Qu'est-ce que c'est :
Sola Scriptura est l'idée que le christianisme devrait être basé sur "l'Ecriture seule" (qui est la traduction de "Sola Scriptura"), c'est-à-dire qu'il devrait être sans rituel, ni autorité d'enseignement de quiconque. Et que chacun de nous soit obligé de lire les Écritures et de nous former à travers elles, par nous-mêmes.
Cela Ne Peut Pas Vraiment Exister :
Beaucoup de choses dont nous avons peur n'existent pas. Les zombies, les cultes d'Armageddon (le genre qui apportent la fin du monde via une divinité égyptienne oubliée depuis longtemps), Cthulhu, et ainsi de suite, sont tous des exemples de choses effrayantes, mais qui n'existent pas vraiment.
C'est ce que je ressens à propos de la Sola Scriptura. C'est effrayant, mais en réalité, cela n'existe pas.
Il semblerait un peu ridicule de dire que cela n'existe pas, étant donné que c'est la doctrine de base de presque tous les protestants. Cependant, c'est justement le problème... c'est une doctrine. Elle se contredit déjà elle-même, s'efface du domaine de la possibilité par sa propre action. Une doctrine (et non l'écriture) qui proclame que toutes les doctrines doivent être rejetées est ridicule (ce qui nous ramèner à l'argument, maintenant terriblement cliché, contre le relativisme). Il n'est tout simplement pas possible d'avoir les Écritures seules, puisque vous n'avez pas reçu l'Écritures seule. Au lieu de cela, nous avons tous été enseignés sur l'Écriture par quelqu'un d'autre. Elle n'est pas simplement tombée du ciel et a atterri sur nous. Et même si c'était le cas, elle nous est toujours donné par quelqu'un, les auteurs qui avaient des vies, des cultures, des rituels et toutes sortes de choses qui fournissent un contexte aux Écritures. Et le contexte signifie que les Écritures ne sont en aucun cas « seules ».
Si elle existe, c'est une autobiographie :
Tout ce discours sur les textes, le contexte, la paternité et l'interprétation me rappelle un certain Français...
Quoi qu'il en soit, il y a un grave problème qui découle du modèle inlassablement individualiste de l'interprétation biblique. Chaque fois que quelqu'un commence sa propre interprétation de quoi que ce soit, sans direction, il forme une sorte d'autobiographie dans son interprétation. L'interprétation de ce genre ne reflète rien d'autre que soi-même.
C'est une idée principale de ce certain Français (le philosophe Jacques Derrida), selon lequel, chaque fois que l'on interprète un texte sans contexte, on peint simplement un autoportrait avec les couleurs du texte qu'on interprète. C'est parce que les idées pures ne passent pas simplement d'une personne à l'autre, elles doivent plutôt passer par la filtration du langage, qui est passé plus loin à travers le schéma de sa conscience qui permet de donner un sens aux choses. Ce schéma est construit, en partie, par le contexte social, historique, politique, etc., dans lequel nous vivons, ce qui le rend impossible à éviter à moins que nous ne laissuons notre compréhension être cartographiée par un autre contexte. Si cette mauvaise lecture contextuelle et cette autobiographie subséquente sont tournées vers les Écritures, alors je ne peux ne peux imaginer de blasphème plus grave que de transformer les Écritures, qui sont censées être l'image et l'accomplissement, la Parole de Dieu, en rien de plus qu'une autobiographie.
Déformer Dieu en une image de soi, c'est l'idolâtrie elle-même ; un veau d'or d'interprétation erronée fièrement défendue.
Ce N'est Pas Biblique :
Nulle part dans la Bible, vous ne trouverez de discussion sur la Bible ou sur la façon d'interpréter la Bible. Le Nouveau Testament et l'Ancien Testament feront référence aux « Écritures », mais cela ne fait pas référence à la Bible dans son ensemble, seulement à l'Ancien Testament.
2 Thessaloniciens 2:15 montre clairement qu'il y a un élément de tradition d'une importance décisive et que beaucoup a été enseigné par le bouche à oreille. La séparation entre ce qui a été enseigné par le bouche à oreille et ce qui a été relayé par les épîtres (qui sont des lettres des évêques/apôtres) signifie que tout ce qui était important de savoir n'a pas été enregistré dans les épîtres.
En outre, le Nouveau Testament indique clairement que les apôtres (et dans la Première Lettre à Timothée, les évêques) sont porteurs de l'enseignement du Christ, et qu'il est de leur devoir de protéger ces enseignements et d'instruire ceux qui ont la foi dans ces enseignements. Il est également très clair que l'interprétation par quiconque des enseignements du Christ n'est pas aussi bonne que celle d'un autre, si cela était vrai, il n'y aurait pas eu besoin des lettres de Paul, pas plus que le Nouveau Testament, à l'exception des Évangiles.
Qu'en est-il de l'histoire(?):
Comme je l'ai déjà mentionné, le concept d'Écriture Seule rejette un fait fondamental des Écritures ; qu'elles ont été écrites par des hommes. Bien que je crois qu'ils aient été inspirés par le Saint-Esprit et gardés exemptes d'erreurs par le Saint-Esprit, cela ne change rien au fait que des personnes aient écrit ces livres et, en tant que telles, elless sont pleins de contexte (situation historique, pratiques culturelles, attentes sociétales et (peut-être plus important) langage et idiome). Sans connaissance de l'histoire et de la culture des auteurs humains des Écritures, on ne peut avoir aucun espoir de comprendre ce qu'ils essaient de communiquer.
Sans parler du fait que la Bible elle-même (en particulier le Nouveau Testament) est un livre qui a beaucoup bougé dans l'histoire. L'Église primitive (à l'époque des Apôtres) n'avait pas les livres du Nouveau Testament (principalement puisqu'ils n'étaient pas encore écrits), et ce n'est que de nombreuses générations plus tard que ces livres ont été codifiés et que le canon a été créé. L'Église a passé la majeure partie de sa vie sans ces Écritures du Nouveau Testament, donc, Sola Scriptura est historiquement parlant une idée assez nouvelle (il est difficile de prêcher "L'Écritures seule" quand on n'a pas encore l'Écriture...).
De plus, cet idéal de « Sola Scriptura » rejette l'ensemble du christianisme qui a précédé le chrétien individuel. Il rejette l'histoire de l'Église et des grands enseignants de la foi (et quand il ne le fait pas, il ne défend pas ses propres valeurs).
L'orgueil:
Tout cela aboutit à ma raison de rejeter la Sola Scriptura (et donc le protestantisme) ; l'orgueil.
Je suis peut-être l'un des pires contrevenants en ce péché particulier, donc je ne porte aucun jugement sur ceux qui y tombent ; cependant, cela ne signifie pas que même moi, le pire des orgueilleux, je devrais m'asseoir et laisser mon orgueil devenir un dogme. Nous devrions plutôt toujours lutter contre nos péchés.
L'orgueil de la Sola Scriptura, si tant est qu'il soit possible, réside dans son rejet de ceux qui nous ont enseigné : nos parents, nos prédicateurs/prêtres/enseignants, l'histoire de l'Église (les saints, les conciles, les Pères), et à travers cela, même les apôtres, ceux qui ont tout appris directement de la bouche du Christ Lui-même. Un autoportrait peint avec les couleurs de l'Évangile.
C'est évidemment le pire scénario de la doctrine, mais c'est le résultat de son application effective. Même la personne la mieux intentionnée qui prend la "sole Scriptura" au sérieux ne sera rien de plus qu'un théologien de salon, quelqu'un qui ignore complètement la période et le contexte des textes écrits et qui est donc forcé de mettre son propre contexte et sa propre époque comme substitut. Ainsi, l'autoportrait réapparaît, même lorsque le croyant est bien intentionné et pieux dans sa pratique. Dans ce cas, l'Écritures seule est à nouveau jugée impossible, car ce n'est plus "L'Écriture seule", mais plutôt "L'Écriture et moi".
C'est pourquoi la Sola Scriptura me fait peur. Je suis plein de péché : d'échecs, de doutes et de préjugés. En tant que tel, je préfère de loin « l'Écriture et la Tradition » à « L'Écriture et moi ».
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après