"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

vendredi 8 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Nicolas Salos de Pskov (28 février)


Святой праведный Николай, Христа ради юродивый, Псковский

Saint Nicolas Salos de Pskov

Le fait de savoir qu’Ivan le Terrible était en route pour leur cité après le carnage de Novgorod, dut être suffisant pour terroriser les citadins de Pskov. C’était le 20 février 1570, second dimanche du Grand Carême. Ivan le Terrible avait établi son camp au village de Lioubiatov à cinq verstes du Pskov. «Il vint, dit la chronique, en grande colère, comme un lion rugissant, pour mettre en pièces les innocents». Les rues de Pskov résonnaient des lamentations et des pleurs des habitants dont beaucoup fuirent dans les bois. Les plus courageux décidèrent de se barricader dans la ville et de se battre. Avec difficulté, le vice-roi de la cité, le prince aimant le Christ, Youri Tokmakov persuada les habitants de Pskov de se confier à la volonté de Dieu et de recevoir le Tzar avec soumission, dans l’espoir qu’il renonce à de nouvelles tueries. En attendant la catastrophe qui approchait, personne ne pouvait dormir. A minuit, les cloches résonnèrent pour les Matines du dimanche. Le Terrible pourrait se délecter en imaginant avec quelle sorte de sentiments les citadins allaient au temple de Dieu pour l’ultime fois, afin de supplier le Très-Haut pour qu’Il les sauve de l’ire du Tzar.

Ce matin du 20 février, les rues de Pskov se remplirent de gens qui tremblaient. Tous étaient habillés en costumes de fête et des tables avec le pain et le sel avaient été dressées, par chaque famille, pour accueillir le Tzar. Chacun se sentait condamné à mort. Au sein de cette foule sombre et terrifiée, un homme, vêtu d’une longue chemise attachée par une corde à la ceinture, déambulait pieds nus dans les rues. Insouciant, il courait d’une table à l’autre, essayant d’encourager ses concitoyens. C’était Nicolas Salos1, le fol-en-Christ !

Quand le Tzar commença à apparaître, une sonnerie de cloche festive vint en écho des cloches des tours de la cathédrale de la Sainte-Trinité et de toutes les églises de la ville. Ceux qui se tenaient aux portes se prosternaient jusques à terre, touchant de leur front le sol devant le Tzar. Le vice-roi prit le pain et le sel des mains du secrétaire de la cité et, avec un grand enclin, les présenta au Tzar. Le Terrible le regarda avec colère et repoussa le plat. Le sel tomba et se répandit dans la neige. Un frisson de terreur parcourut la foule alors que le Tzar franchissait les portes. Les citadins, prosternés jusques à terre, l’accueillirent avec le pain et le sel.

Soudain, de la foule, arriva Nicolas qui galopait sur un jouet, un bâton en guise de cheval. Il critiqua le Tzar : «Ivanouchka, Ivanouchka2, mange du pain et du sel au lieu du sang humain». Le Tzar en colère ordonna à ses gardes de se saisir de lui, mais Dieu couvrit son serviteur qui disparut dans la foule. Un souffle de vent soudain balaya la neige et glaça le sang des citadins apeurés. Une ligne de lourds nuages gris était soudain apparue à l’horizon et semblait se hâter vers la cité comme pour se joindre au Terrible dans l’accomplissement de ses inavouables desseins.

Le tzar Ivan approchait de la cathédrale. Il fut accueilli sur le porche par le père Corneille, higoumène du monastère des Grottes de Pskov et par le clergé de la ville. Ils entrèrent dans l’église et le Tzar écouta un moleben célébré pour sa santé. Comme le Tzar quittait la cathédrale, il fut à nouveau approché par le bienheureux Nicolas qui insista pour l’inviter dans sa cellule sous le clocher de la cathédrale. Le Tzar y consentit. Dans la cellule exiguë de Nicolas, une nappe propre avait été étalée sur une étagère sur laquelle il y avait un morceau de viande crue.

«Mange, Ivanouchka, mange !» dit Nicolas sentencieusement en s’inclinant cérémonieusement devant le Tzar. «Je suis chrétien et ne mange pas de viande pendant le Carême», répondit le Tzar renfrogné. «Tu fais pire que cela, remarqua le saint, tu te nourris de chair et de sang humains, oubliant non seulement le Carême mais Dieu par la même occasion».

L’âme du Terrible bouillait. Il sortit violemment de la cellule, poursuivi par le fol-en-Christ. Ivan ordonna que l’on abatte les cloches de la cathédrale et que la sacristie soit pillée. Mais le fol-en-Christ, le regardant sévèrement, lui dit : «Ne t’essaie pas à nous toucher, vagabond, quitte-nous promptement. Si tu tardes, tu n’auras pas de monture pour fuir de ce lieu» !

Le Tzar ne prêta pas attention au saint et demanda que ses ordres soient exécutés. «Si tes guerriers, proclama majestueusement le fol-en-Christ, osent toucher un seul cheveu sur le dernier des enfants de cette cité, un nuage rougeoyant sera au dessus de toi, c’est le jugement de Dieu qui est déjà au dessus de ta tête et tu n’échapperas pas à la mort par l’éclair» ! A ces paroles, les nuages bouillant d’orage qui avaient à présent gagné la ville, éclatèrent en coups de tonnerre. Les éclairs en sortaient comme des doigts enflammés. Le tzar Terrible regardait le ciel nerveusement. La peur commençait à remplir son âme. Soudain, un de ses gardes approcha en tremblant de terreur et annonça que le destrier du Tzar était mort subitement. Les paroles du fol-en-Christ frappèrent d’horreur le cœur du despote sanguinaire : «Si tu tardes, tu n’auras pas de monture pour fuir ce lieu» !

Le Terrible commença à trembler. Il se tourna vers le clergé, demanda des prières de protection, monta à cheval derrière un de ses gardes et s’enfuit en hâte de la cité.

On sait très peu de choses de la vie de saint Nicolas Salos. Selon un ancien tropaire inscrit sur sa tombe, «Nicolas naquit à Pskov mais, par son combat de folie pour le Christ, il devint citoyen de la Jérusalem Céleste».

Nous savons donc qu’il naquit dans cette cité. Il reposa en Christ le 28 février 1576. La grande estime en laquelle on le tenait est révélée par le fait qu’il fut enterré dans la crypte, sous la cathédrale. Ses reliques furent transférées plus tard dans la chapelle droite de la cathédrale de la Sainte-Trinité.

En 1581, durant l’invasion de la région par des Polonais sous leur grand roi Stephane Batory, saint Corneille et Nicolas apparurent en rêve à plusieurs personnes. Ils se tenaient devant la Mère de Dieu, la suppliant d’intercéder auprès du Christ pour les pécheurs de la cité. La Mère de Dieu leur accorda cette grâce et le Christ délivra Pskov. Une icône de cette vision fut peinte qui montre aussi saint Antoine de Kiev, le grand Prince Wladimir et les saints Princes de Pskov, Gabriel et Thimotée. Cette icône fut placée dans l’église de la Protection de la Mère de Dieu et devint source de nombreux miracles. Elle est fêtée le 1er octobre. Dès 1581, la fête de saint Nicolas de Pskov commença à être célébrée dans toute la Russie.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

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