et de l'hérésie. Le Christ voulait nous avertir de ne pas tomber dans ces passions mortelles quand il a dit : Malheur à vous, quand tous les hommes parleront bien de vous ! (Luc 6:26)
Du point de vue de la foi, le vrai pharisaïsme comprend cette obscurité dans laquelle tombe l'âme fière, de sorte qu'elle ne distingue plus entre ce qui est de l'esprit de Dieu et ce qui est de l'esprit du Diable. Cette âme devient incapable de discerner la vérité de l'illusion. Seuls les humbles sont vraiment spirituels parce qu'ils obéissent à l'Église, à sa foi et à ses canons, et Dieu leur accorde le don du discernement et la capacité de séparer ce qui est vrai des faux enseignements qui défigurent cette vérité.
Ce sont les enseignants et les Pères de l'Église et les défenseurs de sa foi. C'est la lutte constante entre l'orgueil maudit et l'humilité bénie, le pharisaïsme et l'obéissance, l'autosuffisance et le repentir ; cette lutte s'accumulera au fur et à mesure que nous avancerons vers la fin. Le péché du pharisaïsme n'est pas que l'âme s'écarte de la vérité, mais qu'elle insiste sur son illusion bien qu''on lui ait montré la vérité ; et qu'elle induit les autres en erreur tout en suggérant qu'ils ont raison. Le pharisaïsme est un aveuglement à la vérité lorsque la vérité est pleinement présente devant nous.
Le pharisaïsme n'est pas l'adhésion obstinée à notre foi orthodoxe et le fait de traiter les faux enseignants d'hérétiques, mais l'adhésion pathologique à nos convictions personnelles qui s'opposent aux enseignements de l'Église et découlent d'un esprit mondain et des instabilités du Nouvel Âge. Le Christ n'a pas jugé le pécheur, mais Il a lui-même jugé l'hérétique, quand Il a dit que tous les blasphèmes seront pardonnés, mais mais quiconque blasphémera contre le Saint-Esprit n'obtiendra jamais de pardon: il est coupable d'un péché éternel. (Marc. 3:29). Nos Saints Pères considèrent les blasphémateurs inpardonnables comme des hérétiques et de faux enseignants.
Notre Christ est le Christ des humbles, qui bénit ce que l'Église bénit et anathème ce qu'elle anathème. Ces personnes ne commettent aucun péché contre Dieu, ni contre les hommes, ni contre la foi, ni contre l'amour. L'amour n'unifie pas l'humanité - la foi orthodoxe en Dieu est ce qui unifie les hommes, d'une manière interne et intime. Quand ils croient à la même foi, ils deviennent un, et l'amour scelle ensuite cette unité, par la participation au seul Corps et au Sang du Christ.
Quiconque lit la Voie de l'Église à travers tout le Nouveau Testament avec un esprit humble voit clairement que c'est un chemin avec une seule foi qui nous unit à Jésus-Christ - la seule vraie foi qui résiste à tous les enseignements déformés et tortueux. « L'amour », comme les apôtres du Nouveau Testament utilisent le terme, n'est rien d'autre qu'une affirmation de cette union - les uns avec les autres et avec Dieu - pour ceux qui sont unis par la seule foi, qui est activée par la prise en charge du saint Corps et du Sang du Christ dans l'Eucharistie. Quant à l'amour qui n'est pas construit sur la seule foi, c'est qu'un amour externe, pharisaïque, un amour hypocrite, comme l'amour que le pharisien a montré envers Dieu et ses semblables dans sa prière, son jeûne et son son aumône.
Le pharisien pensait qu'il était justifié par ses œuvres, il les a donc énumérées et s'est appuyé sur elles. Quant au Publican, il s'est fondé sur sa foi en Dieu ; la force de cette foi est révélée lorsqu'il cherche la miséricorde de Dieu avec un tel esprit contrit. La sincérité de la foi de l'homme est révélée par la confession franche de ses péchés devant un père spirituel dans l'Église, et sa foi est renforcée en cherchant la miséricorde de Dieu avec une insistance inébranlable. Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Luc 18:13). Ce sont les signes de la vraie repentance et de la connaissance de soi ; David le prophète les décrit comme suit : Un sacrifice à Dieu est un esprit brisé, un cœur broyé et humilié, Dieu ne le méprisera point (Psaume 50:17).
Le pharisien a prié comme toute autre personne, mais une prière comme la sienne, avec un esprit hautain et inconscient de ses péchés, est une prière offerte aux démons, pas à Dieu. Celui qui prie vraiment doit être rempli de compassion pour les autres et d'amour - et non de jugement - pour les pécheurs. Le pharisien était fier de son jeûne, tandis que le but du jeûne est de briser et d'humilier l'âme, afin qu'elle puisse progresser dans le contrôle des passions corporelles, la purification des pensées et la renonciation aux soucis terrestres. Il était fier de donner la dîme tous ses biens, tandis que le but de la dîme est de transformer notre égoïsme en sensibilité envers les autres, et de nous libérer de l'avarice et de l'amour de l'argent. C'est l'esprit pharisaïen auquel l'esprit humble est opposé - un esprit qui aime le Christ plus que lui-même.
C'est le début de notre voyage vers Pâques. L'Église nous enseigne par cette parabole d'accompagner le jeûne avec humilité, afin que nous puissions grandir dans la foi sainte, la connaissance de soi et la conscience de nos péchés. Le but du jeûne est de guérir l'âme de ses désirs corrompus, de ses maux spirituels et de ses tendances perverses. Mais le jeûne est stérile sans prière concentrée, et la prière sincère n'existe pas sans humilité, soupirs et repentir.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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