"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 15 avril 2023

Prêtre Stephen Freeman: LES LIMITES DE LA SAINTETÉ



J'ai récemment vu une publicité qui disait : "La liberté n'a pas de limites !" Elle visait à capter l'imagination de l'homme moderne par une affirmation manifestement absurde. Tout ce qui est créé a des limites - c'est la nature même du monde créé. Mais il existe une exception qui permet d'imaginer une vie sans limites, une existence sans vergogne où rien ne vient troubler le plaisir. Tel était le monde intérieur de la jeune Alexandrine qui deviendra plus tard célèbre sous le nom de sainte Marie d'Égypte.

Selon son propre témoignage, elle quitta la maison et se livra à une vie de plaisirs débridés : sexe, alcool et tout ce dont elle rêvait et tout ce qu'elle désirait. Comme on peut en juger, ce mode de vie n'avait pas encore entraîné d'amères conséquences - elle allait à toute allure lorsqu'elle a soudain rencontré la limite. Elle a été freinée par une force invisible qui l'a empêchée de franchir le seuil de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.

Elle était venue à Jérusalem pour un intérêt futile, pour divertir les pèlerins, pour attirer les autres dans le filet de son plaisir par son impudeur. La  Croix véritable du Christ, à l'époque (VIe siècle) entièrement préservée, était exposée pour le culte lors de la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix. La Croix, le temple, le Saint-Sépulcre, le Golgotha et tout ce qui remplissait ce lieu saint n'étaient rien d'autre que des attractions, des souvenirs pour lui rappeler une belle histoire. Mais il y avait une limite.


La limite qu'elle a rencontrée était un don de Dieu. Il ne nous est pas révélé quelle était la nature de la force invisible qui l'empêchait d'entrer dans le temple. Nous ne savons pas s'il s'agissait d'un ange ou de la dextre du Très-Haut. Par trois fois, cette force la repoussa et lui fit faire demi-tour.

Nous ne connaissons le monde et nous-mêmes qu'à travers les frontières qui nous décrivent

Pendant toutes les années précédentes, elle n'avait aucune limites. Et elle n'avait aucune connaissance d'elle-même et du monde en tant que tel. Tout n'était qu'attraction et passion. Et nous ne connaissons le monde et nous-mêmes qu'à travers les limites qui nous caractérisent. Ce qui est intéressant, c'est que le mot "caractériser" et le mot "définir" sont tous deux basés sur le même concept de limite, de frontière. Lorsque Dieu Se révéla à nous dans l'incarnation du Christ, il se permit d'acquérir des limites (des contours) et une définition. L'indescriptible est devenu descriptible. C'est pourquoi nous pouvons concevoir des icônes à Son image. Et si nous vivons sans limites ("dans une liberté sans bornes"), notre existence devient d'une certaine manière vide de sens. Car dire qui je suis, c'est aussi définir qui je ne suis pas.

Sainte Marie connaissait sa limite. Elle l'accepta et se rendit dans le désert. Là, à travers de nombreuses années de prière et de jeûne, elle découvrit la profondeur de sa vie et la profondeur de Dieu dans ses limites. Paradoxalement, vivre dans les limites apprises est la seule vraie liberté. Car la liberté n'est pas une volonté de faire absolument n'importe quoi sans limites, mais la possibilité d'être soi-même, ce que l'on ne peut connaître qu'en découvrant ses limites.

Je pense qu'il est intéressant de noter que le nom de cette sainte est resté inconnu jusqu'au jour de sa mort, où elle l'écrivit dans le sable, laissant des instructions au staretzé Zossime sur la manière de l'enterrer. Elle s'appelait elle-même "Marie la pécheresse". Les limites de son expérience révélèrent qu'elle était une sainte qui marcha même  sur l'eau. Cette connaissance de soi est aussi le moyen de connaître Dieu, dont le cultee est une liberté parfaite.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Pravoslavieru



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