"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 30 août 2018

Interview de Père Gabriel ( Bunge): L'ORTHODOXIE A-T-ELLE BESOIN D'ORDRES MONASTIQUES ? (5)


La liturgie dans le catholicisme est une action purement humaine, tandis que dans l'Orthodoxie, c'est la concélébration de l'homme avec les prêtres de la Liturgie Céleste.

Cela signifie que l'aspect iconographique de la liturgie n'a pas été développé non plus, c'est-à-dire qu'on ne s'est pas rendu compte que la liturgie que nous célébrons n'est pas un acte purement humain, mais une concélébration de personnes et de prêtres de la Divine Liturgie. Les textes liturgiques et les images sacrées d'icônes accentuent à merveille cette composante principale de la Divine Liturgie !

Au cours des siècles, une mentalité liturgique et spirituelle totalement différente s'est développée en Occident. Cela a eu des conséquences inévitables : Déjà au Moyen Âge, les iconostases disparaissaient peu à peu, les églises étaient construites sans égard pour l'orientation, le canon iconographique n'était pas suivi, et il n'y avait pas de vieux chants liturgiques. Ces faits sont bien connus des spécialistes de l'histoire de la liturgie et de l'art religieux.

La réforme liturgique initiée par le Concile Vatican II a intentionnellement placé un homme au centre. En conséquence, les offices catholiques ont commencé à ressembler de moins en moins à la Divine Liturgie orthodoxe et sont devenus de plus en plus semblables aux services des communautés protestantes. Ainsi, la sécularisation en Occident a conduit au développement d'une mentalité liturgique et spirituelle très différente de la mentalité orthodoxe, qui était essentiellement identique à la mentalité de l'époque des saints Pères.

J'ai dit à maintes reprises que si saint Jean Chrysostome revenait et entrait dans une église orthodoxe où l'on célébrait sa Divine Liturgie, il se sentirait à sa place. Cependant, si saint Grégoire le Grand revenait, il se sentirait mal à l'aise à la messe catholique. Même le Pape Pie XII y serait mal à l'aise ! Ce fait démontre tragiquement que nous assistons non seulement à la séparation de la Tradition, qui est corrigible, mais aussi à l'interruption de la Tradition, qui est permanente.

Les conséquences de cette évolution intra-occidentale sont plus graves que ce que supposent les théologiens fixés sur les doctrines et les concepts habituels: L'Orient et l'Occident sont devenus incompatibles, ce qui est clairement perceptible quand on compare les liturgies. Une réunification complète est impossible non pas à cause des différences (qui sont essentiellement légitimes), mais à cause de l'incompatibilité de ces différences. Pour l'unification, les différences doivent être compatibles, sinon les fidèles d'une Église ne pourront pas assister aux liturgies tenues dans d'autres Églises. Actuellement, après les réformes du culte initiées par le Concile Vatican II, la messe catholique est absolument incompatible avec la Divine Liturgie orthodoxe. Suite à l'autosécularisation rapide de l'Église catholique et à son orientation vers le protestantisme, cette incompatibilité se développe.

Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas optimiste quant à la réunification "dans un avenir prévisible", comme vous l'avez demandé. D'ailleurs, nous voyons que le temps travaille contre nous ! Après le Concile Vatican II, l'Église catholique a connu une évolution interne qui non seulement l'éloignait des anciennes Églises orthodoxes encore étroitement liées à l'héritage apostolique, mais qui, de plus en plus rapidement, l'éloignait de sa propre identité séculaire. Les croyants moyens le ressentent mais ne peuvent pas en comprendre les raisons ou prendre des mesures préventives. D'autre part, dans l'Église orthodoxe, la Divine Liturgie et le monachisme offrent un ajustement efficace qui empêche une telle évolution, comme le Pape Benoît XVI l'a noté avec perspicacité en son temps.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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