"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 12 avril 2014

Dix ans se sont écoulés depuis le pogrom contre les Serbes du Kossovo

Dix ans [se sont écoulés], depuis qu'un pogrom a été commis contre les Serbes au Kosovo -Metohija (Kim) et les donneurs d'ordre et les organisateurs issus des structures politiques et paramilitaires albanaises sont restés anonymes et impunis.
Photo: Novosti.rs

C'était le deuxième pogrom majeur à être effectuée en temps de paix par des séparatistes ethniques albanais depuis les bombardements de l'OTAN, quand la province est devenu de protectorat international administré par l'Organisation des Nations Unies (ONU). 
En Juin 1999, plus de 250 000 Serbes, Roms et autres non-Albanais ont été expulsés du territoire en présence des forces internationales. 

Dans la vague de violence ethnique albanaise qui a éclaté le 17 mars 2004, un total de dix Serbes ont été tués et deux ont disparu, et 11 Albanais sont morts dans des affrontements avec des membres des forces internationales. 

En seulement trois jours, 954 personnes ont été blessées, dont 143 Serbes et des dizaines de membres des forces internationales qui se sont affrontés avec les Albanais pour tenter de protéger les Serbes et leurs biens. L' attaque a endommagé 72 véhicules de l'ONU. Un total de 4 012 Serbes ont été expulsés, six villes et neuf villages ont été nettoyés ethniquement, et 935 maisons serbes et 10 installations communautaires (écoles, centres de santé), et les bureaux de poste, ont été détruits, brûlés ou fortement endommagés. 

Le patrimoine architectural et religieux du peuple serbe était une cible privilégiée pour les Albanais de souche, faisant que 35 églises et monastères, dont 18 monuments culturels, furent détruits ou brûlés. 



Le monastère de Devic près de Srbica et les dortoirs du monastère des Saints-Archanges près de Prizren ont été rasés; la cathédrale de Notre-Dame de Ljeviš du 12ème siècle et l'église de Saint-George du 16ème siècle ont été brûlés, et sur ​​la voûte de ce dernier, les Albanais de souche ont écrit: Mort aux Serbes

L'école de théologie orthodoxe serbe de Prizren et le siège du diocèse de Raska et Prizren ont été détruits. Des cimetières serbes ont été profanés, y compris la tombe de marbre de Saint-Joanikije du monastère de Devic à Devic et celle de l'empereur Dusan au monastère des Saints-Archanges. 

Plus de 10.000 précieuses fresques, icônes, calices, vêtements [liturgques] et d'autres reliques de l'église, ainsi que les registres de baptêmes, mariages et décès, qui témoignent de la présence séculaire des Serbes dans la province, ont disparu ou ont été endommagés.

Le pogrom qui a déclenché une campagne menée par les médias albanais prétendant qu'un certain nombre de Serbes du Kossovo et leurs chiens avaient chassé six garçons albanais du village de Zubin Potok près de Cabar sur la rivière Ibar et que trois des garçons étaient morts dans l'incident. 

L'enquête sur ces revendications menéepar les policiers de la MINUK a établi que les accusations albanaises étaient fausses et le porte-parole de la police internationale Neridz Chantez a déclaré après l'incident, que les garçons survivants ont été violemment poussés par les journalistes et les politiciens albanais a mettre en accusation les Serbes du village voisin. 

Des extrémistes albanais ont d'abord organisé des manifestations dans le sud de Kosovska Mitrovica, et au crépuscule, ils ont lancé dans une attaque armée sur les Serbes dans la partie nord de la ville, où les soldats de la KFOR ont dû intervenir. 

Dans un nuage de gaz lacrymogène et de fumée, un sniper albanais tirait d'un gratte-ciel, tuant les deux premières victimes - Borivoje Spasojevic (53 ans) et Jana Tucev (36 ans), et blessant gravement un soldat de la KFOR avant que l'équipe spéciale des forces internationales ne le neutralise. 

La violence et les attaques se propagèrent vers le sud, dans le village de Caglavica et d'autres habitations dans la région de Pristina, et dans les villages et les villes serbes de la province, comme Lipljan, Gnjilane, Urosevac, Djakovica et Prizren. 


Les affrontements se sont poursuivis dans le jour suivant, le 18 mars, quand les Serbes ont été forcés d'abandonner Kosovo Polje, Obilic, Plemetina près de Vucitrn, Svinjare près de Kosovska Mitrovica, et que le feu a été bouté à toutes les 28 maisons de rapatriés serbes et à la salle des fêtes de Bijelo Polje près de Pec. 

De petits groupes de Serbes ont cherché refuge dans des bases de la KFOR, tandis que d'autres ont trouvé refuge dans des enclaves serbes sûres. Un très petit nombre d'entre eux a décidé de revenir et environ 250 Serbes ont fui vers la Serbie centrale. 

Les protestations ont éclaté dans plusieurs villes, des mosquées ont été incendiées à Nis et Belgrade, et 17 civils et policiers ont été blessés dans les troubles de la capitale serbe. 

Les représentants de la communauté internationale ont déclaré que la violence à caractère ethnique contre les Serbes à KiM ont été pré-planifiées et réalisées en conséquence, mais il s'est avéré que plus de 20.000 membres des forces internationales n'étaient pas prêts, ou n'étaient pas disposés de l'empêcher. 

Selon les données provenant des sources de renseignement serbes, Ramus Haradinaj, l'un des commandants de l'Armée de libération terroriste du Kossovo (UCK), que le TPI a acquitté de toutes les accusations de crimes contre les Serbes, tirait les ficelles du pogrom de mars. 

Samedin Dzezairi, également connu en tant que commandant Hodza, a joué un rôle clé dans les attaques contre les Serbes à Prizren, Orahovac et Urosevac. C'est un terroriste islamique qui est arrivé à KiM pour mettre en place une branche du "Parti de Dieu" (Hezbollah). 

Après le pogrom des Serbes, les autorités ont arrêté 270 Albanais et des jugements ont été portés contre 143 personnes, 67 ont été envoyées en prison alors que la plupart des autres ont été seulement condamnées à payer des amendes. Cependant, les principaux responsables, ceux des structures politiques et de l'ex-UCK, n'étaient pas parmi eux. 


Malgré les promesses d'être en mesure de retourner dans leurs foyers très bientôt, la plupart des Serbes expulsés vivent encore dans des centres collectifs, des établissements "conteneurs," ou dans les maisons d'autres personnes comme des "personnes déplacées de l'intérieur." 

La terreur par les séparatistes albanais, a été condamnée formellement par le Conseil de sécurité de l'ONU et des responsables européens, et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe l'a condamnée par une résolution adoptée le 29 avril.

 Toutefois, malgré les atrocités et le nettoyage ethnique , les Albanais n'ont pas subi de sanctions politiques. Au contraire, soutenu par les principaux pays occidentaux, en Février 2008, ils ont unilatéralement déclaré le Kossovo état indépendant, acte non accepté ou reconnu par les autorités serbes. 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

*


Alphabet cyrillique


Hymne Serbe

Боже правде, ти што спасе
од пропасти досад нас,
чуј и одсад наше гласе
и од сад нам буди спас.

Моћном руком води, брани
будућности српске брод,
Боже спаси, Боже храни,
српске земље, српски род!

Сложи српску браћу драгу
на свак дичан славан рад,
слога биће пораз врагу
а најјачи српству град.

Нек на српској блиста грани
братске слоге златан плод,
Боже спаси, Боже храни
српске земље, српски род!

Нек на српско ведро чело
твог не падне гнева гром
Благослови Србу село
поље, њиву, град и дом!

Кад наступе борбе дани
к' победи му води ход
Боже спаси, Боже храни
српске земље, српски род!

Из мрачнога сину гроба
српске славе нови сјај
настало је ново доба
Нову срећу, Боже дај!

Отаџбину српску брани
пет вековне борбе плод
Боже спаси, Боже брани
моли ти се српски род


Alphabet Latin

Bože pravde, ti što spase
od propasti dosad nas,
čuj i odsad naše glase
i od sad nam budi spas

Moćnom rukom vodi, brani
budućnosti srpski brod,
Bože spasi, Bože hrani
srpske zemlje, srpski rod!

Složi srpsku braću dragu
na svak dičan slavan rad
sloga biće poraz vragu
a najjači srpstvu grad.

Nek na srpskoj blista grani
bratske sloge zlatan plod
Bože spasi, Bože hrani
srpske zemlje, srpski rod!

Nek na srpsko vedro čelo
tvog ne padne gneva grom
Blagoslovi Srbu selo polje
Njivu, grad i dom!

Kad nastupe borbe dani
k pobedi mu vodi hod
Bože spasi, Bože hrani
srpske zemlje, srpski rod!

Iz mračnoga sinu groba
srpske slave novi sjaj
nastalo je novo doba
Novu sreću, Bože daj!

Otadžbinu srpsku brani
pet vekovne borbe plod
Bože spasi, Bože brani
moli ti se srpski rod!


Traduction française

Dieu de Justice, toi qui nous as sauvés
De la déchéance jusqu'à ce jour
Entends à présent nos voix
Et guide-nous vers la délivrance.

Que ta main toute-puissante guide et défende
Le devenir de la patrie serbe,
Dieu sauve, Dieu nourris
Les terres serbes et la lignée serbe !

Unis les chers frères serbes
Pour qu'ils travaillent dans l'amour,
Afin de vaincre le démon
Et d'être les plus forts, toujours.

Que sur les branches de l'arbre serbe naisse,
L'union des frères serbes, ce précieux fruit,
Dieu de justice, sauve et nourris
Les terres serbes et la lignée serbe !

Seigneur ! Épargne-nous
Ta vengeance
Bénis nos villages,
Prairies, terres, villes et maisons

Quand notre peuple se bat
Guide-le vers la victoire
Dieu de justice, sauve et nourris
Les terres serbes et la lignée serbe !

Que de la tombe noire du fils serbe
Jaillisse une lumière
Et fasse renaître une nouvelle vie
Seigneur ! Donne nous un nouvel espoir !

Défends la terre de nos ancêtres
Fruit de cinq siècles de guerres
Dieu de justice sauve et défends-nous
T'implore la lignée serbe !

*

drapeau de la Serbie

КОСОВО ЈЕ СРБИЈА!

KOSOVO JE SRBIJA!

LE KOSSOVO C'EST LA SERBIE!

Haïjin Pravoslave (CCCXXXII)


Balise vivante
La vie de ton saint patron
T'éclaire la Voie

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 11 avril 2014

Saint Eucher de Lyon: Eloge de la solitude (R)





Lettre Au saint seigneur Hilaire, prêtre de Lérins, à la fois bienheureux par le mérite et très glorieux dans le Christ.

Le beau geste d'Hilaire
Après avoir dit adieu, naguère, avec un grand courage, à ta maison et à tes proches, tu as pénétré déjà dans les retraites profondes de la mer immense. 

Mais tu as eu plus de vertu encore pour regagner la solitude que pour y venir la première fois ! En y sollicitant une place comme étranger d'abord, tu avais un maître et comme un guide de ta route. Tu retrouvais, en le suivant, un père pour remplacer les parents que tu avais quittés. Mais maintenant qu'il a été appelé à la dignité pontificale, tu as cru que tu devais l'accompagner, et ensuite ton amour du désert t’a ramené à la solitude amie. Tu nous donnes donc un exemple plus noble et plus grand. En venant au désert, tu paraissais te rendre auprès d'un frère. En y revenant, c'est ce frère même que tu abandonnes et quel frère ! Et de quelle dignité ! Et entouré par toi de quelle dilection ! Et attaché à toi-même par quelle tendresse singulière ! A l'amour d'un tel homme, tu ne pouvais rien préférer, si ce n'est peut-être l'amour du désert. Et certes, par cette préférence, tu n'as pas attesté que tu l'aimais peu, mais que tu aimais le désert un peu plus. Tu as donné la preuve de la grandeur de ton amour de la solitude en triomphant pour elle d'un très grand amour. Mais qu'est-ce donc en toi, que cet amour de la solitude, si on ne l'appelle l'amour de Dieu ? 

Tu as donc observé l'ordre de la charité prescrit par la Loi , en aimant Dieu avant tout et ton prochain ensuite. Quant à lui, comme je le conçois en ma pensée, plus attentif à la seule considération de ton progrès spirituel, je pense qu'il ne fut opposé ni à ton dessein ni à ton départ. Et malgré ce qu'il y avait d'inusité en tout cela pour les personnes qui lui sont attachées, il ne voulut pas moins, j'imagine, te renvoyer que tu ne voulais partir. Il t’ aime en effet et tu l'aimes à ton tour, mais en son amour il cherche ton bien, et si démonstrative et haute que soit sa charité à ton égard, sa cime s'étend jusqu'à ton profit. 

Tu avais déjà distribué aux pauvres toute ta fortune, pour n'être riche que dans le Christ. 

Tu possèdes la vertu d'un vieillard avec la jeunesse des années. On admire en toi l'esprit, l'éloquence. Mais plus que tout cela, ce que je place et ce que j'aime en toi en première ligne, c'est ce beau désir de la solitude. Aussi, comme tu me demandes souvent de répondre plus abondamment à tes lettres si étendues et si éloquentes, il faudra bien que toi, qui es si sage, tu supportes un instant ma sottise, pendant que j'essaierai de rappeler la vérité des grâces accordées par le Seigneur à cette solitude même que tu aimes tant . 

Le désert, temple de Dieu

J'appellerais volontiers le désert le temple sans limite de notre Dieu, car Celui que nous savons, avec certitude, habiter dans le silence, nous devons croire qu'Il se réjouit de la solitude. C'est là qu'Il S'est montré, le plus souvent, à Ses saints et, le lieu s'y prêtant, Il n'a pas dédaigné d'y rencontrer l'homme. C'est au désert que Moïse, son visage étant illuminé de gloire, voit Dieu; au désert qu'Élie tremblant voile sa face pour ne pas voir Dieu, et bien qu'Il parcoure tous les lieux comme son domaine et qu'Il ne soit absent nulle part, il est permis toutefois de penser qu'Il daigne visiter plus spécialement la solitude du désert et du ciel. Comme on demandait à quelqu'un, dit-on, en quel lieu il estimait que Dieu se trouvât, ce dernier répondit à son interlocuteur de le suivre hardiment où il le conduirait. Il vint alors, accompagné de l'autre, dans les solitudes d'un immense désert, et lui montrant ces vastes étendues, il lui dit : "Voici où est Dieu, car on peut bien dire qu'Il est plus particulièrement aux lieux où on Le trouve plus aisément." 

A l'origine des choses, quand Dieu faisait tout avec sagesse et distribuait les aptitudes utiles aux usages futurs, Il ne laissa sûrement pas cette partie de la terre dans l'inutilité et le déshonneur, mais en créant tout avec magnificence dans le présent, mais tout autant avec prévoyance pour l'avenir, Il prépara le désert pour les saints. Je crois qu'Il voulut ici l'abondance des fruits et là, en l'absence d'une nature plus indulgente, la fécondité de la sainteté, en sorte que les déserts en fussent fertilisés, et alors qu'Il "arrosait du haut des cieux les montagnes" (cf. Ps 103), Il décréta que les vallées abonderaient en récoltes et que les désavantages des lieux seraient compensés en ce que l'habitant enrichirait l'habitation restée stérile. 

Le paradis et le désert

Ce possesseur du paradis, qui fut aussi le transgresseur du précepte divin, alors qu'il habitait un lieu plein de charmes, se montra incapable d'observer la loi que Dieu lui avait fixée (Il s'agit d'Adam). Plus son séjour était agréable, plus il fut enclin à la chute. C'est pourquoi non seulement la mort le soumit à son empire, mais elle étendit jusqu'à nous son aiguillon. En sens inverse, qu'il aille au désert celui qui aime la vie, puisque l'habitant du paradis a rencontré la mort. Mais venons-en aux exemples ultérieurs qui prouvent la Faveur constante de Dieu pour le désert. 

Exemples de la Faveur de Dieu pour le désert

Moïse conduit son troupeau au désert. C'est alors qu'il voit de loin Dieu en un buisson embrasé par un feu qui ne consume pas. Non seulement il le voit, mais il l'entend. Le Seigneur lui commande d'ôter ses sandales, il déclare sacré le sol du désert : "Le lieu où tu es, lui dit-Il, est une terre sainte !" (Ex 3,1-6). Il révèle donc clairement la Gloire cachée de ce lieu. La sainteté de ce sol est confirmée par la sainteté du Témoignage divin. Et, à mon sens, il suggère secrètement et pareillement par ses paroles qu'en entrant au désert, il faut se délier des anciennes attaches et des soucis de la vie, pour avancer, affranchi des chaînes antérieures, en évitant de souiller ce lieu. 

C'est là que, pour la première fois, Moïse devient l'interprète des Conversations familières de Dieu, il entend ses Paroles et il Lui répond, il s'informe de ce qu'il devra dire et faire et il en est instruit, il s'entretient, par un échange mutuel et comme usuel de discours, avec le Seigneur du Ciel ! 

C'est là qu'il reprend sa verge, désormais douée du pouvoir des miracles. Il était entré au désert en pasteur de brebis, il en sort pasteur de peuples ! 

Mais voici que le peuple de Dieu doit être libéré d'Égypte et arraché aux oeuvres terrestres, que va-t-il arriver ? Ce peuple n'ira-t-il pas chercher Dieu dans les déserts et la solitude, afin de se rapprocher de Celui qui le délivrait de la servitude ? Il se portait donc au désert, rendu terrible au loin par son immensité, sous la conduite de Moïse : "Qu'elle est grande la multitude de ta douceur, ô Seigneur !" (Ps 30,20) Moïse était entré au désert et il y avait vu Dieu. Il y revient pour Le voir encore. C'était Dieu en effet qui choisissait la route de son peuple, et Il le conduisait au désert, en offrant aux voyageurs une colonne pour le jour et la nuit, tantôt rouge comme une flamme, tantôt blanche comme un nuage ! Il donnait ainsi à Ses serviteurs un signe, cette sorte de masse lactée qu'Il illuminait de feux alternés. Israël, à cette lumière, suivait les rayons rutilants de loin, en sorte que le Seigneur, conduisant son peuple dans la solitude désertique, lui montrait très justement la route en Lui fournissant sa clarté ! Et ne voilà-t-Il pas que, sur le chemin des déserts, les gouffres redoutables de la mer infranchissable s'ouvrent devant ce peuple ? 

Entre les flots redressés, les bataillons poussiéreux trouvent une route, sur les rivages rougissants, et contemplant les montagnes menaçantes des eaux suspendues, du fond de la vallée, le gardien du peuple traverse les étendues de la mer ! Et là ne s'arrête pas la puissance de l'oeuvre divine. Les eaux refluent en effet. Elles recouvrent le chemin qu'elles avaient ouvert et détruisent l'ennemi. La mer reprend toute sa place, afin de s'opposer, me semble-t-il, à tout retour d'Israël hors du désert. Dieu avait tracé la route parmi les flots, puis Il l'avait cachée dans la confusion des ondes, afin d'ouvrir un chemin dans la direction du désert et de le fermer en sens opposé. Tel fut le miracle de grâce accordé à ce peuple, en sa marche au désert. Mais il en obtint bien davantage, quand il y fut entré. Là, en effet, le Seigneur le restaura par un prodige inespéré, en fournissant à sa soif des eaux abondantes sorties d'un rocher et en tirant de masses pierreuses arides les ruisseaux d'une source, comme s'Il imposait, d'une main cachée, une nouvelle nature à des canaux cachés. Et il ne Lui suffit pas d'inonder la roche desséchée d'un fleuve nouveau, mais Il confère une douceur surnaturelle aux amertumes des eaux désagréables (cf. Ex 17,6). Il avait fait couler les unes, Il transforme les autres, Il ne fait pas un plus grand miracle en arrachant des eaux de la roche qu'en changeant les eaux en d'autres eaux ! Le peuple entier s'étonne de ressentir le Secours céleste aussi bien dans ces eaux qui existaient déjà qu'en celles qui n'existaient pas encore ! 

Là encore, ce peuple recueille sur le sol blanchissant un aliment venu du ciel (cf. Ex 16,14), et le Seigneur fait tomber des nuages, un pain qui ressemble à une pluie sèche ! Sur les tentes et dans les espaces qui les séparent dans le camp, la manne s'étend comme une neige et "l'homme peut manger le pain des anges" (cf. Ps 77,14). Mais comme "à chaque jour suffit sa peine" (cf. Mt 6,34), l'Indulgence divine ne fournit que la nourriture quotidienne et impose la loi de ne point penser au lendemain. C'est ainsi que jadis, quand les habitants du désert ne pouvaient trouver leur nourriture, le ciel la leur apportait ! 

Mais n'est-ce pas aussi au désert que les Hébreux reçurent la Loi et les Préceptes divins, quand ils eurent le bonheur de voir de près les signes inscrits par le Doigt de Dieu sur les Tables saintes ? Sortant de leur camp, ils vinrent au-devant du Seigneur, au pied de la montagne. Frappés de terreur, ils contemplèrent ce sommet du Sinaï qu'entourait de son effroi une majesté visible. Ils virent la montagne fumante d'une flamme formant barrière, puis recouverte en entier par la nuée la plus épaisse. Ils s'épouvantèrent des fulgurations éclatantes de la foudre et des roulements répétés du tonnerre mêlés aux bruits éclatants des trompettes. C'est alors que les fils d'Israël, habitant au désert, eurent l'honneur de voir le Trône de Dieu, d'entendre sa Voix. Ce fut par de tels miracles ou d'autres du même genre que cette nation fut maintenue, alors qu'elle se trouvait au désert : aliments inusités, breuvages inattendus, vêtements inusables, alors que, autour d'eux, tout demeurait dans son état habituel. Tout ce que la nature des lieux n'accordait pas à leurs besoins, la Magnificence éclatante de Dieu le leur fournissait. Il n'a rien exagéré celui de leurs saints qui a célébré tant de faveurs célestes en s'écriant : "Ce n'est pas à toute nation que le Seigneur en a fait autant." (Ps 148,20). 

Faveurs spéciales, dons inouïs, c'est par ces Grâces divines que ce peuple a été restauré au désert. En vérité tout cela nous est rapporté en figure de ce qui nous arrive. Les apparences de tous ces faits sont pleines de mystères cachés. Tous nous avons été en Moïse baptisés dans la nuée et la mer, tous nous avons mangé de la nourriture spirituelle et bu de la boisson spirituelle. Mais cela n'empêche pas que ces récits, en nous offrant la foi de l'avenir, conservent la vérité du réel. Toutefois, la gloire du désert ne serait pas amoindrie même si tous ces faits devaient être élevés au rang des signes sacrés. Ce ne serait pas une moindre grâce si le prodige des vêtements corporels soustraits à l'usure n'avait d'autre sens que d'annoncer la vie future; ce serait, en effet, une haute dignité du lieu, si la félicité du siècle à venir s'y trouvait préformée dans celle des habitants du désert . 

Et pourquoi les fils d'Israël ne sont-ils parvenus à la Terre promise qu'en passant par le séjour au désert ? Pourquoi, avant de posséder cette terre où coulaient le lait et le miel, ont-ils dû occuper ces étendues arides et incultes ? C'est une loi générale que le chemin vers la véritable patrie s'ouvre dans les demeures désertiques. Il faut qu'il habite une terre inhabitable, celui qui "veut voir les Biens du Seigneur dans la région des vivants" (Ps 26,13), il faut qu'il soit l'hôte de la première pour devenir le citoyen de la seconde (cf. Eph 2,19). 

Autres exemples, dans l'Ancien Testament

Mais laissons ces exemples : David, lui-même, ne put échapper aux embûches d'un roi hostile que par la fuite au désert (cf. I R 23). Devenu l'habitant des étendues arides de l'Idumée, il avait soif de Dieu, de tout coeur; il se montrait à Dieu comme "assoiffé au désert sans eau et sans route" (Ps 67,3 ) et méritait ainsi de contempler, comme un saint, et la Vertu et la Gloire de Dieu. 

Élie, à son tour, le plus grand des hommes du désert, ferma le ciel à la pluie, l'ouvrit aux flammes dévorantes, reçut sa nourriture par le ministère d'un oiseau, triompha des lois immuables de la mort, traversa le Jourdain entrouvert pour lui, monta emporté au ciel par un char de feu. (cf. 3 R 17-18 et 4 R 2). 

Et que dire ensuite d'Élisée, disciple de cette vie et héritier de cette puissance ? N'est-ce pas lui qui a brillé par l'éclat du miracle, quand il a fendu le torrent, fait nager le fer, ressuscité un mort, multiplié les vases d'huile, et qui, enfin, a bien montré qu'il possédait deux fois la puissance de son maître, puisque celui-ci avait, de son vivant, ressuscité un défunt, tandis qu'Élisée, déjà mort, a fait de même (cf. 4 R 2,6-4,3). 

Et voici encore les fils des prophètes : ils délaissaient les villes, gagnaient le Jourdain jailli d'une double source, élevaient leurs tentes dans les lieux secrets, groupées au bord du torrent (cf. 4 R 1-7). 

Toute la cohorte sainte veillait sur les rives du fleuve désert, elle était éparse sous des tentes et des habitations adaptées, et d'une vertu choisie, conservait l'esprit paternel. 

Exemples tirés du Nouveau Testament

Mais voici celui dont nul des fils de la femme n'a surpassé la grandeur ( Le Saint Prodrome et Baptiste Jean). N'est-ce pas dans le désert et clamant dans le désert qu'il a vécu ? 

C'est au désert qu'on nous le montre donnant le baptême, au désert qu'il prêche la pénitence, au désert qu'il fait la première mention du royaume des cieux. Il a, le premier, annoncé à ses auditeurs ces choses, au lieu même où il serait le plus facile pour chacun de les obtenir. Et il serait bien juste que cet habitant intrépide du désert fût envoyé comme un ange devant la Face du Seigneur, ouvrît la porte du royaume céleste, et en qualité de précurseur et de témoin, fût digne d'entendre la Voix du Père parlant du ciel, de toucher le Fils en Le baptisant, et de voir descendre le Saint Esprit. 

Et enfin le Seigneur Lui-même, notre Sauveur, à peine baptisé, comme le dit l'Écriture (cf. Mt 4,1), est conduit au désert par l'Esprit ! Et quel est donc cet Esprit ? Aucun doute que ce ne soit le Saint Esprit. Mais justement, que le Saint Esprit L'entraîne au désert, par là même Il le dicte, Il l'inspire en secret, et le désert devient une digne suggestion de l' Esprit Saint. A peine baigné dans le fleuve mystique, Jésus ne croit rien avoir de plus pressé que de se rendre au désert. Et cependant, Lui, Il avait sanctifié les eaux sanctifiantes elles-mêmes et Il n'avait eu à purifier aucun péché de l'homme, car Il n'avait pas commis le péché et ne craignait pas le péché. Et malgré cela, Il brûlait du désir du désert, et, voulant être en tout un exemple salutaire, Il désirait pour nous ce qui n'était pas digne de Lui ! Or, si le désert était agréable à Dieu en Celui qui était affranchi de nos erreurs, combien est-il plus nécessaire à l'homme soumis à tant d'égarements ! Si l'innocence le recherchait, combien plus le pécheur doit-il le désirer ! 

Et c'est là aussi, loin du vacarme des foules, que le Seigneur reçoit les ministères de la Puissance divine, c'est au désert, comme s'il était déjà remonté au ciel, que les anges lui apportent leur office ! (cf. Mt 4,11). 

C'est là qu'Il a repoussé les tentations insidieuses de l'ennemi antique. Là que le nouvel Adam a repoussé celui qui avait triomphé du premier Adam. Ô gloire magnifique du désert : le démon, vainqueur au paradis, est vaincu au désert ! 

C'est encore au désert que notre Sauveur, à l'aide de cinq pains et de deux poissons seulement, nourrit, rassasia, assouvit cinq mille hommes ! (cf. Mt 14). 

C'est toujours au désert que Jésus nourrit les siens. Jadis la manne fut le signe de la Bonté divine. Mais cette fois, on remporte des fragments. Ce fut un même miracle de faire tomber la nourriture sur des affamés et de la multiplier pour des convives. Grâce à ses Dons, les aliments l'emportèrent sur les besoins du banquet. Au désert, dis-je, au désert il faut que nous accordions le mérite de tant de miracles : la vertu aurait-elle dévoilé sa puissance, si le lieu avait eu l'abondance ? 

Et voici que Jésus, notre Seigneur, monte jusqu'aux sommets les plus reculés d'une montagne. Il n'emmène que trois témoins choisis avec lui. Et son visage se met à briller d'un éclat inaccoutumé ! Et c'est alors que le plus grand des apôtres, contemplant son Humanité publiquement transfigurée, crut pouvoir proclamer au désert sa Majesté, en s'écriant : "Il nous est bon d'être ici !" (Mc 9) Voulant signifier qu'il aimait la splendeur du prodige dans le mystère du désert ! 

Le même Jésus, notre Seigneur, comme il est écrit (Lc 5,16), se retirait en un lieu désert pour y prier. 

On doit donc désormais appeler le lieu de la prière celui qu'un Dieu, en priant Dieu, a déclaré et proclame destiné à cela et duquel, la prière se faisant humble pénètre mieux les cieux, à l'aide du cadre local, parce qu'il avait les honneurs du mystère. En y priant Lui-même, Jésus, en oraison, a montré où Il voulait que nous priions quand nous nous adressons à Lui. 

Exemples tirés de l'histoire récente de l'Église

Que dire maintenant de Jean et de Macaire et de beaucoup d'autres , dont la vie, écoulée dans les déserts, se déroulait dans les cieux, ceux-là ont approché le Seigneur autant qu'il était permis à l'homme. Ils ont été admis à l'accomplissement des œuvres divines autant qu'il était possible à des êtres de chair ! Leur esprit fixé vers les sommets pénétra dans les secrets célestes, et, avec l'aide de la grâce, ils furent élevés soit par des révélations cachées, soit par d'éclatants miracles, si haut qu'avec l'aide de la solitude ils parvinrent à ne plus toucher la terre que par le corps, alors que par l'esprit, ils possédaient déjà le ciel. 

Éloge du désert

Concluons donc que cette demeure du désert est, pour ainsi dire, le siège de la foi, l'arche de la vertu, le sanctuaire de la charité, le trésor de la piété, le tabernacle de la justice. Car de même que dans une grande maison, tous les objets précieux sont enfermés en des cachettes bien closes, ainsi cette richesse des saints cachés au désert, bien enfermée derrière ses barrières propres, est mise en dépôt, pour ainsi dire, dans l'arsenal fermé de la solitude, de crainte que le contact des fréquentations humaines ne la détériore. Et c'est bien à propos que le Seigneur a non seulement caché tous ces trésors en cette partie de la demeure humaine, mais sut également, quand il le fallait, les retirer de cette cachette ! 

Jadis, la divine Providence témoigna, à l'égard du désert, d'une souveraine et supérieure sollicitude. Mais de nos jours encore, elle n'est pas petite. Lorsqu'en effet les habitants de la solitude reçoivent de Dieu, avec une abondance inespérée, leur nourriture, n'est-ce pas comme si elle tombait du ciel ? A eux aussi la Munificence divine accorde la manne et le Seigneur ne déploie pas moins la force de son Bras pour leur fournir, par des voies cachées, leurs aliments ! Et lorsque les rochers transpercés, par la Grâce de Dieu, font couler les eaux du milieu des pierres, n'est-ce pas exactement ce que Moïse avait fait, en frappant le rocher pour en faire jaillir les eaux ? De même, pour les vêtements, voici qu'ils ne connaissent pas l'usure, chez les habitants du vaste désert, puisque la Providence divine les remplace gratuitement, quand il le faut, en sorte qu'ils demeurent intacts, en se succédant ! Le Seigneur a nourri les siens, autrefois, au désert, et Il le fait encore maintenant ; ceux-là, durant quarante ans, et ceux-ci, aussi longtemps qu'il y aura des années ! 

C'est donc avec raison que le saint, enflammé du Feu divin, quitte sa demeure pour celle du désert; qu'il le préfère à ses enfants, à ses proches, à ses parents, à la société de tous les siens. C'est avec raison qu'il dit adieu à une patrie aimée, pour donner le nom de patrie temporaire à celle-ci, d'où ne l'arracheront ni la crainte, ni le regret, ni la joie, ni la peine. C'est avec raison, pour tout dire, qu'elle remplace par lui toutes les affections. 

Les bienfaits du désert

Qui pourra dignement énumérer les bienfaits de la solitude et les avantages de la vertu de ses habitants ? Placés dans le monde, ils ne sont pour ainsi dire plus du monde ! Selon le mot de l'apôtre Paul, "errants dans les déserts, sur les montagnes, dans les cavernes et les grottes de la terre", c'est bien justement que le même apôtre déclare que le monde n'est pas digne d'eux (cf. Heb 11,38). 

Ils sont, en effet, étrangers au tumulte de la république humaine, séparés, tranquilles, silencieux, moins soustraits à la volonté qu'à la faculté même de pécher ! 

Chez les anciens, des hommes illustres de ce monde, fatigués du poids des affaires, se sont parfois réfugiés dans la philosophie comme dans leur demeure propre. Comme il est plus beau encore de se tourner vers les études de cette sagesse éclatante et plus magnifique de se plonger dans la liberté des solitudes et les secrets du désert, pour ne plus s'adonner qu'à cette philosophie, en s'y exerçant dans les déambulatoires du désert comme dans leurs gymnases particuliers ! Où donc, je le demande, la Pâque est-elle mieux observée que dans la demeure érémitique ? Mais observée surtout par les vertus, et spécialement par la continence - la continence, dis-je, qui est comme un désert du coeur. C'est au désert que Moïse a donné au jeûne quarante jours continus, et après lui, Élie, reculant l'un et l'autre les limites des forces humaines. Puis, le Seigneur voulut, à son tour, consacrer le même temps à l'abstinence, mais au désert ! Et nous ne trouvons pas que l'on ait pu remplir par le jeûne ces mêmes espaces de temps en d'autres lieux. On en vient à croire que le Seigneur a conféré à ces lieux mêmes une telle vigueur ! 

Où donc, je vous prie, est-il possible d'avoir plus de loisir pour goûter combien le Seigneur est suave ? Où donc une voie plus commode est-elle ouverte à qui tend à la perfection ? Où trouver un champ plus vaste pour les vertus ? Où le recueillement de l'esprit est-il plus facile pour qu'il puisse regarder autour de lui ? Où le coeur sera-t-il plus dégagé, dans ses intentions, pour s'efforcer d'adhérer à Dieu, que dans ces lieux écartés où non seulement il est aisé de trouver Dieu, mais encore de Le garder. 

Quoique, souvent, au désert, on rencontre des étendues de sable fin, nulle part cependant l'on ne saurait jeter plus solidement les fondements de notre maison évangélique ! Si l'on y réside dans le sable, ce n'est pas sur le sable qu'on y construit sa demeure. Nulle part mieux que là, cet édifice n'est puissamment établi sur le roc, pour durer, en sa masse indestructible, par une stabilité immuable, en sorte que ni les vents des tempêtes, par leurs assauts, ni les flots, par leurs attaques, ne puissent le renverser ! C'est que les habitants du désert se bâtissent de tels édifices, mais dans leurs coeurs ! Ils recherchent les sommets par les bas-fonds, les hauteurs par l'humilité. Ils dédaignent et oublient les choses terrestres pour l'espoir et le désir des célestes ! Ils repoussent, préférant être pauvres, les richesses, et veulent être pauvres, afin de devenir riches. Jour et nuit, dans le travail et les veilles, ils luttent, afin d'embrasser le principe de cette vie qui ne doit pas avoir de fin. Ainsi, le désert, en son sein maternel, abrite ces véritables avares d'éternité, très prodigues de ce qui passe, indifférents au présent, mais assurés de l'avenir. Et grâce à eux, ceux en qui les siècles passés trouvent leur fin, parviennent aux siècles sans fin. En ce lieu, brûlent les saintes lois de l'homme intérieur et les règles du siècle éternel, plus subtilement qu'ailleurs. Les sentences qui frappent les crimes et les forfaits humains perdent ici leur force. Il n'y est plus question de châtier les fautes capitales. Si le coeur n'est très pur, les lois indignes le rendent coupable. Le mouvement intérieur de l'âme met toute son étude à s'enfermer dans les limites de la justice. Le coeur, se jugeant lui-même, frappe jusqu'au principe des plus léger les pensées. Que pour d'autres, il soit mal d'avoir fait le mal, pour eux il est mal de n'avoir pas fait le bien ! Mais comment pourrais-je vénérer, par un hommage juste, toutes les institutions intimes du désert ? Il y a toutefois ceci que je ne puis passer sous silence, que la force de vertu qui se trouve en ses habitants est presque aussi connue qu'elle est cachée ! A mesure qu'ils se retirent plus loin du monde et de la société des humains, dans le désir d'être inconnus, il leur est impossible de dérober leur mérite ! Plus leur vie se tourne vers le dedans, plus leur gloire éclate au dehors, par une disposition spéciale de Dieu, à mon sens, car Il veut que l'habitant de sa solitude soit caché au siècle mais ne soit pas caché comme exemple ! Telle est la lumière qui resplendit à travers l'univers entier, placée sur le candélabre du désert, et répandant de là sa clarté la plus éclatante sur les membres enténébrés du monde ! Telle est la cité qui ne peut être cachée, parce qu'elle est bâtie sur la montagne du désert et qu'elle est l'image sur terre de la céleste Jérusalem ! Si donc on est dans les ténèbres, on doit s'approcher de cette lumière, afin d'y voir clair; si l'on est en péril, il faut se diriger vers cette cité, pour être à l'abri ! 

Hautes faveurs mystiques au désert

O combien douces, pour ceux qui ont soif de Dieu, ces solitudes écartées ! Qu'elles sont agréables à ceux qui cherchent le Christ, ces vastes étendues, où tout se tait ! Alors l'âme joyeuse est excitée par les stimulants du silence à monter vers son Dieu; alors elle se nourrit d'ineffables extases . Nul bruit n'intervient,nulle voix ne se fait entendre, si ce n'est celle qui parle avec son Dieu ! Et lorsque le son exquis de cette voix brise le silence de la solitude et tombe sur cette âme, un frémissement plus doux que le repos même et le saint tumulte de la plus délicate conversation vient rompre cet état de quiétude paisible. Alors les choeurs fervents vont frapper le ciel de leurs hymnes suaves et l'on parvient jusqu'aux cieux à la fois par les voix et par les prières ! 

C'est en vain que frémit, en tournant autour de ce bercail, l'adversaire, comme un loup autour des brebis enfermées dans la bergerie ! Le loup est arrêté par les murailles. De même les ennemis sont repoussés par l'étendue du désert. "Ce n'est pas en vain que veillent ceux qui gardent la cité !" (Ps 126,1). 

On est gardé là par le Christ combattant avec nous. Le peuple adoptif de Dieu est tout ensemble exposé dans l'immensité des espaces du désert et cependant clos à tous ses ennemis ! 

Les beaux espaces du désert sont visités par les choeurs des anges, dans la joie, et ils illuminent par de fréquentes visites les habitants de la solitude, comme par l'échelle de Jacob ! 

C'est là aussi que "l'Époux repose au milieu du jour." (Can 1,6). Les habitants du désert, blessés d'amour, Le contemplent en s'écriant : "Nous avons trouvé celui que notre coeur aime et nous ne le laisserons plus s'éloigner !" (Can 3,4) 

Et il ne faut pas croire, comme on le fait, qu'il est stérile et infructueux, le sol du désert, et que les rochers de la solitude brûlée soient privés de fécondité ! Là les germes se multiplient, et produisent au laboureur cent pour un. Il n'y arrive pas aisément que la semence tombe le long du chemin et soit enlevée par les oiseaux, ni qu'elle s'égare parmi les pierres, où ne trouvant pas de racines, elle sèche au lever du soleil, ni qu'elle s'échappe au milieu des épines et soit étouffée par les ronces quand elles poussent ! Le cultivateur recueillera ici une moisson abondante. Ces pierres produiront une récolte apte à engraisser les os eux-mêmes ! On y trouve le pain vivant qui est descendu du ciel. De ces rochers jaillissent des fontaines abondantes et des eaux vives qui suffisent non seulement à rassasier, mais encore à sauver. C'est là que se trouve le pré et le plaisir de l'homme intérieur. Ce désert inculte offre des agréments merveilleux, il est à la fois désert pour le corps et paradis pour l'âme ! 

En résumé, nulle terre ne peut se glorifier de sa fertilité, en comparaison du désert ! 

Est-il une terre riche en fruits ? En celle-ci, croît le froment qui "rassasie de sa graisse ceux qui en mangent" (Ps 148,14). En est-il une autre qui se réjouit de vignes chargées de raisins ? En celle-ci, se récolte surtout "le vin qui donne la vraie joie au coeur de l'homme " (Ps 103,15). Cette troisième l'emporte-t-elle par l'élevage des troupeaux ? C'est en celle-ci que paissent les plus saintes des brebis, celles dont il est dit : "Paix mes brebis !" (Jn 21,17). Cette autre se décore-t-elle de fleurs au printemps ? C'est surtout en celle-ci que brille "la fleur des champs et le lis des vallées" (Can 2,1). 

Enfin, en est-il une dernière qui soit exaltée pour ses métaux précieux et charmants, ou toute rutilante de son or ? En celle-ci, les divers éclats des pierres précieuses font rayonner leurs couleurs sous une vibrante lumière. Ainsi, sur tous les points, cette terre est supérieure à toutes les autres et dans tous les biens. C'est donc à juste titre, ô terre vénérable que tu as été ou habitée ou désirée par les saints. Tu as été fertile à leur profit, puisque tu remplaçais pour eux toutes les richesses. Tu exiges un cultivateur qui cultive sa terre et non la tienne. Tu es stérile pour les vices, à tes habitants, et féconde en vertus. Quiconque a recherché tes demeures y a trouvé Dieu. Quiconque t'a cultivée a rencontré le Christ. Celui qui t'habite jouit de son Seigneur habitant en son coeur ! C'est la même chose de te posséder et d'être possédé par Dieu. Celui qui ne se refuse pas à tes espaces devient le temple de Dieu. 

A la gloire de Lérins

Je dois, certes, mon respect à tous les lieux du désert que la retraite des justes a illuminés, mais j'aime et honore entre tous ma chère Lérins, qui reçoit dans son sein plein de miséricorde ceux qui lui viennent, au sortir des naufrages de ce monde orageux. Elle introduit affectueusement sous ses ombrages tous ceux qu'a dévorés l'ardente chaleur du siècle, pour qu'ils puissent reprendre haleine, en cet abri intime. Elle abonde en eaux vives, en ombrages verdoyants, en fleurs parfumées. Agréable aux yeux comme aux narines, elle s'offre à ceux qui l'habitent comme un vrai paradis. 

Elle était digne d'être établie dans les célestes disciplines, sous l'autorité d'Honorat. Elle méritait d'avoir un père si grand, pour de si grandes institutions, tout rayonnant de la vigueur et de l'aspect de l'esprit apostolique. Elle méritait, en le recevant, de briller d'un tel éclat. Elle est digne de nourrir les moines les plus éminents et de produire des prêtres que l'on envie. Maintenant, elle possède son successeur, qui se nomme Maxime, illustre par cela même qu'il a mérité d'être mis à sa place. Elle a eu Loup, au nom révéré, qui nous a rappelé ce loup de la tribu de Judas. Elle a possédé son frère, Vincent, une pierre précieuse, éclatante par son éclat intérieur. Elle possède encore le vénérable Caprais que sa gravité égale aux saints d'autrefois. Elle possède enfin ces pieux vieillards qui, en leurs cellules séparées, ont introduit dans nos Gaules les pères d'Égypte. 

Quels groupes de saints, ô bon Jésus, quelles assemblées ai-je vues en ces lieux ! Là, de précieux vases d'albâtre répandaient les parfums les plus suaves. Partout, soufflait l'odeur de la vraie vie ! Leur seul aspect extérieur révélait l'état intérieur des âmes ! Ils étaient étroitement serrés dans la charité, abaissés dans l'humilité, adoucis dans la piété, affermis dans l'espérance, modestes dans leur démarche, prompts à l'obéissance, silencieux en leur rencontre, sereins dans leurs visages ! A les voir, on dirait, dès l'abord, une troupe d'anges de la paix ! Ils ne désirent rien, ne regrettent rien, si ce n'est Celui qu'ils désirent encore en Le regrettant. Au temps même où ils recherchent la vie bienheureuse, ils en jouissent, et pendant qu'ils Le poursuivent, ils L'obtiennent ! Ainsi, veulent-ils être séparés des pécheurs ? 

Ils le sont. Mener une vie chaste ? Ils la mènent ! Consacrer toute leur vie à louer Dieu ? Ils l'y consacrent ! Se réjouir dans les assemblées des saints ? Ils s'y réjouissent ! Posséder le Christ ? Ils le possèdent ! Vivre de la vie du désert ? Ils en vivent manifestement ! De la sorte, par une Grâce très riche du Christ, un grand nombre des biens qu'ils désirent pour l'avenir leur sont accordés dans le présent. Ils ont déjà la réalité, alors qu'ils poursuivent l'espérance. Ils trouvent dans le travail même une magnifique récompense du travail parce qu'ils découvrent, en s'y livrant, presque tout ce qui doit en être le prix. Ton retour en leur société, très cher Hilaire, t’a apporté à toi, mais à eux aussi, le plus grand profit, puisqu'ils se réjouissent allégrement de ce retour même. 

Je te supplie, avec eux, de ne pas oublier de prier pour mes péchés; avec eux, dis-je, dont je ne sais si tu leur as apporté plus de joie qu'ils t’en donnent. Tu es maintenant le véritable Israël, tu contemples Dieu en ton coeur, délivré que tu es de l'Égypte, c'est-à-dire des ténèbres du siècle, ayant passé les eaux salutaires qui ont englouti tes ennemis, suivi au désert la colonne de feu, et tu expérimentes la douceur des breuvages amers d'autrefois transformés par la croix du Christ, cette eau qui jaillit vers la vie éternelle, tu la reçois du Christ. 

Tu nourris ton homme intérieur d'un pain venu d'en haut. Tu entends la Voix divine, qui t’annonce ton trône. Parce que tu es enfermé au désert avec Israël, tu entreras avec Jésus dans la Terre promise ! Adieu, dans le Christ, Jésus, notre Seigneur!

Saint Eucher, évêque de Lyon
(451-491)

Haïjin Pravoslave (CCCXXXI)


Le Nom dans ton cœur
Rayonne sur l'univers
Et le transfigure

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 10 avril 2014

Haïjin Pravoslave (CCCXXX)


La Sainte Ecriture
Est le havre du salut
Accessible à l'âme

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Saint Antoine d'Optino/ L'aide de Dieu (R)



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Quelles que soient tes peines, elles sont comme de très petites étincelles, c'est-à-dire qu'en crachant simplement sur elles, tu les éteindras. Mais si tu attises la plus petite étincelle, une flamme en surgira qui détruira entièrement toute bonne condition d'une personne. Le fait d'attiser vient des pensées trop nombreuses. ( par exemple: "Mon cœur ploie sous une croix tellement lourde… La vie monastique est vraiment très amère… Mon cœur tout entier est déchiré en mille morceaux...)

Les pères ne sont pas les pères seulement lorsqu'ils tapotent sur la tête de leurs enfants ou bien qu'ils les gâtent, mais on les appelle aussi pères lorsqu'ils les instruisent et les punissent.

Si quelqu'un, pense de lui-même qu'il n'a nul besoin d'un guide, il s'éloignera très rapidement de la voie droite. Nous devons donc implorer le Seigneur Dieu avec larmes de nous accorder un sage instructeur. Selon la gravité de notre mal, un médecin qui est expérimenté et habile est nécessaire. Donc, celui qui est malade, ne doit pas tant chercher un hôpital grand et paisible qu'un médecin adroit.

Ton esprit ne doit pas devenir las, mais il doit se réchauffer par les lectures spirituelles, les pensées de l'éternité, et la prière, même si elle est brève. Dis au Seigneur: "Rassemble mes pensées éparses, ô Seigneur et humilie mon cœur par Ta crainte et aie pitié de moi!" Car sans l'aide divine, nous sommes impuissants, nous ne pouvons lutter contre les mouches, et encore moins contre les ennemis invisibles.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Living without Hypocrisy
Spiritual counsels of the Holy Elders of Optina 
Holy Trinity Monastery
Jordanville
NY/USA /2005