L'Est et l'Ouest sont devenus
incompatibles
Le schisme entre l'Orient
orthodoxe et l'Occident catholique (d'un point de vue confessionnel, les termes
"orthodoxe" et "catholique" ont été introduits relativement
récemment !) est une question très complexe parce qu'elle ne s'est pas produite
spontanément à cause d'une certaine hérésie. Au contraire, elle s'est
développée très lentement au cours de nombreux siècles et à différents niveaux
de la vie de l'Église. De plus, cela s'est produit d'une manière telle que bien
souvent les gens ne se rendaient même pas compte que l'unité avait été
perturbée bien avant la séparation formelle. C'est simplement par notre pensée
habituelle que nous croyons rétrospectivement que les événements de 1054 ont
joué un rôle important dans la séparation des deux Églises.
Tout le monde connaît
probablement les principales raisons du désaccord, comme l'ajout du Filioque ou la papauté romaine. Pendant longtemps, la pneumatologie latine, qui dès le
début était très différente de la pneumatologie grecque, n'a pas perturbé
l'unité entre l'Orient et l'Occident, car l'Occident pouvait expliquer de
quelle manière on pouvait dire que l'Esprit venait aussi du Fils. Par exemple,
au septième siècle, saint Maxime le Confesseur, un Grec, expliquait au nom du
pape Théodore, également grec, en quel sens les Latins prétendaient que le
Saint-Esprit venait aussi du Fils.
Anastasius Bibliothecarius (de
Rome) croyait que "d'une certaine manière l'Esprit vient aussi du Fils,
mais qu'il ne va pas dans une autre direction", même si cela contredisait
le Pape Nicolas et le Patriarche Photius. En d'autres termes, au niveau de
l'économie, cela sonne comme un "oui", mais au niveau théologique, il
ne vient pas du Fils.
Le Filioque devint la raison du schisme seulement en
1014, lorsque l'Église romaine, sous la pression de l'empereur Henrich II,
introduisit le Credo dans la Divine Liturgie, rejetant ainsi l'ancienne version
latine du Credo qui fut approuvée par le Conseil de Chalcédoine (451) et la
remplaçant par la version de Paulin I, Patriarche d'Aquilée, approuvée à
l'époque de Charlemagne et utilisée par les Francs pendant deux siècles.
Cette nouvelle version, très
élégante et, contrairement à l'ancienne version, même lue d'une voix chantée,
est toujours utilisée par l'Église catholique. C'est ainsi que Filioque
apparaît dans la prière introduite par Rome dans le Credo, bien que par une
porte dérobée ! C'est ainsi que le "Filioquisme" des Latins est
devenu un dogme, et donc une raison du schisme.
Jusqu'à ce que Rome enlève le
Filioque ajouté, que le pape Léon III (neuvième siècle) a continué à déclarer
absolument illégal, toutes les tentatives pour restaurer l'unité complète entre
l'Orient et l'Occident seront vouées à l'échec. Considérant qu'il est peu
probable que Rome accepte de retirer le Filioque, la seule issue que je vois est
le retour à l'ancienne version latine qui est identique au texte grec original
et reconnu par Rome. C'est le texte qui a été utilisé à Rome depuis le
cinquième siècle jusqu'au début du neuvième siècle, c'est-à-dire pendant près d'un
demi-millénaire.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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