LE MUR DU SILENCE
Les Albanais rêvent d’un Kosovo « ethniquement pur », c’est-à-dire sans les Serbes qui y étaient pourtant majoritaires jusqu’au XIXe siècle.
Le patriarche orthodoxe serbe Pavle, interrogé au sujet des extrémistes albanais membres de l’UÇK naissante, répondait auFigaro Magazine : « On ne va quand même pas installer des barbelés et des remparts autour de la maison du Seigneur ».
Dix-sept ans plus tard, c’est pourtant la décision que vient de prendre, à contrecœur, le père Sava, supérieur du monastère de Visoki Dečani, une petite enclave serbe du Kosovo.
Ce n’est pas la mort qui leur fait peur : « Notre vie, nous l’avons déjà donnée », précise-t-il, mais « si le martyre doit être accepté, il ne peut être recherché : si nous pouvons l’éviter, sans renier notre foi, nous avons le devoir de le faire ».
Mais ce n’est pas tout. La destruction du monastère, classé au patrimoine de l’UNESCO, serait dramatique pour les chrétiens du Kosovo, déjà largement menacés. Ils ont besoin de ce havre de paix et de réconfort pour oublier quelque temps l’hostilité dont ils sont la cible à l’extérieur. Sur le plan spirituel, mais également matériel. Les terres entourant le monastère sont cultivées : les produits servent d’abord à faire vivre les moines mais sont également distribués aux villageois les plus démunis. Si le monastère venait à disparaître, beaucoup de chrétiens seraient forcés à l’exil et le Kosovo-Métochie, vieille terre chrétienne et berceau de la Serbie, livrée aux mains des musulmans albanais, ne serait plus.
La seule solution est donc ce mur. Pourquoi une mesure aussi radicale ? Depuis la fin de la guerre, il y a quinze ans, l’hostilité anti-chrétienne n’épargne pas le monastère, victime d’une vingtaine d’attaques dont plusieurs à l’arme de guerre. Toutes se sont soldées par des dommages matériels, des profanations et des tags du sigle de l’UÇK sur les murs d’enceinte. Des agressions jusqu’à maintenant contenues par les soldats italiens de la KFOR, force armée de l’OTAN postée en permanence aux abords du site.
Mais le commandement de l’OTAN a annoncé leur retrait avant la fin de l’année. L’inquiétude est donc aussi grande que légitime, et ce mur s’est imposé comme seule « solution » pour éviter d’avoir à choisir, comme tant d’autres, entre la valise et le cercueil.
Deux kilomètres et demi de circonférence, trois mètres de haut, soixante centimètres de large… du béton armé surmonté de barbelés. Seule façon d’éviter le massacre de ces chrétiens menacés au cœur de l’Europe dans l’indifférence générale. C’est pourquoi l’association française Solidarité Kosovo, première ONG de soutien aux chrétiens du Kosovo, a répondu à l’appel de ces moines pour permettre l’achèvement du projet.
Les Albanais rêvent d’un Kosovo « ethniquement pur », c’est-à-dire sans les Serbes qui y étaient pourtant majoritaires jusqu’au XIXe siècle. Le silence de l’Europe est assourdissant sur le sujet : elle a endossé la responsabilité de cette région, il serait donc urgent de permettre la survie des Serbes restés sur place, mais également le retour de ceux qui ont été chassés de ce berceau historique de leur pays, déclaré indépendant de manière unilatérale en 2008, dix ans après une indépendance de fait.
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