Sa Béatitude Théophile de Jérusalem
La publication Ορθόδοξος Τύπος [Orthodoxos Typos] a confirmé le fait indiqué dans notre titre : Il y a aussi des primats d'Églises locales qui ne suivront pas l'exemple de l'archevêque d'Athènes Jérôme. L'un d'entre eux a déjà rendu cette information publique, et ils se sont fait connaître, malgré le fait que notre journal n'ait pas divulgué de noms ; nous avons voulu que l'initiative du Patriarche de Jérusalem Théophile, (qui a convoqué les Primats de toutes les Eglises locales à une réunion à Amman, en Jordanie, pour discuter de la question urgente de l'unité de l'Eglise), soit gardée secrète, afin de ne pas perdre l'élément de surprise.
Certains ont été effrayés par la simple pensée que les idées du Phanar pourraient être ébranlées, et ils se sont lancés dans diverses intrigues afin d'empêcher toute possibilité de convoquer un concile, ou d'y inviter les primats des Églises locales. Mais une telle position implique essentiellement que tous les autres primats, à part le patriarche œcuménique, sont interdits de même simplement exprimer leur opinion !
Le premier qui a décidé de devancer tout le monde et d'empêcher une solution constructive à la question ukrainienne a été l'archevêque d'Athènes Jérôme, qui a fait une déclaration le 22 novembre 2019 pour le portail orthodoxia.info :
Je ne peux pas répondre à cette question avec exactitude, car je ne sais pas sur quels critères notre frère [le patriarche Théophile] s'est basé. Nous ne savons pas si cette déclaration du Patriarche (de Jérusalem) a été faite à la connaissance du Patriarche œcuménique. Le fait est que tout le monde n'a pas le droit de convoquer un Concile pan-orthodoxe. C'est le privilège du patriarche œcuménique. Si le patriarche œcuménique nous invite, nous ne refuserons certainement pas, mais si le Primat d'une autre Église locale nous envoie un tel appel, je refuserai personnellement.
La vraie raison de ce refus, bien sûr, est une autre histoire : Peu avant cela, l'archevêque d'Athènes avait communiqué (d'abord par téléphone, puis lors d'un autre entretien personnel) avec l'ambassadeur américain Geoffrey Pyatt, qui, après la visite, n'a pas caché qu'ils avaient discuté ensemble de la question ukrainienne. C'est dans ce contexte qu'il convient de rechercher les causes de certaines actions du primat de l'Église de Grèce.
Quant à l'aspect ecclésiologique de la question, selon les déclarations de l'archevêque d'Athènes, il existe "deux catégories" de Primats d'Églises : Le patriarche de Constantinople, qui domine tout le monde, et les autres Primats, qui sont responsables d'une seule Église locale et pas plus ! Est-ce vraiment le cas ?
Un archevêque d'Athènes est en total désaccord avec un autre !
L'auteur de nombreux ouvrages, professeur de théologie, et plus tard, l'archevêque d'Athènes, Chrysostome (Papadopoulos), dans son ouvrage "L'Église de Jérusalem" écrit :
Chaque fois que l'Église a ressenti le besoin de confronter les hérétiques, les Patriarches de Jérusalem - soit en présidant le Saint Synode, soit personnellement, a convoqué les Conciles de l'Église. Lorsqu'au XVIIe siècle, tout l'Orient et l'Occident ont été confondus par les enseignements du patriarche de Constantinople Cyril Lucaris, quatre patriarches de Jérusalem : Théophane, Paisssios, Nectairte et Dosithée, prirent une part active à la convocation urgente d'un Concile, qui défendit alors la Sainte Eglise Orthodoxe...
Par conséquent, les actions actuelles du Patriarche de Jérusalem Théophile, mandaté par un sens de la responsabilité de l'Église, du point de vue canonique, correspondent à notre héritage historique.
Les Patriarches de Jérusalem ont participé deux fois au jugement des Patriarches de Constantinople !
L'archevêque Chrysostome donne ensuite deux cas où, sous la présidence du Patriarche de Jérusalem, les vues du patriarche de Constantinople ont été condamnées comme hérétiques. Cela signifie que le Patriarche de Constantinople n'est pas supérieur aux autres, et que quiconque s'écarte de la foi est soumis au tribunal ecclésiastique et, s'il est jugé coupable par le Concile, à la condamnation :
Le Concile, qui s'est tenu à Iași en 1642 sous la présidence du Patriarche de Jérusalem Théophane, ayant prouvé le caractère fallacieux de la Confession de foi du Patriarche Cyril Lukaris, a condamné et anathématisé ce document, mais a en même temps acquitté le Patriarche Cyrill [1]...
Cependant, la controverse autour du nom de Cyril Lukaris ne s'est pas arrêtée là, et ce n'est que 30 ans plus tard que le grand patriarche Dosithée a convoqué le Concile à Jérusalem en 1672.
Le Patriarche de Jérusalem a convoqué un Concile pan-orthodoxe en 1672
La question urgente qui occupe aujourd'hui le débat public est de savoir si le Primat de l'Église de Jérusalem a le droit de convoquer [un concile des] Primats de toutes les autres Églises locales. Comme l'histoire nous le dit, le Patriarche de Jérusalem peut convoquer non seulement les Primats des Églises, mais aussi un Concile pan-orthodoxe, avec un grand nombre de participants, pour discuter des sujets et des questions les plus importants de la Foi (comme tout autre Primat, et sans lui, tout Évêque) :
Il se trouve qu'à cette époque, dans toute l'Église orthodoxe, seul Dosithée, Patriarche de Jérusalem, grand Père de notre Église, comprenait clairement la signification des questions auxquelles l'Église orthodoxe devait donner une réponse officielle... À ce propos, Dosithée décida de convoquer en mars 1672 le Concile à Jérusalem. Markos Renierēs note que ce Concile fut "un spectacle des plus magnifiques, car de nombreux membres du clergé (71 participants), parmi lesquels des patriarches, des évêques et d'autres représentants du clergé de l'Église orientale, arrivèrent à Jérusalem, dans le lieu sanctifié par la crucifixion de notre Seigneur Jésus-Christ". Le Concile était présidé par le patriarche de cette ville sainte - Père éminent de l'Église - Dosithée...
Malgré toutes les difficultés de l'époque, tous ceux qui le pouvaient vinrent au Concile, et le nombre de atteignit environ 70 personnes. Dans ce contexte se juxtapose l'échec complet du "Concile de Zizioulas "[2], qui se tint à Kolymvari, en Crète, où, malgré les moyens de transport modernes et la commodité offerte en cours de route, seuls deux fois plus d'évêques se réunirent.
Pour la Grèce et pour l'Orthodoxie !
L'initiative du Patriarche de Jérusalem est cruciale pour l'ensemble de l'Église, et pour la Grèce en particulier. Si le Patriarche de Jérusalem assume cette mission avec fermeté et sans faille, conscient du grand danger qui menace l'Orthodoxie - le risque d'un schisme gelé pour de nombreuses années - alors c'est lui qui entrera dans l'histoire, et non la fausse autocéphalie du Phanar, qui, comme le patriarche Bartholomée l'a dit en plaisantant sans succès, a été reçue pour un "pot-de-vin de bonbons…"
La France, par l'intermédiaire de son représentant Olivier Noandel, a soutenu le Concile de l'Eglise d'Orient de toutes les manières possibles et a aidé la Grèce à ériger un dernier bastion pour défendre sa Foi...
Selon les sources des Latins, le Patriarche Dosithée eut l'occasion non seulement d'exposer les erreurs protestantes, mais aussi, au nom de toute l'Eglise orthodoxe, de présenter la doctrine de la foi orthodoxe... Il est donc difficile de surestimer la grande signification de ce Concile ; et son Oros [définition dogmatique]est devenu l'un des documents doctrinaux de l'Eglise orthodoxe, qui est devenu célèbre sous le nom de Confession de Dosithée.
Le Patriarche de Jérusalem est aussi œcuménique !
Le pouvoir spirituel de la "Mère des Eglises" et sa lutte pour la Vraie Foi ont essentiellement rendu les Patriarches de Jérusalem "Œcuméniques", puisque ce n'est pas le titre qui donne à son propriétaire certaines qualités, mais les actions de ce dernier qui ont une grande signification.
On est [digne du titre] "œcuménique", quand on agit conformément aux enseignements et à la vie des Pères et des Enseignants œcuméniques de l'Eglise, et qu'on se tient avec eux dans la même rang, côte à côte :
Ainsi, l'Église de Jérusalem, en la personne de ses patriarches, a toujours défendu l'Orthodoxie, et les grands Patriarches de Jérusalem étaient les champions des intérêts communs de toute l'Église orthodoxe... Peu importe où allaient les éternels Patriarches de Jérusalem, ils ne se contentaient jamais de ne prendre soin que de leur propre Église, mais ils prenaient soin de toutes les Églises. C'est pourquoi les Patriarches n'étaient pas seulement à Constantinople, en Moldavie et en Valachie, et dans tous nos autres pays, mais aussi en Ibérie [3] et en Russie, où ils sont également venus à plusieurs reprises en tant que représentants.
Kiev relève-t-il de la juridiction du Patriarche de Jérusalem ?
Le Phanar prétend que Kiev leur est subordonné, ne se référant qu'à un seul document. Or, l'histoire prouve le contraire :
En chemin, alors qu'il était à Kiev, le Patriarche de Jérusalem [a aidé saint Pierre Mogila] y a fondé une grande école de théologie, a procédé à des restaurations et a ordonné [4] le Métropolite de Kiev, Saint Pierre Mogila [5] et d'autres évêques de la Petite Russie, défendant ainsi l'Orthodoxie ; et il y a accompli de nombreux autres actes en faveur de la foi orthodoxe.
Le Phanar est redevable au Patriarche de Jérusalem
Le Patriarche de Jérusalem a même assuré la protection du patriarche de Constantinople, ce qui confirme et démontre exactement quelle Église est la "Mère des Églises" :
Le Patriarche Dosithée a cherché à prévenir les problèmes dans l'Église de Constantinople et, en 1692, il a publié une loi qui reconnaissait le droit à la permanence des patriarches de Constantinople, afin d'éviter les troubles liés à la révocation fréquente des patriarches du trône... ce même souci de l'Église entière a été manifesté par les Patriarches qui sont venus après Dosithée... Il faut aussi noter que des écoles ont été fondées partout par le Patriarche Cyrille de Jérusalem, non seulement en Palestine, mais aussi à Constantinople.
Le centre de toute l’Orthodoxie
Depuis que le problème ukrainien s'est posé, de nombreuses voix indépendantes les unes des autres, et pourtant d'une seule voix, ont proposé de convoquer un Concile pan-orthodoxe pour le résoudre. Mais comme le patriarche de Constantinople voulait se venger de la Russie qui n'avait pas participé au "Concile de Zizioulas" en Crète, il opposa son veto et rejeta la discussion pan-orthodoxe.
Il n'est pas d'accord avec cette proposition aujourd'hui, car il estime que toute l'Église lui appartient, à lui seul. Rappelons qu'il y a quelques années, s'exprimant au Phanar lors d'une réunion à la veille du nouvel an ecclésiastique, il a déclaré que même le Qatar est sous la juridiction canonique du Patriarcat de Constantinople !
Le Patriarche de Constantinople ne devrait pas faire preuve d'ingratitude, mais devrait en effet reconnaître tout ce qui a été fait par le Patriarche de Jérusalem, et chercher son consentement ; sinon, la situation continuera à évoluer en quelque chose de plus en plus nuisible et destructeur pour le Phanar.
C'est aussi la seule occasion pour une assemblée de toute l'Église d'avoir lieu - la seule chance de trouver une issue à cette situation. Si le Patriarche de Jérusalem a déjà convoqué un Concile pan-orthodoxe sur une question dogmatique, c'est d'autant plus possible aujourd'hui, alors que la question est liée à la juridiction, et que personne n'a le droit d'empêcher sa résolution sous prétexte de privilèges inexistants.
Il ne convient pas que les hommes d'Église se cachent derrière des excuses ; ils doivent soit démissionner parce qu'ils ne remplissent pas leur devoir sacré envers Dieu, soit admettre ouvertement que pour eux, seuls les instructions et les "commandements" qui viennent des États-Unis ont autorité.
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
ORTHOCHRISTIAN
NOTES :
[1] Le patriarche Cyrille a déclaré au Conseil qu'il n'était pas l'auteur de ce traité, publié en 1629 en latin à Genève-Trans.
[2] Le métropolite Jean Zizioulas est une hiérarchie très influente du Patriarcat de Constantinople, qui a participé à la planification du Conseil de Crète.
[3] La Géorgie
[4] Voir ci-dessous
[5] Saint Pierre Mohyla (Moguila/Movila) fut ordonné Métropolite de Kiev et de Galice à Lviv, lors de la semaine de la Saint Thomas, puis le 28 avril 1633, par l'évêque de Lviv Jérémie (Tyssarovsky), agissant en tant qu'Exarque du Trône Œcuménique. A partir de ce moment, le saint Hiérarque Pierre a détenu le trône de Kiev, de Galice et de toute la Rus'. Le Patriarche de Jérusalem lui donna sa bénédiction et son soutien dans nombre de ses entreprises qu'il entreprit pour défendre l'Orthodoxie, comme l'impression de la célèbre "Confession orthodoxe" de saint Pierre. Saint Pierre a également créé le premier séminaire orthodoxe au monde sous la forme de l'Académie Mohyla de Kiev.