En ces temps où certains hiérarques orthodoxes (?) parlent encore de la levée des anathèmes (acte sans aucune valeur car les raisons de l’anathème n’ont jamais disparu, et de nombreuses hérésies ont été ajoutées!), en disant en outre que jamais l’Eglise Orthodoxe n’a considéré l’église latine de Rome comme hérétique, il semble utile de lire ce qu'écrivait le saint prêtre Epiphane [Theodoropoulos], dans sa lettre adressée au Patriarche Athénagoras de Constantinople, d'autant plus que les attitudes qu'il mentionne sont, hélas, toujours d'actualité, et que la situation a empiré depuis ses remarques salutaires, et les compromis phanariotes n'ont pas cessé, bien au contraire. C.L.-G.
Père Epiphane de bienheureuse mémoire!
Lettre ouverte au Patriarche Œcuménique
Votre Toute Sainteté,
Depuis quelques années
maintenant, le corps de l’Eglise Orthodoxe, le corps religieux conscient, se
tient en spectateur angoissé devant les acrobaties dangereuses pour la foi du
Premier Evêque de l’Orthodoxie. En bref, afin que nous puissions éviter une
autre sorte d’acrobatie, dans laquelle votre conduite et celle de quelques uns
de vos représentants vis-à-vis du Pape et de la papauté, jettent les véritables
enfants orthodoxes de l’Eglise, non seulement dans une indicible affliction,
mais dans une terrible épreuve spirituelle.
Vous agissez avec le Pape dans
tous les domaines ecclésiastiques comme si nous vivions au Ve siècle de l’ère
chrétienne. Vous vous soumettez aux désagréments de longs voyages pour le
rencontrer. Vous échangez avec lui de tendres étreintes et des baisers
fraternels. Vous l’appelez « Premier Evêque de la Chrétienté » et
vous –même le second. Vous proclamez urbi
et orbi qu’aucune différence ne sépare les deux églises. Vous priez avec ses
représentants, et vous vous conduisez envers eux presque comme vous le faites
avec des évêques orthodoxes. Vous levez les excommunications qui, même si elles
avaient été imposées par la force des impressions d’événements momentanés d’une
acuité sans précédent comme réaction à de tels événements, elles expriment
néanmoins l’esprit catholique [id est universel]de
l’Orthodoxie immaculée et théophore, et elles ne constituaient rien moins
qu’une simple application, en effet longtemps remise à plus tard, des ordonnances
du Droit Canonique de l’Eglise, qui impose l’expulsion de son sein construit
par Dieu des brebis incurables et mortellement malades, c’est-à-dire des
hérétiques et des corrupteurs de la Foi.
Votre Toute Sainteté :
Laquelle de ces choses est arrivée ?
Le Pape a-t-il rejoint l’Orthodoxie ou bien vous la papauté ? S’il s’agit
de la première hypothèse, proclamez-le afin que nous puissions joyeusement le
célébrer et danser. Si c’est la seconde, parlez avec sincérité et droitement
afin que nous puissions nous assurer qu’avec l’ancienne, la Nouvelle Rome est
détruite et a plongé dans l’hérésie. Si aucune de ces choses n’est arrivée,
mais que vous et le Pape, restez dans vos limites, alors comment expliquer vos
actions ? Comment est-il possible au Pape hérétique d’être le Premier
Evêque de la Chrétienté et vous le second ? Depuis quand notre Eglise
a-t-elle compté les évêques des hérétiques avec les évêques orthodoxes ?
Utilisez-vous le langage de l’acribie [exactitude]dogmatique et canonique, ou
bien celui de l’hypocrite dissimulation diplomatique ? Etes-vous évêque ou
diplomate ? Et, de plus, comment est-il possible que les pénalités
canoniques de l’Eglise soient levées, lorsque leur objet (l’hérésie), continue
non seulement à exister, mais augmente avec prospérité, s’élargit, et
exulte ? Même s’il n’existait pas d’excommunications contre les papistes
pour leurs changements inconsidérés de la foi, elles devraient être prononcées
aujourd’hui par consentement mutuel par toutes les Eglises orthodoxes, en conformité
avec les prescriptions clairement établies des Sacrés Canons. Comment et
pourquoi si ces prescriptions existent, sont-ils levés [les anathèmes] ?
Votre Toute Sainteté :
Il est dit que vous agissez comme
vous le faites afin, en vous liant d’amitié avec le Vatican puissant dans le
monde, de pouvoir opposer aux menaces turques, la splendeur et la puissance
obtenues par cette alliance, et ainsi raffermir le trône de la cité autrefois
régnante, qui est violemment menacé et ébranlé. Si cela est vrai, vous êtes à
la fois trompé et vous vous efforcez en vain. Votre Toute Sainteté, avons-nous
l’Alliance de Dieu, oui ou non ? Si oui, alors «un seul en poursuivra un millier et deux en feront fuir
dix-mille »; Et puis si les flots s’élèvent, ou la haute mer, ou la
colère des sauvages turcs, ce sera pour nous moindre qu’une toile
d’araignée ; alors « les
déserts du Jourdain fleuriront, et
se réjouiront » et « Alors le boiteux sautera comme un cerf, et la
langue du muet éclatera de joie. » « et « sachez-le nations, vous serez vaincues, car Dieu est avec nous ! ».
Sinon, pour quelle raison « mettons-nous
notre confiance dans les princes, dans des fils d’hommes en qui il n’y a pas de
salut » ? Alors, votre Toute Sainteté, les paroles du prophète
s’appliquent à nous : « Malheur
à ceux qui descendent en Égypte pour avoir du secours, Qui s'appuient sur des
chevaux, Et se fient à la multitude des chars et à la force des cavaliers, Mais
qui ne regardent pas vers le Saint d'Israël, Et ne recherchent pas l'Éternel! Lui aussi, cependant, il est sage, il fait venir le
malheur, Et ne retire point ses paroles; Il s'élève contre la maison des
méchants, Et contre le secours de ceux qui commettent l'iniquité. L'Égyptien
est homme et non dieu; Ses chevaux sont chair et non esprit. Quand l'Éternel
étendra sa main, Le protecteur chancellera, le protégé tombera, Et tous
ensemble ils périront. » (Isaïe 31.1-3)
Votre Toute Sainteté :
Il est dix mille fois plus préférable pour
le trône historique de Constantinople d’être déraciné et replanté sur un île
déserte de la mer, ou même d’être englouti dans les profondeurs du Bosphore,
plutôt que de dévier, même de la moindre manière, de la voie dorée des Pères
qui d’une seule voix clament : « Il n’y a pas de place pour le
compromis en matière de foi orthodoxe. » Les sept chandeliers de
l’Apocalypse ont été éteints depuis longtemps à cause de vos péchés. Les Sept
Eglises Apostoliques, déglises ayant le très grand honneur de recevoir, elles
en particulier, des lettres du Ciel par le théopte inspiré de Patmos [id est
saint Jean le Théologien], ont disparu de la surface de la terre.Et là où, un
jour, étaient accomplis les mystères redoutables et où l’hymne trinitaire était
chanté, peut-être qu’à présent des hiboux y ululent ou bien « des monstres y dansent. » Cependant,
l’Epouse du Seigneur n’est pas morte. L’Eglise du Christ n’a pas disparu. Elle
continue son passage à travers les siècles, blessée et sanglante comme son
Fondateur, mais toujours vivante et indomptable, illuminant, déversant la chaleur et la vie, et
sauvant les âmes. Elle ne mourra jamais, donc, même si le Trône œcuménique
était déplacé et ou détruit. Aucun orthodoxe ne prie pour le transfert ou la
destruction du Trône Œcuménique. A Dieu ne plaise ! Mais cependant,
personne ne sacrifiera pour lui un iota ou un droit de la Foi Orthodoxe. Luttez
pour cela de toutes vos forces. Vous n’en avez simplement pas le droit ;
vous devez assurer votre trône. Sacrifier pour lui toute chose : argent,
possessions, honneur, gloire, trésors de valeur, diacres, presbytres, évêque,
et même le Patriarche Athénagoras ! retenez une seule chose, gardez une
seule chose, ne sacrifiez pas une seule chose : la Foi Orthodoxe. Le Trône
Œcuménique n’a de valeur et d’utilité que s’il projette à l’extérieur sur toute la terre, la douce Lumière de
l’Orthodoxie sans déclin.
Les phares ne sont utiles que s’ils éclairent la
voie de ceux qui voyagent en mer, pour éviter les récifs. Quand leur lumière
est éteinte, alors ils ne sont pas seulement inutiles, mais aussi néfastes, car
eux-mêmes se transforment en dangers.
Votre Toute Sainteté :
Vous vous êtes déjà avancé très
loin. Vos pieds ont franchi le Rubicon. La patience de milliers d’âmes pieuses,
clercs et laïcs, est progressivement épuisée. Pour l’Amour de Dieu, faites demi-tour.
Ne veuillez pas créer des schismes et des divisions dans l’Eglise. Vous essayez
d’unir ceux qui sont séparés, et la seule chose que vous parviendrez à faire,
sera de diviser ceux qui sont unis, et ouvrir des fissures dans un terrain qui
jusques à ce jour était ferme et solide. Reprenez vos esprits et
réveillez-vous ! Mais hélas, vous êtes allé loin. « […] le soir
approche, le jour est sur son déclin. ». Comment allez-vous voir les abîmes béants
où mène bientôt la voie sur laquelle vous cheminez ? Serait-il possible, ô
serait-il possible, « que Celui Qui
un jour arrêta le soleil sur Gabaon et la lune sur la vallée d’Ajalon »
répète ce miracle et à nouveau allonge le jour et ouvre vos yeux, afin que vous
puissiez voir, comprendre, et revenir.
Avec un profond respect,
LES TROIS HIERARQUES
*
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
THE ORTHODOX WORD
Vol 2/ N° 4/ pp. 111-114
Note: Cette lettre parut dans le
périodique religieux grec LES TROIS HIERARQUES en décembre 1965 ( N° 228),
comme éditorial. Elle fut écrite spécialement pour ce numéro par un des clercs
grecs les plus érudits de la Grèce, l’archimandrite Epiphanios [Theodoropoulos] de bienheureuse mémoire.
*
1 commentaire:
Merci, cher Claude, pour ce billet qui remet bien les choses au point.
Moinillon
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