PRIEZ POUR ASIA BIBI Et SA FAMILLE!
Asia Bibi attend la mort par pendaison. Cette chrétienne d’une quarantaine d’années a beau crier son innocence, presque personne ne semble vouloir l’écouter dans son pays, le Pakistan. «Mais je n’ai jamais blasphémé, je sais bien que je suis innocente», a-t-elle encore déclaré dernièrement à une journaliste de Libération venue la voir dans la prison où elle est recluse depuis un an à Peshawar, la ville tristement célèbre pour abriter des talibans.
Asia Bibi, mère de cinq enfants, a été condamnée le 8 novembre dernier pour avoir outragé l’islam. Issue d’une famille très pauvre, elle a été accusée de blasphème par des femmes musulmanes de son village après une dispute en 2009. Ses voisines sont allées voir le mollah qui a ensuite saisi la police.
Elle a rendu l’eau impure
La presse pakistanaise raconte qu’Asia Bibi est allée chercher de l’eau pour un groupe de femmes avec lesquelles elle travaille à la cueillette des fruits. Mais en revenant, elle aurait touché le liquide et les musulmanes ont refusé de boire cette eau devenue «impure». Une conversation animée s’est alors ensuivie autour de la religion. Les femmes ont pressé Asia Bibi «de renoncer à sa foi chrétienne et d’embrasser l’islam». «Quitte donc ton mari et épouse un musulman!» lui ont-elles lancé, selon le témoignage de sa sœur dans Libération.
Asia Bibi aurait alors fait l’erreur de risquer une comparaison entre Jésus et Mahomet. «Qu’a fait ce dernier pour les hommes quand Jésus s’est sacrifié pour les péchés des hommes?» a-t-elle déclaré en substance à ses contradictrices. Ces propos ont été rapportés à un mollah du petit village d’Ittanwali, à une heure de route de Lahore, selon Christian Today.
«Les musulmans ici n’aiment pas partager leur vaisselle avec les chrétiens. Ce n’est pourtant pas interdit par le Coran. Mais, même en tant que mollah, je ne peux pas le dire aux fidèles, car c’est un tabou culturel», a reconnu un autre religieux du village.
Asia Bibi a donc été jugée coupable de blasphème par un tribunal régional. Son seul espoir maintenant est la Haute Cour de Lahore devant laquelle son mari, un ouvrier dans une briqueterie, a déposé un appel. A première vue, la Pakistanaise ne semblait pas manquer de soutien. Le gouvernement souhaitait la gracier, ne serait-ce que pour stopper le tollé international (même le pape Benoît XVI est intervenu) que sa condamnation a suscité. Mais un tribunal l’en a empêché.
95% des Pakistanais sont musulmans
L’enjeu dépasse en effet Asia Bibi. Sa condamnation à mort remet la loi sur le blasphème au centre des débats au Pakistan [...]. Si une poignée d’intellectuels et les minuscules minorités de non-musulmans du pays (5% des 170 millions de Pakistanais) luttent pour son abolition, les autres habitants l’approuvent ou, au mieux, s’en désintéressent. Le clergé islamique se sent donc en verve. Un mollah de Peshawar a ainsi promis une récompense à celui qui tuerait Asia Bibi. Cette femme se trouve d’ailleurs seule dans sa cellule, de peur qu’une codétenue l’assassine.
La ministre des Minorités, Shahbaz Bhatti, est pour l’instant la meilleure alliée de la prisonnière. C’est elle qui a ordonné de la tenir à distance des autres. C’est aussi cette politicienne, musulmane, qui protège et entretient la famille de la chrétienne. Le mari d’Asia Bibi a dû abandonner son job et fuir leur village avec leurs cinq enfants. Ils se cachent à Lahore, de peur des représailles. Des habitants de leur petite localité ont en effet promis de tuer Asia Bibi et éventuellement les trois autres familles chrétiennes d’Ittanwali si elle est libérée.
«Cette loi a une lourde incidence sur la société pakistanaise»
La loi contre le blasphème a été promulguée en 1986 sous le régime du général Zia Ul Haq, principal responsable de l’islamisation du pays dans les années 1980. Elle punit de la prison à perpétuité les auteurs d’une profanation du Coran et de la peine de mort ceux qui profèrent des insultes à l’égard du Prophète. Le but de la loi, au contour intentionnellement vague, est donc de terroriser les Pakistanais non-musulmans. «Cette loi a une lourde incidence sur la société en général: elle rend impossible toute forme de dialogue entre les différentes communautés. Comment pouvez-vous discuter si vous risquez d’être accusé d’avoir insulté le Prophète et donc de mourir en cas de désaccord avec votre interlocuteur?» a déclaré l’évêque catholique d’Islamabad, Mgr Rufin Anthony, au journal catholique français La Croix. ( Lazlo Molnar/ Le Matin 23 decembre 2010)
Asia Bibi n’est pas en sûreté entre les murs de la prison de Sheikhupura, où elle est détenue depuis un an et demi et se trouve en danger de mort : c’est le cri d’alarme lancé à l’Agence Fides par la famille de la jeune femme et par la « Fondation Masih » qui s’occupe de son assistance légale. Asia Bibi est la première femme pakistanaise condamnée à mort pour blasphème.
Après la prime de 500.000 roupies que le mollah Yousaf Qureshi de Peshawar a ouvertement promise pour la mort d’Asia Bibi, sa vie se trouve en extrême danger, même si elle devrait être actuellement protégée dans la cellule où elle purge sa peine. « C’est pourquoi il est nécessaire de continuer la campagne en vue de sa libération immédiate et de l’abolition de la loi sur le blasphème. Il s’agit d’une question essentielle en ce qui concerne le respect des droits de l’homme au Pakistan » déclare à Fides Haroon Barket Masih, Président de la « Fondation Masih », rappelant la Journée de l’ONU pour les Droits de l’Homme.
La plainte de la Fondation est pleinement partagée par Ansar Burney, intellectuel musulman pakistanais connu et ancien Ministre fédéral du Pakistan chargé des Droits de l’Homme. Burney a envoyé une lettre au Président Ali Zardari et au Premier Ministre Gilani demandant de renforcer les mesures de protection autour d’Asia Bibi et de poursuivre officiellement tous ceux qui ont invité les militants à la tuer. Ainsi qu’il l’affirme dans sa missive, dont une copie est parvenue à l’Agence Fides, Burney craint fort qu’Asia Bibi (voire également d’autres membres de sa famille) puisse être tuée durant la détention ou au cours du procès d’appel.
Burney demande avec force au gouvernement d’arrêter « les éléments qui ont annoncé ouvertement leur intention de la tuer », commettant ainsi un délit et remarque que « à cause de l’illégalité diffuse et de la faiblesse du gouvernement, les extrémistes trouvent très facile de procéder à des exécutions sommaires et à des mises à mort extrajudiciaires au nom de l’islam ». A ce propos, Burney rappelle qu’à ce jour, 33 personnes accusées de blasphème ont d’ores et déjà été tuées en prison ou au cours de leur procès comme dans le cas des deux frères Rashid et Sajid Emmanuel, abattus devant le Tribunal de Faisalabad en juillet 2010
La « Commission des Droits de l’Homme du Pakistan », prestigieuse ONG locale, dans un communiqué envoyé à Fides à l’occasion de la Journée pour les Droits de l’Homme, note que « l’augmentation du militantisme et de l’intolérance religieuse constitue une menace pour les droits de l’homme dans le pays ». La condamnation à mort d’Asia Bibi pour blasphème, remarque la Commission, est la preuve « des menaces subies par les citoyens sur la base de lois erronées et de l’application sélective de ces lois ». En outre, s’agissant de la récompense placée sur sa tête, « une action légale fait défaut malgré l’incitation à l’homicide ».
Entre temps, un chrétien pakistanais, Yunis Kushi, appuyé par des associations de la société civile chrétiennes et musulmanes, a présenté une instance devant la Cour Suprême du Pakistan (le troisième degré de jugement) demandant une action « de motu proprio » de la Cour (c’est-à-dire de son propre chef) contre la condamnation à mort concernant Asia Bibi et contre les responsables de l’incitation à la haine religieuse et à l’assassinat. L’appel cite les passages de la Constitution pakistanaise dans lesquels sont réaffirmés les principes de liberté, d’égalité, de tolérance et de justice sociale pour tous les citoyens et pour les minorités religieuses. Il cite également l’Acte anti-terrorisme de 1997 dans lequel l’Etat s’engage à arrêter « quiconque incite à la haine religieuse et cause la violence ». (PA) (Agence Fides 10/12/2010)
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