Dans l'Église orthodoxe, il y a d'innombrables saintes femmes, qui ont vécu des types de vie très différents et elles montrent une grande variété de dons. Une sainte en particulier, démontre par sa vie l'influence d'une grande portée qu'une seule femme peut avoir sur la vie de l'Église, une influence qui s'est étendue de sa Cappadoce indigène du quatrième siècle à toute l'Eglise à travers le monde, jusques à ce présent jour. Cette femme est sainte Macrine la Jeune.
Macrine venait d'une famille pieuse et fidèle. Sa grand-mère paternelle, sainte Macrine l'Ancienne, avec son mari avait souffert de la perte de tous leurs biens considérables à cause de leur foi chrétienne. La mère de Macrine, sainte Emmélie, avait dans sa jeunesse voulu rester vierge, mais parce qu'elle était une orpheline réputée pour sa beauté, elle jugea nécessaire de se marier pour sa propre protection contre des prétendants trop zélés.
Elle choisit un homme pieux et droit, saint Basile l'Ancien comme mari, et ensemble ils eurent dix enfants, dont Macrine était l'aînée. Basile était un avocat de renom et il fut en mesure de restaurer la fortune de sa famille plusieurs fois.
Emmélie veilla à l'éducation de sa fille avec au moins autant d'égards pour son âme que pour son esprit. Estimant les classiques de la littérature grecque inappropriés pour une jeune fille chrétienne, elle donna plutôt Macrine les Écritures, la sélection de portions adaptées à son âge au fur et à mesure qu'elle grandissait. Macrine avait en particulier comme compagnon constant le Psautier.
Dès son jeune âge, elle montra une grande intelligence et de la sagesse spirituelle, et devint également une jeune femme de grande beauté. Parmi de nombreux prétendants, le père de Macrine choisit de la marier à quelqu'un de capacité notable et de foi inébranlable, mais le jeune homme mourut avant que le mariage ne puisse avoir lieu.
Macrine, cependant, se considéra comme liée à vie au jeune homme que son père avait choisi pour elle, et elle déclara qu'elle ne voulait pas en épouser un autre. Au lieu de cela, elle annonça son intention de rester avec sa mère de façon permanente.
En même temps où le plus jeune enfant Pierre naquit, le père de Macrine mourut. Emmélie fut donc laissée avec tous les soucis de l'administration d'un grand domaine, ainsi que la nécessité d'élever et d'éduquer ses neuf enfants plus jeunes. Macrine était d'une grande aide et un encouragement pour sa mère dans toutes ces affaires. Elle prit complètement en charge l'éducation de son jeune frère, le nourrit avec les Écritures comme elle avait été nourrie, et il grandit pour devenir un jeune homme de grands talents naturels et de grande spiritualité aussi.
Le plus âgé des frères de Macrine, Basile finit l'école avec un enseignement de rhétorique, de grandes ambitions mondaines, et une opinion tout à fait exagérée de lui-même. Macrine ne perdit pas du tout de temps et elle tourna ses ambitions dans une autre direction, vers la vie ascétique. Basile excella aussi bien dans cette vie comme il l'avait fait dans le monde, et devint finalement évêque de Césarée. Nous le connaissons aujourd'hui comme saint Basile le Grand.
Le second frère et le favori de Macrine, Naucratius, choisit la vie d'ermite et se consacra à servir les autres, mais il mourut inexplicablement à un âge précoce. Macrine contrôla son propre chagrin pour être le soutien de sa mère, qui était dévastée [par cette épreuve]. Le troisième frère, Grégoire, finit ses études bien versé dans la philosophie grecque, mais affaibli dans sa foi. Grâce à l'instruction et l'exhortation de Macrine, il revint au Christ et suivit son frère Basile dans la vie monastique. Il fut ensuite nommé évêque de Nysse, nous le connaissons sous le nom de saint Grégoire de Nysse. C'est lui qui a enregistré la vie de sa sœur pour la postérité.
Lorsque tous les enfants eurent leur place dans le monde et que la richesse de la famille fut divisée entre eux (Macrina refusa sa part, la donnant à l'Eglise), Macrine persuada sa mère de se déménager dans la propriété rurale de la famille à Annesi et d'y établir un monastère de femmes. Elles prirent les servantes de la famille avec elles comme premières moniales, et Macrine donna l'exemple pour toutes par l'extrême pauvreté de sa vie et la volonté avec laquelle elle travailla de ses mains, se mis au même niveau que la plus basse de ses anciennes esclaves.
Basile établit un monastère d'hommes de l'autre côté du fleuve, et le plus jeune frère, Pierre, en devint plus tard l'higoumène. Mais Macrine était le véritable chef spirituel des deux communautés. Elle les établit dans la prière, la pauvreté, et les bonnes œuvres à la population de la zone environnante. Lorsque la famine frappa, les deux monastères étaient miraculeusement en mesure de fournir du grain pour toute la région jusques au temps où la famine fut terminée.
Après la mort d'Emmélie et de Basile, Grégoire décida de rendre visite à sa sœur, qu'il n'avait pas vu depuis huit ans. Il arriva au monastère pour la retrouver sur son lit de mort. Elle vécut pendant plusieurs jours, au cours desquels tous deux eurent une conversation que Grégoire a enregistré dans son traité De l'âme et la Résurrection. Dans ce dialogue, il se fait celui qui pose des questions stupides et qui doute, et Macrine comme le maître sage qui lui expose les grandes vérités de la vie éternelle.
Sans jamais dépasser les limites étroites d'un comportement acceptable pour une femme de son temps et de sa position dans la vie, Macrine donna l'exemple de la piété, du zèle et de la vie sainte qui, directement et indirectement, influença toute l'Eglise.
Elle appela constamment et courageusement les autres à une vie supérieure, et sa voix vient à travers les siècles pour atteindre même nos oreilles endormies et insensibles. C'est à la mémoire bénie de sainte Macrine, et à toutes les femmes pieuses de l'Eglise Orthodoxe à travers les siècles, que ce numéro d'AGAIN est dédié. Mettant leur vie devant nous, peut nous faire tendre toujours vers cette vie supérieure pour laquelle elles ont lutté, et appeler ceux qui sont près de nous à les suivre également. Comme une pierre tombée dans un étang, puissions nous aussi, créer des ondes qui aillent bien au-delà de nos rêves.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Septembre 1994