Saint Martin de Tours
Entretien avec l'higoumène Basile (Vassily) [Pasquiet] (suite)
Étiez-vous diacre?
- Oui, j'avais été ordonné diacre. Je fus
autorisé à dire les ecténies en français, qui était un soulagement, parce que
je ne pouvais pas parler le slavon d’Eglise ou même le russe à l'époque. Après
la Liturgie, j'étais au dîner avec le Patriarche et tous les moines. Et je ne
pus me sentir complètement chrétien orthodoxe, non seulement dans mes pensées
ou dans mon cœur, mais absolument. Ensuite, j'ai été envoyé à monastère de
Pskovo-Pechersky. Avant cela, j'avais rencontré le père Tikhon (Chevkounov),
juste par hasard: Père George passait par l'église Sretensky pour aller au
nouveau monastère, et il a ensuite travaillé en tant que représentant du
monastère de Pskovsko-Pechersky. Père Tikhon et moi avons eu une belle
rencontre. Nous nous sommes aimés tout de suite et ce bon amour réciproque est
toujours vrai. Plus tard, nous nous sommes retrouvés dans le monastère de
Pskovo-Pechersky, et par la bénédiction du père Archmandrite Jean Krestiankine,
j'ai été oint. Ce fut une cérémonie modeste, dans l'église de la Dormition. Et
Père Tikhon, car il était présent, est devenu mon parrain. Et il est vraiment
mon frère en esprit.
Combien de temps
êtes-vous resté au monastère de Pskovo-Petchersky?
- Pas très longtemps. Je suis arrivé en avril,
à la fin du carême, et j'y suis resté jusqu'à la fin de Juin. Puis il y eut une
pause parce que mon visa avait expiré. Les autorités de Pskov ne savaient pas
quoi faire avec moi, et j'ai été adressées à Moscou. Là, j'ai rencontré l’Archmandrite
Jérôme (maintenant il est higoumène de monastère de la Sainte Trinité), alors
qu'il était encore un prêtre régulier. Il venait de rentrer de Terre Sainte.
Nous nous sommes rencontrés le jour de la saint Jean-Baptiste et il a décidé
d'aller à l’Athos. C'était mon rêve. Ainsi, bénis par le Patriarche Alexis,
nous sommes allés à l’Athos pendant deux semaines. Dès que je suis rentré, j'ai
écrit une requête au Patriarche lui demandant de m'envoyer en Tchouvachie, au
diocèse de Vladyka Varnava, qui est désormais Métropolite.
Père Basile, j'ai
entendu une histoire sur vous qui avez peint quelque chose lorsque vous viviez au
monastère de Pskovo-Pechersky où une délégation française est arrivée... Pourriez-vous
nous raconter cela?
- Eh bien, oui, c'est arrivé, c’étaient des militaires,
des parachutistes. Je ne peignais pas, je posais du plâtre la cellule du staretz Syméon
(aujourd'hui un saint canonisé). Je peux un peu faire le plâtrier, bien que je
pense qu'un moine doit être prêt à apprendre n’importe quel travail manuel.
Autrefois j'ai appris à plâtrer, et alors ils m'ont demandé de le faire. Mais
je ne pouvais pas trouver un langage commun avec le gardien du monastère, et il
m'a même appelé mouton. J’étais blessé au début, mais ensuite j’ai accepté avec
humilité, en pensant qu'un moine ne devrait pas être offensé, mais doit être
patient pour l'amour de Dieu, pour l'amour de Christ.
Et que dire de la
délégation française?
- Naturellement, ils étaient surpris de me voir
là, surtout puisque c’était en 1994, il n'était pas clair de savoir où allait la
Russie, trop de confusion et de tentation. Et ce qu'un Français faisait en
Russie, n'était pas clair pour personne, pas même pour moi.
Ont-ils découvert
immédiatement que vous étiez français?
- Eh bien, oui, je les ai accueillis et c’est
devenu clair. D'autant plus que l'un de mes jeunes frères était aussi officier
de l'armée (il est maintenant colonel) et nous avons eu des choses à discuter ensemble.
Leur groupe était situé au même endroit où était mon frère, de sorte qu'ils se
connaissaient.
Et comment la Tchouvachie vous a-t-elle accueilli?
- En Tchouvachie l'évêque m'a accueilli avec un
grand amour et une grande attention. J'ai tout de suite trouvé en lui un
consolateur. Varnava [Barnabé] - signifie «fils de la consolation». L'évêque
est en quelque un très haut père spirituel et maître. Quand je le regarde, je
sais où aller, quoi faire.
Mais vous vous êtes
trouvés pratiquement dans ce, pourrait-on dire, trou…
- Eh bien, ça fait du bien à un moine.
La boue épaisse, les
insectes…
- C'est tout bon pour un moine. Bien sûr, il y a
eu des moments où j'ai pensé à partiret j'ai demandé à Dieu directement: Que veux-Tu
de moi? Pourquoi me mets-Tu dans ces conditions? Et les conditions dans
lesquelles j'étais d'abord étaient horribles: des rats, un toit qui fuit, un
lit avec des draps sales où avant moi peut-être quelque ivrogne avait dormi,
tout humide - dans l'ensemble, horrible. Et après ma vie à Jérusalem bien sûr, c’était
difficile et douloureux pour moi. J'ai vraiment pleuré et demandé à Dieu:
«Pourquoi, que veux-Tu de moi? Pourquoi ai-je besoin de cela? Maintenant, je
comprends pourquoi j'en avais besoin. Il s'agit d'une parabole: Le Seigneur invite
tout le monde à la montagne de Tabor, pour assister à la Transfiguration. Vous
pouvez prendre un bus qui vous y emmène gratuitement. Mais vous serez assis
vraiment loin du Seigneur. Mais il y a un billet spécial, que vous payez, et vous
devez marcher jusqu'à cette haute montagne et payer tous les cent mètres pour
être autorisé à aller plus loin. Je pense que la vie du chrétien est ainsi, si
vous voulez la plénitude dans votre vie. Si vous voulez être proche, vous devez
payer pour cela.
Alors, comment avez-vous
payé?
- J'ai payé, en faisant l’expérience de l'humilité, de l'humiliation, et
ainsi de suite. Un moine doit vivre comme ça. Si un moine a tout, s’il a le confort,
il a besoin de réfléchir s’il pourrait être perdu sur son chemin. Si la vie
d'un moine est un peu difficile, alors probablement qu'il est sur la bonne
voie.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
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