1.) Pour commencer ce dialogue, s'il vous plaît de bien vouloir parler sur vos expériences spirituelles et préciser comment vous avez découvert l'Orthodoxie.
Mon entrée dans l’Orthodoxie est simplement, à un moment de ma vie, de mon histoire spirituelle, ce qu’on pourrait appeler l’ajustement et l’aboutissement ecclésial naturel et logique de ma conversion profonde. Je ne pouvais aller ailleurs, eu égard à ce que j’étais devenu ; ce ne pouvait être ailleurs que je pouvais aller, c’était de l’ordre de la nécessité. De quelque manière que ce soit, je ne peux qu’attribuer à la Providence Divine d’avoir été guidé et accompagné jusqu’à l’Église orthodoxe qui est alors apparue clairement à mes yeux, surpris et émerveillés de la rencontre, comme la véritable Église à laquelle mon cœur aspirait. Cela a été aussi fort que la rencontre amoureuse de la personne avec laquelle votre cœur a la conviction intime que c’est elle qui est véritablement celle avec laquelle vous allez vivre votre vie ; celle qui vous a été destinée.
Voici, dans les faits, ce qui s’est passé.
Je ne sais pas si l’on peut dire que je suis d’une famille catholique. Culturellement si. J’ai été baptisé dans cette église comme la plupart des enfants de ma génération. Mes parents s’étaient mariés à l’église selon les vœux de ma mère mais je ne l’ai su que tard. Mon père était cependant très anticlérical, le clergé était pour lui un modèle répulsif à qui l’on pouvait faire le reproche constant et universel de prêcher ce qu’il ne faisait pas lui-même et qui se résumait dans la phrase « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Ma mère était fille d’un père également anticlérical mais sa grand-mère avait fait en sorte qu’elle suive sa scolarité dans une institution religieuse dont ma mère a toujours parlé avec une distance un peu moqueuse. Ni l’un ni l’autre ne mettait les pieds à l’église sauf circonstances exceptionnelles sans doute : baptêmes, mariages, enterrements. Mes parents étaient commerçants et donc travaillaient tous les jours même le Jour du Seigneur. Néanmoins mes parents m’envoyaient à la messe le dimanche et mon père me donnait chaque fois quelques pièces pour donner à la quête en me demandant de prier pour mes parents.
De la même façon que j’ai été baptisé, j’ai fait ma communion solennelle et cela a été l’occasion de fêtes familiales bien sûr d’où la foi n’était sans doute pas absente autour de moi mais je ne saurais l’évaluer précisément. Quant à moi, en ces circonstances, j’ai pris alors très au sérieux la retraite que j’avais faite avec un jeune et sympathique aumônier du Lycée qui nous préparait à recevoir ce sacrement. Je me rappelle qu’avant de nous rendre à l’église, je m’étais réfugié dans la chambre des parents pour prier seul et j’avais été contrarié fortement de ne pas pouvoir le faire à mon gré car constamment dérangé par la famille.
Comment lire le secret des cœurs et connaître la relation intime et cachée que chacun entretient avec le Seigneur ?... Nul ne le peut.
Mon père vénérait sa mère comme une «sainte»; il disait qu’elle était «libre penseuse » mais que, dans sa maison uniquement, quand elle en avait besoin, elle sortait une image pieuse devant laquelle elle faisait brûler une bougie pour prier. Son mari était sans doute pieux car lors des rares rencontres avec lui dont je me souviens, il apportait toujours en cadeau pour les enfants des images religieuses dont j’ai encore le souvenir. Poète, il ne subvenait guère aux besoins d’une famille de neuf enfants et ma grand-mère maternelle devait travailler dur pour pourvoir à l’entretien de la famille. Aussi les enfants durent-ils aller travailler très jeunes : à l’âge de onze et douze ans pour les aînés.
Ma mère, qui ne parlait guère de choses religieuses (jusqu’à ma conversion ayant entraîné son retour à l’église au grand dam de mon père) a toujours néanmoins conservé près d’elle un buste en porcelaine de la Mère de Dieu avec l’enfant Jésus, très maternelle, douce et souriante que je garde.
J’ai été un enfant docile et ma scolarité fut brillante jusqu’à la cinquième, mais à mon adolescence j’entrai dans un état de révolte tel qu’il a semblé nécessaire à mes parents, pour me mettre à l’abri des mauvaises fréquentations, de me faire poursuivre mes études, comme interne, dans une institution religieuse tenue par des Pères Assomptionnistes. Là j’ai repris des études sérieuses avec à nouveau d’excellents résultats malgré une colère entretenue par le sentiment d’être en quelque sorte emprisonné. Quant à ma foi elle a subi des fluctuations pour finir par vaciller sérieusement. Certes j’avais du plaisir à jouer de l’harmonium à la messe quand le Père organiste me l’autorisait car j’étudiais toujours le piano ; j’aimais aussi me lever tôt le matin, quand mes camarades restaient encore dans leur lit au dortoir, pour aller servir la messe basse du matin; j’aimais les liturgies solennelles encore en latin et correctement encensées et la procession du Saint Sacrement... mais les cours d’instruction religieuse étaient devenues l’occasion de moqueries et je m’étais rapproché de camarades qui raillaient volontiers les travers des « curés »... et surtout, sans doute le plus grave, j’avais le sentiment que Dieu n’entendait pas mes prières, qu’elles restaient sans réponse et cela me désespérait de me sentir pécheur sans aucune aide divine. Ce désespoir, conjugué à la frustration conséquente aux « colles » du week- end pour mauvaise conduite – qui m’obligeaient à rester à l’internat et m’empêchaient de rentrer à la maison, les conflits avec certains surveillants et certains enseignants qui m’avaient fait convoquer plusieurs fois chez le Révérend Père préfet de discipline – qui malgré sa bienveillance me qualifiait de « bête noire » de l’institution – tout cela remplissait mon cœur d’un tel ressentiment qu’il me poussa à tout faire pour obtenir de sortir de l’institution religieuse et retrouver juste avant le bac le lycée laïc de mes premières années d’étude secondaires.
Bien que j’aie toujours conservé beaucoup de respect pour deux pères respectivement professeurs de lettres et de maths – auxquels je pense encore avec émotion et avec un sentiment de profonde reconnaissance – le rejet de l’institution de l’Église et de la foi chrétienne m’a alors habité assez longtemps et mes années d’étudiant ont été caractérisées par un esprit de révolte militant, plutôt destructeur à bien des égards, virulent, allant même jusqu’au blasphème.
J’ai alors beaucoup lu de philosophie, pendant mes études supérieures de Lettres, domaine qui me semblait bien plus important que la poésie et la littérature de même que la critique littéraire me paraissait assez vaine et faible par rapport à la Linguistique et à la stylistique structurales, disciplines qui m’apparaissaient comme bien plus rigoureuses et scientifiques. Le tout investi majoritairement dans un combat idéologique que j’ai totalement rejeté depuis ma conversion. Tant et si bien que je suis devenu réellement athée, c’est à dire sans Dieu, car il était devenu clair que me révolter contre Dieu et la religion était encore leur donner suffisamment d’importance pour les faire exister et il s’agissait de s’en débarrasser complètement. Donc que Dieu existât ou non importait peu et ce n’était même plus une question : je vivais de la même manière, comme bon me semblait.
Cela a duré quelques années pendant lesquelles un esprit de révolte demeurait en moi mais s’exprimait plutôt dans des préoccupations humaines et sociales. Jusqu’à l’âge de quarante ans pour être précis. Quadragesima, ce nombre n’est pas sans faire signe bien sûr puisque ce sera pendant le Carême (commun en cette année là aux catholiques et aux orthodoxes) que j’ai vécu cette grâce de la conversion. Douloureuse, libératrice, illuminatrice, don inestimable. Ayant tout reçu, d’un coup, intensément, en une seule fois, il m’a fallu – après une période de grâce merveilleuse qui n’a eu qu’un temps – des années pour tenter de tout retrouver, en percevoir tous les aspects, toutes les richesses et les expérimenter, petit à petit, besogneusement, non sans trébucher souvent avec ma faible constitution spirituelle. Et certes je n’ai pas encore fini de tendre à me conformer, avec mes faibles forces, à la beauté de tout ce que j’ai reçu.
Avant cela je peux dire que ce qui a jalonné l’avancée dans ma vie spirituelle, c’est le renoncement.
Tout a commencé par la prise de conscience des conséquences sur ma famille d’alors, dues à la mise en œuvre des ambitions professionnelles que j’avais et qui me rendant de moins en présent à la maison, augmentaient les conflits avec ma compagne et ne favorisaient guère un développement idéal de nos enfants. Pour faire bref j’ai eu la conviction qu’il fallait faire cesser au plus tôt ce que je percevais comme un chaos que je n’avais pas souhaité. Sans entrer dans les détails j’ai brusquement, non sans déchirement, renoncé à tout ce qui donnait tant de satisfaction à mon ego. Cela a été si brutal que j’en ai fait une dépression dont je ne suis sorti que par une thérapie de groupe appelée « activation mentale » qui a été le point de départ fondamental d’une quête spirituelle sans fin.
Ayant toujours eu dans mes études la préoccupation de rechercher les traces d’une cohérence dans les sociétés passées ou exotiques entre les différents domaines (désormais séparés – à tort, selon mes convictions – dans notre culture occidentale) de la vie individuelle, culturelle et sociale, j’ai toujours été poussé par instinct à m’orienter vers un retour aux sources.
C’est ainsi que les pratiques de la thérapie me semblaient avoir été détachées de leur contexte originel pour en faire uniquement un usage utilitaire par les occidentaux. Je me suis tourné vers l’Orient qui m’apparaissait comme leur lieu d’origine et qui comme chacun sait se trouve juste en face de la région du monde que je considérais comme la plus avancée en Occident, la Californie, à l’origine en seconde main de ces pratiques.
Bien que je ne me sois pas éloigné de la France afin de demeurer près des miens, mes recherches ne se sont pas contentées de quelques lectures. J’ai pratiqué ce que je pouvais trouver dans mon pays en m’y consacrant chaque fois corps et âme.
Pour ne pas ennuyer le lecteur avec toutes mes expériences je résumerai les apports de chacune comme des étapes d’un changement d’esprit qui m’a permis de me déprendre d’une vision religieuse occidentale, une sorte de « nettoyage », me rendant plus disponible plus tard à la vision du monde, à l’esprit et à la vie de l’Orthodoxie.
En termes plus mystiques je dirais qu’après coup j’ai le sentiment d’avoir été guidé par la Providence divine conformément à ma culture, mon tempérament et ma mentalité de l’époque pour cheminer, étape après étape, vers le véritable lieu du salut. Bref j’ai reçu les médicaments dont j’avais besoin pour mon âme malade, même si à priori ils peuvent être éventuellement considérés, à certains égards, comme des poisons dangereux dont on aurait cependant isolé certains éléments curatifs.
Dans l’ordre donc :
Voici, dans les faits, ce qui s’est passé.
Je ne sais pas si l’on peut dire que je suis d’une famille catholique. Culturellement si. J’ai été baptisé dans cette église comme la plupart des enfants de ma génération. Mes parents s’étaient mariés à l’église selon les vœux de ma mère mais je ne l’ai su que tard. Mon père était cependant très anticlérical, le clergé était pour lui un modèle répulsif à qui l’on pouvait faire le reproche constant et universel de prêcher ce qu’il ne faisait pas lui-même et qui se résumait dans la phrase « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Ma mère était fille d’un père également anticlérical mais sa grand-mère avait fait en sorte qu’elle suive sa scolarité dans une institution religieuse dont ma mère a toujours parlé avec une distance un peu moqueuse. Ni l’un ni l’autre ne mettait les pieds à l’église sauf circonstances exceptionnelles sans doute : baptêmes, mariages, enterrements. Mes parents étaient commerçants et donc travaillaient tous les jours même le Jour du Seigneur. Néanmoins mes parents m’envoyaient à la messe le dimanche et mon père me donnait chaque fois quelques pièces pour donner à la quête en me demandant de prier pour mes parents.
De la même façon que j’ai été baptisé, j’ai fait ma communion solennelle et cela a été l’occasion de fêtes familiales bien sûr d’où la foi n’était sans doute pas absente autour de moi mais je ne saurais l’évaluer précisément. Quant à moi, en ces circonstances, j’ai pris alors très au sérieux la retraite que j’avais faite avec un jeune et sympathique aumônier du Lycée qui nous préparait à recevoir ce sacrement. Je me rappelle qu’avant de nous rendre à l’église, je m’étais réfugié dans la chambre des parents pour prier seul et j’avais été contrarié fortement de ne pas pouvoir le faire à mon gré car constamment dérangé par la famille.
Comment lire le secret des cœurs et connaître la relation intime et cachée que chacun entretient avec le Seigneur ?... Nul ne le peut.
Mon père vénérait sa mère comme une «sainte»; il disait qu’elle était «libre penseuse » mais que, dans sa maison uniquement, quand elle en avait besoin, elle sortait une image pieuse devant laquelle elle faisait brûler une bougie pour prier. Son mari était sans doute pieux car lors des rares rencontres avec lui dont je me souviens, il apportait toujours en cadeau pour les enfants des images religieuses dont j’ai encore le souvenir. Poète, il ne subvenait guère aux besoins d’une famille de neuf enfants et ma grand-mère maternelle devait travailler dur pour pourvoir à l’entretien de la famille. Aussi les enfants durent-ils aller travailler très jeunes : à l’âge de onze et douze ans pour les aînés.
Ma mère, qui ne parlait guère de choses religieuses (jusqu’à ma conversion ayant entraîné son retour à l’église au grand dam de mon père) a toujours néanmoins conservé près d’elle un buste en porcelaine de la Mère de Dieu avec l’enfant Jésus, très maternelle, douce et souriante que je garde.
J’ai été un enfant docile et ma scolarité fut brillante jusqu’à la cinquième, mais à mon adolescence j’entrai dans un état de révolte tel qu’il a semblé nécessaire à mes parents, pour me mettre à l’abri des mauvaises fréquentations, de me faire poursuivre mes études, comme interne, dans une institution religieuse tenue par des Pères Assomptionnistes. Là j’ai repris des études sérieuses avec à nouveau d’excellents résultats malgré une colère entretenue par le sentiment d’être en quelque sorte emprisonné. Quant à ma foi elle a subi des fluctuations pour finir par vaciller sérieusement. Certes j’avais du plaisir à jouer de l’harmonium à la messe quand le Père organiste me l’autorisait car j’étudiais toujours le piano ; j’aimais aussi me lever tôt le matin, quand mes camarades restaient encore dans leur lit au dortoir, pour aller servir la messe basse du matin; j’aimais les liturgies solennelles encore en latin et correctement encensées et la procession du Saint Sacrement... mais les cours d’instruction religieuse étaient devenues l’occasion de moqueries et je m’étais rapproché de camarades qui raillaient volontiers les travers des « curés »... et surtout, sans doute le plus grave, j’avais le sentiment que Dieu n’entendait pas mes prières, qu’elles restaient sans réponse et cela me désespérait de me sentir pécheur sans aucune aide divine. Ce désespoir, conjugué à la frustration conséquente aux « colles » du week- end pour mauvaise conduite – qui m’obligeaient à rester à l’internat et m’empêchaient de rentrer à la maison, les conflits avec certains surveillants et certains enseignants qui m’avaient fait convoquer plusieurs fois chez le Révérend Père préfet de discipline – qui malgré sa bienveillance me qualifiait de « bête noire » de l’institution – tout cela remplissait mon cœur d’un tel ressentiment qu’il me poussa à tout faire pour obtenir de sortir de l’institution religieuse et retrouver juste avant le bac le lycée laïc de mes premières années d’étude secondaires.
Bien que j’aie toujours conservé beaucoup de respect pour deux pères respectivement professeurs de lettres et de maths – auxquels je pense encore avec émotion et avec un sentiment de profonde reconnaissance – le rejet de l’institution de l’Église et de la foi chrétienne m’a alors habité assez longtemps et mes années d’étudiant ont été caractérisées par un esprit de révolte militant, plutôt destructeur à bien des égards, virulent, allant même jusqu’au blasphème.
J’ai alors beaucoup lu de philosophie, pendant mes études supérieures de Lettres, domaine qui me semblait bien plus important que la poésie et la littérature de même que la critique littéraire me paraissait assez vaine et faible par rapport à la Linguistique et à la stylistique structurales, disciplines qui m’apparaissaient comme bien plus rigoureuses et scientifiques. Le tout investi majoritairement dans un combat idéologique que j’ai totalement rejeté depuis ma conversion. Tant et si bien que je suis devenu réellement athée, c’est à dire sans Dieu, car il était devenu clair que me révolter contre Dieu et la religion était encore leur donner suffisamment d’importance pour les faire exister et il s’agissait de s’en débarrasser complètement. Donc que Dieu existât ou non importait peu et ce n’était même plus une question : je vivais de la même manière, comme bon me semblait.
Cela a duré quelques années pendant lesquelles un esprit de révolte demeurait en moi mais s’exprimait plutôt dans des préoccupations humaines et sociales. Jusqu’à l’âge de quarante ans pour être précis. Quadragesima, ce nombre n’est pas sans faire signe bien sûr puisque ce sera pendant le Carême (commun en cette année là aux catholiques et aux orthodoxes) que j’ai vécu cette grâce de la conversion. Douloureuse, libératrice, illuminatrice, don inestimable. Ayant tout reçu, d’un coup, intensément, en une seule fois, il m’a fallu – après une période de grâce merveilleuse qui n’a eu qu’un temps – des années pour tenter de tout retrouver, en percevoir tous les aspects, toutes les richesses et les expérimenter, petit à petit, besogneusement, non sans trébucher souvent avec ma faible constitution spirituelle. Et certes je n’ai pas encore fini de tendre à me conformer, avec mes faibles forces, à la beauté de tout ce que j’ai reçu.
Avant cela je peux dire que ce qui a jalonné l’avancée dans ma vie spirituelle, c’est le renoncement.
Tout a commencé par la prise de conscience des conséquences sur ma famille d’alors, dues à la mise en œuvre des ambitions professionnelles que j’avais et qui me rendant de moins en présent à la maison, augmentaient les conflits avec ma compagne et ne favorisaient guère un développement idéal de nos enfants. Pour faire bref j’ai eu la conviction qu’il fallait faire cesser au plus tôt ce que je percevais comme un chaos que je n’avais pas souhaité. Sans entrer dans les détails j’ai brusquement, non sans déchirement, renoncé à tout ce qui donnait tant de satisfaction à mon ego. Cela a été si brutal que j’en ai fait une dépression dont je ne suis sorti que par une thérapie de groupe appelée « activation mentale » qui a été le point de départ fondamental d’une quête spirituelle sans fin.
Ayant toujours eu dans mes études la préoccupation de rechercher les traces d’une cohérence dans les sociétés passées ou exotiques entre les différents domaines (désormais séparés – à tort, selon mes convictions – dans notre culture occidentale) de la vie individuelle, culturelle et sociale, j’ai toujours été poussé par instinct à m’orienter vers un retour aux sources.
C’est ainsi que les pratiques de la thérapie me semblaient avoir été détachées de leur contexte originel pour en faire uniquement un usage utilitaire par les occidentaux. Je me suis tourné vers l’Orient qui m’apparaissait comme leur lieu d’origine et qui comme chacun sait se trouve juste en face de la région du monde que je considérais comme la plus avancée en Occident, la Californie, à l’origine en seconde main de ces pratiques.
Bien que je ne me sois pas éloigné de la France afin de demeurer près des miens, mes recherches ne se sont pas contentées de quelques lectures. J’ai pratiqué ce que je pouvais trouver dans mon pays en m’y consacrant chaque fois corps et âme.
Pour ne pas ennuyer le lecteur avec toutes mes expériences je résumerai les apports de chacune comme des étapes d’un changement d’esprit qui m’a permis de me déprendre d’une vision religieuse occidentale, une sorte de « nettoyage », me rendant plus disponible plus tard à la vision du monde, à l’esprit et à la vie de l’Orthodoxie.
En termes plus mystiques je dirais qu’après coup j’ai le sentiment d’avoir été guidé par la Providence divine conformément à ma culture, mon tempérament et ma mentalité de l’époque pour cheminer, étape après étape, vers le véritable lieu du salut. Bref j’ai reçu les médicaments dont j’avais besoin pour mon âme malade, même si à priori ils peuvent être éventuellement considérés, à certains égards, comme des poisons dangereux dont on aurait cependant isolé certains éléments curatifs.
Dans l’ordre donc :
• L’ « activation mentale » m’a fait prendre expérimentalement conscience de
l’interdépendance des êtres, de la responsabilité vis à vis de tous qu’a chacun de nous, pas seulement par nos actes et nos discours, mais jusque dans nos pensées. Elle m’a fait comprendre combien la pensée positive est importante pour la santé du monde. Elle m’a également convaincu que sans une foi forte notre prière est faible. Ceux qui se révoltent et rejettent Dieu avec la conviction qu’Il ne peut exister puisqu’Il accepte l’existence de tellement de malheur sur notre terre devraient savoir que seuls nous les hommes, dans notre liberté, en sommes responsables. Mais je n’ai pas suivi sa stratégie de réussite sociale et ses préoccupations d’enrichissement.
• Le Taoïsme m’a appris (mais uniquement par la lecture) que quelquefois ne rien faire c’est la meilleure façon d’agir. Nos moines de la Sainte Montagne à qui les ignorants spirituels reprochent d’être inutiles feraient bien de l’apprendre. Mais n’étant guère amateur du Taoïsme populaire et de ses pratiques magiques. Je n’avais rien à y faire.
• Le bouddhisme de Nichiren m’a fait expérimenter essentiellement que la prière devait engager l’être tout entier corps, âme et esprit. De même il m’a initié à la prière monologique même s’il ne faut pas confondre mantra et prière de Jésus. Mais comme je n’ai pas l’esprit de club et de société fermée, j’en suis sorti.
• Le bouddhisme tibétain m’a initié à la méditation silencieuse et m’a habitué à la longueur des offices. Il m’a fait également apprécier sa profonde connaissance de l’âme humaine, la douceur des maîtres, leur absence de jugement et le sérieux de leur engagement monastique. Mais ses pratiques ésotériques d’ « apprivoisement » pour soi des divinités bonnes et mauvaises sentent parfois un peu le souffre à mon avis. Trop exotique de surcroit pour moi, je n’ai pas poursuivi.
• Le bouddhisme zen en dernier, plus dépouillé, m’a confirmé dans l’importance qu’il fallait donner à la participation, à l’ascèse et à la posture du corps dans la prière, à l’assise silencieuse, à la transmission de maître à disciple et à la tradition fidèlement respectée dans l’enseignement comme dans le rituel, et il m’a ouvert l’esprit à la théologie apophatique et aux paradoxes dont il émaille constamment son enseignement. L’accent mis sur la gratuité de la pratique sans attente de résultat et le don de soi sans attente de retour resteront gravés dans mon esprit. C’est là ce que j’ai pratiqué le plus longtemps, mais l’absence de réel maître à l’époque ne semblait pas palliée par de simples instructeurs même qualifiés. Je me suis éloigné des dojos et j’ai pratiqué seul à la maison.
Engagé que j’étais dans un processus de « développement personnel », comme on dit, où l’on expérimente pour se « libérer » et développer son potentiel, et s’épanouir, essentiellement, j’ai à cette époque entrepris une thérapie de l’audition (rééquilibrage droite-gauche et élargissement du spectre sonore) qui s’est terminée dans un monastère catholique dans lequel je suis allé pour simplement écouter un chant « particulier » que préconisait le professeur-phoniatre pour reposer l’esprit et les oreilles en fin de traitement : le chant grégorien.
Et dans ce lieu où je pensais écouter ce chant pour en expérimenter les bienfaits il est arrivé ce que je n’avais pas prévu du tout... délaissant assez tôt dans ma cellule mon zafu (coussin de méditation zen) emporté pour continuer ma pratique, j’ai alors passé en revue toute ma vie et prenant conscience de tout le mal que j’avais fait, j’ai tout assumé, sans chercher la moindre excuse, et dans une immense et profonde douleur, j’ai pleuré pendant trois jours. Je me suis rendu compte alors que j’étais dans un lieu chrétien, que je l’avais été jadis et que dire Notre Père avait plus de sens que de rester devant un mur nu, sur un coussin noir. J’ai ressenti alors une immense libération. J’ai entendu la parabole du fils prodigue à l’église de ce monastère de Bénédictins, dans ce temps de Carême, je me suis senti intimement pardonné et je n’ai plus eu qu’un seul désir : intégrer le Corps du Christ. Ma vie en a été totalement bouleversée et toute ma vision du monde dans tous les domaines sans exception a changé. Moi qui avais vécu indifféremment avec ou sans Dieu, je ne le pouvais plus désormais. Il était devenu évident pour moi que tout était lié et que tel point de vue et telle position que j’avais auparavant sur les relations humaines dans le domaine personnel ou social n’étaient plus tenables.
Je suis resté dans la grâce pendant toute une période merveilleuse et puis, comme il arrive souvent à ceux qui ont vécu ce genre d’expérience, la grâce s’est peu à peu retirée, le don des larmes s’est tari et j’ai éprouvé le besoin de rechercher un Père spirituel sûr et une tradition solide et fiable pour continuer mon chemin. Je ne savais pas où chercher, alors je suis revenu en arrière et j’ai contacté le lama tibétain qui m’avait initié à la méditation, je l’ai informé de ma conversion, je lui envoyé mes anciens objets de culte et je lui ai demandé, à lui qui avait organisé des rencontres interreligieuses, s’il ne pouvait pas me conseiller quelqu’un. Il m’a envoyé trois adresses : je n’ai jamais pu joindre les deux premières personnes de la liste, la troisième a répondu aussitôt en revanche à mon coup de téléphone. La voix était avenante, d’une personne cultivée, douce et accueillante. Je pouvais aller au monastère quand je voulais, et même y séjourner une période pour y faire une retraite, j’étais le bienvenu. Quand je suis arrivé à destination, devant le portail, j’ai deviné que j’étais arrivé dans un monastère orthodoxe, ce que m’a confirmé le chauffeur de taxi. Une belle aventure s’annonçait : j’en étais heureux, nullement inquiet. J’avais lu quelques articles dans des revues et l’Orthodoxie ne m’était pas inconnue, j’étais curieux d’en apprendre davantage. Le moine qui m’avait répondu au téléphone était Père Placide Deseille, higoumène du monastère orthodoxe de St Antoine le Grand dans le Vercors.
l’interdépendance des êtres, de la responsabilité vis à vis de tous qu’a chacun de nous, pas seulement par nos actes et nos discours, mais jusque dans nos pensées. Elle m’a fait comprendre combien la pensée positive est importante pour la santé du monde. Elle m’a également convaincu que sans une foi forte notre prière est faible. Ceux qui se révoltent et rejettent Dieu avec la conviction qu’Il ne peut exister puisqu’Il accepte l’existence de tellement de malheur sur notre terre devraient savoir que seuls nous les hommes, dans notre liberté, en sommes responsables. Mais je n’ai pas suivi sa stratégie de réussite sociale et ses préoccupations d’enrichissement.
• Le Taoïsme m’a appris (mais uniquement par la lecture) que quelquefois ne rien faire c’est la meilleure façon d’agir. Nos moines de la Sainte Montagne à qui les ignorants spirituels reprochent d’être inutiles feraient bien de l’apprendre. Mais n’étant guère amateur du Taoïsme populaire et de ses pratiques magiques. Je n’avais rien à y faire.
• Le bouddhisme de Nichiren m’a fait expérimenter essentiellement que la prière devait engager l’être tout entier corps, âme et esprit. De même il m’a initié à la prière monologique même s’il ne faut pas confondre mantra et prière de Jésus. Mais comme je n’ai pas l’esprit de club et de société fermée, j’en suis sorti.
• Le bouddhisme tibétain m’a initié à la méditation silencieuse et m’a habitué à la longueur des offices. Il m’a fait également apprécier sa profonde connaissance de l’âme humaine, la douceur des maîtres, leur absence de jugement et le sérieux de leur engagement monastique. Mais ses pratiques ésotériques d’ « apprivoisement » pour soi des divinités bonnes et mauvaises sentent parfois un peu le souffre à mon avis. Trop exotique de surcroit pour moi, je n’ai pas poursuivi.
• Le bouddhisme zen en dernier, plus dépouillé, m’a confirmé dans l’importance qu’il fallait donner à la participation, à l’ascèse et à la posture du corps dans la prière, à l’assise silencieuse, à la transmission de maître à disciple et à la tradition fidèlement respectée dans l’enseignement comme dans le rituel, et il m’a ouvert l’esprit à la théologie apophatique et aux paradoxes dont il émaille constamment son enseignement. L’accent mis sur la gratuité de la pratique sans attente de résultat et le don de soi sans attente de retour resteront gravés dans mon esprit. C’est là ce que j’ai pratiqué le plus longtemps, mais l’absence de réel maître à l’époque ne semblait pas palliée par de simples instructeurs même qualifiés. Je me suis éloigné des dojos et j’ai pratiqué seul à la maison.
Engagé que j’étais dans un processus de « développement personnel », comme on dit, où l’on expérimente pour se « libérer » et développer son potentiel, et s’épanouir, essentiellement, j’ai à cette époque entrepris une thérapie de l’audition (rééquilibrage droite-gauche et élargissement du spectre sonore) qui s’est terminée dans un monastère catholique dans lequel je suis allé pour simplement écouter un chant « particulier » que préconisait le professeur-phoniatre pour reposer l’esprit et les oreilles en fin de traitement : le chant grégorien.
Et dans ce lieu où je pensais écouter ce chant pour en expérimenter les bienfaits il est arrivé ce que je n’avais pas prévu du tout... délaissant assez tôt dans ma cellule mon zafu (coussin de méditation zen) emporté pour continuer ma pratique, j’ai alors passé en revue toute ma vie et prenant conscience de tout le mal que j’avais fait, j’ai tout assumé, sans chercher la moindre excuse, et dans une immense et profonde douleur, j’ai pleuré pendant trois jours. Je me suis rendu compte alors que j’étais dans un lieu chrétien, que je l’avais été jadis et que dire Notre Père avait plus de sens que de rester devant un mur nu, sur un coussin noir. J’ai ressenti alors une immense libération. J’ai entendu la parabole du fils prodigue à l’église de ce monastère de Bénédictins, dans ce temps de Carême, je me suis senti intimement pardonné et je n’ai plus eu qu’un seul désir : intégrer le Corps du Christ. Ma vie en a été totalement bouleversée et toute ma vision du monde dans tous les domaines sans exception a changé. Moi qui avais vécu indifféremment avec ou sans Dieu, je ne le pouvais plus désormais. Il était devenu évident pour moi que tout était lié et que tel point de vue et telle position que j’avais auparavant sur les relations humaines dans le domaine personnel ou social n’étaient plus tenables.
Je suis resté dans la grâce pendant toute une période merveilleuse et puis, comme il arrive souvent à ceux qui ont vécu ce genre d’expérience, la grâce s’est peu à peu retirée, le don des larmes s’est tari et j’ai éprouvé le besoin de rechercher un Père spirituel sûr et une tradition solide et fiable pour continuer mon chemin. Je ne savais pas où chercher, alors je suis revenu en arrière et j’ai contacté le lama tibétain qui m’avait initié à la méditation, je l’ai informé de ma conversion, je lui envoyé mes anciens objets de culte et je lui ai demandé, à lui qui avait organisé des rencontres interreligieuses, s’il ne pouvait pas me conseiller quelqu’un. Il m’a envoyé trois adresses : je n’ai jamais pu joindre les deux premières personnes de la liste, la troisième a répondu aussitôt en revanche à mon coup de téléphone. La voix était avenante, d’une personne cultivée, douce et accueillante. Je pouvais aller au monastère quand je voulais, et même y séjourner une période pour y faire une retraite, j’étais le bienvenu. Quand je suis arrivé à destination, devant le portail, j’ai deviné que j’étais arrivé dans un monastère orthodoxe, ce que m’a confirmé le chauffeur de taxi. Une belle aventure s’annonçait : j’en étais heureux, nullement inquiet. J’avais lu quelques articles dans des revues et l’Orthodoxie ne m’était pas inconnue, j’étais curieux d’en apprendre davantage. Le moine qui m’avait répondu au téléphone était Père Placide Deseille, higoumène du monastère orthodoxe de St Antoine le Grand dans le Vercors.
2.) Quelle a été la raison principale pour laquelle vous avez choisi la conversion à l'Orthodoxie?
Je suis donc resté une semaine chez Geronda Placide. Son nom ne m’était pas inconnu ; je me suis alors souvenu de l’avoir lu dans la liste des conférenciers ayant participé à un colloque inter-religieux organisé par Lama Denis supérieur de Karma Ling, la communauté bouddhiste tibétaine installée à l’ancienne Grande Chartreuse de Saint Hugon où j’avais été initié à la méditation... Voilà pourquoi il était dans les adresses que m’avait données Lama Denis à ma demande : il le connaissait bien sûr.
J’ai été reçu avec la même amabilité et la même douceur que je l’avais été au téléphone. J’ai bien sûr raconté, non sans une certaine crainte, mon itinéraire spirituel au Révérend Père Archimandrite et j’ai trouvé auprès de lui une immédiate, profonde et chaleureuse compréhension. Sa sérénité comme son humour, sa fermeté doctrinale comme son absence de jugement, sa préoccupation de vivre et de faire vivre la Tradition comme sa connaissance du monde contemporain, sa filiation athonite comme son intimité profonde et ancienne avec le monachisme d’orient et d’occident, sa simplicité comme son évidente érudition, la beauté frappante à mes yeux de ses mains d’intellectuel, comme l’étonnante simplicité avec laquelle je l’ai vu préparer la cuisine des moines, ceint de son tablier, devant son fourneau, tout contribuait à faire naître en moi le désir qu’il devienne le Père spirituel que je recherchais.
Chaque fois que le Père pouvait me recevoir en entretien, il répondait à toutes mes questions sans hésitation, avec simplicité et précision et tout cela me fut précieux pour compléter et éclaircir ce que je lisais avec grand intérêt dans la bibliothèque du monastère dans laquelle je me plongeais avec avidité. J’étais comblé en même temps que je comprenais de plus en plus qu’il n’y avait pas de cohabitation ni de compromis avec les autres « confessions ». On était en plein Carême – comme à l’époque de ma metanoia – et j’assistais avec ferveur à tous les offices des moines. Ce n’était malgré tout pas très aisé de me conformer aux usages athonites au début. Je ne savais trop sur quel pied danser, craignant de commettre quelque impair à l’église mais mes yeux et mes oreilles étaient grand ouverts pour m’imprégner le plus possible de toutes les différences de l’Orthodoxie. J’ai tout de suite apprécié d’y trouver beaucoup d’éléments qui étaient devenus importants pour moi lors de ma recherche passée: évidemment des convictions et une foi fortes, le sens du sacré dans les offices, la virilité du chant byzantin a capella, la déférence due à la hiérarchie, l’investissement physique dans la prière, la façon de réciter les psaumes avec énergie et componction à la fois, l’importance de la transmission de Père Spirituel à disciple dans une chaîne ininterrompue depuis les Apôtres. Tout cela s’accordait à mes besoins profonds d’une authentique tradition. Il ne manquait plus que de pouvoir communier à la Sainte Table... ce serait alors de plus en plus une souffrance pour moi de ne pouvoir encore le faire, tant que je n’aurais pas été reçu dans l’Orthodoxie.
Deux textes, d’une lumineuse beauté, trouvés dans la bibliothèque, me révélant la splendeur, la profondeur et la richesse de la théologie orthodoxe ont emporté mon adhésion chassant tous les doutes: La magnifique introduction de Jean-Claude Larchet aux Questions à Thalassios de St Maxime le Confesseur et le précieux Chant d’entrée du Père Basile Kondikakis. J’ai su que je n’avais pas besoin de chercher plus loin, ni plus longtemps, ni ailleurs, le champ de l’Orthodoxie s’étalait à l’infini devant ma vie à venir et je n’avais plus qu’à faire le premier pas.
3.) J'apprécierais beaucoup si vouliez nous dire quelques mots sur les plus belles expériences que vous avez vécues en tant qu'orthodoxe.
Évidemment cette première rencontre avec l’Orthodoxie a été un des moments les plus précieux de ma vie d’orthodoxe avec ma réception dans l’Église au monastère St Antoine. Bien sûr ma chrismation. Et puis faire des kilomètres en récitant la prière de Jésus en voiture, avec la faim physique et spirituelle au ventre et au cœur pour alle écouter à Mongeron les conférences de Geronda Placide, recevoir la communion de ses mains et me confesser à lui, c’est aussi une belle période.
Aller pendant toute une période au Skite du St Esprit de Père Barsanuphe au Mesnil St Denis, qui m’a initié à l’iconographie orthodoxe, tous les mercredis matins, pour m’y confesser juste avant de communier dans ce petit sanctuaire peint par le moine Grégoire Krug (d’éternelle mémoire), comme en pèlerinage à la grotte de Bethléem, et aller célébrer, après la liturgie, une pannychyde sur la tombe de l’iconographe, c’est aussi un souvenir précieux. D’ailleurs prier pour les morts est une chose qui m’est devenue chère, je n’hésitais jamais quand, dans ma paroisse, il fallait participer avec le chœur à la célébration d’un office pour un défunt au cimetière de Ste-Geneviève-des-bois.
Chanter la pannychyde avec les moines de St Panteleimon sur la Sainte Montagne dans la crypte-ossuaire a été un office inoubliable. Vénérer le crâne de St Silouane dans le Catholicon de ce monastère russe a été aussi pour moi une grande bénédiction. À l’Athos également, voir pour la première fois tourner le polyéleos lors de l’office monastique au monastère de Simonos Petra a produit chez moi l’émerveillement en constatant comment absolument tous les éléments de l’église étaient mis à contribution pour enrichir la symbolique de la foi chrétienne orthodoxe pour glorifier Dieu.
L’Orthodoxie est pour moi comme un immense, extraordinaire et sophistiqué capteur de la grâce de Dieu : tout dans les moindres détails et dans tous les éléments qui la composent est en harmonie et en résonance avec le tout et tout est orienté vers Dieu, et tout participe à l’union du Ciel et de la terre, à la divinisation de l’homme. Participer à l’agrypnie de Sainte Marie Madeleine dans ce même monastère de Simonos Petra et émerger des chants des psaltes, et de l’encens de la nef pour monter sur la terrasse supérieure et rencontrer la nuit étoilée et la mer s’étendant à l’infini, et reprendre souffle avec quelques autres fidèles et quelques moines avant de replonger dans l’église, c’était avoir l’âme comblée, jusqu’au plus profond de soi, de la Gloire divine pour communier avec toute la création. Une belle expérience sur la Sainte Montagne également aura été d’avoir le privilège de chanter avec des moines de St Pantaleimon le достойно есть de Lvov devant l’icône Axion estin de l’église du Protaton à Karyes ; ce fut également un grand moment de piété.
J’aurais bien d’autres belles choses à raconter mais elles sont difficiles à partager car elles concernent quelques grâces qui ont été accordées à notre famille non pas certes en raison de nos mérites, mais certainement par pure miséricorde, pour conforter notre foi, nous consoler et nous soutenir dans des périodes d’épreuves particulièrement difficiles à traverser. Tout ce que je peux dire – et ce n’est pas original pour un orthodoxe - c’est que ce n’est pas en vain que l’on supplie et qu’on appelle au secours la Toute Sainte Mère de Dieu, dont j’ai la conviction indéracinable qu’elle a veillé sur moi tout au long de ma vie. Aussi récité-je bien souvent des chapelets de cette prière « Toute Sainte, sauve-nous des passions et des dangers ».
Enfin il faut quand même que je dise que ce qui remplit mon cœur de joie dans l’Orthodoxie et qui est une expérience continue, c’est tout simplement de pouvoir vivre chaque jour notre foi en famille, ce qui est une des plus belles choses de ma vie.
4.) Que signifie pour vous le fait d'être orthodoxe dans une société occidentale et quel serait votre témoignage pour la conscience occidentale contemporaine?
Être orthodoxe en nos contrées implique selon mon point de vue un retour aux sources du Christianisme, et comme beaucoup d’obstacles s’y opposent cela implique aussi une posture de résistance.
Il s’agit à la fois de renouer avec nos propres origines orthodoxes, tout en se sentant solidaire avec le monde orthodoxe en son entier et c’est une belle chose. La résistance ne se fait pas sans une lutte, d’abord bien entendu contre nos propres passions, et ensuite pour vivre, connaître et transmettre ce qu’est le Christianisme authentique dans un environnement culturel, à la fois naguère marqué par le Christianisme, et désormais sans repères fiables pour sa partie encore chrétienne – de plus en plus minoritaire, malgré une surreprésentation médiatique. Le tout dans une société qui est à la fois sécularisée, et de plus en plus antichrétienne par l’imposition militante de ses propres valeurs athées et relativistes, avec son idéologie omniprésente, ses lois et ses décrets, société elle-même menacée par une islamisation croissante non intégrée (parce que non traditionnelle comme en Russie par exemple) et revancharde.
Cette société antichrétienne ne se rend pas compte qu’elle «a scié la branche sur laquelle elle était assise» et comme «la nature a horreur du vide » (selon Aristote), l’Islam ayant perçu le vide, a le projet, clairement affirmé, de le combler et a bien commencé de le faire et très souvent violemment...
Il s’agit donc bien d’une forme de combat à tenir. Les adeptes « spirituels » de l’Advaïta et la Non-Dualité qui méprisent la «religion» et ne jurent que par la « spiritualité » condamnent une telle posture de combat. Le chrétien orthodoxe ne devrait-il pas donner un exemple de sagesse, de paix, de sérénité et de fraternité ?
En fait, particulièrement dans cette partie du monde habité que l’on appelle occident, être orthodoxe c’est d’abord se sentir totalement minoritaire et en butte à une omniprésente représentation qui défigure – volontairement ou par ignorance – ce qu’est le Christianisme véritable.
Ensuite, particulièrement quand on a des enfants, et c’est bien là ce qui motive le plus pour être en posture de résistance et de combat, un orthodoxe qui a la ferme conviction qu’il a trouvé la vraie foi, est sans cesse appelé à l’affirmer à bon escient, mais clairement, corriger ce qui est transmis de façon erronée, malveillante et massive sur le Christianisme, par les media, l’enseignement public et malheureusement aussi par les représentants et les fidèles de ce qu’on appelle les autres « confessions » chrétiennes.
On ne peut pas se contenter de dire : je veille à mon salut car je fais mes prières, je respecte les périodes de jeûne, je vais à l’église, je fais l’aumône etc. et le monde admirera de lui-même les fruits attirants et appétissants que porte l’arbre orthodoxe. Non, éduquer ses enfants dans la foi orthodoxe est difficilement compatible avec une attitude qui laisse les enfants s’identifier à des formes trompeuses de la foi chrétienne, se conformer aux fallacieuses valeurs du monde et ingurgiter tous les poisons distillés à grand débit continu, partout.
Donc il y a lieu d’insister, d’expliciter, de rappeler, de répéter, de rectifier, de contrer, de résister et donc de combattre car les valeurs et la propagande adverses ne laissent aucun répit. C’est une forme de militantisme. Ce à quoi je tente personnellement de consacrer une partie de ma vie, modestement toutefois mais avec persévérance, sur la plus grande source d’informations, Internet.
Bien sûr il ne s’agit pas de prosélytisme et vouloir convertir qui que ce soit, ce n’est pas cela le bon combat. Il s’agit, pour nous qui sommes revenus à l’Orthodoxie de nos pères et qui sommes souvent si peu nombreux, perdus, isolés, quelquefois même parmi nos frères orthodoxes immigrés dans notre pays et qui sont orthodoxes d’origine, pour nous qui sommes quelquefois loin de tout lieu de culte, de tout confesseur, et bien souvent encore plus loin d’un Père spirituel, de tenir bon dans la foi avant tout, pour nous et notre descendance. Il y faut du courage, de la ténacité et bien sûr de la prière car Notre Dieu compatissant pourvoit souvent à nos besoins qu’Il connaît.
Mais dans la vie de tous les jours, dans le milieu professionnel, dans le voisinage, c’est toujours une surprise, un étonnement pour les non-croyants (par conviction ou par ignorance) d’apprendre que nous sommes orthodoxes (ce que nous ne clamons pas à tous les coins de rue). Souvent naît alors le désir plutôt bienveillant en eux d’en connaître davantage et c’est seulement à ce moment que nous leur apprenons ce qu’ils désirent savoir. Ils font alors le lien avec certaines attitudes que nous pouvons avoir dans nos relations, vis à vis du comportement de certaines personnes, certaines paroles que nous pouvons prononcer, certaines interprétations du monde qu’ils nous ont entendu donner auparavant. Ils sont également souvent étonnés d’apprendre qu’il n’y a pas que les musulmans qui ont une foi forte, des convictions fermes et précises, des périodes de jeûne, qui font des prosternations... et tout cela discrètement. Si les gens ne sont pas chrétiens, il ont alors une autre perception des « chrétiens », particulièrement s’ils sont musulmans modérés ; s’ils sont chrétiens, ils mesurent alors les différences profondes qu’ils ne soupçonnaient même pas, et soit ils se voilent la face en répétant le discours de l’idéologie indifférencialiste dominante (« c’est du pareil au même »), soit ils se remettent en question dans leurs convictions et leur pratique, et mesurent la distance entre ce qui se fait chez eux et ce que vivent et confessent les orthodoxes dans leur Église.
C’est pourquoi il est si important pour la défense de notre foi, c’est à dire pour la préservation et la sûreté de notre voie de salut, de cultiver notre différence et de ne pas entrer dans la tentation du relativisme. Jamais ; car dans ce combat le rapport de forces (qui est indéniable malheureusement) n’est pas en notre faveur, d’autant plus quand l’Orthodoxie est calomniée et identifiée comme alliée de régimes autoritaires et nationalistes, archaïque dans son essence et donc réactionnaire... Nous pouvons demeurer fraternels avec tous sans rien lâcher de notre spécificité qui pour nous est simplement la juste glorification de notre Dieu et la voie de la déification qui nous a été léguée en droite ligne sans interruption ni modification, pour tous. Prêter le flanc de quelque manière que ce soit, à l’identification et à la réduction au même à ce qui est connu dans le Christianisme occidental et qui selon le monde ne mérite même plus d’être transmis, c’est perdre notre foi et s’empêcher de la transmettre fidèlement aux générations qui nous suivent.
5.) Quels sont les livres orthodoxes qui vous ont impressionné le plus et qui devraient être lus par ceux qui désirent découvrir et comprendre l'orthodoxie?
Notre Seigneur sait à qui Il a affaire avec chacun de ses enfants. Il connaît tout de nous et sait comment nous guider pour nous emmener à Lui. J’en témoigne. Le Psalmiste l’exprime magnifiquement dans le psaume 138 :
« Seigneur Tu m’as mis à l’épreuve et Tu m’as connu Tu as connu mon repos et mon réveil Tu as pénétré de loin toutes mes pensées.. Tu as vu par avance toutes mes voies...» Le Saint Esprit nous met donc entre les mains les livres qui conviennent à chacun selon ses besoins spirituels à chaque étape de notre cheminement vers la conversion. Cela peut-être des livres d’écrivains comme Féodor Dostoïevski qui m’ont bouleversé et m’ont tenu éveillé des nuits entières, ceux de Virgil Gheorghiu qui m’ont emporté dans le désir de retrouver la même force dans la foi, de Nikolaï Leskov qui m’ont émerveillé et pénétré de la vie dans la foi orthodoxe. La littérature est bien souvent un guide plus enthousiasmant et profond que la théologie savante. Ce peut être aussi le Pèlerin Russe et aussi les récits de vies de saints orthodoxes comme celle de St Silouane l’Athonite, de St Seraphim de Sarov. Et leurs œuvres spirituelles qui emportent encore davantage l’adhésion. Les œuvres de Père Sophrony, de St Païssios, de St Porphyre. Et puis tous les petits livrets, sur toutes les questions que l’on peut se poser sur l’Orthodoxie, qu’a écrits Père Placide Deseille dont toutes les œuvres par ailleurs sont à lire et bien précieuses pour un francophone. Tous les livres de la collection Grands Spirituels orthodoxes du XX° siècle, dirigée par Jean-Claude Larchet sont des guides profonds et sûrs. Jean-Claude Larchet dont la connaissance des Saints Pères de l’Antiquité à nos jours fait autorité dans le monde entier a écrit bien des livres dont les thèmes répondent profondément et précisément à toutes les questions de ceux qui voudraient connaître, sans errer, l’Église orthodoxe et qui sont tous à recommander. Chacun de ses livres fait preuve non seulement d’une rigueur, d’une érudition et d’une exhaustivité remarquables mais également d’une intimité profonde et vivante avec la spiritualité orthodoxe. Mais il y en aurait bien d’autres et chaque livre est une rencontre bien souvent prévue par la Providence selon les besoins.
« Seigneur Tu m’as mis à l’épreuve et Tu m’as connu Tu as connu mon repos et mon réveil Tu as pénétré de loin toutes mes pensées.. Tu as vu par avance toutes mes voies...» Le Saint Esprit nous met donc entre les mains les livres qui conviennent à chacun selon ses besoins spirituels à chaque étape de notre cheminement vers la conversion. Cela peut-être des livres d’écrivains comme Féodor Dostoïevski qui m’ont bouleversé et m’ont tenu éveillé des nuits entières, ceux de Virgil Gheorghiu qui m’ont emporté dans le désir de retrouver la même force dans la foi, de Nikolaï Leskov qui m’ont émerveillé et pénétré de la vie dans la foi orthodoxe. La littérature est bien souvent un guide plus enthousiasmant et profond que la théologie savante. Ce peut être aussi le Pèlerin Russe et aussi les récits de vies de saints orthodoxes comme celle de St Silouane l’Athonite, de St Seraphim de Sarov. Et leurs œuvres spirituelles qui emportent encore davantage l’adhésion. Les œuvres de Père Sophrony, de St Païssios, de St Porphyre. Et puis tous les petits livrets, sur toutes les questions que l’on peut se poser sur l’Orthodoxie, qu’a écrits Père Placide Deseille dont toutes les œuvres par ailleurs sont à lire et bien précieuses pour un francophone. Tous les livres de la collection Grands Spirituels orthodoxes du XX° siècle, dirigée par Jean-Claude Larchet sont des guides profonds et sûrs. Jean-Claude Larchet dont la connaissance des Saints Pères de l’Antiquité à nos jours fait autorité dans le monde entier a écrit bien des livres dont les thèmes répondent profondément et précisément à toutes les questions de ceux qui voudraient connaître, sans errer, l’Église orthodoxe et qui sont tous à recommander. Chacun de ses livres fait preuve non seulement d’une rigueur, d’une érudition et d’une exhaustivité remarquables mais également d’une intimité profonde et vivante avec la spiritualité orthodoxe. Mais il y en aurait bien d’autres et chaque livre est une rencontre bien souvent prévue par la Providence selon les besoins.
6.) Klaus Kenneth, un penseur orthodoxe de Suisse disait : "l'orthodoxie est une voie royale et il n'y a pas une autre voie qui pourrait aider l'homme pour gagner la rédemption". Êtes-vous d'accord avec cette affirmation ?
Oui, c’est ma conviction. Sans doute Dieu dans le secret reconnaîtra les siens d’où qu’ils viennent, sans doute y a-t-il un cheminement différent pour chacun, mais reprenant la phrase attribuée au clerc du XIII°s, Alain de Lille, « Mille viae ducunt homines per saecula Romam Qui Dominum toto quaerere corde volunt. » (« Mille routes conduisent depuis des siècles à Rome les hommes qui désirent rechercher le Seigneur de tout leur cœur. ») je dirai plutôt : « Mille routes conduisent depuis des siècles à l’Église Orthodoxe, Église du Christ des origines, les hommes qui désirent rechercher le Seigneur de tout leur cœur. » c’est la grâce que j’ai reçue et que je souhaite de tout cœur à tous les hommes.
L’Orthodoxie est un trésor vivant inépuisable, la partager avec le plus grand nombre est mon vœu le plus cher et cela ne peut que l’enrichir et la multiplier davantage comme L’Amour infini de Dieu pour les hommes. Le Seigneur nous rappelle dans Matthieu 7:15-21 « Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons? Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »
La succession, ininterrompue jusqu’à nos jours, des saints de l’Église orthodoxe suivant l’enseignement des Saints Pères « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu» en témoignent: portant les bons fruits de la vie en Christ dans l’Orthodoxie, Ils expérimentent déjà dans leur vie sur terre le Royaume des Cieux. Jamais ils n’ont renié leur sainte foi orthodoxe, ni n’ont tenté de la remettre en question, encore moins de la modifier, de la mettre au goût du jour ou de la réduire en un quelconque point mais bien au contraire ils ont fait preuve de la plus grande fidélité, de la plus grande humilité et de la plus grande obéissance malgré l’adversité provenant quelquefois de leurs frères même. Les charismes dont ils ont été gratifiés dans leur vie terrestre et de l’au-delà dont nous pouvons bénéficier, nous confortent dans notre foi et nous confirment que tous peuvent être sauvés et déifiés dans l’unique Église du Christ, l’Église orthodoxe.
Quant à moi, pécheur que je suis, je rends grâce, avec une joie profonde, tous les jours de ma vie depuis mon entrée dans l’Église, de lui appartenir, et malgré mes chutes innombrables et les épreuves traversées qui auraient pu m’éloigner de Dieu et me faire perdre la foi, je bénis notre Dieu de nous avoir fait ce don merveilleux de son Église, bâtie et nourrie depuis des siècles par l’Esprit Saint de Dieu, à nous pécheurs, assistés, consolés, guéris et protégés que nous sommes par la Toute Sainte, notre sœur et notre Souveraine. Gloire à Dieu au plus haut des Cieux !
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