Mon archevêque (Alexander Golitzine) partage l'histoire d'un jeune homme à qu'il a enseigné il y a quelques années. Il était orthodoxe d'Estonie. Il avait grandi à l'époque soviétique et en était venu à détester tout ce qui est russe, y compris l'Église orthodoxe. Néanmoins,une année, il a vu un cortège orthodoxe dans les rues de sa ville, un cortège qui comprenait l'évêque russe (qu'il détestait également et croyait être un agent du KGB). Cependant, il vit l'évêque entouré de lumière. C'est une expérience qui l'a conduit dans la foi orthodoxe. Vous pourriez détester l'homme, et l'Église aussi. Mais la gloire indéniable de Dieu a révélé ce que sa haine ne pouvait pas voir.
Le but de mon évêque en partageant l'histoire n'était pas d'exonérer l'Église russe de tout acte répréhensible, ou de coopérer avec l'acte répréhensible. Ce n'était pas non plus pour exonérer l'évêque impliqué et le déclarer saint. C'était une histoire sur la gloire de Dieu et sa place et son œuvre malgré nos fautes et nos échecs. Les 12 apôtres ont chassé les démons, guéri les malades et purifié les lépreux. On ne nous dit nulle part que Judas n'a rien fait de tout cela. Sans aucun doute, il l'a fait (ce qui rend sa trahison d'encore plus grande).
Il y avait une hérésie dans l'Église primitive qui niait l'efficacité des sacrements s'ils étaient accomplis par des pécheurs. Le débat était en grande partie sur ceux qui, sous la pression de la persécution, avaient en aucune façon nié leur foi ou cédé aux exigences de l'État païen. C'est une ligne de pensée facile à maintenir. Si l'on nous a commandé d'être saints, il y a sûrement des conséquences à ne pas respecter le commandement. Il y a en effet des conséquences au sein des canons de l'Église, mais ces conséquences n'incluent pas l'inefficacité des sacrements.
Le scandale de l'Incarnation, Dieu-devenu-homme, est la contradiction apparente du Dieu tout à fait transcendant et la particularité et les limites de l'existence humaine. C'est un scandale dont les erreurs courent dans deux directions.
Tout d'abord, il y a une hypothèse que Dieu est si mécontent du péché qu'il ne peut rien avoir à voir avec lui, ou que le péché annule d'une manière ou d'une autre l'œuvre de Dieu. Deuxièmement, il y a une croyance tout aussi odieuse que les êtres humains, dans leur respect des commandements, ne sont jamais assez justes pour être réellement compatibles avec la sainteté véritable. La première est une erreur à propos de Dieu, la seconde est une erreur à propos des êtres humains.
Je suis toujours troublé d'entendre « il n'y a pas de grâce en dehors de l'Église ». Je n'arrive pas à comprendre ce que signifie une telle déclaration. Puisque l'univers entier est soutenu par la grâce de Dieu, je ne peux assumer qu'une sorte d'hérésie de la laïcité par une telle déclaration - la notion que tout peut exister en dehors de la grâce de Dieu. Pour ses propres raisons mystérieuses, Dieu soutient même les anges déchus par Sa grâce. Si ce n'était pas le cas, ils cesseraient d'exister. Seul Dieu a une existence en Lui-même.
Je ne peux dire "il n'y a pas de grâce en dehors de l'Église" que si je dis aussi que tout dans toute la création est à l'intérieur de l'Église. En fait, je crois que c'est vrai. L'Église a vu le jour lorsque Dieu a dit : « Que la lumière soit. » Les sacrements ne nous font pas être ce que nous ne sommes pas, mais nous révèlent être ce que nous sommes vraiment. Le baptême et la Chrismation sont en effet exigés de ceux qui viennent à la Sainte Communion, car ce sont des réalités fondamentales dans la médecine de l'immortalité et le chemin de la vie que Dieu nous a donné. Mais la personne qui est baptisée ne devient pas d'une manière ou d'une autre que ce qu'elle est. Les personnes deviennent plus pleinement humains, plus vraiment ce que pourquoi elles ont été créées. « Le Saint-Esprit complète ce qui manque », dit-on dans nos prières.
Il y a des frontières que nous décrivons comme « l'Église », mais ce sens est utilisé pour spécifier ce qui est identifié à la plénitude de la vie en Christ. « Église », dans cet usage, est « ce qui est réconcilié ». St. Paul dit que la fin de toutes choses est qu'elles soient « rassemblées en un seul en Jésus-Christ ». C'est l'Église, en fin de compte.
Trop souvent, nous parlons de l'Église en termes confessionnels, dans lesquels nous parlons de personnes qui sont réconciliées dans la plénitude de l'orthodoxie comme si leur « adhésion » constituait l'ensemble de l'Église. Mais St. Paul étend l'Église à « toutes choses ». Ainsi, l'herbe et les arbres (et certainement la farine et le vin) sont rassemblés en Christ. L'Eucharistie n'est pas un rassemblement destiné à exclure tout le reste. C'est un rassemblement qui représente tout le reste. « Ce qui est à Toi, le tenant de Toi, nous Te l'offrons » Qu'y a-t-il dans toute la création qui n'appartienne pas à Dieu ? En effet, les membres de l'Église qui se rassemblent ne sont eux-mêmes que les « premiers fruits » de tout Adam.
Et nous avons donc la réalité des évêques brillants qui pourraient être détestés en Estonie (tout comme beaucoup d'autres évêques pourraient être détestés ailleurs). La transfiguration (c'était la scène de cette procession) de la création de Dieu est tout simplement choquante pour nous. C'est une manifestation de l'amour de Dieu qui ignore tout scandale, sauf celui qui n'aime pas. C'est une transfiguration qui donne de la lumière et qui brûle.
Beaucoupéprouvent un froid réconfort dans le fait que la lumière transfigurante de Dieu en brûle certains. Cependant, elle brûle le plus souvent les yeux de ceux qui jugent l'aptitude des personnes transfigurées. Ils deviennent aveugles de cette manière.
La Transfiguration du Christ serait généralement considérée comme exempte de scandale. Il apparut sur la Sainte Montagne avec Moïse et Elie - comment les disciples ne pouvaient-ils pas se réjouir. Mais le texte décrit un scandale.
Alors qu'il priait, l'apparence de son visage fut altérée, et sa robe devint blanche et scintillante. Et voici, deux hommes, qui étaient Moïse et Élie, ont parlé avec Lui, qui apparut en gloire et parla de Sa mort qu'il était sur le point d'accomplir à Jérusalem. (Luc 9:29-31)
Le Christ, à son tour, parla aux disciples de Sa mort qu'il était sur le point d'accomplir à Jérusalem, et Pierre l'a réprimandé ! Le grand scandale est toujours le scandale de la Croix. Il n'y a pas de chemin vers une véritable union avec Dieu qui ne passe pas par la Croix. C'est finalement vrai pour tous ceux qui sont transfigurés ainsi que pour tous ceux qui espèrent voir une transfiguration.
Il est à noter que le grec en dessous de cette traduction ne dit pas que le Christ parlait avec Moïse et Elie de son « décès ». Le texte l'appelle son « exode ». Ce n'est pas un choix de mots occasionnel. Son voyage vers la mort est le Grand Exode, le chemin à travers la mer Rouge qui noie le pharaon mystique. C'est la Pâque du Seigneur.
Cette Pâque est le chemin de la transfiguration. Moïse lui-même, après la Pâque, conduit le peuple vers une montagne sainte différente. Là, il reçut la Loi écrite par le doigt même de Dieu. Quand il est descendu de la montagne, son visage a été transfiguré et les gens ont eu peur de le regarder - et ils lui ont demandé de porter un voile.
En Christ, le voile est enlevé, sauf pour ceux qui portent un voile couvrant leur cœur (2 Cor. 3). Mais Dieu est si miséricordieux qu'il enlève parfois le voile afin que les jeunes hommes en colère dans les rues de l'Estonie (qui est partout) puissent voir Sa gloire et vivre.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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