"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 26 octobre 2015

Métropolite Philarète (ERHF): Une protestation adressée au Patriarche Athénagoras de Constantinople Sur la levée des anathèmes de 1054


En ces temps où certains hiérarques orthodoxes (?) parlent encore légèrement de la levée des anathèmes (acte sans aucune valeur car les raisons de l’anathème n’ont jamais disparu, et de nombreuses hérésies ont été ajoutées!), en disant en outre que jamais l’Eglise Orthodoxe n’a considéré l’église latine de Rome comme hérétique, il semble utile de lire ce qu'écrivait le saint Métropolite Philarète (ERHF), dans sa lettre adressée au Patriarche Athénagoras de Constantinople..  C.L.-G.
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Métropolite Philarète

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2/15 décembre 1965

Votre Sainteté,

Nous avons reçu un héritage des Pères de l'Église qui stipule que tout dans l'Église devrait être fait d'une manière légale, à l'unanimité, et en conformité avec les traditions anciennes. Si l'un des évêques et même l’un des primats de l'une des églises autocéphales fait quelque chose qui ne soit pas en accord avec l'enseignement de l'Église tout entière, chaque membre de l'Église peut protester contre cela. Le 15ème Canon du Premier et du Deuxième Concile de Constantinople de l'année 861 décrit comme «digne de profiter de l'honneur qui leur convient parmi les chrétiens orthodoxes" ces évêques et ecclésiastiques qui cessent la communion même avec leur patriarche, s’il prêche publiquement l'hérésie et l’enseigne ouvertement dans l'Eglise. De cette manière, nous sommes tous les gardiens de la vérité de l'Eglise, qui a toujours été protégée par le fait de veiller à ce que rien d'importance générale pour l'Eglise ne soit fait sans le consentement de tous.

Par conséquent, notre attitude envers différents schismes à l'extérieur des limites locales des églises autocéphales particulières n'a jamais été déterminée autrement que par le consensus commun de ces églises.

Si au début, notre séparation d'avec Rome a été déclarée à Constantinople, ainsi, plus tard, elle est devenue un sujet de préoccupation pour l'ensemble du monde orthodoxe. Aucune des églises autocéphales, et en particulier pas l'Église très estimée de Constantinople à partir de laquelle notre Église russe a reçu le trésor de l'Orthodoxie, ne peuvent changer quoi que ce soit à cette affaire, sans le consentement préalable de tout le monde. En outre, nous, les évêques en place à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas prendre de décisions par rapport à l'Occident, qui seraient en désaccord avec l'enseignement des Saints Pères qui ont vécu avant nous, en particulier les saints Photius de Constantinople et Marc d'Ephèse.

À la lumière de ces principes, bien qu'étant le plus jeune des primats, à la tête de la partie libre et autonome de l'Eglise de Russie, nous considérons qu'il est de notre devoir d'exprimer notre protestation catégorique contre l'action de Votre Sainteté en référence à votre déclaration solennelle simultanée avec le pape de Rome en ce qui concerne la suppression de la peine d'excommunication faite par le Patriarche Michel Cérulaire en 1054.

Nous avons entendu de nombreuses expressions de perplexité quand Votre Sainteté à la face du monde entier effectue quelque chose de tout à fait nouveau et incongru pour vos prédécesseurs, ainsi qu’incompatible avec le 10e Canon des Saints-Apôtres lors de votre rencontre avec le Pape de Rome, Paul VI, à Jérusalem. Nous avons entendu dire que, après cela, de nombreux monastères de la Sainte Montagne de l’Athos ont refusé de mentionner votre nom à des services religieux. Disons-le  franchement, la confusion était grande. Mais maintenant, Votre Sainteté va encore plus loin quand, seulement de par votre propre décision avec les évêques de votre Synode, vous annulez la décision du Patriarche Michel Cérulaire acceptée par l'ensemble de l’Orient orthodoxe. De cette façon, Votre Sainteté agit contrairement à l'attitude acceptée par l'ensemble de notre Eglise en ce qui concerne le catholicisme romain. 

Ce n’est pas une question de telle ou telle évaluation du comportement du cardinal Humbert. Il n’est pas question d'une polémique personnelle entre le Pape et le Patriarche qui pourrait être facilement résolue par leur pardon chrétien mutuel; Non, l'essence du problème est dans l'écart par rapport à l'Orthodoxie qui a pris racine dans l'Église romaine au cours des siècles, en commençant par la doctrine de l'infaillibilité du Pape qui a été définitivement formulée au premier concile du Vatican. 

La déclaration de Votre Sainteté et du Pape, et avec de bonnes raisons, reconnaît votre geste de « pardon mutuel» comme insuffisant pour mettre fin à l'ancienne et aux plus récentes des différences. 

Mais plus que cela, votre geste met un signe d'égalité entre l'erreur et la vérité. Pendant des siècles, tout l'Eglise Orthodoxe crut avec raison qu'elle n’avait violé aucune doctrine des saints conciles œcuméniques; alors que l'Eglise de Rome a mis en place un certain nombre d'innovations dans son enseignement dogmatique. Plus de telles innovations ont été introduites, plus profonde devait devenir la séparation entre l'Occident et l'Orient. 

Les déviations doctrinales de Rome au XIe siècle ne contenaient pas encore les erreurs qui ont été ajoutées plus tard. Par conséquent, l'annulation de l'excommunication mutuelle de 1054 aurait pu avoir du sens à ce moment; mais maintenant c’est seulement une preuve d'indifférence à l'égard des erreurs les plus importantes, à savoir les nouvelles doctrines étrangères à l'Eglise ancienne, dont certaines, ayant été exposées par saint Marc d'Ephèse, et qui étaient la raison pour laquelle l'Église rejeta l'Union des Florence.

Nous déclarons fermement et catégoriquement:

Aucune union de l'Église romaine avec nous n’est possible jusqu'à ce qu'elle renonce à ses nouvelles doctrines, et aucune communion dans la prière ne peut être restaurée avec elle sans une décision de toutes les églises, ce qui, cependant, ne peut guère être possible avant la libération de l'Eglise de Russie qui à l'heure actuelle doit vivre dans les catacombes. La hiérarchie qui est maintenant sous le Patriarche Alexis ne peut pas exprimer la véritable voix de l'Église russe, car elle est sous le contrôle du gouvernement athée. Les primats de certaines autres églises dans les pays dominés par les communistes, ne sont pas libres non plus.

Alors que le Vatican est non seulement un centre religieux, mais aussi un état, et considérant que les relations avec lui ont aussi un caractère politique, comme en témoigne la visite du pape à l'ONU, il faut compter avec la possibilité d'une influence dans certains sens des autorités impies dans les affaires de l'Eglise de Rome. L'histoire témoigne du fait que les négociations avec les hétérodoxes sous la pression de facteurs politiques n’ont jamais apporté autre chose à l’Église, que la confusion et des schismes. Par conséquent, nous jugeons nécessaire de faire une déclaration pour dire que notre Eglise orthodoxe russe à l'étranger ainsi que, certainement, l'Eglise russe, qui est à l'heure actuelle dans les catacombes, ne consentira pas à des «dialogues» avec les autres confessions et rejette l'avance tout compromis avec elles; trouver l'union avec elles n’est possible que si elles acceptent la foi orthodoxe comme elle s'est maintenue jusqu'à maintenant dans la Sainte Eglise, Catholique et Apostolique [id est Orthodoxe]. Comme ceci n’est pas le cas, l'excommunication proclamée par le Patriarche Michel Cérulaire est toujours valide, et l'annulation de celle-ci par Votre Sainteté est un acte à la fois illégal et non avenu.

Certes, nous ne sommes pas opposés aux relations bienveillantes avec des représentants d'autres confessions, tant que la vérité de l'Orthodoxie n'est pas trahie. Par conséquent, notre Église en son temps a accepté l'invitation à envoyer ses observateurs pour le Concile Vatican II, ainsi que l'habitude d'envoyer des observateurs aux Assemblées du Conseil œcuménique des Eglises, afin de disposer d'informations de première main en ce qui concerne le travail de ces assemblées sans aucune participation dans leurs délibérations.

Nous apprécions l'accueil bienveillant de nos observateurs, et nous étudions avec intérêt leurs rapports montrant que de nombreux changements sont introduits dans l'Eglise romaine. Nous remercierons Dieu si ces changements servent la cause de la rapprocher de l'Orthodoxie. Toutefois, si Rome a beaucoup à changer afin de revenir à "l'expression de la foi des Apôtres," l'Eglise orthodoxe, qui a maintenu la foi impeccable jusqu'à présent, n'a rien à changer.

La Tradition de l'Église et l'exemple des saints Pères nous enseignent que l'Eglise ne poursuit pas de dialogue avec ceux qui se sont séparés de l'Orthodoxie. Plutôt que cela, l'Eglise leur adresse un monologue, en les invitant à revenir en son sein par le rejet de toutes les doctrines dissidentes.

Un vrai dialogue implique un échange de vues avec une possibilité de convaincre les participants d’atteindre un accord. Comme on peut le percevoir dans l'Encyclique "Ecclesiam Suam", le Pape Paul VI comprend le dialogue comme un plan pour notre union avec Rome avec l'aide d'une formule qui, cependant, laisse inchangée ses doctrines, et en particulier sa doctrine dogmatique de la position du Pape dans l'Eglise. Cependant, tout compromis avec l'erreur est étranger à l'histoire de l'Eglise orthodoxe et à l'essence de l'Eglise. Cela ne pourrait pas apporter une harmonie dans la confession de la foi, mais seulement une unité extérieure illusoire similaire à la conciliation des communautés protestantes dissidentes dans le mouvement œcuménique.

Puissent de telles trahisons contre l'Orthodoxie ne pas avoir lieu entre nous.

Nous demandons sincèrement à Votre Sainteté pour mettre fin à la confusion, parce que la voie dont vous avez choisie de suivre, même si cela vous amènera à une union avec les catholiques romains, provoquerait un schisme dans le monde orthodoxe. Sûrement même que beaucoup de vos enfants spirituels préféreront la fidélité à l'Orthodoxie au lieu de l'idée d'une union compromettante avec les hétérodoxes sans leur pleine harmonie avec nous dans la vérité.

Demandant de vos prières, je demeure l’humble serviteur de votre Sainteté,

+ Métropolite Philarète
Président du Synode des Évêques de
L’Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières

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