Patriarche Cyrille de Moscou, « La conversion au Royaume de Dieu. Méditations de carême », Éditions Sainte-Geneviève, Épinay-sous-Sénart, 2014, 304 p.
L’entrée dans le carême des saints Apôtres rend de nouveau actuel le recueil d’homélies récemment publié par les jeunes éditions Sainte-Geneviève du séminaire russe d’Épinay-sous-Sénart.
Le commentaire de la prière de saint Éphrem le Syrien, qui en constitue les premiers chapitres, est certes plus approprié pour le Grand Carême où cette prière est dite de nombreuses fois chaque jour, mais ses demandes faites à Dieu d’éloigner de nous l’esprit de paresse, d’abattement, de domination et de vaines paroles, et de nous donner un esprit de chasteté, d’humilité de patience et de charité, de nous donner aussi de voir nos péchés et de ne pas juger nos frères, restent valables chaque jour de l’année, et plus encore pendant les temps des quatre carêmes où un effort particulier est demandé à chacun par l’Église. Le jeûne, dont un autre chapitre explique le sens, est quant à lui une pratique qui, dans l’Église orthodoxe, occupe plus de la moitié de l’année. Enfin, les autres thèmes abordés : la prière, la miséricorde, l’espérance, la lecture de la Sainte Écriture, l’apatheia ou quiétude, la synergie entre Dieu et l’homme, l’actualisation des promesses du baptême et l’amour, sont des exigences permanentes de la vie chrétienne sur lesquelles on ne doit pas se lasser de méditer en vue d’une meilleure application quotidienne. Les méditations sur la Semaine sainte qui constituent la dernière partie ont également une portée qui dépasse cette période : le Lundi saint donne lieu ici à une méditation sur la stérilité et la fertilité spirituelles, le mardi sur le jugement de Dieu, le mercredi sur la trahison, le jeudi sur la communion eucharistique, le vendredi sur la miséricorde divine et le sentiment d’abandon, le samedi et le dimanche sur l’espérance et la foi dans le Christ ressuscité.
À travers ses déplacements incessants dans les différents diocèses du pays et ses interventions fréquentes et actives dans les médias, le patriarche Cyrille de Moscou est bien connu en Russie comme un orateur et un prédicateur talentueux. Son sens pastoral s’exprime bien dans ce recueil d’homélies qui restent proches des sources évangéliques tout en abordant un certain nombre de problèmes actuels, qui comportent à chaque fois un enseignement spirituel bien ciblé et directement appliquable, et qui, par la simplicité et la vivacité de leur style, sont accessible à tout public. Ces homélies sont en même temps pour les prêtres un bon modèle de ce que devraient être les homélies dans les paroisses…
Nous donnons ici deux extraits: l’un concerne le jeûne, l’autre la prière.
L’entrée dans le carême des saints Apôtres rend de nouveau actuel le recueil d’homélies récemment publié par les jeunes éditions Sainte-Geneviève du séminaire russe d’Épinay-sous-Sénart.
Le commentaire de la prière de saint Éphrem le Syrien, qui en constitue les premiers chapitres, est certes plus approprié pour le Grand Carême où cette prière est dite de nombreuses fois chaque jour, mais ses demandes faites à Dieu d’éloigner de nous l’esprit de paresse, d’abattement, de domination et de vaines paroles, et de nous donner un esprit de chasteté, d’humilité de patience et de charité, de nous donner aussi de voir nos péchés et de ne pas juger nos frères, restent valables chaque jour de l’année, et plus encore pendant les temps des quatre carêmes où un effort particulier est demandé à chacun par l’Église. Le jeûne, dont un autre chapitre explique le sens, est quant à lui une pratique qui, dans l’Église orthodoxe, occupe plus de la moitié de l’année. Enfin, les autres thèmes abordés : la prière, la miséricorde, l’espérance, la lecture de la Sainte Écriture, l’apatheia ou quiétude, la synergie entre Dieu et l’homme, l’actualisation des promesses du baptême et l’amour, sont des exigences permanentes de la vie chrétienne sur lesquelles on ne doit pas se lasser de méditer en vue d’une meilleure application quotidienne. Les méditations sur la Semaine sainte qui constituent la dernière partie ont également une portée qui dépasse cette période : le Lundi saint donne lieu ici à une méditation sur la stérilité et la fertilité spirituelles, le mardi sur le jugement de Dieu, le mercredi sur la trahison, le jeudi sur la communion eucharistique, le vendredi sur la miséricorde divine et le sentiment d’abandon, le samedi et le dimanche sur l’espérance et la foi dans le Christ ressuscité.
À travers ses déplacements incessants dans les différents diocèses du pays et ses interventions fréquentes et actives dans les médias, le patriarche Cyrille de Moscou est bien connu en Russie comme un orateur et un prédicateur talentueux. Son sens pastoral s’exprime bien dans ce recueil d’homélies qui restent proches des sources évangéliques tout en abordant un certain nombre de problèmes actuels, qui comportent à chaque fois un enseignement spirituel bien ciblé et directement appliquable, et qui, par la simplicité et la vivacité de leur style, sont accessible à tout public. Ces homélies sont en même temps pour les prêtres un bon modèle de ce que devraient être les homélies dans les paroisses…
Nous donnons ici deux extraits: l’un concerne le jeûne, l’autre la prière.
« LE JEÛNE est une pratique durement mise à l’épreuve à l’époque moderne. Le jeûne a pratiquement disparu de la culture chrétienne occidentale. Dans notre pays, à l’époque de l’athéisme officiel, il n’était pratiqué que par une infime minorité de croyants qui cherchaient à imiter le Sauveur.
Aujourd’hui, le jeûne revient doucement dans notre vie. Cependant, nombreux sont ceux qui jeûnent parce qu’ils croient dans la vertu d’une diète, d’une alimentation allégée pour leur état physique. Certes, le jeûne est bénéfique à tout point de vue. N’importe quel médecin confirmera que l’allégement de notre alimentation agit positivement sur notre organisme et le stimule. En ce sens l’Église de Dieu qui, à la suite du Seigneur, veille au salut des hommes, contribue aussi à leur bien-être physique, notamment en leur conseillant la pratique du jeûne.
Mais les bénéfices du jeûne vont bien au-delà de l’état corporel. Le croyant doit bien comprendre sa signification spirituelle. Étant double par sa constitution – à la foi charnel et spirituel – l’être humain interagit avec son environnement dans ces deux dimensions. Par ailleurs, il y a une forte corrélation entre l’esprit et le corps.
Il est bien connu que par ses facultés intellectuelles et sa volonté l’homme peut contribuer à fortifier son état physique. Par exemple, quand quelqu’un s’affranchit des dépendances et des mauvaises habitudes, notamment de l’usage de l’alcool, du tabac; il lui faut pour cela des forces spirituelles, le résultat, en revanche, bénéficie au corps. Et inversement, en entraînant son corps par des exercices physiques, on contribue à développer la volonté et la force de l’esprit, car cela suppose de vaincre la paresse et le penchant au confort.
Ainsi, nos capacités spirituelles influent sur l’état de notre corps, de même que nos forces physiques se répercutent sur notre état d’esprit. C’est sur ce principe qu’est fondée la pratique du jeûne. En nous limitant et en nous contrôlant dans la consommation de la nourriture, nous entraînons nos sens, nous les rendons plus fins, plus réceptifs, plus sensibles. Notre état spirituel devient ainsi mieux préparé et plus ouvert à l’action de la grâce de Dieu.
Aujourd’hui, le jeûne revient doucement dans notre vie. Cependant, nombreux sont ceux qui jeûnent parce qu’ils croient dans la vertu d’une diète, d’une alimentation allégée pour leur état physique. Certes, le jeûne est bénéfique à tout point de vue. N’importe quel médecin confirmera que l’allégement de notre alimentation agit positivement sur notre organisme et le stimule. En ce sens l’Église de Dieu qui, à la suite du Seigneur, veille au salut des hommes, contribue aussi à leur bien-être physique, notamment en leur conseillant la pratique du jeûne.
Mais les bénéfices du jeûne vont bien au-delà de l’état corporel. Le croyant doit bien comprendre sa signification spirituelle. Étant double par sa constitution – à la foi charnel et spirituel – l’être humain interagit avec son environnement dans ces deux dimensions. Par ailleurs, il y a une forte corrélation entre l’esprit et le corps.
Il est bien connu que par ses facultés intellectuelles et sa volonté l’homme peut contribuer à fortifier son état physique. Par exemple, quand quelqu’un s’affranchit des dépendances et des mauvaises habitudes, notamment de l’usage de l’alcool, du tabac; il lui faut pour cela des forces spirituelles, le résultat, en revanche, bénéficie au corps. Et inversement, en entraînant son corps par des exercices physiques, on contribue à développer la volonté et la force de l’esprit, car cela suppose de vaincre la paresse et le penchant au confort.
Ainsi, nos capacités spirituelles influent sur l’état de notre corps, de même que nos forces physiques se répercutent sur notre état d’esprit. C’est sur ce principe qu’est fondée la pratique du jeûne. En nous limitant et en nous contrôlant dans la consommation de la nourriture, nous entraînons nos sens, nous les rendons plus fins, plus réceptifs, plus sensibles. Notre état spirituel devient ainsi mieux préparé et plus ouvert à l’action de la grâce de Dieu.
« LA PRlÈRE peut transfigurer radicalement la personne humaine.
Certains ne comprennent pas tout à fait ce qu’est la prière. On peut s’interroger: si la prière est une requête adressée à Dieu ou une action de grâce pour ses bienfaits, pourquoi faut-il demander ou remercier aussi longuement et aussi souvent? Pourquoi ne pas faire cela en quelques minutes plutôt que d’y passer des heures?
Peut-on des heures entières, des jours entiers répéter les mêmes paroles, les mêmes prières? C’est au-delà des capacités humaines. On ne peut pas répéter sans cesse la même chose, parce qu’une telle répétition prive les paroles de leur sens; un tel radotage mécanique vide l’homme au lieu de l’enrichir. La prière continue est donc autre chose qu’une simple répétition des mêmes mots.
Aussi bien les liturgies interminables, surtout pendant la période du Carême, que les chrétiens orthodoxes célèbrent des heures durant, ou les exemples de l’oraison continuelle des grandes figures de sainteté, tels Macaire d’Égypte, Marie l’Égyptienne, Séraphin de Sarov, qui passaient des jours, des mois en recueillement, montrent que la prière ne consiste pas dans la reproduction de certaines formules, mais qu’elle est un état particulier de l’esprit humain.
L’Ancien Testament parle des justes et des prophètes comme de ceux qui marchent devant Dieu, qui se tiennent devant sa face (cf. 1 R 9, 4). C’est, bien sûr, une allégorie, mais elle décrit bien l’état d’esprit, très inhabituel, qui caractérise les saints de Dieu: ils se tiennent constamment en présence du Seigneur. Cette exposition au regard de Dieu, l’unité avec lui, qui s’accompagnent d’une joie incomparable, c’est la prière du juste, par laquelle il entre en contact, en communion, avec son Père céleste.
Bien sûr, ce que je viens de décrire est un idéal, difficile à atteindre, mais néanmoins offert à tous, à la portée de tout un chacun. Même si cela ne dure pas des jours et des semaines, mais quelques instants, au cours desquels nous pouvons ressentir vraiment la présence de Dieu, je suis certain que cette expérience bouleverse toujours notre vie; elle la rend meilleure, plus heureuse.
Par quoi faut-il commencer pour marcher devant Dieu, pour aller vers cet idéal de la prière authentique? L’oraison signifie communion avec Dieu, mais elle comporte aussi la dimension d’une conversation: nous pouvons converser avec Dieu, comme nous le faisons avec nos amis, à qui nous racontons notre vi ….. , nos peines et nos joies. Un simple échange avec quelqu’un qu’on aime soulage. C’est le premier degré, le premier pas de la prière: la conversation avec Dieu. Il ne faut pas être gêné de raconter à Dieu notre vie, les événements qui nous ont bouleversés; il ne faut pas hésiter à lui demander l’aide et le conseil. Et quand nous avons obtenu de Dieu ce que nous lui demandions, il ne faut pas oublier de le remercier, d’une manière simple, spontanée, avec les premières paroles qui nous viennent à l’esprit. Ce qui est important, c’est que cela soit fait avec un cœur pur et avec une foi solide. La foi et la confiance en Dieu sont les fondements de la prière.
Qu’est-ce que l’être humain ne demanderait pas à son Dieu! Nous lui ouvrons notre côté le plus intime, nous lui demandons d nous guérir de nos faiblesses spirituelles et physiques, de nous préserver des épreuves, de nous aider dans des circonstances difficiles, de nous guider dans nos rapports avec les autres personnes. Nous parlons avec Dieu de tout ce qui nous préoccupe, de tout ce qui est important pour nous. Cependant, il est évident qu’on ne peut parler, avec des mots ou des idées, pendant des heures!
Le pas suivant dans la pratique de la prière est la louange liturgique, faite en Église. Elle est portée par les paroles des psaumes, des hymnes. C’est la conversation de l’Église, Corps du Christ, avec son Chef, son Sauveur. Cette adresse communautaire à Dieu concentre la sagesse plurimillénaire, l’expérience des générations et des générations de croyants. La liturgie chrétienne révèle le sens de la prière: il est donc important de bien comprendre la signification des textes liturgiques. La liturgie de l’Église est la véritable école de la prière. »
Certains ne comprennent pas tout à fait ce qu’est la prière. On peut s’interroger: si la prière est une requête adressée à Dieu ou une action de grâce pour ses bienfaits, pourquoi faut-il demander ou remercier aussi longuement et aussi souvent? Pourquoi ne pas faire cela en quelques minutes plutôt que d’y passer des heures?
Peut-on des heures entières, des jours entiers répéter les mêmes paroles, les mêmes prières? C’est au-delà des capacités humaines. On ne peut pas répéter sans cesse la même chose, parce qu’une telle répétition prive les paroles de leur sens; un tel radotage mécanique vide l’homme au lieu de l’enrichir. La prière continue est donc autre chose qu’une simple répétition des mêmes mots.
Aussi bien les liturgies interminables, surtout pendant la période du Carême, que les chrétiens orthodoxes célèbrent des heures durant, ou les exemples de l’oraison continuelle des grandes figures de sainteté, tels Macaire d’Égypte, Marie l’Égyptienne, Séraphin de Sarov, qui passaient des jours, des mois en recueillement, montrent que la prière ne consiste pas dans la reproduction de certaines formules, mais qu’elle est un état particulier de l’esprit humain.
L’Ancien Testament parle des justes et des prophètes comme de ceux qui marchent devant Dieu, qui se tiennent devant sa face (cf. 1 R 9, 4). C’est, bien sûr, une allégorie, mais elle décrit bien l’état d’esprit, très inhabituel, qui caractérise les saints de Dieu: ils se tiennent constamment en présence du Seigneur. Cette exposition au regard de Dieu, l’unité avec lui, qui s’accompagnent d’une joie incomparable, c’est la prière du juste, par laquelle il entre en contact, en communion, avec son Père céleste.
Bien sûr, ce que je viens de décrire est un idéal, difficile à atteindre, mais néanmoins offert à tous, à la portée de tout un chacun. Même si cela ne dure pas des jours et des semaines, mais quelques instants, au cours desquels nous pouvons ressentir vraiment la présence de Dieu, je suis certain que cette expérience bouleverse toujours notre vie; elle la rend meilleure, plus heureuse.
Par quoi faut-il commencer pour marcher devant Dieu, pour aller vers cet idéal de la prière authentique? L’oraison signifie communion avec Dieu, mais elle comporte aussi la dimension d’une conversation: nous pouvons converser avec Dieu, comme nous le faisons avec nos amis, à qui nous racontons notre vi ….. , nos peines et nos joies. Un simple échange avec quelqu’un qu’on aime soulage. C’est le premier degré, le premier pas de la prière: la conversation avec Dieu. Il ne faut pas être gêné de raconter à Dieu notre vie, les événements qui nous ont bouleversés; il ne faut pas hésiter à lui demander l’aide et le conseil. Et quand nous avons obtenu de Dieu ce que nous lui demandions, il ne faut pas oublier de le remercier, d’une manière simple, spontanée, avec les premières paroles qui nous viennent à l’esprit. Ce qui est important, c’est que cela soit fait avec un cœur pur et avec une foi solide. La foi et la confiance en Dieu sont les fondements de la prière.
Qu’est-ce que l’être humain ne demanderait pas à son Dieu! Nous lui ouvrons notre côté le plus intime, nous lui demandons d nous guérir de nos faiblesses spirituelles et physiques, de nous préserver des épreuves, de nous aider dans des circonstances difficiles, de nous guider dans nos rapports avec les autres personnes. Nous parlons avec Dieu de tout ce qui nous préoccupe, de tout ce qui est important pour nous. Cependant, il est évident qu’on ne peut parler, avec des mots ou des idées, pendant des heures!
Le pas suivant dans la pratique de la prière est la louange liturgique, faite en Église. Elle est portée par les paroles des psaumes, des hymnes. C’est la conversation de l’Église, Corps du Christ, avec son Chef, son Sauveur. Cette adresse communautaire à Dieu concentre la sagesse plurimillénaire, l’expérience des générations et des générations de croyants. La liturgie chrétienne révèle le sens de la prière: il est donc important de bien comprendre la signification des textes liturgiques. La liturgie de l’Église est la véritable école de la prière. »
La présentation de l’ouvrage est belle et agréable, et l’édition de bonne facture. On ne peut qu’admirer la traduction du P. Alexandre Siniakov dont le français n’est pas la langue maternelle. Remarquons seulement que pour la prière de saint Ephrem: 1) « esprit de paresse » serait préférable à « esprit d’oisiveté », car l’oisiveté consiste à ne rien faire, tandis que la paresse recouvre aussi le manque de zèle dans les activités spirituelles ; 2) « esprit de goût de pouvoir » est incorrect et redondant, tandis « qu’esprit de domination » est plus correct, a un sens plus large et convient pmieux pour les relations interpersonnelles ; 3) « voir mes péchés » serait préférable à « voir mes fautes », car la notion de péché a une connotation plus spirituelle et une extension plus large que celle de faute (c’est non seulement ce que l’on a fait de mal, mais ce que l’on a mal fait ou ce que l’on n’a pas fait…).
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