"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 29 octobre 2016

AIDE MIRACULEUSE DE SAINT AMBROISE D’OPTINA DE NOS JOURS (1)



Histoires venant du courrier à l'éditeur du site Pravoslavie.ru

"Tout a commencé avec la gorge, et le nez qui coule."
Igor K.

Je suis tombé malade avec un mauvais rhume. Comme d'habitude, tout a commencé avec ma gorge et le nez qui coule. Ensuite, le virus a commencé à descendre aux bronches et à la poitrine, ce qui provoque une toux humide. Habituellement, dans une telle situation une semaine ou deux de repos au lit est prescrit. Il s’est avéré que j'avais sous la main, de l’huile bénie sur les reliques du Père Ambroise. C’était un cadeau d'un moine, novice du monastère de Kazan, après son pèlerinage à Optina.

Je lus la règle de prière du soir et je priai le Père Ambrose et j’oignis d'huile sur ma gorge et ma poitrine qui me faisaient mal.

Au matin, je ne ressentis pas la moindre gêne!

Gloire à Dieu pour ses saints! Vénérable Père Ambroise, prie Dieu pour nous!

* * *

«Mes collègues me détestaient."
P. B. Anna

Il y a quelques années, en Janvier 2007, je fus frappée par une série de problèmes au travail. A cette époque, je travaillais avec une jeune et jolie équipe: la personne la plus âgée dans notre département avait 37 ans, le reste (des femmes seulement) n’avait pas encore 30 ans.

L'une de ces jeunes filles concocta quelques potins sur moi, que tout le monde crut. Ils m’accusaient derrière mon dos de certains terribles péchés de cafarder et calomnier comme si j’allais vers le patron et lui faisait rapport de qui faisait quoi, ou plutôt comme si je lui disais que tout le monde était paresseux. Je n’ai jamais eu tous les détails de la rumeur, mais tous mes collègues ensemble acceptèrent de me haïr.

Je peux ressentir cette ancienne blessure même maintenant, après tant d'années! Je ne comprenais pas ce qui causait ce silence, ce mépris glacial, mais quand je l'ai découvert, j'étais en état de choc! J'ai essayé d'expliquer quelque chose et de prouver que j'étais innocente, mais ils ne m’ont même pas écoutée. Ils m’ont juste ignorée - boycottée. Je pleurais à la maison le matin, ne voulant pas aller au travail. Je n'avais qu'un seul désir: partir! Mais je ne pouvais pas partir, pour des raisons matérielles.

Et donc, en désespoir de cause total, je suis allée à l'église pour me consoler. C’était l'église de l'Ascension, rue Bolshaya Nikitskaya, non loin de mon travail à ce moment-là. Je suis allée à l'intérieur. Il n'y avait pas de service. Je priai, j’allumai des cierges et j’ai jeté un œil sur les livres vendus. J'ai acheté l'un d'eux. C’était un livre de poche de saint Ambroise d'Optina: La vie, La Science du Salut, Alphabet Spirituel. Je dois dire que, à ce moment-là, je ne savais pas grand-chose de Batiouchka Ambroise. Je ne sais pas pourquoi j'ai acheté le livre.

Mais quand je commençai à le lire, je perçus chaque parole de plusieurs des dits du staretz Ambroise comme si elle m’était adressée personnellement, et concernaient ma situation. Je ne peux même pas décrire combien j’ai commencé à me sentir légère et bien. Peu à peu je me suis calmée. Chaque jour, je lisais ce livre, contactant mentalement Père Ambroise. Et qu’est-il arrivé? Peu à peu, cette situation, qui me déprimait tant, disparut, et mes collègues s’excusèrent même!

Mais même avant cela, je ne m’en souciais plus : j’avais une telle paix de l'âme!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

vendredi 28 octobre 2016

Vladimir MOSS: LES ÉTOILES ET LES CATASTROPHES TERRESTRES


     C'est une croyance commune parmi les peuples païens qu'il existe un lien étroit entre les événements dans les cieux et les événements sur terre. Les étoiles sont considérées comme des dieux qui amènent les gens à agir de certaines façons et à faire l'expérience de certains résultats, bons ou mauvais. Ceci est, bien sûr, la fausse religion de l'astrologie, à laquelle croient tant de gens modernes, même de soi-disant chrétiens. Cela va probablement aussi loin que Nemrod, dont on pense qu'il a pratiqué l'astrologie au sommet de la Tour de Babel. Cependant, comme Nemrod essayait de se rapprocher et d'être plus proche des objets de son culte dans les cieux, nous lisons que Dieu a regardé du haut des cieux et a détruit la Tour...

     Un substitut moderne de l'astrologie est l'astronomie. Bien sûr, les astronomes modernes contesteraient vivement un tel jugement, insistant sur le fait que, bien que l'astrologie soit pure superstition sans fondement dans la réalité, leurs recherches et investigations de plus en plus profondes dans les galaxies sont des entreprises totalement rationnelles qui produisent une connaissance réelle. Je suis perplexe... Quiconque a été témoin de l'obsession particulière des astronomes et des cosmologistes pour leur science, ou bien a vu les effusions extatiques de l'émotion qui accompagnaient, par exemple, l'atterrissage réussi d'une sonde spatiale sur une comète gelée, il y a quelques mois par des scientifiques de l'Agence spatiale européenne, pourrait être pardonné s'il pensait qu'il y a peut-être plus d'émotion, et moins de pure raison, impliquée dans ces recherches que cela n'apparaît au premier abord...

     Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que les événements dans les cieux peuvent symboliser des événements sur la terre, même s'ils n'en sont pas la cause. Cela fut la croyance de plusieurs générations de chrétiens orthodoxes. Par exemple, le soleil symbolise le Christ, le Soleil de justice. Et la lune symbolise l'Eglise, qui emprunte sa lumière au soleil et croît et décroît en fonction de ses succès sur la terre. Les étoiles symbolisent les évêques ou les églises (Cf. Apocalypse 12,4).

     En outre, il semblerait que les grands événements de l'histoire de l'Église furent souvent préfigurés par des événements inhabituels dans le ciel. Ainsi, l'événement marquant du Grand Schisme a été annoncé dans le ciel par une énorme explosion. "Les astronomes arabes et chinois ont enregistré l'apparition de la Supernova brillante du Crabe en [Juillet] 1054. Aux rayons X et gamma en énergies supérieures à 30 keV [électronvolt], le Crabe est généralement la plus forte source persistante dans le ciel aujourd'hui." [1] Encore une fois , en 1066, quand les armées étaient assemblées en France pour envahir l'Angleterre orthodoxe, la comète de Halley a jailli comme un éclair à travers le ciel. Encore une fois, en Juillet 1927, lorsque le métropolite Serge a signé sa déclaration pro-soviétique notoire qui suscita le plus grand schisme dans l'Eglise orthodoxe depuis 1054, un séisme majeur a eu lieu à Jérusalem. Et maintenant, les astronomes du monde entier sont très en émoi à cause d'un événement extraordinaire...

     Récemment [2], un programme de BBC4 a d'abord résumé ce qui est connu sur les trous noirs, ces objets terrifiants d'une énorme gravité où les lois de la physique cessent de fonctionner et qui ne permettent pas à la matière ou la lumière de leur échapper une fois qu'elles ont franchi "l'horizon des événements" [Cf, https://fr.wikipedia.org/wiki/Horizon_(trou_noir)] de ce trou noir. Ensuite, il a continué à rapporter un événement extraordinaire qui doit avoir lieu à l'été 2017, un nuage de gaz, ou peut-être une étoile de forme inhabituelle, doit traverser l'horizon des événements du trou noir au centre de notre propre galaxie, la Voie lactée - et cet événement sera visible à l'aide de nouveaux télescopes spéciaux. Les scientifiques ne savent pas exactement ce qui va arriver à ce stade, mais une hypothèse est que juste avant de disparaître dans l'obscurité impénétrable et irréversible au milieu du trou noir, l'étoile errante éclatera et produira une lumière extrêmement brillante.

     Passons maintenant à la Sainte Ecriture: Ce sont des écueils dans vos agapes, faisant impudemment bonne chère, se repaissant eux-mêmes. Ce sont des nuées sans eau, poussées par les vents; des arbres d'automne sans fruits, deux fois morts, déracinés; des vagues furieuses de la mer, rejetant l'écume de leurs impuretés; des astres errants, auxquels l'obscurité des ténèbres est réservée pour l'éternité." (Jude 1:12-13)

     Il n'y a guère de langage plus puissant et plus effrayant dans l'ensemble dans la Sainte Ecriture. Les méchants sont comparés là aux étoiles errantes qui sont englouties dans une sorte de trou noir éternel - évidemment, un symbole de l'enfer. De même, le nuage de gaz ou l'étoile plusieurs fois la taille de notre terre qui est sur le point d'être engloutie dans un trou noir physique pourrait être un symbole de la destruction de notre civilisation mauvaise, processus qui va commencer dans environ neuf mois?


     Ceci est bien sûr de la spéculation. Et pourtant, cela ne peut pas être une «simple» spéculation. Il y a des motifs sérieux de croire qu'une guerre nucléaire entre l'Est et l'Ouest est plus proche aujourd'hui qu'à tout autre moment depuis la crise de Cuba de 1962. 

De plus, la crise actuelle sans précédent dans la foi et la morale des deux côtés du rideau de fer qui émerge à nouveau rapidement, doit sûrement amener la juste punition de Dieu, comme beaucoup des prophéties le suggèrent. Si c'est le cas, alors nous pouvons être reconnaissants à Dieu qu''Il nous ait fourni un avertissement du ciel...


14/27 octobre 2016, 950e anniversaire de la bataille de Hastings, où l'autocratie orthodoxe anglaise fut détruite.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après




1) Dr. Jerjis Alajaji, communication personnelle, 22 marcs 2010.
2) 25 octobre 2016

jeudi 27 octobre 2016

Moniale Porphyria: La douleur fut apaisée par le Christ



La mort est sûre pour tous, riches et pauvres, nobles et esclaves de même. C'est la chose la plus douloureuse de notre vie, parce qu'elle met fin à tout: à tout ce que nous avons demandé, à tout ce que nous avons fait, à tout ce que nous avons étudié, à tout ce que nous avons acquis dans notre vie. Peu importe à quelle hauteur nous parviendrons, ou quelle gloire nous avons atteint, tout se termine face à la mort.


En est-il ainsi? Bien sûr, que non. Cela se produit uniquement avec ceux qui ne croient pas au Royaume éternel de Dieu. Pour l'homme sans foi, même la seule pensée de la mort signifie une véritable tragédie. Mais pour l'homme qui est proche de Dieu, la mort est seulement un passage de la vie temporelle à l'au-delà. 

Je vais vous raconter l'histoire d'une mère qui perdit son enfant dans un accident. Il y a trois ans, j'ai rencontré une dame dont la grandeur d'âme et une grande foi en Dieu m'ont beaucoup impressionnée. 



Cette mère avait perdu son fils aîné dans un accident. Mais sa foi ferme en Dieu fut une aide dans sa douleur insupportable. Son fils avait 28 ans. Un jour, alors qu'il rentrait du travail selon son habitude, il vit une voiture venant du côté opposé à une vitesse très élevée. Le conducteur perdit le contrôle de sa voiture et lui donna la mort, alors qu'il fut lui-même gravement blessé. 

Vous pouvez imaginer ce qu'était l'ampleur de la douleur de cette mère! Elle attendait que son fils revienne vivant du travail, et ils le lui ramenèrent mort. Quand elle le vit, son cœur fut brisé en mille morceaux, comme le corps sans vie de son fils. 

En le voyant, elle le prit dans ses bras et dit: "Mon amour, mon enfant! Ma douleur est absolument insupportable! Mais tu n'étais pas mon enfant, mon fils... Tu es Son Fils! Il m'a béni pour que je te donne naissance et pour que je t'élève. Notre Dieu est ton Père, notre Père! Mon fils, mon fils bien-aimé, adieu! Je te souhaite de rencontrer notre Dieu et notre Père là où tu vas."



En disant ces mots, ses yeux se remplirent de larmes. Je l'ai prise dans mes bras. Mon émotion était grande. Il y avait cette femme chrétienne qui, malgré sa douleur indescriptible, confessa en actes et en paroles sa foi et son amour pour Dieu. Les larmes jaillirent  de mes yeux... Cette douce mère continua à me dire sa douleur, mais aussi sa joie.



"Après avoir enterré mon fils, je ne reçus personne chez moi pour les condoléances. Mon âme saigna plusieurs fois à cause de la douleur insupportable du fait que Dieu avait pris mon enfant. Je n'ai pas eu le temps de profiter assez de l'avoir, de le voir marié et de profiter d'avoir des petits-enfants, qu'il m'aurait donnés."



"Avez-vous d'autres enfants?"



"Oui, j'ai un autre garçon, plus jeune que celui-ci."



"Au moins, vous avez une consolation."



"Sainte mère, une mère souffre toujours pour l'enfant qu'elle perd, peu importe le nombre d'enfants qu'elle a."



"Vous avez raison."



Tout d'un coup, une question m'est venue à l'esprit et j'ai osé lui demander:



" Douce mère, votre cœur ne ressent-il pas de poids dans votre relation avec Dieu pour cette grande affliction?"



"Non, non, jamais! Les enfants sont à Lui! Je n'ai aucune raison de me plaindre de quoi que ce soit. Tout ce qu'Il m'envoie est bienvenu. Ce que je Lui demande dans ma prière, c'est de me donner la force de supporter la douleur. Il sait mieux [que nous] ce qui doit arriver."



"Ma chère, je vous admire pour votre amour de Dieu!"



"Sainte mère, dans ma vie, au-dessus de mes enfants, j'ai Dieu. Depuis ce jour-là, ce que j'ai fait a été de prier continuellement. Je prie jour et nuit pour le salut de son âme. J'ai enterré le garçon un jeudi. Le dimanche, je suis allé prier comme d'habitude. J'ai demandé à Dieu de le garder près de Lui, et d'adoucir la douleur de mon âme. Et Dieu soit loué, il m'a donné beaucoup de patience et de force pour supporter cela."



"Je suis si heureuse de ce que j'entends et que, malgré votre douleur, vous n'avez pas abandonné Dieu."



"Sainte Mère, comment pourrais-je quitter Dieu parce qu'Il a pris Son fils? Je vais à l'église tous les dimanches. Je ne manque jamais les sacrements, l'Eucharistie, ou la confession. Demain, il pourrait prendre mon autre fils, ou il pourrait me prendre. Ne sommes-nous pas Ses enfants? Vais-je me plaindre à notre Père? Qui suis-je pour le faire? "



"Quand est-il mort?"



"Il y a huit ans. Dans quelques jours, nous allons faire un office de commémoration pour lui. Viendrez-vous?"



"Bien sûr, je vais venir."



"Vous savez, j'ai un petit mécontentement», dit-elle modestement.



"Et quel est-il?"



"Tant d'années se sont écoulées depuis qu'il est parti et il n'est pas venu au moins une fois pour que je le vois. Je lui parle, bien sûr, comme s'il était dans la maison, pas comme s'il avait disparu."



"Écoutez ce que vous avez à faire: lorsque vous préparez les collybes pour l'office de commémoration, demandez lui de le faire avec vous et il viendra."



"Ah, et cela arrivera? Je vais le faire. Je n'y ai pas pensé, " m'a dit cette merveilleuse mère.



Vouloir voir plus encore sa grande foi, j'osai lui poser une question indiscrète:



"Etes-vous allée à la compagnie d'assurance? Avez-vous demandé une indemnisation?"



"Que dites-vous, sainte mère? Pensez-vous que l'accident a eu lieu sans la permission de Dieu? Pensiez-vous que l'autre homme en soit la cause? Il a été grièvement blessé, mais grâce à Dieu, il est vivant! Comment pourrions-nous demander de l'argent pour cela? "



Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après


Extrait du livre Listen to me! [Ecoute-moi!]  
publié prochainement 
chez
Evanghelismos Publishing House

mercredi 26 octobre 2016

Visite de Père Gabriel [Bunge] à la Laure des Cavernes de Kiev

Père Gabriel (à gauche)


Le célèbre théologien et patrologue suisse, l'archimandrite du grand schème Gabriel (Bunge), a rencontré les frères de la Laure de la Dormition (des Cavernes) de Kiev. La réunion a eu lieu le 18 Octobre dans le cadre du pèlerinage de l'archimandrite Gabriel aux lieux saints d'Ukraine, tel que rapporté par Lavra.ua.

L'invité de marque a été présenté par l'archimandrite Ambroise (Makar), recteur de la paroisse de Saint Ambroise de Milan. Le prêtre a parlé aux frères de la vie de l'archimandrite du grand schème Gabriel, de ses trente-six ans de vie ascétique dans les montagnes de Suisse dans le monastère de l'Exaltation de la Croix à Lugano, dont il est aujourd'hui l'higoumène, ainsi que du fait qu'il est l'auteur de nombreux ouvrages sur le monachisme, et père de nombreux enfants spirituels.

Le discours a commencé avec des questions sur la vie de Père Gabriel dans les montagnes. L'archimandrite du grand schème a raconté comment il a rencontré la tradition orthodoxe et le monachisme orthodoxe.

"Mon premier contact avec l'Orthodoxie a eu lieu en 1961 en Grèce. A ce moment-là, j'avais déjà rejoint un monastère bénédictin, et près de la moitié de nos frères suivaient la tradition liturgique orientale. Ce monastère voulait devenir un pont entre l'Orient et l'Occident. J'ai beaucoup étudié et j'ai lu les écrits des saints Pères. 

Avec la bénédiction de mon confesseur, je suis devenu ermite dans les années 80 et je vis encore dans un ermitage qui est situé à 900 mètres au-dessus du niveau de la mer. J'essayé d'imiter dans ma vie les Pères des temps anciens, j'ai écrit et publié des livres pour inspirer les Occidentaux - nous avons tous besoin de revenir à nos racines. 

Dès le début je me suis aperçu que c'est l'Occident qui s'est séparé de l'Orient. Beaucoup d'évêques de l'Eglise catholique romaine ont suivi les enseignements des Pères de l'Église d'Orient, mais, néanmoins, l'Eglise de Rome est allée son chemin", a déclaré  l'archimandrite du grand schème Gabriel.

En 2010, le Père Gabriel (Bunge) a été reçu dans l'Église orthodoxe, mais, selon lui, auparavant il a toujours été orthodoxe en esprit, et il avait toujours voulu participer aux sacrements de l'Église orthodoxe.

"Je suis resté avec un pied en Orient, l'autre en Occident. Pendant de nombreuses années, j'ai voulu visiter la laure de Kiev, et vénérer les Pères des Cavernes de Kiev, et me tenir en prière devant eux. Un jour dans un magasin d'antiquités, j'ai acheté une croix qui contenait des particules de reliques de douze saints des Cavernes de Kiev. leurs noms sont écrits sur la croix, qui date de 1791. C'est un mystère, comment la croix a-t-elle fini en Occident... mais les reliques qu'elles contenait étaient sans valeur particulière pour le personnel du magasin. Maintenant, cette croix se dresse sur ma table et je prie tous les jours les Pères des Cavernes de Kiev. Et aujourd'hui, je suis très heureux et content d'avoir l'occasion de visiter la laure des Cavernes de Kiev," a-t-il poursuivi.

Répondant à la question sur les perspectives de réunification de l'Eglise orientale et occidentale, le Père Gabriel a souligné: "il n'y a pas de sens théologique dans le dialogue avec l'Eglise catholique romaine. L'Eglise catholique doit revenir à l'Eglise [Orthodoxe]. 

Mon maître et professeur, qui devint plus tard le pape Benoît XVI, a compris beaucoup de choses, mais il n'a rien fait. L'Eglise orthodoxe a conservé la Liturgie et la tradition monastique, tandis que l'Eglise catholique romaine se déplace maintenant vers le protestantisme au lieu de revenir à l'Orthodoxie. Le vrai problème de cette division, n'est pas dans les différences, mais dans l'incompatibilité. Les cultures grecques et romaines du premier millénaire étaient différentes, mais compatibles entre elles..."

Le théologien a également attiré l'attention des frères sur le thème essentiel de la place du monachisme dans le monde moderne: "L'homme moderne veut que les moines répondent à ses questions spirituelles, et non à des questions nationales et politiques.

Les moines sont séparés de ce monde et vivent une vie différente de la vie dans le monde. Cette vie leur permet d'obtenir la sagesse qui n'est pas de ce monde, ce qui est exactement ce que les gens attendent. Beaucoup viennent aussi vers moi et attendent que je réponde à leurs questions. et je dois leur dire ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils ne devraient pas faire."

A propos du dilemme du monachisme moderne qui devrait prendre le chemin anachorétique ou cénobitique, l'archimandrite du grand schème Gabriel a expliqué: " Le monachisme n'a pas commencé avec la tradition cénobitique. Les premiers moines étaient ermites, mais ils avaient toujours un maître qui les enseignait. Les deux voies sont bonnes. Tout dépend de l'appel de Dieu de toute façon. L'Eglise a une place pour tout le monde! Et le Seigneur ne nous sauve pas individuellement, mais tous ensemble! "

Après la réunion, le vice-higoumène de la laure des Cavernes de Kiev, l'archimandrite Antoine, a remercié le Père Gabriel pour sa visite et a répondu aux questions, et il a transmis les salutations de l'higoumène du monastère, le métropolite Paul. 

Plus tard, il a été fait une photo de groupe en souvenir de la rencontre.



Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Marin Răducă: confesseur roumain, torturé pendant 19 ans!


Les communistes nous ont tout pris: ils ont pris notre liberté physique, ils ont pris notre richesse, nos parents et nos amis, notre liberté de parole et d'expression - tout.

Mais ils ne pouvaient pas entrer dans nos âmes pour y prendre Dieu. Et de cette manière, nous avons gagné la guerre contre eux, contre nos faiblesses et, finalement, contre le Diable.

C'est seulement avec l'aide de Dieu que l'on peut survivre à 19 ans de torture en prison. Tout le reste échoue.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

mardi 25 octobre 2016

SAINT MACAIRE D’OPTINA: Conseils Spirituels (7 et fin)


PROVIDENCE DIVINE (suite)

Comment pourrions-nous nous connaître si personne ne nous causait d’affliction, et comment pourrions-nous acquérir la patience, et comment serions-nous humbles? Tout cela ne va pas sans la Divine Providence, mais par Sa supervision très sage, chaque personne reçoit, pour tester sa volonté et sa patience, des situations qui peuvent la perturber et la secouer, afin qu'elle puisse voir son infirmité et devenir humble, ou afin de pouvoir acquérir les vertus de patience et d'amour.

Nous ne connaissons pas les jugements de Dieu. Il fait tout pour notre bien. Nous sommes avides de bénédictions terrestres, mais Il veut nous donner des bénédictions futures par de brèves maladies terrestres.

Sa Providence qui s’étend au monde entier embrasse tout, mais surtout chacun d'entre nous.

LE CHEMIN DE SALUT

Ne vous perdez pas dans la douleur, ne cherchez pas de nobles dons, mais conduisez-vous avec humilité: " Repassez sur votre couche les pensées de votre cœur avec componction" (Ps 4 : 5). Reprochez-vous vos imperfections; cela vaut mieux que vos "perfectionnements" élevés accompagnées de vanité. Tant que nous restons dans cette guerre, nous devons être ni hardis, ni désespérés.

IRRATIBILITE

L’irritabilité, ou la partie de colère de notre âme tripartite, n’est pas donnée dans le but d'être en colère contre notre prochain, mais dans le but d'avoir du zèle contre le péché. Quand nous devenons furieux avec notre prochain, nous faisons chose contraire à notre nature. L’irritabilité est forte en nous à cause de l'orgueil.

L’irritabilité nous montre notre disposition intérieure que nous devons surmonter avec l'autoreproche, la patience, l'amour, ne remarquant pas les faiblesses de notre prochain et ne condamnant pas les autres. Parfois, cependant, nous sommes offensés, et cela, bien sûr, ne va pas sans la Divine Providence, afin de nous montrer notre infirmité et de nous donner les moyens de guérison: la lutte, la résistance et l'humilité.

Pour lutter contre l'irritation nous avons la patience, l'auto-reproche, et la contemplation des souffrances du Christ.


Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
LIVING WITHOUT HYPOCRISY :
Spiritual counsels of the Holy Elders of Optina
Holy Trinity Publications
2005

lundi 24 octobre 2016

SAINT MACAIRE D’OPTINA: Conseils Spirituels (6)


Saints startsy d'Optino
Saint Macaire est au centre, à droite

OBÉISSANCE
L'obéissance est ce qui nous dirige sur le chemin de la perfection.

JEÛNE
Tout en restreignant la nourriture, il faut aussi éviter les passions.

LOUANGE

Celui qui nous fait reproche, nous donne un présent, mais celui qui nous loue, nous vole. (Saint Ambroise)

Combien dangereux est l'éloge de l'homme! Même si une personne peut avoir fait quelque chose digne de louange, quand elle aime le son de la louange, selon les enseignements des saints Pères, elle est déjà privée de la gloire future.

Avoir une haute opinion de soi-même est un péché grave devant Dieu; mais les personnes atteintes de ceci, non seulement ne s’en repentent pas, mais elles ne considèrent même pas cela comme un péché. Otez cette mauvaise racine !

Nous devons craindre toutes sortes de louanges et de gloire des hommes, car, selon les enseignements des saints Pères, " C’est non seulement celui qui accepte la louange des hommes, mais même celui qui entend les sons de ces paroles avec plaisir, qui est privé de la gloire éternelle. " Seigneur, ne nous permet pas d'être emportés par la jouissance de la vaine gloire de ce monde!

PROVIDENCE DIVINE

La foi ne consiste pas simplement à croire en l'existence de Dieu, mais aussi en Sa très sage Providence qui guide Ses créatures et arrange tout pour le bien; les temps et les saisons sont en Sa puissance (Cf. Actes 1: 7), et pour chacun d'entre nous les limites de notre vie ont été déterminées avant notre existence, et sans Sa volonté un moineau ne tombe pas, ni un cheveu de notre tête ne périt ! ( Cf. Matt 10:29; Luc 21:28).

Dieu se soucie de nous et pourvoit à nos besoins plus que nous-mêmes. Il organise notre salut, mais Il ne veut pas non plus que nous le cherchions dans la jouissance du monde, mais dans les afflictions, les difficultés et les maladies. N’était-ce pas avec l’infirmité que nos pères et mères sont entrés dans le Royaume des Cieux? Ne l’ont-ils pas atteint par la voie étroite et douloureuse? Ils ont été affligés, mais ils ne se sont pas lassés et découragés et cela les a réconfortés pendant les afflictions spirituelles et physiques les plus cruelles. En les endurant avec une parfaite humilité, ils ont reçu la paix absolue et même des dons spirituels.


Les œuvres de Dieu sont merveilleuses et insondables pour nos esprits enténébrés, mais autant que possible, nous voyons pr l'Écriture et nos expériences personnelles que le Seigneur envoie des maladies, des afflictions, des privations, les sécheresses, les guerres et les révolutions, soit comme punition pour nos péchés , ou par anticipation, afin que nous ne tombions pas dans les péchés, ou parfois pour tester notre foi. Et donc, nous devons nous incliner avec respect devant Sa très sage Providence et rendre grâce pour Son ineffable miséricorde envers nous.


Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
LIVING WITHOUT HYPOCRISY :
Spiritual counsels of the Holy Elders of Optina
Holy Trinity Publications
2005

Recension: Pseudo-Denys l’Aréopagite « Les Noms divins, I-IV », « Les Noms divins V-XIII – La Théologie mystique »



Pseudo-Denys l’Aréopagite, « Les Noms divins, I-IV », « Les Noms divins V-XIII – La théologie mystique ». Texte grec établi par B. R. Suchla (PTS33) pour Les Noms divins, par A. M. Ritter (PTS 36) pour La Théologie mystique. Introduction, traduction et notes d’Ysabel de Andia, « Sources chrétiennes » n° 578 et 579, Cerf, Paris, 2016, 546 p. et 459 p.
La collection « Sources chrétiennes » vient de publier – en regard du texte grec établi par B. R. Suchla et déjà publié dans une autre collection – la traduction de deux traités majeurs du Pseudo-Denys l’Aréopagite : Les Noms divins et La Théologie mystiqueCette nouvelle traduction était très attendue, car les deux traductions françaises jusque-là disponibles n’étaient pas satisfaisantes : celle de Mgr Darbois, publiée à la fin du XIXe siècle appartient à la catégorie des « belles infidèles », et celle de M. de Gandillac, parue chez Aubier-Montaigne en 1943 accentue, de par la formation et l’activité du traducteur, le caractère philosophique et conceptuel de l’œuvre.
La traduction d’Y. de Andia est plus claire et plus lisible que la précédente (bien qu’elle n’évite pas toujours le jargon, comme à la p. 303 du t. 2 : « …il fait taire toutes les appréhensions cognoscitives »). L’auteure a bénéficié en son temps d’une aide précieuse de la part du P. Paramelle, que l’on aurait aimé voir mentionné. Certains choix sont judicieux : « intellect » convient mieux pour nous qu’ « intelligence » qu’avait choisi M. de Gandillac. D’autres choix – ou absence de choix – sont discutables. Parler simplement des « êtres » plutôt que des « étants » aurait permis d’éviter une connotation heideggerienne un peu gênante. L’auteure consacre un long paragraphe (p. 68-70) aux différentes traductions qui ont été proposées par ses prédécesseurs pour les mots theologia et theologos, mais il n’en ressort rien de clair quant à ses propres choix, et l’assimilation de la theologia avec l’Écriture, reconnue comme une option majeure en référence à plusieurs commenteurs est très discutable : la theologia est plutôt une connaissance supérieure à la connaissance naturelle, inspirée par Dieu. Theoeidès est traduit tantôt par « déifié », tantôt par « déiforme », mais les deux adjectifs n’ont pas le même sens, et c’est la seconde option qui est la plus convenable. Pour ousia, l’auteure préfère légitimement « essence » à « substance » ; elle dit cependant (p. 71) qu’elle choisit de traduire ousiôthènai par « prendre substance » dans un passage auquel elle renvoie (DN II, 6, 644C), mais dans ce passage (p. 387 du t. 1) elle traduit « prendre une essence » ; il y a donc un petit problème de cohérence… Un autre problème de cohérence se rencontre dans la traduction du mot thesis (plur. theseis), traduit le plus souvent par affirmation(s) – ce qui est la traduction adéquate (en opposition avec les négations –, mais parfois (et dans la même page) rendu par « position(s) » sans que le contexte ait changé le sens (p. 305, 311)…
Les deux œuvres sont précédées d’une très longue introduction et de notes très abondantes : alors que les textes grec et français totalisent en continu environ 200 pages, l’introduction et les notes en couvrent globalement près de 800, ce qui met les deux volumes à plus de 1000 pages, avec pour conséquence malheureuse un prix inabordable par le grand public. On est étonné que la direction des « Sources chrétiennes » abandonne ici la politique, menée depuis près de deux décennies, de restriction des introductions et commentaires qui avait permis, outre de donner le primat aux textes eux-mêmes, de démocratiser la diffusion des volumes. Il aurait été plus judicieux de demander à l’auteure de publier ce qui s’apparente à une thèse dans un volume séparé, extérieur à la collection, d’autant que beaucoup de considérations présentes ici ne devraient pas y avoir leur place, comme par exemple l’exposé détaillé (p. 170-213) de l’influence de l’œuvre du Pseudo-Denys sur diverses lignées monastiques et courants de spiritualité en Occident au Moyen-Âge et à l’époque moderne, ou les références qu’y font des philosophes contemporains comme Edith Stein, Corbin, Marion, Derrida qui pensent l’œuvre en dehors de son contexte et de son sens véritable. La présence de ces développements ici est d’autant plus regrettable qu’ils prennent la place de ceux qu’il aurait fallu accorder à l’influence du Corpus dionysien sur des Pères grecs majeurs comme Maxime le Confesseur ou Jean Damascène (auxquels ne sont consacrés que quelques lignes éparses), ou encore Grégoire Palamas, dont l’auteure ne dit mot alors qu’il mit Denys au centre de la querelle hésychaste qui impliqua, au XIVe siècle mais aussi dans les siècles suivants, les théologiens byzantins et les théologiens latins dans des interprétations différentes du Corpus.
Pour en venir au fond, Y. de Andia n’aborde pas du tout la question, toujours sans réponse certaine, de l’identité de l’auteur du Corpus aréopagitique, renvoyant à l’introduction de R. Roques à son édition de La Hiérarchie céleste (SC 58 bis, 1970). De rares « fondamentalistes » continuent à voir en lui, comme ce fut systématiquement le cas jusqu’à la fin du XIXe s., le disciple de saint Paul mentionné dans les Actes des apôtres (17, 34) et vénéré comme saint (fête le 3/16 octobre). Celui-ci était un philosophe platonicien converti au christianisme, et cela pourrait expliquer deux aspects de l’œuvre : la forte présence d’un vocabulaire se situant dans la ligne du platonisme, et la référence forte à l’Écriture elle-même, en particulier à sant Paul. Cette position est cependant difficilement tenable. En effet, un certain nombre d’éléments obligent à dater la rédaction de l’œuvre à la fin du Ve siècle : l’absence de toute mention du Corpus dionysien pendant les quatre premiers siècles (ce qui serait très étonnant dans le cas d’une œuvre, forcément prestigieuse, due au disciple de saint Paul) ; la présence dans le Corpus d’une terminologie liée au concile de Chalcédoine (451) ; les références nombreuses à l’œuvre de Proclus (mort en 482) ; la référence dans La Hiérarchie ecclésiastique III.3.7 au chant du Credo durant l’Eucharistie, une pratique initiée à Antioche par le patriarche monophysite Pierre le Foulon en 476 ; l’usage d’une formule christologique (une unique énergie théandrique attribuée au Christ) se positionnant par rapport aux débats entre chalcédoniens et monophysites à la fin du Ve s et la tentative d’union de l’empereur Zénon dans son Hénotikon (482). L’œuvre est en revanche antérieure à une lettre de Sévère d’Antioche qui la cite au début du VIe s., et au synode de Constantinople de 532 qui l’évoque dans ses débats entre chalcédoniens et monophysites. Tout cela oblige à situer l’auteur à la charnière du Ve et du VIe siècle dans les milieux syriens. On pourrait expliquer la présence de ces éléments tardifs dans le Corpus par une série d’interpolations, mais la présence massive d’un vocabulaire et des schémas néoplatoniciens signifierait alors qu’il aurait eu une véritable réécriture de l’œuvre supposée primitive et maintenue jusqu’alors dans le secret, ce qui devient hautement improbable, bien que l’on trouve encore chez saint Basile la référence à une tradition orale cachée en ce qui concrne « les mystères ».
Il reste à préciser le sens de la démarche de l’auteur et de ses écrits relativement à ces schémas de pensée et cette forte présence du vocabulaire néoplatoniciens, empruntés à Proclus en particulier.
On peut à cet égard constater deux types d’interprétation. Selon l’interprétation la plus commune aujourd’hui (née à la fin du XIXe s. avec les travaux de J. Siglmayr et surtout de H. Koch), l’auteur du Corpus serait fondamentalement influencé par le néoplatonisme et proposerait une théologie qui infléchirait le christianisme dans le sens de cette philosophie (C. M. Mazzucchi, va même jusqu’à penser qu’il ne serait autre que Damascius lui-même, cherchant à absorber le christianisme – son adversaire principal – dans le néoplatonisme). Face à cette compréhension sécularisée qui sécularise l’auteur en en faisant ni plus ni moins qu’un philosophe néoplatonicien, une seconde interprétation voit en lui un authentique Père de l’Église dont la théologie reste fondamentalement chrétienne, mais qui utilise à dessein certains schémas de pensée et un vocabulaire néoplatoniciens pour mieux aborder et christianiser de l’intérieur les milieux néoplatoniciens auxquels il a peut-être appartenu avant cela et qu’il a en tout cas approchés de très près. Selon cette deuxième interprétation, le néoplatonisme de l’auteur ne serait que de surface; ce serait comme une sorte de cheval de Troie destiné à pénétrer au sein des positions de « l’ennemi » du dehors, afin de mieux le vaincre sur son propre terrain. De nombreux patrologues comme E. von Ivanka, V. Lossky, A. de Halleux, C. Pera, P. Scarzzoso, ou D. Bradshaw se situent dans cette ligne de pensée.
Corrélativement à ces deux types d’interprétation, il y a deux types d’étude sur le Corpus aréopagitique: l’un qui privilégie la recherche des sources philosophiques, néoplatoniciennes en particulier, dans le but de montrer combien l’auteur est influencé par elles; l’autre qui privilégie au contraire les sources scripturaires et patristiques, proprement chrétiennes, de la pensée de l’auteur, et qui montre que, en dépit de certaines apparences, il reste un théologien fondamentalement chrétien. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a été vu par les Pères grecs des siècles postérieurs, par exemple saint Maxime le Confesseur, qui s’est attaché à « sauver » sa pensée jusqu’en certains de ses aspects ambigus (concernant notamment l’« unique énergie théandrique » attribuée au Christ), saint Jean Damascène, ou saint Grégoire Palamas. Parmi les patrologues qui défendent cette seconde interprétation (à laquelle nous adhérons nous-même), il faut citer en particulier Ch. M. Stang qui dans sa thèse “No longer I” : Dionysius the Areopagite, Paul and the Apophasis of th Self, Harvard Dininity School, 2008 (reprise dans Apophasis and Pseudonymity in Dionysius the Areopagite, Oxford Universiy Press) montre le lien très fort de l’auteur du Corpus avec les écrits et la pensée de saint Paul, de C. Pera (qui voit en Denys un proche de saint Basile), de W. Völker, de V. Lossky, et surtout de l’évêque Alexandre Golitzin, dont la thèse « Et introibo ad altare Dei ». The Mystagogy of Dionysius Areopagita, with Special Reference to its Predecessors in Eastern Christian Tradition (soutenue à Oxford et publiée dans les « Analecta Vlatadôn », n° 59, Thessalonique, 1994) souligne fortement l’ancrage du Corpus dans les écrits de saint Paul, des Pères apostoliques, des Alexandrins (Clément, Origène), et surtout dans la pensée des Cappadociens et la spiritualité du désert contemporaine de ces derniers. Le fait que l’Église ait assimilé l’œuvre de Denys (quitte à la rectifier ou à la préciser sur certains points) et ait fait de lui un auteur de référence au même niveau que les autres Pères de l’Église, témoigne qu’elle l’a considéré comme un auteur fondamentalement chrétien. Comme l’écrit V. Lossky (dans un passage d’ailleurs cité par Y. de Andia) : « Peu importe quel fut l’auteur [du Corpus dionysien]: le principal est le jugement de l’Église sur le contenu de l’œuvre et l’usage qu’elle en fait. »
Y. de Andia essaie de concilier les deux positions. D’une part elle note que « le message du Corpus Dionysiacum est clair: il s’agit de la conversion de l’hellénisme au christianisme » (p. 9), que « Denys l’Aréopagite veut convertir la pensée grecque en l’introduisant dans la théologie chrétienne, ce pourquoi le sophiste Apollophane le traite de “parricide” » (p. 11). Mais d’autre part elle accentue très fortement l’influence néoplatonicienne non seulement dans son introduction (p. 82-142, passim), mais dans ses notes et certains choix de traduction (par exemple son parti pris de traduire logia par Oracles – « pour garder le sous-entendu néoplatonicien » –, alors que le mot apparaît plusieurs fois dans le Nouveau Testament pour désigner les paroles divines [cf. Rm 3, 2 ; He 5, 12 ; 1 P 4, 11 ; Ac 7, 38]), et elle n’accorde que peu de lignes à l’influence des Cappadociens et des autres Pères (p. 126, 129, 132-133, 135, 141, passim). Elle remarque que Les Noms divins est un titre qui se rencontre plusieurs fois parmi les écrits néoplatoniciens, mais néglige le fait que les questions que le traité soulève relativement à la possibilité de nommer Dieu furent au centre de la controverse des Cappadociens avec Eunome et ses disciples, et qu’Origène au IIe s. écrivait déjà : « il existe, au sujet des noms, un traité extrêmement profond et difficile d’accès » (Exortatio ad Martyrium, 46, GCS 1 p. 42.10-11). Il s’agit donc d’un sujet récurrent dans l’histoire de la théologie chrétienne, puisqu’il sera aussi l’une des questions débattues au XIVe s. entre saint Grégoire Palamas et ses adversaires. Y. de Andia conclut que Denys « utilise la pensée néoplatonicienne pour exprimer la théologie chrétienne, mais également celle des Cappadociens », mais le problème de la compatibilité n’est pas posé, ni ces deux questions cruciales : 1) Denys utilise-t-il la pensée des néoplatoniciens, ou seulement leur vocabulaire et certains de leurs schémas de pensée ? 2) Les laisse-t-il subsister dans leur forme originelle, ou les transforme-t-il pour les assimiler à la pensée chrétienne, et comment ? On sait que toute la théologie chrétienne s’est élaborée en faisant des emprunts terminologiques à la philosophie (les mots « Triade » (Trinité), « Monade », « nature », « essence », « hypostase », « énergie(s) » leurs dérivés, et bien d’autres…) mais en les assimilant à la conception chrétienne au point de rendre leur origine méconnaissable (comme par exemple pour le mot grec prosopon qui, de « masque » qu’il signifie primitivement, devient la « personne » dans la théologie et l’anthropologie chrétiennes).
Ces remarques étant faites, il faut rendre hommage non seulement au travail de traduction d’Y. de Andia, mais à sa présentation développée et surtout à ses notes détaillées, fruit d’une familiarité avec l’auteur et d’un travail assidu de plusieurs décennies, qui rendront de grands services à ceux qui, dans une approche philosophique surtout, s’intéressent aux rapports de la pensée chrétienne et du néoplatonisme, et à ceux aussi qui veulent lire ou relire ces deux grandes œuvres dans une traduction améliorée.
Jean-Claude Larchet

Librairie du Monastère de la Transfiguration


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