"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 27 février 2010

Le cheminement secret d'un chef amérindien Mohawk vers l'Orthodoxie (II)




Takwaién:a karonhiá:ke tehsí:teron
Aiesahsén:naien
Aiesawenniióhstake
Aiesawennaráhkhwake nonhwentsiá:ke
Tsi ní:ioht né karoniá:ke tiesawennaráhkhwa
Takwá:nont né kenwénte
Niationnhéhkwen, nia'tewenhniserá:ke
Sasa'nikónr:hen né ionkwarihwané:ren
Tsi ní:ioht ní:'i tsonkwa'nikór:henhs
Bothé:nen ionkhi'nikonhrasksá:tha nón:kwe.
Nok tóhsa aionkwa'shén:ni né karihwané:ren
Akwé:kon é:ren shá:wiht né io'taksens
Asekenh í:se sáwenhk né io'taksens
Asekenh í:se sáwenhk né kanakeráhsera'
Ka'shatstenhsera, kaia'tanehrakwáhtshera
Tsi nienhén:we e'thó naiá:wen


Beaucoup de temps s'était écoulé, lorsque je décidai de lui rendre visite à nouveau. Cette fois, j'y suis allé avec deux de mes amis dans une petite voiture. Equipés de magnétophones et de microphones, nous sommes partis par un matin ensoleillé pour son village de Caughnawaga. Il avait suggéré que l'on se rencontre à la station de radio des Indiens car il était animateur à la radio depuis plusieurs années, et il nous avait promis des promenades et des conversations sur leur territoire.

Nous l'avons trouvé à la station de radio du village, avec des écouteurs sur les oreilles, faisant la lecture de la prière du matin dans chaque langue indienne. Puis en français et en anglais. Naturellement son auditoire n'a pas... pu détecter qu'il faisait le signe de croix orthodoxe.

Nous avons attendu avec respect qu'il ait fini... Il a enlevé son casque et s'est approché de nous ... Il était plus bavard que d'habitude, et plein d'entrain.

- Que voudriez-vous que je vous dise? A-t-il demandé chaleureusement. Et que pourriez-vous jamais avoir eu envie d'apprendre de moi?

- Dis-nous ce que tu veux, a répondu Gregory. Disons, par exemple, quelque chose sur ton peuple, tes fêtes, ta mission...

- Tu vas trop vite, interrompit-il. Une chose à la fois. Eh bien, mon peuple ...

Il lui a fallu un certain temps pour formuler sa réponse. Il était assis dans un fauteuil, mais a estimé qu'il n'était pas confortable pour lui... il l'a abandonné et s'est assis sur le porche avec nous... il préférait être sur le même plan que nous...

"Mon peuple est simple, comme sa nourriture. Le chef de la tribu est un homme, mais il est élu par le conseil des femmes agées de la tribu. Tous nos rituels de groupe ont lieu dans la "longue maison". Elle a deux portes. Les hommes entrent par la porte de l'Est et les femmes par celle de l'Ouest. Il s'agit d'un édifice simple, comme le sont la plupart de nos rituels. Lors de nos mariages, la bénédiction des anciens fait partie intégrante du rituel. Au cours de nos funérailles, tant pour les hommes que pour les femmes, lorsqu'ils sont amenés dans la "longue maison" ils entrent par des portes distinctes, mais la tête du défunt fait toujours face à l'Est. Après neuf jours, nous préparons le repas de funérailles, mais sans sel... "

Tout à coup il se leva brusquement, parce que le disque qu'il avait choisi pour être joué à la radio était bloqué. Il a mis un autre disque, a fait une annonce, et il est revenu vers nous...

"De quoi parlait-on? Ah, oui! Les rituels. Je vais vous montrer la longue maison, avant qu'il ne fasse trop sombre... Alors, nos célébrations... L'année entière est une célébration (il éclate de rire). Nous avons la fête de la moitié de l'hiver (qui dure quatre jours), nous avons le Festival de la neige, le festival de la première floraison, de la première récolte, c'est-à-dire des baies, le festival de la moisson abondante (Thanksgiving), le festival du battage (4 jours), le festival du surplus, de la pluie et des semailles, et le cycle recommence... C'est quelque chose comme un calendrier ecclésiastique de notre terre sainte... "

Il prit une autre respiration profonde et continua:

"Nous ne parlons pas beaucoup, et nous ne mangeons pas beaucoup, nous ne vous fâchons pas souvent, nous aimons ce qui nous a été donné et nous remercions en permanence pour les dons généreux..."

- Est-ce que par hasard tu aurais du tabac? M'a-t-il demandé.

- Non, dis-je.

- Vous savez, nous mâchons notre tabac, en d'autres termes, nous le mangeons. Nous ne le fumons pas. Lorsqu'on le fume, il se transforme en air, tandis que si on le mange, il devient un avec nous, et l'on bénit la terre qui nous l'a donné... Maintenant, que m'as-tu demandé d'autre? Ah, oui! A propos de ma mission...

"Que puis-je dire? Mon peuple en a eu assez des missionnaires. Ils viennent ici depuis des années, principalement pour prendre plutôt que pour donner... Ils n'ont jamais montré aucun intérêt à ce que nous avons. Ils ont juste apporté leur rouleau compresseur, ils ont tout aplati, puis ils se sont embarqués pour faire leurs ... semis évangéliques.

Mais ce Serbe était différent. Il a effectivement donné quelque chose par sa présence... Il n'a rien pris de nous, sauf un morceau de notre cœur. C'est ce que j'ai aimé, quand j'ai lu plus tard, l'histoire de saint Germain d'Alaska et des missionnaires orthodoxes parmi les Eskimaux... il est impossible pour l'esprit de ne pas faire de comparaisons... quand bien même il essaierait de toutes ses forces de ne pas le faire.

Je me souviens encore de ce jésuite, qui m'a dit en face qu'on lui avait demandé d'enseigner la spiritualité. Quand il a quitté notre maison, ma mère a secoué la tête en signe de désapprobation, en disant: "Nous, mon enfant sommes un peuple spirituel, tandis que lui, même si son Christ venait à lui lui, il Le ferait s'asseoir pour lui prêcher..."

- Y a-t-il d'autres orthodoxes parmi les Indiens? A demandé à nouveau Gregory.

- J'ai rencontré un Esquimau orthodoxe à Plattsburg et un de plus - un très grand Mis Mac. Il y en a peut-être d'autres, je ne suis pas au courant. Mais à l'hôpital indien nous avons deux médecins serbes, les Moscovitch. Ces gens sont de véritables joyaux, ils ont un amour particulier pour notre monde, et ils offrent toute leur aide. "

Lesley le regarda droit dans les yeux.

- Parle-nous si tu le veux de cette histoire avec les masques indiens *. C'était dans tous les journaux et ils ont tous évoqué ton nom. Qu'est-il arrivé exactement?

Vladimir assis, les jambes croisées, et après avoir pris quelques minutes pour réfléchir, me répondit:

"Pour nous, ces masques sont sacrés. Nous les gardons toujours dans l'obscurité, et nous les protégeons avec un tissu de soie. Ils représentent... le personnage saint que nous recherchons. Nous le trouvons dans le silence, dans l'obscurité, où l'on trouve aussi la lumière de notre âme. Notre âme n'est jamais affichée dans des expositions, ou en éclairage artificiel... Ceux qui ont organisé l'exposition ont perdu tout sens de ce qui est sacré, et c'est pourquoi ils s'efforcent de "doucement" le supprimer de nos âmes aussi... Nous aimons la terre, parce qu'elle sait se taire et être fructueuse. Nous avons appris à l'aimer avec humilité, et à l'honorer... C'est quelque chose comme la Sainte Mère de l'Orthodoxie... puisque vous aimez les analogies. Mais, j' en ai trop dit... Levez-vous à présent, et je vais vous montrer mon village... "

(A suivre)

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

* Pour l'information du lecteur, je vais brièvement signaler les événements. Le gouvernement canadien avait décidé d'ouvrir un nouveau musée dans l'Ouest canadien, dans la ville de Calgary, où seraient exposés entre autres un certain nombre de masques indiens, qu'il avait empruntés de manière "peu orthodoxes" d'une maison longue, comme objets folkloriques... Ceci a provoqué l'indignation des Indiens, qui ont demandé à Vladimir de se pencher sur la question, de visiter l'exposition aux frais du gouvernement et de donner son avis à son peuple ainsi qu'au gouvernement...

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