"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 30 octobre 2013

Leo OLSON: Quelle langue est-ce ? (2)




Nous nous sommes rencontrés chez moi avant l’office, parce que je voulais les préparer, les "préconvertir", si vous voulez. J'avais un arsenal d'articles, de brochures magiques de Gillquist (membre de l’Eglise Evangélique Américaine qui a produit de nombreux petits livrets sur la foi orthodoxe dans un but de prosélytisme vis-à-vis des protestants évangéliques américains) et les différentes étapes de l'histoire de l'Eglise. J'ai parlé pendant une heure. J'étais éloquent. J'étais toute douceur. J'étais le "channel" de saint Jean Chrysostome. 

Cela s'est avéré être une idée horrible, grossièrement sous-estimée quant à son résultat. Je m'attendais à quelques-unes des questions normales sur la liturgie de la "haute Église", sur le chant, et les icônes, et la raison pour laquelle saint Georges terrassait un dinosaure, comme un personnage de Donjons et Dragons (Célèbre jeu de rôles). 
J'ai même abordé le baiser "de vénération" des icônes comme n’étant pas idolâtre. Je leur ai dit que c'est comme embrasser une image de grand-mère qui avait Jésus dans son cœur et révérait ainsi le travail de l'Esprit Saint, sans pour autant adorer Kodak. Je pourrais dire que je parlais une langue étrangère pour eux et ils me soupçonnaient  de ruse spirituelle.

Nous sommes allés à l’office en groupe. Je savais que mon frère ne voulait pas aller à mon église parce qu'il n'avait pas écouté ma conférence de préemption qui essayait désespérément de traduire l'Orthodoxie pour son monde. Mais il fut contraint d'y assister en raison de la pression familiale. Nous nous tenions tous au banc arrière de la nef obscure, et mon frère s’est assis après qu’un psaume ait été lu, a remis son chapeau et l’a tiré vers le bas sur ses yeux. Il avait passé sept minutes dans l’office. Le reste de mes frères et sœurs étaient les yeux écarquillés, confus et se sentant gênés de n’être pas mieux vêtus pour la circonstance.

Un vieux monsieur de notre paroisse s’est frayé un chemin vers nous à partir de l'avant et a demandé à mon frère d'enlever son chapeau. Cette expérience a été si horrible pour moi, que je suis rentré en moi-même et silencieusement j’ai prié, disant "Kyrie éléison" encore et encore, aussi vite que je le pouvais, pour sortir de mon embarras.

Mon frère ôta son chapeau, mais il ne se leva pas. Il croisa les bras avec morgue et son entêtement s’installa. Je savais qu'il allait supporter cet office orthodoxe une fois, mais plus jamais ensuite. 

J'ai reconnu cette révolte intérieure passive parce que nous avons les mêmes " blessures spirituelles à la tête". Je savais aussi qu’il était sans espoir d'essayer de corriger cela, mais je me suis quand même penché vers lui et à moitié faisant des excuses et à moitié voulant le frapper au cou pour avoir agi comme un crétin, je lui ai demandé : "Alors, c’est assez différent, hein? Qu'en penses-tu jusqu'ici? "
Il me regarda et demanda: "Quelle langue est-ce?" Je ne pus m'empêcher de rire et je répondis: "Euh, c'est l'anglais. Tout est en anglais pour l'instant." 

Il leva les yeux au ciel et attendit que l’office soit fini. Il n'y avait "pas de place à l'auberge" pour mon frère, et je suis sûr qu'il ne serait pas resté à l'Hôtel de l’Orthodoxie si une chambre lui avait été offerte. Il n'a jamais fait marche arrière et nous n'avons pas discuté d’Orthodoxie ou de Dieu depuis.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après



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