Icône de Dominique Aymonier-Lopez
Il
y a beaucoup de lettres publiées par Saint Sophrony (Sakharov), ainsi que des
parties de ses entretiens spirituels. On peut voir de façon poignante dans ces
écrits à quel point il ressentait profondément la condition humaine, et en même
temps, à quel point il savait quels labeurs [spirituels] et quelles larmes étaient
nécessaires pour sortir l'âme de l'homme de sa prison. Nous citons ici certains
de ces paroles intemporelles.
***
Il
n'y a pas de plus grand péché que la guerre.
(Écrit
en 1975)
Pour
moi, la période de guerre coïncidait avec l'époque où je vivais sur le Mont
Athos. Ma demeure était une grotte sur les crêtes d'une falaise abrupte,
presque suspendue, qui était battue jour et nuit par les vagues de la mer ; et
je pouvais sentir leurs coups alors que je m'étendais sur mon lit, qui n'était pas vraiment moelleux.
Pendant
ces jours terribles, toute l'Europe s'est reposée des bateaux à vapeur, des
ferry-boats et des caïques, et j'avais peut-être plus de silence qu'en temps de
paix. O, ce fut un temps de prière accrue pour le monde et dans le monde
entier, spécialement pour la Russie.
J'avais
entendu dire à plusieurs reprises que les fascistes avaient l'intention
d'achever la Russie. Leurs officiers n'ont pas caché leurs plans génocidaires :
donner le territoire conquis aux soldats qui combattaient sur le front
"oriental" (pour les Allemands), laissant aux Russes environ trente
millions de travailleurs sur la terre sans droit à l'éducation ; car ils ne
considéraient pas les Russes comme des humains (unter-menschen), mais des
animaux de charge.
Pour
notre plus grand bonheur, "Dieu n'a pas permis aux Allemands de les manger
!"
Trente
ans se sont écoulés, mais la paix n'a pas encore été atteinte, les ténèbres
n'ont pas été dispersées et la Lumière de l'amour n'illumine pas encore la
terre avec éclat. Pendant ces années cauchemardesques, je priais de longues
heures, surtout la nuit. J'ai pleuré dans mes prières "pour la paix dans
le monde entier", en particulier pour la Russie, pour le peuple russe, qui
était menacé de destruction presque totale.
L'histoire
de l'humanité est remplie de toutes sortes de crimes, mais il n'y a pas de plus
grand crime que la guerre, surtout à notre époque, les "guerres
mondiales", où tous les peuples sont d'une manière ou d'une autre entraînés
dans le "fratricide". Aujourd'hui, on "se réjouit" que des
centaines de milliers de personnes soient tuées, et même des millions
"d'un côté" ; demain, les victimes se réjouissent que la vengeance
ait été obtenue sur les assassins. Et ainsi le monde entier est enveloppé de
haine infernale, le Saint-Esprit abandonne les âmes et le désespoir s'empare de
leur cœur....
*
* *
Les
extraits suivants sont tirés du livre Paroles de vie, extraits des causeries
spirituelles du P. Sophrony, publié par le Monastère de Saint-Jean-Baptiste
d'Essex (1996).
Dépression
Le
mot accidis signifie étymologiquement " manque de soins ",
c'est-à-dire de salut. A quelques exceptions près, toute l'humanité vit
aujourd'hui dans un état d'accidis. Les gens deviennent indifférents à leur
salut. Ils ne recherchent pas la vie divine. Ils se limitent à des formes de
vie qui appartiennent à la chair, aux besoins quotidiens, aux passions de ce
monde, aux activités mondaines. Mais Dieu nous a créés à partir de rien, à
l'image de l'Absolu et selon Sa ressemblance. Si cette révélation est vraie,
l'absence de préoccupation pour le salut n'est autre que la mort de la personne
humaine.
Le
désespoir est la perte de conscience que Dieu veut nous donner la vie
éternelle. Le monde vit dans le désespoir. Les gens se sont condamnés à mort.
Nous devons lutter résolument contre le découragement.
La
sagesse de ce monde
La
sagesse de ce monde ne peut sauver le monde. Les parlements, les gouvernements,
les organisations complexes des États contemporains les plus avancés sont
impuissants. L'humanité souffre sans limite. La seule solution est de trouver
en nous la sagesse et la résolution de ne pas vivre selon les idées de ce
monde, mais de suivre le Christ.
Comment
pouvons-nous trouver notre chemin ? Selon l'Évangile, le Christ est notre
chemin.
Aimez
vos ennemis
"Aimez
vos ennemis." Oui, c'est difficile. Oui, c'est douloureux, mais la beauté
morale du Christ nous attire à tel point que nous sommes prêts à supporter
toute épreuve, tant que nous sommes élevés dans son Esprit. Il n'y a pas
d'autre choix.
Le
Christ a donné sa vie divine à ceux qui sont créés à son image, mais la seule
réponse qu'il a reçue a été la haine. Aujourd'hui, après deux mille ans de christianisme,
que voyons-nous ? Le monde contemporain perd le Christ, perd la vie éternelle,
de plus en plus. Les ténèbres profondes des passions pécheresses, de la haine,
de la domination, des guerres de toutes sortes, sont ce qui compose notre
existence terrestre. Dans cette situation, le Christ a donné le commandement à
ceux qui décident de Le suivre : "Aimez vos ennemis." Pourquoi le
monde a-t-il peur d'un tel Dieu ? Peut-on trouver un meilleur principe que
celui-ci : bénissez ceux qui vous maudissent, aimez vos ennemis ?
Souffrance
On
ne peut pas aimer sans souffrir. La plus grande douleur est celle d'aimer
jusqu'au bout. Le Christ a tant aimé qu'Il s'est livré jusqu'à souffrir une mort
terrible. Les saints aussi. Le paradis est toujours à ce prix. La prière pour
le monde est le fruit d'une souffrance extrêmement profonde et aiguë.
Quand
nous décidons de suivre le Christ, chaque jour de notre vie devient un jour de
souffrance, de pleurs, de douleur. Parfois cette question se pose en nous :
"Seigneur, pourquoi nous as-Tu créés ainsi, pour que nous traversions tant
de souffrances ?" Nous n'arrivons pas à comprendre que cette expérience
négative est la voie du salut.
L'existence
terrestre est pour l'homme une souffrance sans fin. Pourquoi portons-nous tout
cela ? Parce que le Créateur est venu et a habité parmi nous. Et nous Le
connaissons maintenant personnellement.
Repentir
Bien
sûr, il vaut mieux ne pas pécher. Mais la repentance, si elle est comme une
flamme, peut restaurer toute perte.
Nous
devons préserver l'esprit de repentance toute notre vie, jusqu'à la fin. La
repentance est la base de toute vie ascétique et spirituelle. Le sentiment, ou
l'intuition, du péché peut devenir si aigu en nous qu'il engendre vraiment une
repentance du fond de notre être.
Nous
pouvons pleurer pendant des heures, des semaines, des années, avant que notre
être ne soit complètement régénéré par la Parole du Christ, par Ses
commandements, et surtout, par la Grâce de l'Esprit Saint. Cette transformation
de notre être, après la chute d'Adam, demande de grands efforts. Et depuis
longtemps.
La
repentance n'a pas de fin sur terre, parce que la fin de la repentance
signifierait que nous serions devenus comme le Christ en tout. La moindre
différence entre le Christ et nous-mêmes exige de nous une profonde repentance
: "Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de nous." Cette
parole exprime la différence que nous ressentons entre Lui, l'Etre absolu et
éternel, et nous-mêmes. "Si nous ne sommes pas vraiment comme le Seigneur
en toutes choses, comment pouvons-nous demeurer éternellement avec Lui ? se
demande saint Syméon le Nouveau Théologien. Pour Lui, comme pour nous, c'est
impossible. La seule chose qui nous reste à faire est d'être patients.
Le
chemin vers la connaissance de Dieu passe avant tout par la foi, l'amour du
Christ et la repentance.
Que
Dieu vous donne à tous l'esprit de repentance. Pleurez sur vos fautes, pleurez,
afin que votre cœur ne s'assèche pas.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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