11 avril. Lundi radieux. On a conduit le père Sébastien aux
matines. Il était joyeux, mais se fatigua très vite et on le ramena dans sa
chambre. Il était très faible. À trois heures du matin, il sonna. On
accourut : il était couvert de sang. Il avait eu une hémorragie
consécutive à une violente quinte de toux. Il se taisait. Ses yeux reflétaient
son inquiétude (pour nous) ; ses mains et ses genoux tremblaient quand on
lui a fait une intraveineuse pour stopper l’hémorragie. Nous lui avons donné
des médicaments, nous l’avons rassuré, nous avons changé son linge. Le père
Sébastien était vraiment très faible. Nous ne l’avons conduit à l’église ni le
matin, ni le soir. Personne n’est venu lui rendre visite. Nous veillions sur
lui. Nous avons téléphoné à l’évêque Joseph à Alma-Ata. Il a dit : le père
Sébastien ne décédera pas cette semaine, mais la mort se tient déjà à sa porte.
Je vais prendre l’avion pour venir chez vous.
12 avril. Mardi radieux. Le matin, le père Sébastien
s’est réveillé paisiblement, il respirait facilement et ne toussait pas. Alors
il a demandé ses bottes, car il désirait sortir pour faire ses adieux et donner
le baiser pascal à tous ceux qui se trouvaient à l’église. Véra a répondu :
– Je ne vous donnerai même pas vos
pantoufles, tant vos pieds sont gonflés. Du reste, vous avez déjà fait vos
adieux !
– Non je n’ai pas fait mes adieux à tout
le monde. L’essentiel reste encore à dire. Habille-moi.
Véra obéit et le
Père Sébastien fut conduit à l’église. Quelque temps après, il demanda qu’on le
ramène dans son lit. À la fin de l’office, on le porta dans les bras à l’autel.
Le père Sébastien
avait revêtu son mandyas et son klobouk. Il sortit sur l’ambon et, s’appuyant
sur son bâton, il fit ses adieux :
– Adieu mes chers
enfants dans le Christ. Je m’en vais. Pardonnez-moi si j’ai, en quoi que ce
soit, offensé l’un d’entre vous. Au nom du Christ, pardonnez-moi. Je pardonne
tout à tous. Je ne vous demande qu’une seule chose : Aimez-vous les uns
les autres. Que la paix soit parmi vous. La paix et l’amour. Si vous m’écoutez
comme je vous le demande, vous serez mes enfants.
Je suis indigne,
pécheur, mais le Seigneur est amour et plein de miséricorde. J’espère en Lui.
Et s’il me juge digne de Son Royaume, je prierai pour vous sans relâche. Et je
lui dirai :
– Seigneur, je ne
suis pas seul. J’ai tous mes enfants. Je ne peux entrer seul dans Ton Royaume
sans eux.
Puis il ajouta
d’une voix très faible, à peine audible :
– Sans eux, je ne peux pas ! Il
voulut s’incliner jusqu’à terre, mais n’inclina que la tête. Des garçons le soutinrent
pour rentrer dans l’autel.
Dans l’église, on
entendait sangloter. Puis on ramena le père dans sa chambre où il resta couché
jusqu’au soir. Il était très fatigué et respirait la bouche ouverte.
Samedi 16 avril. Nous n’avons autorisé aucune visite.
Dans la nuit, à trois heures du matin, le père Sébastien a fait appeler le père
Alexandre pour communier car, dit-il : « Tout peut arriver : il
ne faut pas attendre le matin. »
Après la
communion, il a dormi paisiblement jusqu’à 8h50.
Ce même jour, l’évêque
P. est venu de Moscou pour remettre au père Sébastien le grand habit
monastique. Il s’est d’abord entretenu avec lui, puis nous a déclaré qu’il
n’avait jamais vu ainsi le père Sébastien.
Par mesure de précaution, nous avons stérilisé des
seringues. Je voulais assister à la cérémonie de remise du grand habit, mais
selon les volontés du père Sébastien se référant au typikon, l’évêque ne le
permit qu’à certaines personnes.
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