Le saint martyr Alexandre Medem
Canonisé au
concile de Moscou en 2000, il est fêté le 23 novembre
Le martyr Alexandre — comte
Alexander, Georg, Ludwig, Julius Medem — est né à
Saint Pétersbourg en 1877. Son père était Othon Ludwigovitch et sa mère
Alexandra Dimitrievna née Narychkina. Il a été baptisé à l’église luthérienne.
Il a passé une grande partie de sa vie dans une propriété de la région de
Saratov, au bord de la Volga ; nommée « Alexandrie » :
c’était un cadeau de mariage du comte à sa jeune épouse.
Les Medem étaient une fort ancienne famille
aristocratique balte, plus précisément de Courlande (Lettonie actuelle). Othon
Ludwigovitch, juriste diplômé de l’Université de Saint Pétersbourg fut entre
autres gouverneur de Novgorod, sénateur et membre du Conseil d’État. Volontaire
mais respectueux, il sut apaiser les esprits pendant les désordres
révolutionnaires de 1905, en allant sans escorte à la rencontre du peuple et en
engageant le dialogue.
Son fils Alexandre sortit lui aussi diplômé de l’Université
de Saint Pétersbourg mais n’entra pas dans la fonction publique. Il épousa
Maria Fiodorovna Tchertkova et vécut sur ses terres en gentleman-farmer. En y
introduisant des techniques modernes, pour le travail et la conservation des
récoltes, il en fit une exploitation-modèle. Il choisissait lui-même ses
collaborateurs et les payait bien, connaissait chacun des paysans de son
domaine, et sa femme créa de ses propres deniers une école pour leurs enfants.
Ils ouvrirent une bibliothèque. Les Medem étaient aimés et respectés de tous.
C’est sur leurs terres que naquirent leurs
enfants : Fiodor (Théodore),
Sophie, Hélène et Alexandra qui furent baptisés dans la foi orthodoxe.
C’est pour les instruire dans la foi qu’en 1921 ils invitèrent l’étudiant en
théologie Vassili Nadéjdine, futur prêtre martyr, canonisé (voir le Bulletin de
la Crypte, février… 2014)
La petite Hélène naquit fortement handicapée :
sa mère avait été atteinte du choléra pendant sa grossesse. Ce fut une étape
dans la croissance spirituelle d’Alexandre, qui fit construire (1910-1913) sur
sa propriété une église Saints-Constantin-et-Hélène et rejoignit bientôt
l’Église orthodoxe.
Pendant la Première guerre mondiale, en 1915, il
organisa un train-hôpital du Zemstvo [collectivité locale] du gouvernement de
Saratov.
La famille était si unie et aimante que, même dans
la tourmente révolutionnaire, quand les propriétés brûlaient et que le sang des
aristocrates coulait à flots, la foule hurlait sur les places :
« Mort aux propriétaires terriens !...Mais pas aux
Medem ! »
Mais les Medem perdirent leur propriété avec le
Décret sur la terre, l’un des tout premiers du pouvoir bolchévique. Alors il
loua un appartement à Khvalynsk avec quelques membres de la famille et quelques
domestiques fidèles, ils s’y installèrent. Il était hors de question que toute
la famille émigre : seul Fiodor prit le chemin de l’étranger : il
s’en alla rejoindre son grand-père et son oncle Dimitri.
Les bolchéviques arrêtèrent plus d’une fois le
comte Alexandre, l’accusant d’activités contre-révolutionnaires ; il fut
même condamné à mort. Ses amis voulaient le faire évader, mais il refusa, car
le sort de sa famille eut été encore pire. La nuit avant l’exécution, il fut
autorisé à rentrer chez lui pour faire ses adieux : les époux restèrent
ensemble toute la nuit et au petit matin le régime avait changé : les
bolchéviques avaient été mis en fuite par le corps expéditionnaire
tchécoslovaque.
Une autre fois on réclama dix mille roubles pour sa
libération. Son épouse ne disposait pas d’une pareille somme et c’est le mollah
de Khvalynsk, un ami des Medem, qui avança la somme.
L’été 1919, libéré de la prison de Saratov, il dit
qu’il n’avait jamais aussi bien prié que là où la nuit, la mort frappait à la
porte et on ne savait pas de qui ce serait le tour.
Il loua quelques hectares de terres, ce qu’il avait
la force de travailler lui-même et ce fut si dur qu’il dut être amputé de
plusieurs doigts.
Les Medem fréquentaient l'église du monastère de la Sainte-Trinité de
Khvalynsk. Alexandre et d’autres paroissiens unirent leurs efforts pour s’opposer
au schisme de l’Église-vivante (cheval de Troie des bolchéviques), et soutenir
l’évêque orthodoxe Pierre (Sokolov).
Celui-ci fut arrêté l’été 1923 avec tout un groupe
de prêtres et de laïques de la région de Saratov. Un jour au cours d’un
interrogatoire, le juge d’instruction lui demanda comment il organiserait
l’élevage. Alexandre lui fit un exposé détaillé sur le sujet. Le juge
d’instruction l’écouta avec intérêt et conclut : « Hé, j’aime bien
les gens comme vous ! Mais bien sûr, nous ne vous donnerons aucun élevage
à diriger ! » L’affaire Medem se conclut par sa libération fin
octobre et il put retourner auprès des siens.
Les arrestations, les privations, les maladies, les
épreuves et le dur labeur ne firent que fortifier son âme et affermir sa foi.
Il écrivait à son fils Fiodor, en Allemagne : « Ces jours-ci tu auras 21 ans, l’âge de la majorité civile. Je prierai
avec ferveur pour toi, mon garçon, pour que le Seigneur t’aide à parcourir ton
chemin sur terre dignement et avec justice, à sauver ton âme et qu’Il te donne la
force d’âme et du corps, l’audace et une foi inébranlable. Seule la foi que
tout ne se termine pas avec notre existence ici sur terre donne la force de ne
pas s’accrocher à cette vie si peu importante pour la garder au prix de toute
vilenie et abaissement. Seul peut être libre l’homme profondément et
sincèrement croyant. Dépendre de Dieu est la seule dépendance qui n’abaisse pas
l’homme et ne le transforme pas en un esclave misérable, mais l’élève au
contraire. Je suis mauvais prêcheur, mais je veux te dire que c’est cela que je
ressens le plus pour toi et que je te souhaite. Aie une foi ferme, prie
toujours avec ardeur, et crois fermement que le Seigneur t’aidera ; ne
crains rien au monde, ne crains que le Seigneur et ta conscience guidée par
Lui, n’offense jamais personne et je pense que tu seras dans le bien. Que le
Christ soit avec toi, mon garçon, mon bien-aimé. Maman et moi pensons
constamment à toi, remercions Dieu pour toi et prions pour toi… Je t’embrasse
bien fort, je te signe de la croix et je t’aime. Que le Seigneur soit avec
toi. Ton père.
Sa femme Maria Fiodorovna le confirmait dans une
lettre à son fils Fiodor : Toutes
ces années, il a extraordinairement grandi sur le plan moral. Tant de foi, tant
de paix et de sérénité de l’âme, une liberté et une force d’esprit si
authentiques, telles que je n’en avais jamais vues dans ma vie. Ce n’est pas
seulement mon avis, qui pourrait être partial, mais tout le monde le constate.
Et c’est de cela que nous vivons, et de rien d’autre, car le fait même que nous
existons en tant que famille, sans rien avoir sinon l’espérance en le Seigneur
le prouve.
Sur la situation dans le pays,
Alexandre écrivait à son fils de ne surtout pas croire les inventions de la propagande, car en réalité
tout coûte un prix fou, la persécution de l’Église a repris, au Caucase on
enlève les dernières églises aux orthodoxes pour les donner aux tenants du
schisme de « l’Église-vivante », pour
le moment il n’y en a pas chez nous, mais tôt ou tard, ils nous atteindront.
Dans ce cas-là je serai le premier touché. Mais je n’ai pas peur, je serai même
très content. En tout est la volonté de Dieu. Nous faisons notre devoir et bien
sûr, notre sang, s’il doit couler, ne sera pas perdu en vain. Je te bénis pour
la vie, mon garçon. Vis simplement, honnêtement, en chrétien. Ne te laisse
jamais aller au découragement…. »
À l’été 1925, Alexandre eut à affronter de nouvelles épreuves : sa
femme mourut (« sans douleur, sans honte, paisible, pleinement consciente,
ayant communié », écrit-il à son fils) de tuberculose, et peu après leur
fille la petite Hélène. À la fermeture du monastère, converti en club de
l’institut horticole, Alexandre fut de nouveau arrêté et détenu à la prison de
Saratov. Libéré il alla se fixer à Syzran où il gagnait son pain en donnant des
leçons d’allemand.
À l’automne 1930, il fut arrêté une dernière fois.
En détention il fit preuve d’une rare grandeur d’âme, de sérénité et de
courage, lors des interrogatoires il fut extrêmement digne et réservé, malgré
la tuberculose qui le faisait beaucoup souffrir.
Il n’eut pas le temps d’être inculpé. Au début de
1931 la maladie s’aggrava du fait des conditions de détention et il en mourut
en prison le 1er avril 1931 à 12h30. Ses funérailles, corps non
présent, eurent lieu dans l’église de Syzran.
La propriété des Medem fut pillée, l’église
défigurée et pratiquement détruite. Mais sa restauration commencée en 2004 avec
l’aide efficace de sa petite-fille, Olga Fiodorovna von Lilienfeld-Toal, aboutit
à la reconsécration le 11 novembre 2007.
Résumé et traduction par Françoise Lhoest
d’un
article d’Olga Novikova,
paru dans
Alpha et Omega, N°2 (52), 2008,
lui-même basé sur le livre d’A.V. Naumov,
la Croix russe du comte Medem,
Saratov 2007.
La revue Alpha et Oméga fondée en 1994, a cessé de
paraître en 2011 (tous les numéros sont accessibles en version électronique),
avant la mort de sa rédactrice en chef Marina Jourinskaïa (1941-2013) et il n’a pas été possible de retrouver l’auteur de l’article.
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Video (en russe)
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