Jean-Claude Larchet, Les fondements spirituels de la crise écologique, Édition des
Syrtes, Genève, 2018, 133 p., 15€.
L’écologie a déjà suscité une abondante littérature,
et la dégradation de notre environnement naturel inquiète plus que jamais,
d’autant qu’aucune mesure, à aucun niveau, ne l’a jusqu’à présent ralentie.
Loin des discours habituels, la réflexion que nous
propose ici Jean-Claude Larchet – bien connu pour ses études sur les diverses
formes de maladie et les facteurs spirituels qu’elles impliquent – aborde la
question de la « maladie de la nature » et des remèdes qui peuvent lui être
apportés sous un angle très original, qui renouvelle notre vision des choses
quant aux causes réelles et aux solutions possibles.
La crise écologique prend, selon lui, sa source
dans une perte des valeurs et des comportements spirituels qui fondaient
traditionnellement les rapports de l’homme et de la nature, et ce n’est donc
que dans un retour à ces valeurs et comportements spirituels qu’elle pourra
trouver une solution véritable et durable.
L’ « écospiritualité » s’est certes développée ces
dernières années, y compris au sein du christianisme, mais avec des dérives
inspirées du New Age et menant à un néo-paganisme. Sur la base de l’Écriture et
des écrits des Pères, mais en plongeant la réflexion de ceux-ci par une prise
en compte des évolutions sociales et des données actuelles, J.-C. Larchet
recentre la réflexion sur les principes fondamentaux du christianisme
correctement compris à la lumière de la Tradition orthodoxe, concernant la
place de l’homme dans la nature et sa vocation spirituelle par rapport à
celle-ci.
Décrivant la situation paradisiaque initiale où
les relations harmonieuses de l’homme avec la nature étaient fondées sur une
attitude essentiellement contemplative et eucharistique, il explique la raison
de la rupture de ces relations, et comment les évolutions de la civilisation
occidentale depuis la Renaissance – fondées sur l’humanisme rejetant Dieu,
l’individualisme, le naturalisme, le rationalisme et l’idéologie du progrès
matériel indéfini –, ont amené à la situation catastrophique actuelle, où les
menaces qui pèsent sur la nature mettent en péril l’existence même de
l’humanité.
Loin de s’en tenir à ce constat pessimiste, il
propose des remèdes radicaux fondés sur un retour aux principes de la
cosmologie et de l’anthropologie chrétiennes, mais aussi sur les pratiques
éthiques et l’expérience ascétique de la spiritualité orthodoxe.
EXTRAIT DE L’INTRODUCTION :
« De plus en plus de voix s’élèvent pour souligner
que si les problèmes écologiques appellent des mesures politiques et
économiques urgentes de la part des États, ce n’est que par un changement
radical de mentalité et de mode de vie qu’ils pourront trouver une solution
profonde et définitive, parce que les problèmes écologiques ont au fond des
causes spirituelles – relatives à la façon dont l’homme perçoit et conçoit la
nature, entre en relation avec elle et en fait usage – et sont donc tributaires
de solutions spirituelles.
C’est là que l’Église orthodoxe, qui a une longue
tradition de réflexion (théologique, cosmologique, anthropologique) et de
pratique (liturgique et spirituelle) sur la valeur de la création et sur la
façon dont l’homme doit entrer et vivre en relation avec elle, peut apporter,
dans le cadre de la crise actuelle, des principes qui guident la réflexion et
l’action présentes et à venir de tous ceux qui cherchent à sauver la nature.
La réflexion que je propose ici s’inscrit dans la
continuité de deux thèmes auxquels j’ai consacré une grande partie de mon
œuvre :
— Premièrement les maladies de différents ordres
et leurs thérapeutiques : d’une part, l’écologie est bien une réflexion sur les
maladies de la nature et la façon de les soigner et d’en guérir ; d’autre part,
ces maladies de la nature ont leur source dans les maladies spirituelles de
l’homme, et la guérison de celles-là dépend au fond de la guérison de
celles-ci.
— Deuxièmement la pensée de saint Maxime le
Confesseur : il est parmi les Pères de l’Église celui qui a le plus approfondi
les questions de la présence de Dieu dans la nature, des relations intimes de
tous les êtres créés à Dieu, de la façon dont l’homme peut entrer en relation
avec les créatures et à travers elles avec Dieu, et du rôle de médiation que
l’homme est appelé à exercer au sein de la création.
La synthèse de ces deux domaines permet de donner
à la réflexion écologique la dimension spirituelle pertinente qu’exige son
traitement en profondeur sur le plan tant théorique (théologique, cosmologique
et anthropologique) que pratique (éthique d’une part, au sens étymologique de
bon mode de vie, et ascétique d’autre part, au sens large de lutte contre les
passions destructrices et au sens étroit de capacité d’autolimitation et de
sage sobriété). »
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