"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 10 juillet 2018

Jean-Claude LARCHET: Recension/ Patrick Koelher, Sainte-Odile. Le mont et les grâces


Patrick Koelher, Sainte-Odile. Le mont et les grâces, Éditions du Cerf, Paris, 2018, 240 p.

Le Père Patrick Koehler, recteur depuis 2010 du Mont Sainte-Odile, vient de publier un livre pour introduire le Jubilé qui, en 2020, célébrera le 1300e anniversaire de la mort de sainte Odile, patronne de l’Alsace.

Reprenant au début des chapitres des extraits de la Vita sanctæ Odiliæ virginis et se référant aussi aux scènes d’une tapisserie du XVe siècle située dans les bâtiments qui conservent les reliques de la sainte, l’auteur se sert de situations qu’ils évoquent pour faire part de ses expériences pastorales ayant un rapport avec eux, au Mont Saint-Odile et dans les lieux où il a exercé précédemment son sacerdoce. Il s’agit, dans le style catholique, d’un livre rempli de témoignages et « d’émotions » comme l’a noté un critique, qui fait une lecture de la vie de la sainte à la lumière d’expériences actuelles.

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Ce livre nous donne l’occasion de rappeler l’importance qu’a sainte Odile, une sainte orthodoxe du premier millénaire, dans le monde orthodoxe. Le Père Macaire de Simonos Pétra lui a consacré une notice sans son Synaxaire en date de sa commémoration le 13/26 décembre. Sa Vie et son tropaire ont été publiés en russe, à l’intention des nombreux pèlerins venus de Russie qui se rendent de nos jours au Mont Saint Odile, lieu où a été bâti le monastère fondé par la sainte, pour vénérer les reliques de celle-ci. Ce lieu magnifique, situé près de la ville d’Obernai sur une hauteur qui domine la plaine d’Alsace, attire aussi des pèlerins orthodoxes venus de France, de Suisse, et d’autres pays d’Europe, y compris la Grèce où un service liturgique complet (Petites Vêpres, Vêpres, Matines, Liturgie) a été composé à l’intention de sainte Odile, que l’on trouvera ici en pdf. Des reliques de la sainte sont vénérées dans plusieurs églises orthodoxes, dont celle du monastère de Pantocrator au Mont-Athos, et des icônes qui la représentent figurent dans de nombreuses sanctuaires orthodoxes. Beaucoup de fidèles orthodoxes ont été guéris de maladies ophtalmiques parfois très graves par l’intercession de la sainte qui, née aveugle, a elle-même recouvré la vue dans son enfance grâce à un miracle. Ces miracles sont souvent liés à l’application de l’eau qui coule d’une source miraculeuse située en contrebas du sanctuaire, au bord d’une route forestière qui mène à un second monastère fondé par la sainte, celui de Niedermunster, aujourd’hui en ruine. En relation avec l’un de ces miracles, un très bel acathiste à la sainte a été composé par Claude Lopez-Ginisty.


Nous donnons ci-dessous le texte de la Vie de sainte Odile, extrait des Petits Bollandistes, ainsi que son tropaire et son kondakion.


Jean-Claude Larchet


VIE DE NOTRE MÈRE SAINTE ODILE (VERS 662 – VERS 720


Sainte Odile

Du temps de l’empereur Childéric II (650-675), vivait un duc illustre nommé Adalric, aussi appelé Ethic. Il était d’origine noble. Son père Liuthéric avait exercé la fonction d’intendant au palais du susdit empereur. Le fils était honnête et voulut, quoique laïc, mener une existence spirituelle. Ce pourquoi il s’enquit d’un endroit favorable au culte divin. Adalric confia son dessein à ses fidèles, et un jour ceux‑ci purent lui signaler que des chasseurs avaient découvert sur la hauteur d’une montagne un site appelé Hohenburg [aujourd’hui le Mont-Saint-Odile, près d’Otrott dans le Haut-Rhin] en raison de la disposition des hautes fortifications : celui‑ci paraissait convenir au vœu du duc. Au temps du roi Marcellin la hauteur devait avoir été fortifiée à cause des nombreuses incursions guerrières. La situation plut au duc. Peu après il y ordonna la construction d’une église ainsi que l’édification des autres bâtiments nécessaires aux « soldats du Christ » (moines),
Adalric avait pour épouse une femme de noble lignée, du nom de Persinde, qui était la tante maternelle de saint Léger. Elle était pieuse, distribuait de larges aumônes et écoutait volontiers les Écritures Saintes. Selon la volonté de Dieu, il leur naquit une fille aveugle. Le père en conçut du désarroi car il croyait que Dieu voulait ainsi le punir d’un délit, Rien de tel, pensait‑il n’était jamais arrivé à quiconque de sa famille. C’est pourquoi il donna l’ordre de se débarrasser de l’enfant. La mère plaida la cause de l’enfant. Elle s’appuya particulièrement sur ces paroles que le Christ adressa un jour à ses disciples alors qu’ils le questionnaient à propos de l’aveugle-né : «Ni celui‑ci ni ses parents n’ont péché, mais Dieu veut manifester en lui son œuvre » (Jean 9, 3). Celle référence à l’Écriture ne consola aucunement le duc. Il se répétait que c’était pour lui une grande honte d’avoir une fille aveugle. Conformément à son ordre, la mère devait trouver une homme de confiance qui tuât l’enfant ou l’exilât en un lieu où personne ne pût l’apercevoir.

Apeurée la mère ne sut que faire de sa fille. Finalement, éclairée par l’Esprit Saint, elle trouva une solution. Elle se souvint d’une certaine femme qu’elle avait élevée depuis l’enfance dans sa maison comme l’une des leurs. On l’avait congédiée à cause d’une faute. Elle était mariée et avait un fils. Persinde fit appeler la femme et lui exposa son affliction. Touchée, celle‑ci déclara qu’elle nourrirait et élèverait la fillette jusqu’à la maturité, ce qui consola 1a duchesse Elle prit l’enfant aveugle et la posa dans les bras de la servante avec ces mots : « Je te la remets afin que tu la nourrisses, et qu’elle soit recommandée à mon Seigneur Jésus-Christ. »

La domestique accepta l’enfant avec joie, l’emmena dans sa maison et la nourrit presqu’une année entière. Des racontars commencèrent à circuler parmi les voisins au sujet de cet enfant qui recevait des soins si particuliers. De peur que le secret ne fût découvert, la servante envoya un messager à la duchesse pour l’en informer. Persinde lui donna la consigne de s’enfuir furtivement en un autre endroit nommé Balme [aujourd’hui Baume-les-Dames, situé entre Besançon et Montbéliard], et d’y cacher l’enfant ; et elle ajouta qu’elle avait là‑bas une amie qui pourvoirait à son entretien. La servante obéit et fuit avec l’enfant vers le lieu désigné. Là, elle éleva la fillette au monastère, jusqu’à ce que le Seigneur apparût en songe à un évêque nommé Erhard [évêque irlandais d’Ardagh, alors itinérant en Bavière] et lui ordonna : «Va dans un certain couvent, qui s’appelle Balme ; là tu trouveras une fillette aveugle de naissance ; tu la baptiseras au nom de la Sainte Trinité et lu l’appelleras Odile, et immédiatement après le baptême elle recouvrera la vue. » Erhard se mit aussitôt sur le chemin du monastère et baptisa la fillette par immersion dans l’eau bénite. Lorsqu’il la sortit du baptistère et oignit ses yeux du Saint Chrême, le bandeau de ses yeux se délia et elle éleva un regard clair sur l’évêque. Puis il exhorta les moniales rassemblées à s’occuper avec le plus grand empressement de la vierge consacrée au Christ. Après qu’il eût donné le baiser de paix à sa filleule, il retourna dans son pays.

Les pieuses religieuses élevèrent avec amour la vierge chrétienne et la maintinrent dans la méditation fervente des Saintes Écritures. Elle était studieuse, vigilante à la prière, rigoureuse dans l’abstinence, distribuait l’aumône autant que faire se peut, et méprisait totalement les vanités terrestres pour être plus libre de servir Celui qu’elle avait choisi.

Une révélation du Ciel informa le père que sa fille, dont il avait conclu à la mort, vivait encore et avait retrouvé la vue lors du baptême par un évêque. L’évêque ignorait celle vision. Sur le chemin du retour il fit annoncer par un messager au duc ce qui était arrivé à Balme, et le pria de se réconcilier avec sa fille.

Odile était donc au couvent et se distin­guait par son zèle à servir Dieu. Cela excita la jalousie de quelques moniales. Toutes les offenses qu’elles lui firent subir, elle les supporta par amour pour Dieu et s’efforçait de progresser quotidiennement dans la vertu. Elle avait au pays un frère de belle figure et de haute culture, que le père aimait également beaucoup. Elle lui écrivit une lettre dont elle confia l’acheminement à un pèlerin. Elle le conjura au nom de l’amour fraternel de se souvenir d’elle. Il s’en ouvrit à son père. Mais ce dernier ne voulut rien entendre du retour de sa fille et interdit à son fils d’évoquer ce sujet à l’avenir. Cependant, le jeune homme avait pitié de sa sœur minée de nostalgie ; à l’insu du père il lui envoya une voiture pour la ramener à la maison.

Alors qu’un jour le duc était assis sur une hauteur de Hohenbourg en compagnie de son fils et de ses gens, il se trouva qu’Odile, la fiancée du Christ, approcha assise dans une voiture et escortée d’une foule. Adalric leva les yeux, aperçut cet attroupement et demanda ce que cela signifiait. « C’est Odile » répliqua le jeune homme. Mais le père dit : « Qui a eu la témérité de la rappeler sans mon ordre ? » L’adolescent répondit qu’il avait fait ce geste pour sa sœur qui vivait dans une grande pauvreté. Qu’il se rendait compte à présent combien sottement il avait agi et qu’il en implorait le pardon. Saisi de fureur, le duc, du bâton qu’il tenait à la main, battit son fils avec une violence qui dépassa son intention. Il en résultat que celui‑ci contracta une maladie qui eut une issue fatale. Alors le père comprit le crime commis sur son fils. Pour celle raison il termina sa vie au monastère de Hohenbourg et s’efforça, par de nombreux actes de pénitence, par des pèlerinages à des lieux saints, d’apaiser la colère du Justicier.

Alors le père se souvint du discrédit de sa fille et la fit venir. Il avait l’intention de la traiter avec plus de bienveillance et lui confia le soin d’une religieuse britannique. On lui accorda ce qu’on octroie quotidiennement à l’entretien d’une servante. Odile l’accepta avec reconnaissance et passa un long temps au monastère d’Hohenbourg sans posséder autre chose que l’ordinaire d’une domestique.

Sur ces entrefaites sa nourrice décéda. Odile n’avait pas oublié la sollicitude avec laquelle celle‑ci l’avait nourrie autrefois. Elle ordonna de creuser une tombe et s’occupa elle‑même de son inhumation.

Quelque quatre‑vingts ans plus tard, on ouvrit la sépulture pour y adjoindre une autre dépouille. Le corps entier de la nourrice était réduit en poussière, seul le sein droit qui avait jadis alimenté l’enfant aveugle, était resté intact.

Odile vécut longtemps au monastère, satisfaite de la subsistance qu’on lui avait concédée. Son père ne l’appelait pas. et elle n’avait pas non plus l’envie de paraître devant lui sans y être convié. Alors qu’un jour Odile portait un récipient de farine sous son manteau, elle rencontra son père dans l’enceinte du couvent. Et voici que, mû par une inspiration divine, il abandonna son caractère rébarbatif et l’aborda ainsi avec douceur : « Ma très chère fille, d’où viens‑tu ? Où veux‑tu aller ? Que portes‑tu donc ? » Elle s’arrêta et répondit : « Je porte un peu de farine, seigneur, pour préparer de la nourriture et rassasier les pauvres. » Mais il lui dit : « Ne t’afflige pas d’avoir vécu jusqu’à cet instant dans la pauvreté. Grâce à la Providence tu en es dorénavant délivrée. Et le jour même il lui remit le couvent avec toutes ses dépendances et la chargea, elle et sa compagnie, de prier ardemment Dieu pour le pardon de son méfait. Peu après le duc rendit l’âme.

Comme Odile savait, par l’opinion générale et aussi par une révélation divine, que son père n’avait pu entrer au Paradis, elle implora Dieu en sa faveur en veillant, jeûnant et priant. Sa prière ne fut pas vaine.

Un jour, elle priait en toute ferveur pour la rédemption de son père en un endroit caché de la montagne sur laquelle s’étendait le monastère. Voilà que le ciel s’ouvrit, et une lumière inonda l’orante tandis qu’une voix retentit : « Odile, aimée de Dieu, ne sois plus triste, car tu as obtenu du Seigneur la délivrance de ton père ! Vois, sauvé des enfers il est conduit dans le chœur des Patriarches par des anges. » Par une prière à Dieu elle Le remercia de ce gracieux exaucement.

Odile avait environ cent trente moniales sous sa direction. La sainte mère était doublement leur guide : elle les instruisait en paroles et les stimulait par son exemple. Elle était zélée dans la prière, dans la méditation de la Parole Divine, s’exerçait à mesurer ses discours, était un modèle de sobriété à tel point qu’en dehors des jours de fête elle n’absorbait d’autres mets que du pain d’orge et des légumes. Une peau d’ours lui servait de couche, une pierre d’oreiller. Elle ne recherchait cependant pas la louange des hommes mais ne souhaitait qu’attirer l’attention de son Sauver, et pour cela elle s’acquittait de son devoir envers Dieu dans la plus grande discrétion.

Le couvent que dirigeait la vénérable abbesse s’étendait sur une haute montagne. Ainsi il était vraiment difficile d’y accéder non seulement pour les malades et les faibles, mais aussi pour les bien portants. La sainte servante de Dieu était affligée de ce que pour cette raison ils ne vinssent que rarement au monastère et qu elle ne pût leur prodiguer une réelle hospitalité. Elle rassembla donc la communauté des sœurs pour s’en ouvrir à elles, ainsi que de son dessein de construire un hospice pour l’accueil de chrétiens sur le versant de la montagne. Les compagnes approuvèrent ce projet à l’unanimité. Cependant la Sainte érigea d’abord une église qu’elle fit consacrer à saint Martin. Ensuite elle édifia également un gîte pour les pauvres. Ce logis, qui était joliment implanté et abondamment irrigué plut tant aux moniales qu’elles réclamèrent à Odile d’y construire aussi un monastère, car l’abbaye sur la montagne manquait d’eau. Elle adhéra au souhait des sœurs et bâtit un monastère qui existe encore aujourd’hui.

Alors qu’on était occupé à la construction du monastère, un homme lui apporta trois rameaux de tilleul et lui dit de les planter afin que plus tard ils soient considérés comme arbres du souvenir. Odile fil creuser trois trous. Une sœur craignit que dans ces arbres aussi, comme souvent dans de tels arbres, des vers malins ne s’installent. Toutefois l’abbesse la soulagea en l’assurant que rien de contrariant n’adviendrait jamais à ces arbres. Ensuite elle planta les trois rameaux au nom de la Sainte Trinité. Ces arbres s’épanouirent largement et dans la chaleur de l’été offrirent jusqu’à aujourd’hui une ombre rafraîchissante aux servantes du Christ.

Odile avait coutume d’accueillir la vie monastique des pèlerines tant d’Irlande que d’Angleterre. Elle recevait également avec plaisir des religieux venant de diverses régions, et demanda que quelques-uns d’entre eux lui fussent attachés comme prêtres. Puis elle acheva les deux monastères et y installa des sœurs. Pour le choix de la règle elle convoqua toutes les moniales. À la question de savoir si elles voulaient mener une existence canoniale ou régulière, elles répondirent toutes qu’elles préféreraient la vie régulière. Mais Odile n’approuva pas ce désir. Elle appuya son refus sur le fait que le site inhospitalier et pauvre en eau était impropre à la vie régulière. Les moniales se rangèrent unanimement à son avis et optèrent pour la règle canoniale. L’abbesse remercia Dieu d’une courte prière tout en implorant la bénédiction sur la communauté religieuse.

Odile s’élevait dans la sainteté comme le sapin qui aspire à la hauteur. Bien qu’invoquant de toute sa force l’aide de tous les saints, elle honorait pourtant particulièrement les reliques de saint Jean‑Baptiste parce qu’elle avait recouvré la vue grâce au baptême. C’est pourquoi elle songea aussi à édifier une église en son honneur. Comme elle souhaitait connaître le lieu où devrait être érigée l’église par l’inspiration du saint, elle se leva avant les offices nocturnes et se rendit à l’endroit qu’elle avait choisi pour la prière, et pria étendue sur un énorme rocher qui en souvenir porte encore aujourd’hui une haute croix de bois. Pendant qu’elle se livrait à l’oraison, le Baptiste lui apparut selon la tradition, nimbé d’une grande clarté, dans le vêtement avec lequel il avait baptisé le Seigneur dans le Jourdain. Une sœur, qui était chargée de donner le signal des matines, observait habituellement les étoiles pour savoir l’heure. C’est ainsi qu’elle aperçut une grande lueur. Elle s’approcha de l’endroit et vit Sainte Odile dans la lumière, mais elle ne vit pas saint Jean‑Baptiste. Alors le Baptiste révéla à sainte Odile l’emplacement de l’église et lui en indiqua aussi les dimensions. Après matines, Odile pria la sœur qui avait été témoin de l’apparition, de n’en rien trahir jusqu’à sa mort. Odile se mit immédiatement à l’ouvrage commandé par Dieu,

Un miracle se produisit au début de la construction. Les bœufs, qui tiraient vers le chantier un chariot rempli de pierres, tombèrent du haut de la montagne, d’environ soixante‑dix pieds. Tous accoururent pour achever les bœufs au cas où ils vivraient encore. On désirait en effet savourer leur viande. Par suite de l’intercession de saint Jean‑Baptiste ils trouvèrent les bœufs saufs et la voiture encore chargée. Les bœufs hissèrent ensuite de nouveau le chariot vers la construction sur un étroit sentier à peine praticable par des chevaux. Lorsque la chapelle fut terminée, Odile fit élever à côté un dortoir et les autres bâtiments et y mena avec quelques religieuses une existence retirée,

Odile avait un frère, nommé Adalbert. Celui‑ci avait trois filles appelées Eugénie, Attale et Gundelinde. Elles se sentirent poussées à quitter le monde pour se placer sous l’autorité de leur tante. Instruites par son exemple, elles voulurent servir dignement le Seigneur Jésus-Christ pour obtenir avec elle l’impérissable récompense de la vie éternelle. Odile les accueillit avec joie, les initia consciencieusement et les voua ensuite au service du Seigneur.

Plus fard il advint qu’un domestique du couvent tua son frère. Cette mort l’attrista beaucoup, ainsi que toute la communauté, C’est pourquoi elles prièrent le Seigneur de venger le méfait de telle façon que le meurtrier subît la punition méritée non dans l’au‑delà, mais dans ce monde. Leur prière fut exaucée, comme la suite le démontra, car dans sa famille aucun enfant ne naquit qui ne souffrît d’une calamité.

Au monastère il était d’usage de jeûner et psalmodier quotidiennement. Un jour de jeûne où les religieuses chantaient les psaumes dans le chœur, une servante avertit la maîtresse que le vin destiné à la communauté ne suffisait plus. Odile la consola et raffermit sa confiance dans le Christ qui nourrit des milliers de gens avec cinq pains et deux poissons. Celui‑ci pouvait aussi intervenir favorablement dans ce cas. Lorsqu’arriva l’heure de la distribution de vin, la servante se dirigea vers le tonneau qui contenait encore un petit reste – que l’on appelle « Wogin » en gaulois – et le trouva plein. Devant cette preuve des bontés de Dieu la joie régna parmi les sœurs.

À la suite de beaucoup d’exercices de mortification et de la progression constante de la vertu, la sainte vierge récolta en son âme les fruits de la sainteté. Alors le Seigneur décida que sa sainte se reposerait du travail et de la lutte et recevrait la récompense qu’elle avait méritée en ce avec une grande ardeur. Lorsqu’Odile sut que sa délivrance approchait, elle se rendit dans la chapelle de Saint Jean, y réunit toutes les sœurs et les exhorta d’aimer le Seigneur dans l’observance de ses commandements, et leur demanda aussi instamment de prier ardemment pour elle comme pour son père et sa parenté. Ensuite elle envoya les sœurs à l’église Sainte‑Marie y chanter les psaumes. Elle, cependant resta seule. Pendant qu’elles récitaient les offices des heures, son âme quitta son corps. Un parfum suave se répandit dans toute la maison. Quand les religieuses revinrent de la prière, elles trouvèrent leur mère morte. La tristesse les submergea, parce qu’elles n’avaient pas été présentes à la mort d’une âme si sainte, et que leur mère bien-aimée avait rendu son esprit sans avoir communié. En grande affliction elles supplièrent 1e Seigneur de la ressusciter. Et voyez, l’âme retourna dans le corps. La sainte servante de Dieu se redressa et réprimanda maternellement les sœurs pour leur manière d’agir. Elle avait été placée dans la compagnie de sainte Lucie par la grâce de Dieu et savouré une grande joie qu’aucun être humain ne pourrait décrire. Mais maintenant le poids de l’imperfection reposait de nouveau sur elle. Pour se justifier, les sœurs avancèrent qu’elles avaient procédé de la sorte pour qu’on ne les accusât pas de négligence si elle avait expiré sans la communion. Elle la prit de ses propres mains, se l’administra elle-même et rendit l’âme devant toutes. Ce calice est toujours conservé au couvent en souvenir de cet événement.

Les servantes de Dieu inhumèrent alors avec grand respect le saint linceul dans cette chapelle sur le côté droit devant l’autel de saint Jean Baptiste. Le doux parfum qui s’était déjà répandu persista encore huit jours. De même l’on parla de plusieurs miracles qui survinrent là après sa mort, On ne doit pas s’étonner que sainte Odile ait voisiné avec la sainte vierge et martyre Lucie, comme elle le dit elle-même ; car au temps des persécutions elle n’aurait pas soustrait sa tête au glaive. Elle mourut, ou plutôt échangea la vie terrestre contre une vie meilleure, le treize décembre.



Sainte Odile

Tropaire, ton 4 :

Comme l’aveugle de naissance dans la piscine de Siloam,* tu as trouvé la vue dans les fonts baptismaux. * Tu as vu par les yeux corporels et spirituels,* tu as voulu servir le seul Seigneur,* tu as acquis la grâce par la sagesse en Dieu * et par de nombreux labeurs.* Aussi, nous te louons comme une fille de la lumière, vénérable Mère Odile,* afin que par tes prières, le Christ, la Lumière véritable,* illumine nos âmes et nous conduise dans les tabernacles célestes.


Kondakion, ton 3 :

Ton père, ignorant la puissance de Dieu qui s’accomplit dans la faiblesse,* fut rempli de colère et de fureur et souhaitait te livrer à la mort.* Pourtant il connut dans des grands signes la volonté du Seigneur,* et t’installa dans le monastère sur la montagne élevée.* Et toi, comme un luminaire radieux,* tu as éclairé tous ceux qui cherchaient le salut,* et tu rassemblas une multitude de vierges sages.* Maintenant, alors que tu te tiens dans les cieux, glorieuse Odile,* tu abreuves d’abondants flux de grâce ceux qui accourent à tes reliques.


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