"L'uniatisme" était et est un projet spécial de l'Église catholique romaine pour convertir les orthodoxes au catholicisme. Les "uniates" ont agi pendant des siècles contre l'Eglise orthodoxe, avec l'aide des autorités civiles, pour s'emparer d'églises et de monastères orthodoxes, convertir les croyants orthodoxes au catholicisme et opprimer le clergé orthodoxe de toutes les façons possibles.
Interview du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département de relations ecclésiastiques extérieures de l'Eglise orthodoxe russe, dans le "National Catholic Register." (traduction VG)
Quelle est la position de l'Église orthodoxe russe sur la crise en Ukraine ? Et pourquoi un concile panorthodoxe prévu pour 2016? Le "National Catholic Register" a posé ces questions et d'autres le 2 avril à Mgr Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures de l'Eglise orthodoxe russe et membre permanent du Saint-Synode du Patriarcat de Moscou. Théologien reconnu, historien de l'Eglise et compositeur, le métropolite Hilarion nous a aussi fait part de ses réflexions sur l'état actuel des relations entre catholiques et orthodoxes.
Quelle est l'importance pour l'Eglise orthodoxe du Concile panorthodoxe prévu pour 2016? Peut-on le considérer comme un évènement similaire à Vatican II dans l'histoire de l'Église catholique ?
Interview du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département de relations ecclésiastiques extérieures de l'Eglise orthodoxe russe, dans le "National Catholic Register." (traduction VG)
Quelle est la position de l'Église orthodoxe russe sur la crise en Ukraine ? Et pourquoi un concile panorthodoxe prévu pour 2016? Le "National Catholic Register" a posé ces questions et d'autres le 2 avril à Mgr Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures de l'Eglise orthodoxe russe et membre permanent du Saint-Synode du Patriarcat de Moscou. Théologien reconnu, historien de l'Eglise et compositeur, le métropolite Hilarion nous a aussi fait part de ses réflexions sur l'état actuel des relations entre catholiques et orthodoxes.
Quelle est l'importance pour l'Eglise orthodoxe du Concile panorthodoxe prévu pour 2016? Peut-on le considérer comme un évènement similaire à Vatican II dans l'histoire de l'Église catholique ?
Le Concile panorthodoxe est important en ce qu'il sera le premier Concile, après l'ère des conciles œcuméniques, qui représentera toutes les Églises orthodoxes reconnues aujourd'hui. Pendant les 12 derniers siècles il y a eu des conciles de différents niveaux auxquels ont participé des représentants de différentes Eglises, mais celui-ci sera le premier Concile panorthodoxe de cette période.
Ce Concile est le fruit d'un long travail effectué par les Églises orthodoxes locales depuis plus de 50 ans. Comparer avec Vatican II n'est pas vraiment approprié car leurs programmes sont tout à fait différents et nous n'envisageons pas d'introduire des réformes qui auraient un grand impact sur la vie de l'Orthodoxie.
Le patriarche Kirill a déclaré que le Concile panorthodoxe devrait traiter de questions telles que l'expulsion des chrétiens du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, le culte de la consommation, la destruction des fondements moraux et la famille, le clonage et la GPA. Quelle est l'importance de ces questions pour vous et voudriez-vous voir aussi d'autres thèmes inclus dans l'ordre du jour du concile, par exemple l'unité avec l'Eglise catholique?
Ces déclarations de Sa Sainteté le Patriarche Kirill reflètent la position de l'Eglise orthodoxe russe et il en résulte que l'ordre du jour du Concile panorthodoxe doit être complété par des thèmes importants pour la société d'aujourd'hui et qui demandent une réponse de l'orthodoxie mondiale. Mais il ya aussi une liste de 10 thèmes qui ont fait l'objet de documents rédigés par les Églises orthodoxes locales au cours des années de travaux préparatoires préconciliaires. Toutes les Eglises orthodoxes ont déjà atteint l'unanimité sur huit d'entre eux et, avec quelques améliorations, ces documents seront soumis au Concile. Parmi eux se trouve également le thème de la position de l'Église orthodoxe dans la poursuite du dialogue avec les autres confessions chrétiennes, y compris le catholicisme.
Pourriez-vous expliquer plus en détail pourquoi ce concile est nécessaire et pourquoi maintenant?
Le développement de mécanismes conciliaires au niveau panorthodoxe est souhaité par toutes les Eglises orthodoxes. Ce désir a motivé les Églises depuis le début pour participer ensemble à la préparation du concile, commencée en 1961 lors de la Conférence panorthodoxe de Rhodes. Maintenant que ce travail préparatoire est en voie d'achèvement, il est prévu de convoquer le concile en 2016, sauf circonstances imprévues.
La politique de la Russie en Ukraine a provoqué des protestations sérieuses en Occident. Quelle est la position de l'Eglise orthodoxe? Pensez-vous que la politique Occidentale sur cette question est erronée?
L'Eglise orthodoxe russe regroupe Russes, Ukrainiens, Biélorusses et des représentants de nombreuses autres nationalités. L'unité spirituelle de nos nations a résisté à l'épreuve du temps depuis des siècles. La crise politique actuelle en Ukraine ne peut guère changer quoi que ce soit à cet égard. La position de l'Eglise orthodoxe russe ne peut pas être conditionnée par une politique particulière car les fidèles de notre Église ont différentes opinions politiques et ils sont citoyens de plusieurs états.
Plus nous sommes proches de Dieu, plus nous nous rapprochons les uns des autres. La foi en Christ et l'amour du Christ unissent et ne divisent pas les gens. Nous n'avons jamais divisé notre troupeau sur des critères nationaux.
Le sang de nombreuses personnes innocentes versé en Février à Kiev est une tragédie pour l'Ukraine; la justice divine et humaine exige que cette catastrophe fasse l'objet d'une enquête complète immédiatement. Pourtant les politiciens européens n'ont pas une opinion commune sur cette question, tout comme sur bien d'autres questions concernant le destin ultérieur de l'Ukraine et du peuple ukrainien. Dans cette situation le rôle de l'Eglise n'est pas de prononcer de grands mots, mais de prier et de faire preuve de compassion.
Certains affirment que l'Église orthodoxe et l'Etat russe sont trop proches l'un de l'autre. Dans quelle mesure est-ce vrai et en quoi ces relations peuvent-elles affecter la vie de l'Église et son intégrité (ou l'inverse), en particulier dans des domaines tels que la souveraineté de l'Ukraine ?
L'Eglise orthodoxe russe et l'Etat russe entretiennent des relations mutuellement respectueuses, fondées sur les principes de coopération et de non-ingérence dans les affaires réciproques. Et des relations similaires sont entretenues par notre Église avec de nombreux autres Etats sur les territoires desquels elle exerce sa mission. L'Eglise est le corps du Christ qui vit selon les lois établies par Dieu et suit les valeurs spirituelles et morales manifestées dans la Révélation divine. Son ministère est axé sur la pastorale de son troupeau, la protection et la promotion des principes moraux traditionnels dans la vie privée et sociale et de l'éducation religieuse.
L'Eglise orthodoxe russe et l'Etat ne s'ingèrent pas dans les affaires les uns des autres. Cela ne signifie pas, malgré tout, que l'Eglise peut rester indifférente à l'évolution de la situation en Ukraine. Kiev est le berceau de l'orthodoxie russe, son centre d'origine, car il est l'endroit d'où le christianisme oriental a commencé à se répandre sur tout le territoire historique de la Russie. L'Église orthodoxe ukrainienne, tout en étant totalement indépendante administrativement, fait partie intégrante de l'Eglise orthodoxe russe locale. C'est pourquoi la douleur des fidèles ukrainiens est notre propre douleur. Nous sommes profondément préoccupés par les manifestations d'agressivité perpétrées par des extrémistes à l'égard de nos frères et sœurs ukrainiens. En ces jours nous élevons des prières pour que la confrontation en Ukraine s'arrête au plus vite, pour que le peuple ukrainien puisse revienne à une vie paisible.
Vous avez fait beaucoup en ce qui concerne le développement des relations entre Orthodoxes et Catholiques. Qu'espérez-vous dans l'avenir? Une rencontre entre le Pape et le Patriarche pourrait-t elle avoir lieu avec le Pape actuel François, ou était-t-elle plus probable avec le pape Benoît ?
C'est vrai, je me suis beaucoup engagé dans le dialogue avec l'Eglise catholique, à la fois dans les années où j'ai dirigé le Secrétariat pour les relations interchrétiennes dans le département du Patriarcat de Moscou des relations ecclésiastiques extérieures et quand j'ai servi dans un pays catholique: comme d'évêque de Vienne et d'Autriche j'ai maintenu les relations avec les représentants de l'Eglise catholique en Autriche et en Hongrie. Maintenant, comme chef du Département des relations ecclésiastiques extérieures, je viens chaque année à Rome et j'y ai d'abord rencontré les papes Jean- Paul II et Benoît XVI et maintenant j'ai rencontré le Pape François à deux reprises. J'ai aussi régulièrement rencontré les dirigeants des différents dicastères de la Curie.
Aujourd'hui, Orthodoxes et Catholiques, nous rencontrons des problèmes similaires dans le monde et nos positions sur de nombreuses questions coïncident dans une large mesure.
Le dialogue orthodoxe - catholique est conduit à différents niveaux: panorthodoxe, dans la "Commission mixte pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes", et bilatéral: le Patriarcat de Moscou mène un dialogue avec les conférences épiscopales catholiques dans certains pays. Le dialogue théologique se poursuit depuis 33 ans et ses résultats sont évidents, comme est aussi évidente l'existence de différences certaines dans nos doctrines.
Cependant, la question la plus importante, mais pas la seule, qui divise Catholiques et Orthodoxes concerne le problème de la primauté dans l'Église universelle. La différence dans son interprétation a été l'une des causes qui ont mené à la division entre les Églises occidentale et orientale. En Occident, le pape de Rome a été reconnu comme le successeur de saint Pierre et le Siège de Rome occupait la première place parmi les trônes patriarcaux conformément aux décisions des Conciles Œcuméniques. Mais l'Église d'Orient considérait alors l'évêque de Rome comme «le premier parmi les égaux» ("primus inter pares") et ne lui a jamais attribué de pouvoirs particuliers par rapport à ceux des primats d'autres Eglises.
Outre les différences strictement théologiques il y a ce qu'on appelle "les facteur non-théologiques de division." Il s'agit de la mémoire historique des controverses et des conflits du passé et de beaucoup de préjugés réciproques ainsi que, malheureusement, de certains problèmes qui ont surgi dans la période récente de l'histoire.
Mais, malgré tout, Orthodoxes et Catholiques peuvent beaucoup travailler ensemble. Il y a une compréhension mutuelle entre l'Église russe et l'Église catholique romaine pour ce qui concerne l'éthique sociale et économique, la morale traditionnelle et d'autres problèmes de la société d'aujourd'hui. Nos positions sur la famille, la maternité, la crise de la population, les questions de bioéthique, les problèmes de l'euthanasie et de nombreuses autres questions coïncident pour l'essentiel.
Ce consensus permet dès maintenant à nos Églises de témoigner ensemble du Christ face au monde séculier. Nous avons une expérience très positive de l'organisation d'actons communes entre Orthodoxes et Catholiques aussi bien dans le domaine de la protection des valeurs morales que dans celui de la coopération culturelle.
Il existe aujourd'hui un réel intérêt des deux parties pour le développement fructueux du dialogue bilatéral entre les Orthodoxes russes et les Eglises catholiques. Concernant une rencontre des primats de nos Eglises, elle est tout à fait possible mais elle doit être soigneusement préparée. Nous n'avions pas exclu de pouvoir l'organiser avec le pape Benoît, mais nous n'avons pas eu le temps de le faire. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être organisée avec le pape François.
Il m'a semblé dès l'automne dernier que les parties étaient prêtes à commencer sa préparation. Mais les événements en Ukraine nous ont considérablement rejetés en arrière; c'est essentiellement dû aux actions des gréco-catholiques, qui sont considérés par l'Église catholique romaine comme un «pont» entre l'Est et l'Ouest, alors que nous les voyons nous comme un sérieux obstacle au dialogue entre l'Orthodoxie et le Catholicisme.
Ce n'est pas un secret que "l'uniatisme" était et est un projet spécial de l'Église catholique romaine pour convertir les orthodoxes au catholicisme. Les "uniates" ont agi pendant des siècles contre l'Eglise orthodoxe, avec l'aide des autorités civiles, pour s'emparer d'églises et de monastères orthodoxes, convertir les croyants orthodoxes au catholicisme et opprimer le clergé orthodoxe de toutes les façons possibles. Ce fut le cas dans la Principauté Polono-lithuanienne après l'Union de Brest de 1596 et ce fut le cas à la fin des années 1980 et le début des années 1990 dans l'ouest de l'Ukraine.
Dans la confrontation actuelle, les gréco-catholiques ont immédiatement pris parti pour un côté et ils ont entamé une coopération active avec les groupes schismatiques orthodoxes: le chef de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne et le chef du soi-disant Patriarcat de Kiev arpentaient les bureaux du département d'État des États-Unis, appelant les autorités américaines à intervenir dans la situation et à mettre de l'ordre en Ukraine. Les gréco-catholiques ont en fait lancé une croisade contre l'orthodoxie.
Au Vatican, on nous dit qu'ils ne peuvent pas influer sur les actions des gréco-catholiques car ils sont autonomes; Et le Vatican est même réticent à se démarquer de ces actions. Dans ces circonstances il est devenu plus difficile de parler d'une rencontre entre le pape et le patriarche de Moscou dans un proche avenir. Nous devons attendre que les blessures infligées récemment guérissent. Mais nous ne perdons pas espoir que les relations entre les orthodoxes et les catholiques se normalisent.
Edward Pentin correspondant du "Registre" à Rome.
"National Catholic Register"
Ce Concile est le fruit d'un long travail effectué par les Églises orthodoxes locales depuis plus de 50 ans. Comparer avec Vatican II n'est pas vraiment approprié car leurs programmes sont tout à fait différents et nous n'envisageons pas d'introduire des réformes qui auraient un grand impact sur la vie de l'Orthodoxie.
Le patriarche Kirill a déclaré que le Concile panorthodoxe devrait traiter de questions telles que l'expulsion des chrétiens du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, le culte de la consommation, la destruction des fondements moraux et la famille, le clonage et la GPA. Quelle est l'importance de ces questions pour vous et voudriez-vous voir aussi d'autres thèmes inclus dans l'ordre du jour du concile, par exemple l'unité avec l'Eglise catholique?
Ces déclarations de Sa Sainteté le Patriarche Kirill reflètent la position de l'Eglise orthodoxe russe et il en résulte que l'ordre du jour du Concile panorthodoxe doit être complété par des thèmes importants pour la société d'aujourd'hui et qui demandent une réponse de l'orthodoxie mondiale. Mais il ya aussi une liste de 10 thèmes qui ont fait l'objet de documents rédigés par les Églises orthodoxes locales au cours des années de travaux préparatoires préconciliaires. Toutes les Eglises orthodoxes ont déjà atteint l'unanimité sur huit d'entre eux et, avec quelques améliorations, ces documents seront soumis au Concile. Parmi eux se trouve également le thème de la position de l'Église orthodoxe dans la poursuite du dialogue avec les autres confessions chrétiennes, y compris le catholicisme.
Pourriez-vous expliquer plus en détail pourquoi ce concile est nécessaire et pourquoi maintenant?
Le développement de mécanismes conciliaires au niveau panorthodoxe est souhaité par toutes les Eglises orthodoxes. Ce désir a motivé les Églises depuis le début pour participer ensemble à la préparation du concile, commencée en 1961 lors de la Conférence panorthodoxe de Rhodes. Maintenant que ce travail préparatoire est en voie d'achèvement, il est prévu de convoquer le concile en 2016, sauf circonstances imprévues.
La politique de la Russie en Ukraine a provoqué des protestations sérieuses en Occident. Quelle est la position de l'Eglise orthodoxe? Pensez-vous que la politique Occidentale sur cette question est erronée?
L'Eglise orthodoxe russe regroupe Russes, Ukrainiens, Biélorusses et des représentants de nombreuses autres nationalités. L'unité spirituelle de nos nations a résisté à l'épreuve du temps depuis des siècles. La crise politique actuelle en Ukraine ne peut guère changer quoi que ce soit à cet égard. La position de l'Eglise orthodoxe russe ne peut pas être conditionnée par une politique particulière car les fidèles de notre Église ont différentes opinions politiques et ils sont citoyens de plusieurs états.
Plus nous sommes proches de Dieu, plus nous nous rapprochons les uns des autres. La foi en Christ et l'amour du Christ unissent et ne divisent pas les gens. Nous n'avons jamais divisé notre troupeau sur des critères nationaux.
Le sang de nombreuses personnes innocentes versé en Février à Kiev est une tragédie pour l'Ukraine; la justice divine et humaine exige que cette catastrophe fasse l'objet d'une enquête complète immédiatement. Pourtant les politiciens européens n'ont pas une opinion commune sur cette question, tout comme sur bien d'autres questions concernant le destin ultérieur de l'Ukraine et du peuple ukrainien. Dans cette situation le rôle de l'Eglise n'est pas de prononcer de grands mots, mais de prier et de faire preuve de compassion.
Certains affirment que l'Église orthodoxe et l'Etat russe sont trop proches l'un de l'autre. Dans quelle mesure est-ce vrai et en quoi ces relations peuvent-elles affecter la vie de l'Église et son intégrité (ou l'inverse), en particulier dans des domaines tels que la souveraineté de l'Ukraine ?
L'Eglise orthodoxe russe et l'Etat russe entretiennent des relations mutuellement respectueuses, fondées sur les principes de coopération et de non-ingérence dans les affaires réciproques. Et des relations similaires sont entretenues par notre Église avec de nombreux autres Etats sur les territoires desquels elle exerce sa mission. L'Eglise est le corps du Christ qui vit selon les lois établies par Dieu et suit les valeurs spirituelles et morales manifestées dans la Révélation divine. Son ministère est axé sur la pastorale de son troupeau, la protection et la promotion des principes moraux traditionnels dans la vie privée et sociale et de l'éducation religieuse.
L'Eglise orthodoxe russe et l'Etat ne s'ingèrent pas dans les affaires les uns des autres. Cela ne signifie pas, malgré tout, que l'Eglise peut rester indifférente à l'évolution de la situation en Ukraine. Kiev est le berceau de l'orthodoxie russe, son centre d'origine, car il est l'endroit d'où le christianisme oriental a commencé à se répandre sur tout le territoire historique de la Russie. L'Église orthodoxe ukrainienne, tout en étant totalement indépendante administrativement, fait partie intégrante de l'Eglise orthodoxe russe locale. C'est pourquoi la douleur des fidèles ukrainiens est notre propre douleur. Nous sommes profondément préoccupés par les manifestations d'agressivité perpétrées par des extrémistes à l'égard de nos frères et sœurs ukrainiens. En ces jours nous élevons des prières pour que la confrontation en Ukraine s'arrête au plus vite, pour que le peuple ukrainien puisse revienne à une vie paisible.
Vous avez fait beaucoup en ce qui concerne le développement des relations entre Orthodoxes et Catholiques. Qu'espérez-vous dans l'avenir? Une rencontre entre le Pape et le Patriarche pourrait-t elle avoir lieu avec le Pape actuel François, ou était-t-elle plus probable avec le pape Benoît ?
C'est vrai, je me suis beaucoup engagé dans le dialogue avec l'Eglise catholique, à la fois dans les années où j'ai dirigé le Secrétariat pour les relations interchrétiennes dans le département du Patriarcat de Moscou des relations ecclésiastiques extérieures et quand j'ai servi dans un pays catholique: comme d'évêque de Vienne et d'Autriche j'ai maintenu les relations avec les représentants de l'Eglise catholique en Autriche et en Hongrie. Maintenant, comme chef du Département des relations ecclésiastiques extérieures, je viens chaque année à Rome et j'y ai d'abord rencontré les papes Jean- Paul II et Benoît XVI et maintenant j'ai rencontré le Pape François à deux reprises. J'ai aussi régulièrement rencontré les dirigeants des différents dicastères de la Curie.
Aujourd'hui, Orthodoxes et Catholiques, nous rencontrons des problèmes similaires dans le monde et nos positions sur de nombreuses questions coïncident dans une large mesure.
Le dialogue orthodoxe - catholique est conduit à différents niveaux: panorthodoxe, dans la "Commission mixte pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes", et bilatéral: le Patriarcat de Moscou mène un dialogue avec les conférences épiscopales catholiques dans certains pays. Le dialogue théologique se poursuit depuis 33 ans et ses résultats sont évidents, comme est aussi évidente l'existence de différences certaines dans nos doctrines.
Cependant, la question la plus importante, mais pas la seule, qui divise Catholiques et Orthodoxes concerne le problème de la primauté dans l'Église universelle. La différence dans son interprétation a été l'une des causes qui ont mené à la division entre les Églises occidentale et orientale. En Occident, le pape de Rome a été reconnu comme le successeur de saint Pierre et le Siège de Rome occupait la première place parmi les trônes patriarcaux conformément aux décisions des Conciles Œcuméniques. Mais l'Église d'Orient considérait alors l'évêque de Rome comme «le premier parmi les égaux» ("primus inter pares") et ne lui a jamais attribué de pouvoirs particuliers par rapport à ceux des primats d'autres Eglises.
Outre les différences strictement théologiques il y a ce qu'on appelle "les facteur non-théologiques de division." Il s'agit de la mémoire historique des controverses et des conflits du passé et de beaucoup de préjugés réciproques ainsi que, malheureusement, de certains problèmes qui ont surgi dans la période récente de l'histoire.
Mais, malgré tout, Orthodoxes et Catholiques peuvent beaucoup travailler ensemble. Il y a une compréhension mutuelle entre l'Église russe et l'Église catholique romaine pour ce qui concerne l'éthique sociale et économique, la morale traditionnelle et d'autres problèmes de la société d'aujourd'hui. Nos positions sur la famille, la maternité, la crise de la population, les questions de bioéthique, les problèmes de l'euthanasie et de nombreuses autres questions coïncident pour l'essentiel.
Ce consensus permet dès maintenant à nos Églises de témoigner ensemble du Christ face au monde séculier. Nous avons une expérience très positive de l'organisation d'actons communes entre Orthodoxes et Catholiques aussi bien dans le domaine de la protection des valeurs morales que dans celui de la coopération culturelle.
Il existe aujourd'hui un réel intérêt des deux parties pour le développement fructueux du dialogue bilatéral entre les Orthodoxes russes et les Eglises catholiques. Concernant une rencontre des primats de nos Eglises, elle est tout à fait possible mais elle doit être soigneusement préparée. Nous n'avions pas exclu de pouvoir l'organiser avec le pape Benoît, mais nous n'avons pas eu le temps de le faire. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être organisée avec le pape François.
Il m'a semblé dès l'automne dernier que les parties étaient prêtes à commencer sa préparation. Mais les événements en Ukraine nous ont considérablement rejetés en arrière; c'est essentiellement dû aux actions des gréco-catholiques, qui sont considérés par l'Église catholique romaine comme un «pont» entre l'Est et l'Ouest, alors que nous les voyons nous comme un sérieux obstacle au dialogue entre l'Orthodoxie et le Catholicisme.
Ce n'est pas un secret que "l'uniatisme" était et est un projet spécial de l'Église catholique romaine pour convertir les orthodoxes au catholicisme. Les "uniates" ont agi pendant des siècles contre l'Eglise orthodoxe, avec l'aide des autorités civiles, pour s'emparer d'églises et de monastères orthodoxes, convertir les croyants orthodoxes au catholicisme et opprimer le clergé orthodoxe de toutes les façons possibles. Ce fut le cas dans la Principauté Polono-lithuanienne après l'Union de Brest de 1596 et ce fut le cas à la fin des années 1980 et le début des années 1990 dans l'ouest de l'Ukraine.
Dans la confrontation actuelle, les gréco-catholiques ont immédiatement pris parti pour un côté et ils ont entamé une coopération active avec les groupes schismatiques orthodoxes: le chef de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne et le chef du soi-disant Patriarcat de Kiev arpentaient les bureaux du département d'État des États-Unis, appelant les autorités américaines à intervenir dans la situation et à mettre de l'ordre en Ukraine. Les gréco-catholiques ont en fait lancé une croisade contre l'orthodoxie.
Au Vatican, on nous dit qu'ils ne peuvent pas influer sur les actions des gréco-catholiques car ils sont autonomes; Et le Vatican est même réticent à se démarquer de ces actions. Dans ces circonstances il est devenu plus difficile de parler d'une rencontre entre le pape et le patriarche de Moscou dans un proche avenir. Nous devons attendre que les blessures infligées récemment guérissent. Mais nous ne perdons pas espoir que les relations entre les orthodoxes et les catholiques se normalisent.
Edward Pentin correspondant du "Registre" à Rome.
"National Catholic Register"
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