"Non, tu ne peux rien faire ici! Tout est fini", a dit le jeune médecin, en agitant sa main d'une façon désespérée, et il s'éloigna du lit sur lequel était couché l'autre moi.
Je me sentais indiciblement vexé, qu'ils continuaient à raisonner et se préoccuper d’un moi que je ne sentais pas complètement, qui n'existait pas pour moi, et qu’ils laissaient sans attention l'autre moi réel, qui était conscient de tout et d'être tourmenté par la peur de l'obscurité, cherchant et demandant leur aide.
"Est-il possible qu'ils ne le sache pas ? Est-il possible qu'ils ne comprennent pas que je ne suis pas là?" Déçu je réfléchissais et, marchant vers le lit, j’ai regardé cet autre moi, qui, au détriment de mon vrai moi, attirait l'attention des gens dans la salle.
J'ai regardé, et voici que pour la première fois l'idée a émergé: est-il possible que ce qui s'est passé pour moi, dans notre langue, dans la langue de personnes vivantes, est défini par le terme de «mort»?
Cela s'est produit pour moi, parce que le corps allongé sur le lit ,avait toutes les apparences d'un cadavre: sans mouvement, ne respirant pas, le visage empreint d'une sorte de pâleur, avec des lèvres fermement serrées, légèrement cyanosées, cela me rappelait vivement l'ensemble des défunts que j'avais vus. Il peut sembler étrange au premier abord, qu’en voyant seulement mon corps sans vie, je compris ce qui s'était réellement passé pour moi, mais si l'on considère attentivement et que l’on perçoit entièrement ce que je ressentais et dont je faisais l’expérience, une telle perplexité de ma part, étrange à première vue, devient compréhensible. Car notre compréhension du mot «mort», est inextricablement liée l'idée d'une sorte de destruction, une cessation de la vie, comment pouvais-je penser que j’étais mort quand je n'avais pas perdu la conscience de moi-même un seul instant, quand je me sentais tout aussi vivant, entendant tout, voyant tout, conscient de tout, capable de mouvement, de pensée, de parole? Quelle sorte de détérioration pourrait-il y avoir ici, quand je me voyais magnifiquement, et dans le même temps je reconnaissais même l'étrangeté de mon état? Même les paroles du médecin, «tout est fini" n’attirèrent pas mon attention et ne me firent pas tout de suite deviner ce qui avait eu lieu, dans la mesure où ce qui avait eu lieu avec moi, diffèrait de nos conceptions de la mort !
La dissociation de tout par rapport à moi, la scission de ma personnalité, plus que tout aurait pu me faire comprendre que ce qui avait eu lieu, si j'avais cru en l'existence d'une âme, si j’avais été religieux, mais ce n'était pas le cas et je fus guidé uniquement par ce que je sentais, et la sensation de la vie était si claire, que je ne fus perplexe qu’avec cet étrange phénomène, étant totalement incapable de lier mes sentiments avec la conception traditionnelle de la mort, c'est-à-dire, tout en ressentant et en étant conscient de moi-même, de penser que je n'existais pas.
Par la suite j'ai souvent eu l'occasion d'entendre des gens religieux, c'est-à-dire, ceux qui ne nient pas l'existence d'une âme et de l’après-vie, l'opinion ou la supposition suivante, à savoir que dès que l'âme de l'homme s’est séparée de sa chair corruptible, elle se transforme immédiatement en un genre d'essence omnisciente, de sorte que pour elle, il n'y a rien d’inconnu, et il est étonnant de voir comment dans le nouveau royaume de la réalité, dans la nouvelle forme d'existence, non seulement elle pénètre immédiatement dans le domaine de nouvelles lois qui se révèlent à elle par le nouveau monde et son propre état altéré, mais tout cela lui est si semblable, que cette transition est comme un retour vers une vraie patrie, un retour à son état naturel. Une telle supposition est fondée essentiellement sur l'idée que l'âme est un esprit, et que ces limitations qui existent pour la partie physique de l'homme, ne se présentent pas pour l'esprit.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Orthodox Life
Vol. 26, No. 4
Holy Trinity Monastery
Jordanville, N.Y.
USA
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