"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 11 août 2015

LA TOURMENTE GRECQUE


Ancien journaliste de France 3, Philippe Menut a réalisé "La tourmente grecque". Un témoignage accablant sur les conséquences pour les Grecs de la crise et une analyse de ses origines.

Ancien journaliste à France 3 Languedoc-Roussillon, Philippe Menut vient de réaliser un film documentaire de 52 minutes qui a été présenté en avant-première à Montpellier mercredi. La tourmente grecque est un gros plan humain mais aussi une enquête économique pointue sur ce pays où depuis le début de la crise de la dette en 2010, la mortalité infantile a augmenté de 43%, les avortements de 30% et l'espérance de vie a diminué de trois ans. Pourquoi la dette ? où sont passés les 245 milliards du plan dit de sauvetage européen ? à qui profite la crise ? pourquoi l'Allemagne ne paie-t-elle pas à la Grèce les 162 milliards d'euros qu'elle lui doit depuis 1944 ? Telles sont quelques-unes des questions que pose ce film.

Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la Grèce ?
Autant la réalité de ce que vivaient les Grecs que les causes de ce qu'ils vivent. Au départ, j'ai été choqué du traitement médiatique qui en était fait, surtout en Allemagne d'ailleurs où les Grecs étaient montrés comme des paresseux, des corrompus. Énormément de rumeurs ont circulé. C'est dans cet état d'esprit que j'ai voulu donner la parole aux Grecs. Ensuite j'ai été confronté à la réalité politique et économique... et ce n'était plus le même film. Je n'ai pas fait un film pour expliquer ce que je savais. J'ai compris en tournant le film.
Quand êtes vous allé en Grèce ?
J'y suis allé trois fois en 2013, deux fois pour tourner.
Avec quels moyens ?
Avec ma prime de départ volontaire à France 3 et pour moitié avec un financement participatif. Au total 6 000 euros. Un si petit budget pour un film comme ça, c’est un record, mais j'ai eu beaucoup d'aide de bénévoles : des monteurs, des preneurs de son. Quelquefois même des gens de Paris m'ont aidé par téléphone. Mais j'ai quand même tout porté de A à Z car je n'avais pas les moyens de prendre un monteur en permanence. En outre, beaucoup de Grecs de Montpellier et de la région ont participé à la traduction des témoignages. Enfin il a fallu quelqu'un d'extrêmement compétent pour finaliser cette traduction afin qu'il n'y ait pas une seule erreur. C’est une traductrice professionnelle qui a travaillé bénévolement. Beaucoup de Grecs ont été mobilisés par ce film et certains m’ont même dit qu’il leur avait appris des choses sur les causes financières.
Le film se penche en effet sur l’origine de la crise, le rôle de l’Eglise et des armateurs qui ne paient pas d’impôt contrairement aux citoyens...
L’Eglise grecque, c’est l’Eglise française sans 1789. C’est le premier propriétaire terrien, les armateurs ont des privilèges qui datent de dizaines d’années. Mais tout cela n’explique pas la crise. Ce que j’ai voulu soulever c’est que la Troïka* ne voit aucun inconvénient à ce que l’Eglise et les armateurs se gavent et ne paient pas d’impôt. Ce n’est pas la même chose pour les salariés. On a commencé par attaquer les fonctionnaires et les services publics puis le privé.
Est-ce qu’en général les Grecs sont conscients de ce qui les a enfoncés dans la crise ?
Non pas plus que les Français. La crise grecque est de même nature que la crise française même si elle est plus forte. On parle de la crise comme si elle était arrivée sans qu’on sache comment alors qu’elle a été décidée. En Grèce comme en France, pendant la crise, certains s’enrichissent et d’autres s’appauvrissent. Les Grecs voient bien que pas un euro des aides ne leur arrive, mais ils ne savent pas trop où va l’argent. Ils regardent la télé, lisent la grande presse où l’on n’explique jamais rien. C’est comme en France, y compris dans des journaux réputés de gauche. On y parle de réforme structurelle, ce qui veut dire austérité. On nous dit qu’il faut restaurer la confiance. La confiance en qui ? dans le peuple ? Non, dans les marchés financiers. Tourner ce film m’a appris un nombre incroyable de choses sur la Grèce mais aussi sur la France, les banques, les rapports public/privé. Je me suis aperçu quelle lessiveuse à fric était la dette.
Justement les 245 milliards du plan de sauvetage, où sont-ils ?
Le fric part aux créanciers de la Grèce. La Banque centrale européenne envoie de l’argent au gouvernement grec qui les aiguille vers les banques d’affaires qui ont prêté à la Grèce à des taux faramineux d’environ 20%.
Ce qui fait que la situation des Grecs quatre ans après ne s’est pas améliorée...
Elle est aggravée en permanence. La dette a augmenté de 50%. C’est comme si le gouvernement grec avait pris un crédit revolving. Il ne rembourse que les intérêts.
La coalition de gauche Syrisa est arrivée en tête aux Européennes, c’est un espoir ?
Le problème c’est que Syrisa ne pourra pas monter aux prochaines législatives (qui sont reportées en permanence par l’alliance gouvernementale) à plus de 35 voire 40%. Se pose donc le problème des alliances mais qui dit alliance dit compromis et Syrisa a face à lui une droite - alliée aux socialistes - pour laquelle la crise est du pain béni - les patrons paient les salariés avec un lance-pierres puis les jettent comme ils veulent - mais il a aussi contre lui l’Europe et la Troïka. Sans parler de l’Allemagne dont le moindre député de droite donne des consignes à la Grèce.
Allemagne qui ne paie pas ses dettes qui datent des Nazis et qui représentent la moitié de la dette grecque...
J’ai enquêté sur le sujet. J’ai rencontré un député de Syrisa qui justement se bat pour que l’Allemagne paie sa dette. J’ai aussi interviewé un prof de droit international qui mène le combat au niveau juridique.
Quel avenir pour les Grecs ?
A mon avis, il n’y a pas d’espoir sans un changement en Europe. Les Grecs sur lesquels s’est abattue une sorte de chape se sont beaucoup battus jusqu’en 2012. Certains continuent, par exemple en ce moment les femmes de ménage du ministère des Finances. Mais ils ont l’impression que leur mobilisation ne débouche pas. Ils ont l’impression qu’ils font face à un adversaire trop puissant, le tandem franco-allemand qui a perverti la belle idée de l’Europe.
Où peut-on voir "La Tourmente grecque" ?
J’ai des contacts avec des chaînes de télévision. Je ne les ai pas contactés avant de le faire pour garder toute ma liberté. Je n’ai donc pas de contrat. Mais le film va faire un tour de France probablement dans des circuits comme Utopia, En tout cas, dans des salles de projection avec débat. Il va également être traduit en grec et en espagnol. Je l’ai présenté à la fête de l’Huma et un syndicaliste espagnol m’a proposé de se charger de la traduction. Puis dans quelques mois, on le mettra en ligne.
ENTRETIEN REALISE PAR ANNIE MENRAS

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