Intervenant à l’ouverture du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe
russe, qui a débuté le 2 février, Sa Sainteté le Patriarche Cyrille est
revenu sur le thème de la préparation du Saint et Grand Concile de
l’Église orthodoxe.
« Nous croyons que l’Église du Christ est une, sainte, catholique et
apostolique, comme il est dit clairement dans le Symbole de foi.
L’Église est une par nature, a rappelé Sa Sainteté. L’existence de
nombreuses Églises autocéphales est une forme d’existence historique de
l’Église, la mieux adaptée à l’accomplissement de sa mission de salut.
Nous savons aussi que la prise de décisions concernant le Plérôme de
l’Église, a toujours exigé la participation si ce n’est de tous les
hiérarques orthodoxes, du moins de représentants de chaque Église
locale. En ce sens, les Conciles œcuméniques et certains aussi conciles
d’importance panorthodoxe sont l’expression visible de l’unité de
l’Église, de son essence conciliaire, le reflet de sa conscience d’être
le Corps du Christ (cf. Rom 12, 5).
En même temps, souligne le Patriarche, la réception des Actes de tel
ou tel Concile par le Plérôme de l’Église a toujours été progressive et,
« comme le montre l’histoire ecclésiastique, aucun Concile n’a pu
imposer à l’Église ses décisions si elles ont été rejetées par le peuple
de Dieu, s’il n’y a pas eu de réception des décrets conciliaires par
l’ensemble de l’Église. » C’est pourquoi aucun Concile œcuménique n’est
devenu tel par le simple fait de sa convocation : son importance réelle
ne devenait évidente qu’après un certain temps, parfois très long, a
constaté le Primat de l’Église orthodoxe russe.
« Nous ne disons pas du prochain grand et saint Concile de l’Église
orthodoxe qu’il s’agit d’un Concile œcuménique, a poursuivi le
Patriarche Cyrille. A la différence des anciens Conciles œcuméniques, il
n’est pas appelé à résoudre des questions doctrinales, car elles sont
résolues depuis longtemps et n’exigent aucune révision. Il n’est pas non
plus appelé à introduire quelque innovation liturgique dans la vie de
l’Église, dans sa structure canonique. Néanmoins, il peut, s’il est
préparé comme il se doit, être un facteur important d’affermissement de
l’unité et de la coopération entre Églises, et permettre de préciser les
réponses que l’Église orthodoxe donne aux questions de la modernité sur
la base de sa Tradition multiséculaire. »
Le Patriarche a aussi souligné que ce Concile ne serait véritablement
panorthodoxe que si des représentants de toutes les Églises orthodoxes
autocéphales reconnues par tous y prenaient part.
Se tournant vers l’histoire, il a constaté que durant presque un
millénaire, la réunion des Églises locales en concile avait été
compliquée. Durant de nombreux siècles, en effet, tous les Patriarcats
antiques avaient subi la domination musulmane. Les circonstances du XX
siècle n’ont pas non plus favorisé l’intensification des contacts entre
Églises : il suffit de se rappeler les guerres des Balkans, la Première
guerre mondiale, la révolution russe qui entraîna une violente
persécution contre l’Église, la chute de l’Empire ottoman, la
déportation des chrétiens d’Asie mineure et, enfin, la Seconde guerre
mondiale.
Néanmoins, dès 1923, l’Église de Constantinople a convoqué à Istanbul
un Congrès interorthodoxe, puis, en 1930, une Commission interorthodoxe
préparatoire, qui s’est réunie au monastère de Vatopédi sur le Mont
Athos. « Ces premières tentatives de collaboration panorthodoxe ont été
un échec, a remarqué le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la
Russie. Certaines Églises locales n’y ont pas pris part, l’Église
orthodoxe russe, en était empêchée par les circonstances. Les travaux du
Congrès interorthodoxe d’Istanbul s’est, dans l’ensemble, déroulé dans
un climat réformateur de déni de la Tradition. Pour cette raison, ses
décisions n’ont été reconnues de personne, en dehors des décisions sur
le nouveau calendrier, adoptées par certaines Églises au prix de
regrettables schismes. »
Le Patriarche a aussi rappelé que l’Église de Constantinople n’a pas
été seule à proposer des initiatives panorthodoxes. Ainsi, à
l’initiative du Patriarcat de Moscou, une Conférence des chefs et des
représentants des Églises orthodoxes locales s’est déroulée à Moscou en
1948, à l’occasion du 500e anniversaire de l’autocéphalie de
l’Église russe. Cependant ses décisions n’ont pas été adoptées par les
Églises locales qui ont considéré que seul le Patriarche de
Constantinople pouvait convoquer une réunion panorthodoxe.
La préparation du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe n’a
réellement démarré qu’en 1961, lors de la Première conférence
panorthodoxe, qui a eu lieu sur l’île de Rhodes, en Grèce, a constaté Sa
Sainteté. Un catalogue d’une centaine de thèmes a été rédigé, des
thèmes que l’on se proposait de préparer pour les présenter à l’examen
du futur Concile. Un peu plus tard, en 1968, à la Quatrième conférence
panorthodoxe de Genève, il a été décidé de poursuivre la préparation du
Concile dans le cadre de Conférences panorthodoxes préconciliaires, et
de commissions préparatoires interorthodoxes précédant la convocation
des conférences. Ce format s’est conservé jusqu’à aujourd’hui.
A la conférence de Rhodes de 1961, il a été proposé à toutes les
Églises locales d’exprimer leur opinion sur les thèmes approuvés.
S’agissant de la participation de l’Église orthodoxe russe à
l’élaboration de ces thèmes, le Patriarche Cyrille a montré qu’elle s’y
été employée avec le plus grand sérieux. En 1963, le Saint Synode a créé
une Commission spéciale présidée par le métropolite Nicodème de
Leningrad, de bienheureuse mémoire, dont faisait partie les meilleurs
théologiens de l’Église orthodoxe russe, hiérarques, clercs et laïcs. En
cinq ans, cette Commission a accompli un immense travail, préparant des
projets de documents sur tous les thèmes du catalogue sans exception.
« Ce n’est pas exagérer que d’affirmer que l’Église russe a apporté une
contribution sans précédent à la préparation du Concile panorthodoxe et
n’était pas seulement prête à sa tenue, mais proposait également sur
tous les thèmes des projets concrets, réfléchis, de documents
conciliaires, résultat du travail des meilleurs théologiens de notre
Église » a souligné le Patriarche Cyrille.
Cependant, en 1971, plusieurs Églises locales ont insisté sur la
réduction de l’agenda du Concile. La Première conférence préconciliaire
panorthodoxe, en 1976, a donc réduit la liste des thèmes à dix. Leur
étude s’est poursuivie dans le cadre des Commissions préparatoires
interorthodoxes, ainsi que pendant la Seconde, puis la Troisième
conférence préconciliaire panorthodoxe de 1982 et 1986.
« Dans les années 1990, ce travail a été interrompu pour longtemps, a
constaté le Patriarche. La raison en a été l’instauration par le
Patriarcat de Constantinople, en 1996, de la dite Église orthodoxe
autonome d’Estonie sur le territoire canonique du Patriarcat de Moscou,
avec l’intention d’un faire un acteur à part entière du processus
préconciliaire, ce que notre Église a catégoriquement refusé. » Les
perspectives de reprise de la préparation du Concile ne sont apparues
qu’en 2008. Lors de la rencontre des Primats des Églises orthodoxes
locales, il a été décidé que seuls des représentants des Églises
autocéphales, et non des Églises autonomes, au nombre desquelles
l’Église de Constantinople compte sa structure en Estonie,
participeraient à la préparation conciliaire. « Les représentants des
Églises autonomes, aujourd’hui encore, ne participent au processus
préconciliaire que dans le cadre des délégations de leurs
Églises-mères » a raconté le Patriarche Cyrille.
Le Primat de l’Église russe a poursuivi en rappelant que le processus
de préparation du Concile s’était poursuivi en commissions
préparatoires et, en 2009, à la Quatrième conférence préconciliaire
panorthodoxe. « En mars 2014, j’ai participé à la Synaxe des Primats des
Églises orthodoxes locales, qui a eu lieu à Istanbul. Il a été décidé
de convoquer le Concile panorthodoxe pour 2016, « si des circonstances
imprévues ne l’empêche pas » a déclaré Sa Sainteté.
Il était prévu que durant le temps réduit qui resterait, les efforts
de tous les participants du processus préconciliaire s’intensifient.
Pour cette raison, la Synaxe a créé une Commission interorthodoxe
spéciale, qui est parvenu à réviser trois projets de documents
conciliaires. Ces textes, revus en commun lors de la Cinquième
Conférence préconciliaire panorthodoxe d’octobre dernier, concernent
l’importance du jeûne, les relations de l’Église orthodoxe avec
l’ensemble du monde chrétien, la proclamation de l’autonomie ecclésiale.
Dans le cadre du processus préconciliaire, il a aussi été discuté du thème de l’autocéphalie et du mode de sa proclamation.
La Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales qui s’est
déroulée à Chambésy (Suisse) du 21 au 28 janvier 2016 a notamment
examiné le projet de document conciliaire « La mission de l’Église
orthodoxe dans le monde contemporain », « le Sacrement du mariage et ses
empêchements », ainsi que d’autres thèmes.
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