De quelle union des Églises parlez-vous Monsieur Gikas ?
par le professeur de Théologie de l'Université d'Athènes, Andreas Theodorou (†)Prof. Andreas Theodorou (1922-2004) |
Dans le journal Βήμα du 22 mars 1992, un article de M. Emmanuel Gikas,
ambassadeur au ministère des Affaires étrangères, a été publié, intitulé
«L’Union des Églises n’est pas une utopie». Par «Églises», l'auteur ne
comprend que les catholiques romains et les orthodoxes. Au sujet des
communautés protestantes, et particulièrement de l'Anglicanisme, il ne
dit rien.
Il est évident que M. Gikas a été incité à écrire cet article par le
refroidissement récent dans les relations entre le Papisme et
l'Orthodoxie eu égard à l'ingérence politique du Vatican dans les
affaires de l'Orient chrétien et l'activité pernicieuse de l'Unia au
détriment des orthodoxes.
Assez curieusement, il ne fait aucune mention de l'Unia, qui constitue
le modèle ecclésiologique de l'union, comme la comprend le Pape, et
constitue une pierre d'achoppement pour les efforts unionistes.
On peut se demander pourquoi.
Il parle d'une manière plutôt superficielle des différences qui séparent
les deux Eglises, propose ses interprétations personnelles et préconise
des mesures concrètes qui, à son avis, rendront possible l'union.
Il semblerait que M. Gikas n'ait pas un sens profond de la nature des
différences dogmatiques sur lesquelles se fonde l'éloignement entre les
Églises, ou, pour le moins, ne leur attribue pas une signification
correcte.
Pour l'Église catholique orthodoxe, au contraire, cette question est
particulièrement importante. Toute déviation de sa foi traditionnelle
est une hérésie.
C'est quelque chose qui dénature sa raison d'être et son oeuvre de
sanctification. Pour l'amour de sa vérité, l'Orthodoxie a mené des
luttes ardentes, a combattu contre les hérésies et n'a pas l'intention
de s'écarter même d’un iota des dogmes qui lui ont été transmis par les
Pères.
En lisant l'article de M. Gikas, on a l'impression que l'auteur souhaite
être impartial, mais que, malgré cela, il envisage les problèmes d’un
œil catholique plutôt qu' orthodoxe et qu'il a une propension à une
vision œcuméniste des choses; c'est-à-dire un certain minimalisme
dogmatique et une tendance à relativiser, compromettre et brader les
vérités divines de la foi.
***
Lorsqu'il expose ses thèses au début, M. Gikas écrit que «le Filioque est considéré à tort par certains comme divisant les Églises», C'est-à-dire qu'il constitue une différence insignifiante, ou plutôt, ne constitue en aucune façon une différence entre les Églises divisées, et il insinue que les nombreux conflits, les nombreux différends et la volumineuse littérature théologique consacrée à cette controverse créée des deux côtés sont devenus avec le temps une pure « bagatelle»!
Nous sommes désolés, mais nous ne pouvons pas accepter les points de vue exprimés par M. Gikas. Selon l'enseignement dogmatique orthodoxe, le Filioque n'est pas un simple théologoumène, c'est-à-dire une question de jugement théologique indépendant, que l'on peut accepter sans conséquences dogmatiques plus profondes (sans être considéré comme hérétique), mais une distorsion totale du Dogme de la foi concernant la sainte Trinité. Si nous acceptons que le Saint-Esprit procède également du Fils, nous détruisons l'ordre de la Trinité, confondons les propriétés hypostatiques des Personnes, inaltérables et incommunicables, et abolissons la monarchie dans la Divinité, c'est-à-dire que le Père est la source de la divinité, dont les deux autres personnes de la Trinité reçoivent leur existence, le Fils par la génération éternelle, et l'Esprit par procession; Et, enfin, la dignité de l'Esprit qui convient à Dieu est diminuée et son œuvre sanctifiante et déifiante est dénaturée. Pour ces raisons, le Filioque est, pour nous, une hérésie trinitaire absolue qui détruit le concept du Dieu chrétien. L'Église catholique orthodoxe l'a toujours vue en tant que telle et a lutté contre elle.
(À SUIVRE)
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