"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 5 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Saint Isidore de Rostov



Saint Isidore de Rostov
(14 mai)

Le bienheureux Isidore vécut au milieu du xve siècle. Bien que slave par naissance, il vécut à Brannbor (Brandenbourg), une des plus anciennes cités de Prusse. En ces temps-là, les Slaves de cette région étaient durement persécutés par les Allemands afin de les convertir de force au catholicisme romain.
Quand il fut majeur, se sentant encerclé par la foi latine, Isidore résolut d’aller habiter un pays chrétien orthodoxe. Bien qu’il fût d’une classe de marchands prospères, Isidore se débarrassa volontairement de sa richesse et abandonna ses parents et son héritage pour l’amour du Christ.
Nous ne savons pas exactement quand Isidore arriva en Russie mais quand il y fut enfin, il se mit à voyager d’une ville à l’autre, jusques à atteindre la ville très peuplée de Rostov où il s’installa. Le fol-en-Christ trouva une aire marécageuse dans la cité, y choisit un site élevé au dessus de l’eau sur lequel il bâtit une petite hutte de broussailles. Cet abri ne le protégeait ni du chaud, ni du froid, car il n’était pas couvert : il ne faisait que dérober aux yeux des gens ses combats spirituels quand il priait. Saint Isidore passait son temps aux occupations habituelles des fols-en-Christ. La nuit, il priait sans cesse, s’accordant occasionnellement de courts laps de sommeil. Il passait ses journées dans les rues de la ville ou les marchés, à feindre volontairement la folie, reposant parfois son corps las sur un tas d’ordures ou de fumier. Il enseignait ceux qui pouvaient l’être, adressant des reproches aux méchants et il remit de nombreuses âmes sur le chemin du salut. La nuit, il priait pour ceux qui l’avaient offensé et pour ceux qu’il voyait engloutis dans les péchés.
«O, Isidore, l’entendait-on dire quelquefois, tu dois entrer dans le Royaume des Cieux à travers beaucoup d’épreuves» !
L’amour du Seigneur était très grand chez Isidore et le Seigneur l’aimait car il glorifia son serviteur par le don des miracles et de la prophétie.
Un jour, relate le biographe du saint, un marchand de Rostov était avec des amis en mer, durant une terrible tempête. Le bateau ayant probablement heurté un banc de sable cessa soudain d’avancer et commença à être brisé par les vagues. La forte puissance de la mer menaçait de le détruire. Tous ceux qui étaient présents sur le bateau en étaient conscients et, au désespoir, se préparaient à mourir. Mais alors, désespérés, imitant en cela ceux qui voyageaient avec le prophète Jonas, les voyageurs décidèrent de tirer au sort le nom des passagers, pensant que le bateau s’était arrêté à cause du crime de l’un deux. Le sort tomba sur le marchand de Rostov. L’équipage jeta immédiatement le marchand par-dessus bord avec un tronc d’arbre.
Ayant été précipité dans la mer en furie, l’infortuné marchand commença à se rendre à l’idée de la mort. Soudain, le bienheureux Isidore lui apparut, marchant sur la mer comme à pieds secs. Le saint prit le marchand par la main et lui demanda : «Me reconnais-tu» ? Le pauvre homme était à peine capable de respirer. «Je suis le serviteur de Dieu, Isidore». «Aide-moi» ! Le bienheureux Isidore mit le marchand sur le bois et, immédiatement, comme poussée par une main invisible, la poutre commença à suivre le bateau qui s’éloignait. Quand elle arriva à hauteur du bateau, le marchand se retrouva soudain debout sur le pont. Quand les autres voyageurs virent le camarade qu’ils avaient abandonné soudain présent au milieu d’eux, ils furent frappés de terreur et glorifièrent la miséricorde de Dieu.
Le bienheureux Isidore ne voulait pas de la gloire des hommes et avait donc strictement interdit au marchand de raconter ce qui était exactement arrivé.
Bien sûr, les autres passagers et l’équipage ne restèrent pas silencieux sur ce qu’ils avaient vu du miracle mais, quand ils supplièrent le marchand rescapé de donner des détails à ce sujet, il dit que Dieu l’avait sauvé par l’action particulière de sa grâce. Dès que le saint reposa en Christ, le marchand se précipita alors pour dire à tous les détails du grand miracle et toute la cité glorifia Dieu qui est «admirable dans ses saints».
Un autre épisode de sa vie témoigne aussi des dons prophétiques du saint.
Les Oblonsky et les Zubatys, deux branches des grandes familles nobles de la Russie, vivaient dans la province de Yaroslav, près de Rostov. Deux des jeunes princes, Sabbas Oblonsky-Yerlev et Syméon Zubaty-Zinoviev, étaient de proches amis et des compagnons d’armes dans la bataille avec Basile Chemyaka. Un troisième ami, le prince Syméon Nikititch-Lukhovak, qui avait été blessé, était à présent alité et les deux amis décidèrent de lui rendre visite.
A son chevet, ils rencontrèrent des parents du soldat blessé et la famille de son frère, le prince Basile Lukhovsky. Daria, fille du prince Basile, était une jeune beauté et elle ravit le cœur du prince Sabbas Oblonsky. Le prince Syméon était très heureux de la bonne fortune de son ami et il se mit immédiatement à organiser les cérémonies usuelles. Les fiançailles furent célébrées et un mariage d’une inhabituelle grandeur eut lieu, lors d’une somptueuse cérémonie.
Le jour de la fête du mariage, qui eut lieu au domicile de Syméon Lukhovsky, saint Isidore entra dans la maison. Les domestiques de Lukhovsky tentèrent de le jeter dehors, mais il les évita, les tançant ainsi : «Progéniture de Vaska Chemyaka !» et il courut bruyamment dans la salle des fêtes. Il avait dans les mains un couvre-chef tissé d’herbe et de fleurs sauvages. Allant vers le jeune marié, il lui tendit la coiffe à travers la table, en disant : «Voici une mitre d’archevêque pour toi» !
Ce don mystérieux et les étranges paroles du prophète remplirent de confusion le prince Sabbas et ses invités mais saint Isidore disparut rapidement de la salle et on l’entendit dans la rue qui criait avec les enfants.
Le don et les paroles prophétiques du fol-en-Christ ne furent pas vains car, plus tard, ils furent compris de tous. La princesse Daria fut enceinte et elle donna naissance à un fils en allant à Rostov. L’accouchement fut très difficile et causa la mort de la mère. La perte de son épouse bien-aimée ébranla le Prince d’une telle manière qu’il décida de quitter le monde et d’entrer au monastère de Saint-Théraponte. Il fut tonsuré sous le nom de Josaphat et devint plus tard archevêque de Rostov (1481-1489).
Le bienheureux Isidore entrait souvent dans les maisons des gens et, quand il le faisait, il en était souvent chassé sans cérémonie. Une anecdote a été conservée qui rapporte un tel incident…
Le prince Wladimir Andreyevitch de Rostov voulait que l’archevêque Bassien vienne bénir sa maison et prier pour toute sa maisonnée et il invita, pour ce faire, l’évêque à dîner chez lui, un dimanche. Ce jour-là, après la liturgie, le bienheureux Isidore se précipita à la demeure du Prince, bien avant tous les autres. Il entra et demanda à un domestique une boisson pour étancher sa soif. En fait, le fol-en-Christ ne voulait pas boire mais désirait le salut et la bénédiction du Seigneur sur la maison du pieux Prince car «Quiconque donne une coupe d’eau froide en mon Nom, dit le Seigneur, ne perdra pas sa récompense» !
Non seulement le domestique refusa une boisson au saint, mais il le chassa même en lui faisant des reproches. Le saint lui pardonna tout et quitta la maison sans une parole. Mais Dieu daigna glorifier le saint et affermir la foi des pieuses gens. Quand l’archevêque arriva, le Prince et tous ceux qui étaient présents s’installèrent à table pour dîner. Vint le temps de servir les vins. Les serviteurs trouvèrent les récipients vides. Avec crainte, ils allèrent informer le Prince. Celui-ci fut étonné et il alla vérifier leurs dires.
S’inquiétant de savoir qui était allé et venu pendant la journée, le Prince apprit de son majordome que le bienheureux Isidore était venu à la maison avant le dîner, avait demandé à boire, et avait été chassé.
Le Prince comprit le miracle comme une punition pour le rejet du mendiant par le serviteur sans miséricorde. Il envoya immédiatement des messagers pour rechercher le saint et le supplier de revenir chez lui. Mais on ne trouva Isidore nulle part. Le dîner touchait à sa fin et il n’y avait toujours pas de vin. Le Prince était triste et confus. Soudain, Isidore entra, tenant une prosphore dans ses mains. Il avança vers l’archevêque et lui donna la prosphore que, disait-il, il venait de recevoir du métropolite, dans l’église de la Sainte-Sagesse1, à Kiev. Entre-temps, le majordome trouva les récipients remplis. Il informa le Prince et tous les gens présents furent étonnés et glorifièrent Dieu qui accomplit des miracles par son saint caché.
Cet incident dans la maison du prince arriva peu de temps avant la mort de l’ascète de Dieu.
Le bienheureux Isidore reposa en Christ le 14 mai 1474, ayant su d’En-Haut qu’approchait son dernier jour, celui auquel il aspirait ardemment. Le saint ne quitta pas sa hutte pendant les derniers jours de son existence, passant son temps à prier avec force larmes jusques à l’instant de son juste repos.
Au moment où il s’endormit dans le Seigneur, une fragrance inhabituelle se répandit dans toute la cité. Tous furent étonnés et cherchèrent à savoir quelle en était la source. On découvrit que plus on approchait de la hutte du fol-en-Christ et plus la fragrance devenait forte. Un homme s’aventura à jeter un œil à l’intérieur et il vit l’ascète, gisant sur le sol, visage au ciel, bras croisés sur la poitrine. Il annonça à tous la mort de l’homme de Dieu. Le saint fut enterré sur place, à l’endroit même où il s’était endormi.
Le marchand qui avait été sauvé en mer par le fol-en-Christ était à l’ensevelissement. Enfin libéré de son lien de silence, il commença à sangloter et raconta à tout le monde son sauvetage miraculeux. Ayant reçu une bénédiction de l’évêque, ceux qui aimaient et révéraient saint Isidore érigèrent une chapelle de bois près de sa tombe, elle fut dédiée à l’Ascension du Seigneur parce que le saint avait rendu son âme sainte au Ciel la veille de cette fête.
En 1566, par ordre du tzar Ivan Vasilievitch, l’église de pierre actuelle fut construite à la place de l’église de bois. Les reliques de saint Isidore reposaient, scellées dans l’église. Un reliquaire d’argent fut fait en 1815. Un flot continu de guérisons commença à sourdre des reliques du saint.
La célébration du jour de fête du saint commença le jour même de son repos. Treize ans plus tard, son nom apparut dans le calendrier russe. Au commencement du xvie siècle, la fête du saint était célébrée dans toute la Russie. Le concile du 26 février 1547 qui demanda que soient écrits des services liturgiques pour vingt-trois saints, ne mentionne pas saint Isidore dans sa liste, mais nous pouvons en déduire qu’un service complet existait déjà pour lui, avant cette date, et il n’y avait donc nulle nécessité pour le concile de le mentionner.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

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