Que m'arrivait-il?
J'ai appelé le médecin, mais l'atmosphère dans laquelle je me trouvais s'avérait être totalement inadaptée pour moi, elle ne recevait et ne transmettait pas les sons de ma voix, et je compris que j'étais dans un état de totale dissociation avec tout ce qui était m'entourait. Je compris mon état étrange de solitude et un sentiment de panique m'envahit. Il y avait vraiment quelque chose d'indiciblement horrible dans cette extraordinaire solitude. Si une personne se perd dans une forêt, se noie dans les profondeurs de la mer, est prise dans un incendie, est assise à l'isolement dans une prison, elle ne perd jamais l'espoir qu'elle sera entendue. Elle sait qu'elle sera entendue si son appel à l'aide parvient à être ouï de quelqu'un, elle comprend qu'un autre être vivant la voit, que le garde entrera dans sa casemate, et elle sera en mesure de commencer à parler avec lui, d'exprimer ce qu'elle désire et l'autre la comprendra.
Mais voir les gens autour de soi, entendre et comprendre leur conversation, et en même temps savoir que peu importe ce qui vous arrive, vous n'avez aucune chance que ce soit de les informer de votre présence et d'attendre de l'aide au besoin, un tel état de solitude me donnait la chair de poule, mon esprit devenait engourdi. C'était pire que d'être sur une île inhabitée, car là, au moins, la nature aurait manifesté des signes positifs de la réceptivité de ma présence, mais ici, dans ce dénuement de capacité de m'associer avec le monde environnant, expérience dénuée de naturel pour un être humain, en elle il y avait beaucoup de peur mortelle, comme une reconnaissance horrible d'impuissance, que l'on n'est ni en mesure de ressentir dans toute autre situation, ni d'exprimer par des mots.
Je n'ai, bien sûr, pas cédé tout de suite; j'ai essayé de toutes les manières possibles et tenté de faire sentir ma présence, mais ces tentatives ne m'ont apporté qu'un désespoir complet. Est-il vraiment possible qu'ils ne me voient pas? pensais-je avec désespoir et à plusieurs reprises je m'approchais du groupe de gens debout au-dessus de mon lit, mais aucun d'eux ne se retourna et ne fit attention à moi, et maintenant je me regardais avec perplexité, je ne comprenais pas comment il était possible pour eux de ne pas me voir, quand j'étais le même que celui que j'avais toujours été. Je fis une tentative de me toucher, et ma main encore une fois traversa l'air.
"Mais je ne suis pas un fantôme. Je me sens et je suis conscient de moi-même, et mon corps est un corps réel, et non une sorte de "mirage trompeur", ai-je pensé, et encore une fois je me suis regardé attentivement, et je fus convaincu que mon corps était vraiment un corps, parce que je pouvais l'observer et voir ses moindres détails, même un point, en toute clarté. Son aspect extérieur restait le même que ce qu'il avait été auparavant, mais évidemment ses qualités changeaient. Il devenait inaccessible au toucher, et l'air ambiant devenait trop dense de sorte que le contact complet avec des objets n'était pas possible.
"Un corps astral. Il semble que c'est ainsi qu'il est appelé?" la pensée me traversa l'esprit. "Mais pourquoi, cela m'est-il arrivé à moi?" Me suis-je demandé, en essayant de me rappeler si jamais j'avais entendu des descriptions de tels états, des transfigurations étranges pendant la maladie.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Orthodox Life
Vol. 26, No. 4
Holy Trinity Monastery
Jordanville, N.Y.
USA
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