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Mes frères, nous fêtons
aujourd’hui le dimanche des « Palmes », que l’on appelle en Occident
« des Rameaux ». C’est pareil, bien évidemment. Cette fête nous fait
entrer dans le merveilleux cycle de la « Grande Semaine » ou
« Semaine sainte », que les fidèles catholiques ont vécu la semaine
passée. Pour eux, aujourd’hui, c’est Pâques, la célébration solennelle de la Résurrection
que nous atteindrons à notre tour dimanche prochain.
Les circonstances
Nous savons quelle tragédie les a
frappés – et nous avec eux car ce drame est pleinement nôtre aussi - en début
de semaine, ce lundi 15 avril 2019, avec le spectaculaire et horrible incendie
de la cathédrale de Paris, Notre-Dame. Peu de personnes se sont montrées
insensibles à ce drame qui touche le cœur de la France et celui de bien des
Français, même de ceux qui ne se sentent pas concernés par le culte qui est
rendu dans ce Temple depuis neuf siècles et plus, puisque l’actuelle cathédrale
gothique avait été construite sur l’emplacement d’une autre église devenue trop
petite et qui a été démolie pour se voir remplacée par le chef-d’œuvre que nous
connaissons ! Notre prière monte vers Dieu à l’adresse de tout ce monde
catholique en deuil, souvent éberlué, parfois anesthésié de douleur, mais
rarement abattu. À notre prière s’ajoute notre amour sincère à l’égard de tous
ceux qui aiment le Christ, et dont l’Église-mère en France est maintenant
défigurée, envolée en fumée, même si des promesses généreuses – et pas toujours
désintéressées – laissent espérer une reconstruction aussi rapide que possible.
Compassion sincère
Frères catholiques, avec vous
nous souffrons, car Français, notre histoire est liée à la vôtre, notre
histoire nous est commune et elle passe par Notre-Dame de France, elle s’y
concrétise, s’y renouvelle, même si un schisme, plus vieux que la cathédrale
brûlée, et plus tragique encore nous sépare, hélas ! En disant cela, je ne
veux pas faire croire que nous sommes seulement troublés par la perte d’un
immense patrimoine culturel et artistique. Bien sûr, oh combien nous y sommes
sensibles aussi ! Oh combien nous constatons aussi avec joie, la
référence qu’elle constitue pour des millions de visiteurs chaque année, qui,
sans le savoir, côtoient la réalité de la Présence de Celle à laquelle est
dédiée la cathédrale, Notre Sainte et Immaculée Souveraine la Mère de Dieu, et
de Celui, Jésus-Christ, Dieu-Homme, dont tant de saintes Reliques sont des
« révélations », des « épiphanies » régulièrement
présentées au regard, à l’amour et à la vénération de ceux qui Le cherchent,
même nichées dans le coq-girouette, Reliques qui bénissent au gré de
l’orientation des vents la ville et tout le pays du haut de la fameuse flèche,
et retrouvé quasi miraculeusement intact dans les décombres calcinés.
Les réactions et commentaires
Que n’entendons nous pas en ces
jours d’après le cataclysme de feu, sur ce « patrimoine » artistique
universel ! Nous ne le contestons pas, bien évidemment. La nuit même du
sinistre, monsieur Mélanchon a fait sur ce sujet un très beau discours,
argumenté, digne et émouvant. Il soulignait, à juste titre, comment
l’architecture de cette cathédrale témoignait du savoir-faire technique
audacieux des maîtres-d’œuvre de l’époque médiévale, du génie des hommes de
l’art et de leur constance pour mener à bien une telle œuvre. La mise en
application de techniques hardies pour remplacer l’épaisseur des murs par de la
lumière, et élever les voûtes le plus haut possible vers la perfection. Il
avait raison. D’autres y sont allés aussi de leurs discours émus et
compatissants, tant cet accident a touché le cœur de tout homme de cœur ou de
goût, bien au-delà des clivages de culture, de foi ou d’appartenance
religieuse. À combien de personnes l’émotion n’a-t-elle pas tiré de larmes
sincères, visibles ou intérieures, qu’il serait indécent de moquer ? La
peine, le chagrin étaient visible sur de nombreux visages, de tous âges et de
toutes origines. Nous sommes heureux de constater l’élan de solidarité mondial
dans le but de restaurer, autant que faire se peut, ce « patrimoine de
l’humanité ».
Vision chrétienne
Mais vous, Chrétiens, ces justes
analyses vous suffisent-elles ? Un jour que des pharisiens et des
sadducéens s’approchaient de Jésus, « Pour l’éprouver ils
l’interrogèrent : qu’Il leur montre un signe du ciel ! Mais il leur
répond et leur dit : ‘’ Le soir venu, vous dites : ‘ beau temps, car
le ciel est rouge.’ Et le matin : ‘aujourd’hui, tempête : car le ciel
rouge s’assombrit.’ La face du ciel, vous savez la discerner, mais les signes
des temps, vous ne le pouvez pas ! Âge mauvais et adultère ! Il
cherche un signe ! De signe, il ne lui sera pas donné, sinon le signe de
Jonas ! (Évangile
selon Matthieu 16,1-4).
L’incendie : « le signe
de Jonas » ?
Eh bien voilà, l’incendie de
lundi « met à l’épreuve » notre foi, et il n’y a pas à douter qu’il
est « un signe ». Nous attendons donc des pasteurs les plus haut
placés une interprétation de « ce signe ». De grâce, si nous croyons
– et c’est la foi que nous a enseignée Jésus – que Dieu intervient dans le
déroulement de la vie du monde et des personnes, élevons notre discernement
pour appréhender ce signe, le comprendre, et in fine orienter notre vie
en fonction du « signe de Jonas » qui nous est donné là, éclatant, en
pleine lumière, sans rester rivés à une vision exclusivement humaniste ou
affective de l’événement : une perte artistique et culturelle, une mémoire
perdue, une coopération universelle pour un renouveau de l’édifice. Là n’est
pas le plus profond.
Des interprétations haineuses
Il y a bien sûr des faux
prophètes qui voient le signe de la fin des temps ; d’autres qui réalisent
que la foi et la vie chrétiennes peuvent disparaître de notre pays ;
d’autres encore y discernent un châtiment divin dû à nos iniquités personnelles
ou nationales. « Rien de nouveau sous le soleil ! » Il y a
longtemps que des forces anti-chrétiennes se liguent pour éradiquer la foi en
Jésus, en notre Dieu-Homme, mort-ressuscité, siégeant en Gloire pour nous y
prendre avec Lui. Il y en a qui s’en réjouissent et qui le disent !
Et alors ? Déjà, lors des
grandes persécutions des quatre premiers siècles, les païens faisaient le jeu
du pouvoir des Néron, des Dèce ou des Trajan pour effacer les traces des
disciples de Ce Jésus, notre Dieu apparu parmi nous et toujours présent,
quoique souvent invisible ! Ils applaudissaient hystériquement à leurs
massacres dans les cirques et les amphithéâtres et jouissaient de leurs mise-à
mort ! Et que faisaient les ardents chrétiens d’alors ? Se
vengeaient-ils de leurs veules persécuteurs ? Réclamaient-ils
justice ? Non, à l’école de leur Sauveur ils bénissaient ceux qui les
persécutaient et priaient pour eux : « Père, pardonne-leur, car ils
ne savent pas ce qu’ils font » (Évangile selon Luc 23,34) et les dernières
paroles de saint Étienne lapidé et rendant son dernier souffle étaient :
« Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » (Actes des Apôtres 7,60). C’est ainsi qu’à toutes les époques les chrétiens
ont supporté quolibets et oppositions, critiques et persécutions et qu’ainsi
ils ont appris ce qu’est le Royaume des Cieux, dont souvent nous avons une bien
piètre image… Alors, même si l’on entend des paroles déplacées et pas très
intelligentes, « Ce sont les p’tits blancs qui pleurent pour des bouts de
bois » qu’est-ce que cela peut faire ? C’est un bien que ces
personnes se déchargent de leur agressivité, voire de leur haine ; ces
sentiments ne viennent pas d’elles, car elles ne savent pas ce qu’elles disent,
mais ces sarcasmes sont inspirés par une Intelligence supérieure et maligne.
Lorsque « Celui-ci » se manifeste, c’est qu« il est aux abois et
qu’ « il » se déchaîne sentant que sa fin est proche.
Attaque satanique
Et justement, puisqu’on parle de
« lui », des images qui nous étaient délivrées du sinistre restent en
ma mémoire. Je pense tout particulièrement à cette photographie prise semble-t
il par un drone, où l’on voit toute la charpente en feu, d’un rouge diabolique.
Le journal satirique « Charlie Hebdo » ne s’y est pas trompé,
lui : la signature de l’incendiaire apparaissait clairement. Et en même
temps, il nous semblait, à la verticale, voir sur l’immense croix formée par la
nef et les transepts le Corps rougi du Divin crucifié bouillonnant du sang
qu’Il a versé pour nous !
En voyant les vidéos qui montraient la progression
fulgurante – et curieuse, j’oserais dire étonnante même, des flammes, la
colonne de feu embrasant la flèche qui se couchait sous nos yeux après une
résistance héroïque quoique perdue d’avance, et heureusement, presque
miraculeusement privée de ses quatre évangélistes et de ses douze Apôtres (dont
Thomas-Viollet-le-Duc), en voyant tout cela donc, ces scènes et d’autres
montraient en une sorte d’évidence, qu’une « intelligence
supérieure » dirigeait, orientait, étendait, canalisait la sarabande
infernale du feu, comme pour narguer avec ses crépitements ressemblants à des
grincements de dents, les témoins du drame que d’aucuns ont voulu appeler
péjorativement des « badauds » alors qu’ils étaient des
« compatissants » sidérés. Mais surtout « Il » semblait
braver la sainte Maîtresse des Lieux que les soi-disant « badauds »
imploraient publiquement. Quel démenti pour tous ceux qui nous parlent
d’abandon total de la foi chrétienne de la part du peuple français ! Tant
de fois les saltimbanques médiévaux avaient mimé les « Mystères »
divins sur le parvis de Notre-Dame, pour l’édification spirituelle des foules,
tant de fois d’autres avaient présenté des simulacres blasphématoires de
baptêmes ou d’autres saintes scènes théâtralisées… Mais là, devant nous, lundi
soir, « Il » ne se déguisait même plus, croyant désespérément vaincre
ainsi son Créateur et la Mère de Celui-ci, Notre Souveraine, Notre-Dame.
Apocalypse
La scène était apocalyptique.
Nous savions cependant que dès le commencement de notre Sainte Histoire la
Prophétie divine était connue de tous : « Je mettrai, disait Dieu au
Tentateur, des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postérité (les démons)
et sa postérité (le Verbe Incarné et ceux qui Lui sont attachés) : elle
guettera ta tète (pour l’écraser), et toi, tu lui guettera son talon (mort
provisoire de « son fils » ressuscité) (Livre de la Genèse 3,15).
L’Apocalypse selon saint Jean –
dont nous sommes riches de plusieurs enluminures ou tapisseries, se déroulait
sous nos yeux incrédules le grand combat entre la Femme et le Dragon (Apocalypse 12,
15), combat dans lequel ce Dragon n’a connu qu’un triomphe éphémère. Et
cela a encore été le cas lors de cette grandiose représentation du
« Mystère de Notre-Dame » sur le parvis en ce 15 avril 2019 :
grâce à la prière spontanée de beaucoup – qui pour certains avaient oublié
depuis longtemps de prier (j’en ai eu des témoignages…) – grâce à l’humble et
héroïque dévouement des quatre cents pompiers engagés, et de leur aumônier,
souvent à leurs risques et périls, pour lutter contre le fléau, le trésor
sacré, - dont la Couronne d’épines de la Crucifixion achetée par Saint Louis à
l’empereur de Constantinople - et les murs et les tours de la façade
principale, ont résisté aux assauts dantesques du Malin. Quel devait être
l’émotion intime de nombreux de ces héroïques pompiers lorsqu’ils tentaient de
sauver l’édifice et ce qu’il contient. Nous ne le saurons sans doute jamais,
mais Dieu l’a vu et nous les remercions !
La lumière dans les ténèbres
Et pendant ce temps, humblement,
cachée derrière l’autel principal offert par Louis XIV et sculpté par Nicolas
Coustou et qui ne sert plus, consécutivement aux réformes liturgiques de
Vatican II, derrière la Piéta à laquelle est consacré ce temple, la Croix
victorieuse du divin Mort-ressuscité brillait encore, seule dans la pénombre,
malgré les brandons rougeoyants qui tombaient de la voûte béante. Et deux de
nos rois, Louis XIII et Louis XIV toujours agenouillés en vénération devant le
Mystère de la mort-résurrection sculptée. Quelle victoire, quel signe !!!
Son éclat redisait : « Dans le monde vous aurez de la souffrance.
Mais confiance : moi je suis vainqueur du monde ! » (Évangile selon
Jean 16,33) selon ce qu’affirmait Jésus pour que Ses disciples
soient dans la paix à travers toutes les épreuves qu’ils rencontreraient !
Il est vrai que cette victoire se réalisera en plénitude dans « Le
Royaume qui vient», mais nous en percevons dès aujourd’hui les prémices,
si nous savons lire les signes des temps, ceux dont nous parlions en
commençant.
Le Président Macron, très
dignement, sobrement et semble-t-il sincèrement, a promis de restaurer l’église
Notre-Dame dans les cinq ans. Je crains qu’il ne soit un peu optimiste, mais
qu’importe ; nous comptons sur sa promesse et sur sa détermination et nous
l’en remercions non moins sincèrement. Tant d’églises souffrent en France,
profanées ou délabrées, abandonnées, fermées ou dépouillées, voire vendues ou
détruites, transformées en auditorium, salles d’expositions ou scènes
chorégraphiques et pas toujours pour des œuvres d’art sain et sacré… Ce drame
alertera-t-il les chrétiens et leurs pasteurs, dont le nombre se raréfie
tragiquement, pour qu’ils n’abandonnent pas leurs églises et que les
municipalités, qui en ont pris la possession à l’époque de la Grande Révolution
française de 1789 les entretiennent efficacement ?
Oui, c’est un patrimoine qui crie
encore d’actualité. Il n’y avait qu’à regarder et écouter, je l’ai déjà
souligné, mais cela m’a frappé, tous ceux qui spontanément se sont mis à
chanter des chants de foi, spontanément, pendant toute la durée de la
« consumation » de la cathédrale ! Chantaient-ils seulement la
« consumation » de la basilique, ou ne craignaient-ils pas de voir
aussi dans cette basilique incandescente la métaphore de notre monde ? Je
ne sais. Mais je sais combien ces prières, ces suppliques s’ancraient dans
celles de tant de générations antérieures, confrontées elles aussi, subitement,
à l’évidence de la fragilité de ce qui leur semblait indestructible ! Non
la foi n’est pas perdue, elle ne demande qu’à surgir et à se manifester, si du
moins l’esprit du temps lui laissait un peu de liberté d’expression, comme on
la laisse à des religions qui ne sont pas de nos racines.
Reconstruction ?
Le Président Macron a voulu que l’église, centre et âme de la
France, soit restaurée en cinq ans ! Un peu avant lui, Jésus avait
affirmé, au dire de ses détracteurs, : « Moi, je détruirai ce
sanctuaire fait des mains et après trois jours j’en bâtirai un autre non fait
par des mains. » (Évangile selon Marc 14, 58).
Quand Il parlait du « sanctuaire fait par des mains », Il désignait
le Temple de Jérusalem reconstruit par Hérode. Et lorsqu’Il parlait d’un
« Sanctuaire non fait par des mains », Il parlait de Son corps,
temple de la divinité qu’Il est par nature, qui devait mourir sur la croix et
trois jours après ressusciter, comme cela s’est effectivement passé. Dans la
destruction partielle de Notre-Dame se manifeste encore un
« signe » pour nous chrétiens : Oui, les temples peuvent
disparaître, on peut le regretter, mais tout ce qui est de la création est
appelé un jour à disparaître ; seule la Vérité demeurera. Or La Vérité, c’est
la réalité de l’union de Dieu et des hommes, en Christ, dans un mode nouveau de
vie, hors matière et hors temps, dans ce qu’on appelle, faute de mieux et selon
le vocabulaire de Jésus lui-même qui savait de quoi Il parlait : « le
Royaume des Cieux ». Donc, ne craignons pas ceux qui peuvent détruire les
sanctuaires construits par les hommes, car le véritable Sanctuaire est
Jésus-ressuscité et éternellement Vivant, qui offre sa Vie éternellement à tous
ceux qui l’acceptent, consciemment ou tacitement ! Que Notre-Dame de Paris
soit détruite, ça nous fait mal ; que Jésus ait été crucifié, ça nous fait
mal ; mais la vie éternelle nous est accordée dans le Sanctuaire céleste.
Non, l’Eglise-Corps-du-Christ ne meurt jamais, elle est vivante pour la vie
éternelle ! Édifiée sur la profession de foi de saint Pierre qui
attestait, devant les statues du dieu païen Pan, à Césarée de Philippe, que
Jésus « est le Christ, le Fils de Dieu Le vivant » Celui-ci
promettait que « Les portes de l’enfer ne seront pas plus fortes que son
Église ». (Évangile selon Matthieu 16,16 ; 18).
Manifestation du « signe de
Jonas
Et voilà le signe de Jonas que le
Christ nous promettait et que j’ai évoqué précédemment, signe qui saute aux
yeux de la foi. Qu’est-il donc ce fameux et mystérieux signe de Jonas ?
Dans l’Ancien Testament, selon le
récit parabolique que la Bible nous en fait, Dieu voulait que Jonas aille
prêcher le repentir aux habitants de Ninive, en Mésopotamie, sur les bords du
Tigre. Mais lui, Jonas, n’y tenait pas trop et voulut fuir sa mission.
Prenant un bateau pour une autre destination afin d’échapper à la volonté de
Dieu, les circonstances l’ont condamné à être jeté dans la mer. Le
« monstre marin » (non pas une baleine, mais le symbole des forces du
malin, des abysses ténébreux et mortels) l’a portant rejeté vivant sur la rive
du fleuve (la mer). Cette nouvelle vie après trois jours dans le ventre du
« monstre marin » représente, prophétise, la résurrection après les
trois jours que Jésus a passés au tombeau. De là Jonas est allé effectivement à
Ninive et il a prophétisé quarante jours pendant lesquels les Ninivites
devaient se repentir de leurs fautes avant que leur ville ne soit détruite. Et,
contrairement aux craintes du prophète incrédule, les habitants se sont effectivement
convertis et ainsi le Seigneur leur a pardonné et n’a pas détruit la ville.
Le « signe de Jonas »
est donc celui du repentir fondé sur la foi en la mort-Résurrection de Jésus.
C’est ce signe qui nous a été présenté ce lundi soir : par la Croix de Jésus,
par l’Amour pour nous avec lequel Il a accepté de laisser détruire le
« sanctuaire de son Corps » pour le rebâtir, si nous nous
convertissons, en vérité. Il nous pardonnera toutes nos fautes et nous
communiquera la Vie éternelle, c'est-à-dire la participation, par la Grâce, à
Sa divinité. Il est donc urgent de nous convertir : il ne reste que
« quarante jours » c'est-à-dire une durée de jours symboliques,
certes, mais le temps approche.
Le repentir
Mais, mon Dieu, de quoi donc nous
repentir ? À quoi nous convertir ? Vous avez entendu plus haut, Jésus
qui apostrophait les pharisiens et les saducéens « Âge mauvais et
adultère ! ». Il faut avoir le courage de prendre cette parole pour
authentique et actuelle. Ce n’est pas du pessimisme, mais écoute de la Parole
de Dieu ! Certes, nous ne sommes pas tous tombés dans l’adultère, encore
que notre « civilisation » contemporaine mondiale nous pousse
davantage à la trahison conjugale pour motifs de désirs individuels à assouvir,
qu’à la fidélité à la parole donnée, à la communion exigeante et généreuse avec
l’autre. Mais bref, là n’est pas en cet instant le fond de la question.
« L’adultère » dans le langage biblique, n’est pas seulement la faute
d’infidélité dans le mariage, mais l’abandon de Dieu au profit d’idoles qui ne
sont pas Dieu ! C’est donc cela que Jésus stigmatise face aux pharisiens
et aux sadducéens de l’Évangile. Or là, il nous est difficile de nous
disculper ! Car nous abandonnons allègrement l’Église, c'est-à-dire le
mode de vie qui sied à des disciples de Jésus ! « Croire » n’est
pas seulement avoir une croyance en l’existence de Dieu, ou en un
« au-delà », ou en un « être suprême » auquel nous devrions
rendre des devoirs auxquels nous essayons de nous dérober. Nous convertir,
c’est vivre de la connaissance de Jésus, de l’amour du Père et par la force de
l’Esprit-Saint. Tout ceci est rendu possible par la pratique des « saints
Mystères » que l’Église met à notre disposition, moyens divins et humains
à la fois, qui nous initient à « la Vie du Royaume des Cieux ». Le Baptême
qui dépose en nous les germes de la vie éternelle ; la Chrismation
(confirmation) qui nous communique le Dynamisme vital pour développer la lente
restauration de notre sanctuaire intérieur brûlé, calciné, défiguré par le feu
dévorant des passions et de l’incrédulité, voire du désintérêt des
« choses de Dieu » ; la Communion qui opère en nous un
échange divin : Jésus Dieu-incarné (Dieu fait Homme, tout en restant Dieu
quel mystère insondable !!!) adopte notre vie déchue par le péché, de la
condition à laquelle Il nous avait destinés à la création, et Il nous
communique Sa vie à Lui, pour faire de nous des hommes-déifiés (participant à
la vie divine, comme le dit saint Pierre dans sa seconde Épître ( 1,4). Et
les grands docteurs saint Athanase d’Alexandrie et saint Irénée de
Lyon écriront : « Dieu s’est fait Homme afin que l’homme soit
déifié » ; C’est cela la « sainteté » ! Le Mariage,
qui manifeste aux yeux du monde, en l’union des époux, celle du Christ et de
son Église.
Utilisation illicite des églises
Parfois, des événements nationaux
se situent dans les églises dont ce n’est pas la vocation première ! Des
dirigeants sans-Dieu le savent bien, qui répugnent à entrer dans nos églises
pour ne pas donner l’impression de rendre un culte à ce Dieu qu’ils ne veulent
pas reconnaître, ou qu’ils combattent. Ils sont honnêtes avec eux-mêmes, mais
ils ne devraient pas imposer aux autres leur non-croyance, qui, dans le cadre
du christianisme, sauf des cas de dérives injustifiables et en tous cas
étrangers à la doctrine et à la morale des disciples du Christ, ne condamne
personne et ne fait tout de même pas grand mal. Au contraire, les chrétiens
supportent même la persécution avec silence, foi et patience à toutes les
époques de l’histoire, sans se rebeller. Deux mille ans de patience ! Le
christianisme n’est-il pas la religion la plus persécutée aujourd’hui dans le
monde ? Des rapports officiels indépendants sont éloquents, et étouffés…
Signification des églises faites
par des mains
Mais pourquoi, si ce n’est pas
pour des motifs de « mémoire », de culture, de racines nationales,
sommes-nous si attachés à nos églises, et pleurons-nous devant des bouts de
bois qui se consument en un grand feu de joie ?
C’est que pour nous, une église,
n’est pas seulement un lieu de culte, un lieu de rassemblement d’une
« communauté » qui veut offrir à Dieu ses chants ou ses offrandes, un
lieu dans lequel on veut se sentir unis et solidaires au moins le moment d’une
célébration. Une église, c’est bien davantage : c’est le lieu de la
rencontre consciente de l’homme et de Dieu. Non seulement par la prière
individuelle, les supplications ou les actions de grâces des fidèles, la
communication des saints Mystères (les « sacrements »), mais aussi
par son architecture même et son iconographie qui montrent en paraboles (en
symboles) la réalité - invisible autrement - de la Vie Céleste. Là, Dieu y
manifeste Sa gloire, pour la rendre visible aux hommes pourtant pêcheurs, à
travers mille signes (les symboles) et les chants de structure théologiques.
Quel dommage que désormais,
depuis plusieurs décennies, l’autel Majeur (le « Maitre-Autel ») ne
serve plus et se trouve remplacé par une table centrale ! Lorsqu’il nous
« tournait le dos », le pasteur du troupeau du Christ, évêque ou
prêtre, montrait la Voie et cheminait à la tête des Brebis du Troupeau vers
l’Orient, la Lumière, L’aurore de la résurrection : Le Christ. Il se
tourne maintenant vers nous, dans une attitude plus cléricaliste que jamais,
parfois assis directement devant le Tabernacle du « saint Sacrement »
dont il prend la place ou auquel il s’associe orgueilleusement. Il y a là une
inversion du sens liturgique, un changement théologique : le Peuple de
Dieu n’est plus en marche vers le Christ Lumière, « l’Orient des Orients »,
il se contemple lui-même et célèbre son unité en oubliant – sauf en paroles -
Celui qui les unit ! Ainsi le décrivait aussi monsieur Mélanchon dans son
hommage à Notre-Dame auquel je faisais allusion au début, qui constatait le
changement de langage architectural entre ce que nous appelons l’art roman -
mais l’art sacré arménien, géorgien, byzantin, copte, slave ont la même
inspiration transfigurante - et l’art dit « gothique ». Par celui-ci,
l’homme offre à Dieu ce qu’il a de plus grandiose, en l’occurrence une prouesse
architecturale (serons-nous encore capables de concevoir et de réaliser une
œuvre semblable ?). Auparavant le temple chrétien manifestait la présence
de Dieu, Sa descente vers les hommes. L’église était une chambre nuptiale qui
abritait les épousailles de la divinité avec l’humanité. Qu’elle le reste ou
qu’elle le redevienne !
Supplique aux restaurateurs
C’est pourquoi, Monsieur Macron et tous les
responsables de la reconstruction de Notre-Dame, laissez-nous une église
chrétienne ; que la hâte ne l’emporte pas sur le « sens » et le
« signe », en nous livrant une architecture de salle polyvalente,
d’écrin moderne pour des ruines figées et témoins d’un passé prestigieux, mais
sans vie, ou quelque cage de verre, pyramidale ou autre. Car ce risque existe.
Que ne peut-on inventer pour moquer, salir, défigurer ou pervertir, même par
simple méconnaissance ? En « art sacré » chaque
architecte-artiste n’est pas libre de jongler avec des symboles de son
invention, fût-elle géniale. Il se doit d’exprimer par les formes et les
couleurs la foi de l’Église et du peuple qui la constitue. Seuls des
théologiens chrétiens et pratiquant cette foi, aidés bien sûr d’historiens de
l’art, des gens d’expérience spirituelle et liturgique, peuvent comprendre,
réaliser et reprendre l’œuvre commencée il y a neuf cents ans et aujourd’hui
sinistrée. Laissez aux architectes musulmans la responsabilité de la conception
de leurs mosquées, aux Juifs celle de leurs synagogues, aux bouddhistes de
leurs temples, aux francs-maçons de leurs loges, mais donnez le même doit aux
chrétiens. La République ne détient pas les critères requis pour édifier des
sanctuaires où s’unissent le Ciel et la terre ; son rôle et sa fonction
sont ailleurs. Des concours internationaux d’architectes non chrétiens non
plus ! Nous vous en supplions, vous tous, responsables de la restauration
de notre basilique, tenez bon dans les polémiques qui ne manqueront pas de se
présenter à ce sujet et face aux exigences de ceux aux ordres de qui nous marchons.
Il en va de la vie éternelle d’innombrables personnes et de la réputation que
vous laisserez dans le Grand Livre de l’histoire. Vous êtes au carrefour de
deux voies : transfigurer ou défigurer. Dieu vous jugera aussi là-dessus.
Conclusion
Donc, amis fidèles et orthodoxes,
nous avons vu lundi « le signe de Jonas » qui nous invite à la
conversion du cœur et des mœurs, au retour à la foi en Jésus-Christ Dieu-Homme,
à l’attente du « Royaume qui n’est pas de ce monde » ainsi qu’à la
conscience de l’intervention dans Dieu dans la vie des hommes et des peuples.
Par cette tragédie humaine qui a
bouleversé le monde entier, Dieu et la Toute-Pure et Toute-Sainte Mère de Dieu,
la « Théotokos », nous montrent qu’Ils ne nous abandonnent pas et
nous donnent encore « quarante jours » symboliques, - je ne suis pas
un prophète - pour nous convertir. En effet, ce n’est pas seulement une église
en pierre qu’il faut d’abord reconstruire, elle tombera un jour, mais c’est le
Sanctuaire du Corps auquel nous appartenons mystiquement et dont le Christ est
la Tête, qu’il faut demander à Dieu de rétablir avec notre humble
collaboration, synergie qui ne se nomme ni « piété » ni
« morale », mais « foi » et conversion des mœurs à l’aune
de la foi et des principes de mode de vie qui découlent de l’enseignement de
Jésus, Paroles divines qui nous sont transmises par les Évangiles et que
l’Esprit-Saint nous permet de comprendre et d’assimiler.
Épilogue
Et pour terminer, puisque nous
avions décidé de commenter chaque dimanche de carême les épitres du jour,
comment ne pas remarquer l’à-propos de celui d’aujourd’hui, que l’Eglise à
placé à notre méditation pour nous encourager dans l’épreuve de la foi que
constituent la Passion de notre Seigneur et son apparent silence à notre égard :
« Réjouissez-vous, nous dit saint Paul comme aux Philippiens de son
époque, réjouissez-vous toujours ! Je le dis encore une fois,
réjouissez-vous !… Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de
rien ; mais dans une prière continuelle et une supplication, que vos
demandes soient présentées à Dieu avec actions de grâces. Et la paix de Dieu,
qui surpasse tout sentiment, gardera vos cœurs et vos intelligences dans le
Christ Jésus » (Épître aux Philippiens 4,4-5 ;6-7).
Aussi, nous jubilons avec les
fils d’Israël dans le cortège splendide par lequel ils acclament Jésus et nous
disons : « viens Seigneur Jésus !» (derniers mots du livre de l’Apocalypse
selon Jean, 22,20). C’est dans cet
esprit que nous allons prendre les branches de palmier et nos rameaux, comme
nos amis catholiques ont pris dimanche dernier leurs rameaux de buis ou de
laurier, et que nous allons accompagner triomphalement Jésus qui monte vers Sa
ville, Jérusalem, afin d’y subir sa Passion dans une obéissance absolue envers
Le Père éternel et un amour infini pour nous, pour nous élever avec Lui dans la
gloire de l’Ascension quarante jours plus tard.
En serons-nous dignes comme
les Ninivites du temps de Jonas ?
En Christ est notre unique espérance, et à Lui
reviennent la Gloire, l’honneur et l’adoration, ainsi qu’à notre Père éternel
et à l’Esprit Tout-Saint bon et vivificateur, maintenant et toujours, et dans
les siècles des siècles. Amen !
Monastère de
la Transfiguration
Archimandrite
Élie
Dimanche des
palmes
21 avril 2019