Jean-Claude Larchet, Transfigurer le genre, Syrtes, 223 pages, 20 euros.
Outre ses nombreux ouvrages de patristique ou consacrés à des grandes figures orthodoxes ou encore à la vie en Église, Jean-Claude Larchet aborde également des sujets sociétaux au cœur des transformations actuelles de nos sociétés pour y donner l’éclairage de la tradition chrétienne orthodoxe. Ainsi plusieurs de ses livres traitent des sujets de bioéthique. Plus récemment, il s’est penché sur les questions de la communication et des nouveaux médias, de la crise écologique, des relations avec les animaux, du chrétien face à la pandémie et tout dernièrement sur un sujet très présent aujourd’hui : le genre et la théorie du genre ou des « études sur le genre ». On sait que ces dernières estiment que la distinction entre les deux genres, masculin et féminin, ne se fonde pas sur les sexes, mâle et femelle, mais sont des constructions subjectives sociales et culturelles. Selon les tenants de la théorie du genre, dont on peut noter au passage les divergences sur certains points, la conception traditionnelle et ses « stéréotypes » doivent être déconstruits (avec une dissociation du genre et du sexe), car ils sont la source d’inégalités et de discriminations.
La démarche de Jean-Claude Larchet est pédagogique. Les différents aspects de la question sont clairement évoqués les uns après les autres, le regard de la tradition chrétienne, biblique et patristique, est donné sans omettre toutes les nuances que l’on y rencontre. Il prend aussi le temps de démontrer que certaines idées courantes et croyances concernant le christianisme sont fausses. C’est par exemple le cas pour des passages de la Genèse, comme pour la création d’Adam et Ève (précédée par celle d’un Homme, d’un être humain avant la division mâle-femelle, avec le mot anthrôpos dans la Septante). On a souvent voulu y voir une hiérarchie avec une supériorité d’Adam, Jean-Claude Larchet montre que ce n’est pas le cas. De même, il revoit la faute originelle, à la suite de la suggestion du serpent, et explique que les deux humains sont pareillement responsables et rappelle que Dieu ne porte pas de jugement « moral ». Le christianisme a valorisé le statut de la femme et les Pères de l’Église ont affirmé son égalité avec l’homme.
L’originalité de l’ouvrage réside dans ce que l’auteur situe la question dans une autre perspective, qui est spirituelle, en l’occurrence celle offerte par le christianisme ; de là son titre très explicite quant à cette perspective : « Transfigurer le genre ». Il note des aspirations légitimes dans la théorie du genre, notamment le souhait de mettre fin à des discriminations et à des violences, mais souligne aussi, à l’opposé de ladite théorie, qu’ici-bas il existe une distinction des genres fondée sur les sexes. Il explique à cet égard que le christianisme « voit dans les différences fondamentales qui existent entre les genres une richesse ». Il poursuit en soulignant : « Il [le christianisme] voit l’homme et la femme comme des êtres complémentaires, qui, dans leur union harmonieuse fondée sur l’amour, s’enrichissent l’un l’autre de leurs différences et s’accomplissent l’un par l’autre. »
Cependant, l’horizon du chrétien ne se limite pas à la vie terrestre, mais s’épanouit dans la vie en Christ. Celle-ci intègre toute l’humanité dans une même unité. Il cite à ce propos l’apôtre Paul (Galates 3, 28) disant notamment qu’en Christ il n’y a « ni homme ni femme » (TOB), mais que tous sont « un en Jésus-Christ ». Un autre extrait essentiel sur ce thème est la parole du Christ disant (Matthieu 22, 30) : « À la résurrection, en effet, on ne prendra ni femme ni mari, mais on sera comme des anges dans le ciel. » En somme, nous sommes appelés à un dépassement du genre non pas ici-bas, mais en Christ et dans l’au-delà céleste. Néanmoins, dans notre monde, la voie du monachisme, observe Jean-Claude Larchet, « préfigure et anticipe dans une certaine mesure la vie céleste ». Toutefois, il remarque également que le mariage — et la vie conjugale qui s’ensuit — peut aussi conduire, grâce à la pratique des vertus, à la « transfiguration du genre » s’il est « vécu spirituellement dans l’unité parfaite » et « se caractérise non pas par une négation des genres, mais par le dépassement des oppositions que les passions établissent entre eux ». Cela entraine une « certaine fluidité des genres » sans que ceux-ci soient niés.
En somme, « la spiritualité chrétienne, sans renoncer à la distinction des genres et à leurs liens avec la distinction des sexes, et sans nier leurs fondements naturels, propose une transfiguration du genre qui dépasse à la fois les limites de la nature déchue et de ses inscriptions sociales, et les confusions, les déviations et les impasses de la théorie du genre. »
L’ouvrage de Jean-Claude Larchet s’avère très utile pour comprendre cette question omniprésente actuellement, trouver des réponses aux interrogations qui sont posées, également afin d’écarter certaines confusions concernant la tradition chrétienne et pour, finalement, proposer un dépassement des antagonismes observables. Vers le haut et par le haut !
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