Entretien de Georges Maximov
avec le prêtre orthodoxe Thomas Dietz,
ancien prêtre catholique
(1)
Père Thomas [Dietz]
Père Georges [Maximov]: Bonjour. Vous regardez Mon Cheminement vers Dieu. L'invité de l'émission d'aujourd'hui est le prêtre Thomas Dietz. Nous savons tous que, durant les 20 dernières années, beaucoup de gens de notre pays ont émigré à l'Ouest. Père Thomas a fait le contraire et il a immigré en Russie depuis l'Allemagne. Il sert comme un prêtre orthodoxe russe à Moscou depuis de nombreuses années maintenant. Père Thomas, comment votre voyage vers Dieu a-t-il commencé?
Père Thomas [Dietz]: Je vous remercie, Père Georges. Commençons par mon enfance. J'ai été élevé dans une famille luthérienne allemande typique. Seul mon père était croyant; ma mère était loin d'être religieuse, même si son grand-père était pasteur. Donc, la première fondation de ma foi a été posée par mon père. Il avait l'habitude de nous lire l'Évangile les dimanches et il nous emmenait dans une église luthérienne d'une banlieue de Munich où nous vivions. Quand j'avais 10-12 ans, j'avais une foi enfantine que je chérissais, même si parfois mes pairs se moquaient de moi à cause de cela. L'environnement social en Allemagne est très laïque... Plus tard, lorsque j'ai grandi, j'ai perdu cette foi, ce qui est typique pour les Allemands. Je l'ai retrouvée quand j'écoutai une catéchèse dans une église catholique romaine.
Père Georges: Donc, vous vous êtes converti du luthéranisme au catholicisme?
Père Thomas: Oui. Jai suivi les cours catholiques pendant plusieurs années comme luthérien, puis j'ai décidé de me joindre à eux. J'avais 23 ans à ce moment-là.
Père Georges: Quelle a été votre motivation pour retrouver votre foi et décider de vous convertir?
Père Thomas: Vous pouvez dire que comme protestant d'une famille luthérienne, j'étais assez sceptique à propos de l'église quand j'ai grandi. Il y avait plusieurs raisons à cela. La principale avait probablement quelque chose à voir avec mes parents. Je me souviens que lorsque mon père priait avant le repas à la maison, il était toujours très triste. Comme jeune homme, je me demandais toujours: "Pourquoi les gens doivent-ils être tristes quand ils s'adressent à Dieu? Qu'est-ce qui ne va pas? "Dans le catholicisme, la situation était inverse. J'ai vu de nombreux catholiques joviaux qui étaient sincèrement reconnaissants à Dieu pour leur foi nouvellement trouvée. Ces personnes ont trouvé un nouveau mode de vie dans le catholicisme, une façon de vivre en tant que communauté. Ils étaient également très enclins au travail missionnaire. Cette joie, ce style de vie fondé sur la communauté et, on peut le dire, l'amour entre les fidèles dans les communautés catholiques m'a conquis.
Il convient de noter que je suis devenu catholique dans le Néocatéchuménat. Ce mouvement n'est pas très connu en Russie, mais il est néanmoins présent ici. Il est l'un des soi-disant mouvements spirituels du catholicisme moderne. J'ai passé plusieurs années dans ce mouvement et je sentais que je devais rejoindre pleinement l'Eglise catholique pour participer aux sacrements et construire ma vie de cette façon. J'ai participé avec enthousiasme à la vie de l'Eglise catholique, je suis devenu catéchiste, je suis allé à de nombreux pèlerinages à Rome, j'ai travaillé dans la mission Néocatéchuménale à Berlin-Ouest et, plus tard, en Hongrie, et j'ai obtenu d'être admis dans un séminaire.
Père Georges: Pour autant que je sache, beaucoup de choses dans le catholicisme et l'orthodoxie sont inhabituelles pour les protestants. Par exemple, la vénération de la Mère de Dieu, les images de saints, etc. Peut-être que ces choses ne sont pas aussi prononcées dans le luthéranisme comme dans d'autres croyances protestantes, mais vous avez probablement eu à surmonter votre aversion. Ou bien cela s'est-il produit naturellement pendant la catéchisation?
Père Thomas: Il a fallu un certain temps. Pour un protestant, vénérer la Mère de Dieu et l'existence du pape étaient, bien sûr, une pierre d'achoppement. Je devais m'y habituer. Je me souviens que d'être parmi les masses de gens lors de mon premier pèlerinage à Rome était inacceptable pour moi. A cette époque, cela me semblait être une communalité excessive, mais je m'y suis habitué. Je croyais que vénérer la Mère de Dieu était essentiel pour la foi et la piété. J'étais également reconnaissant de l'avantage catholique d'avoir des membres du clergé, ce qui est absent chez les luthériens. Je voyais qu'il y avait là le patrimoine patristique établi par le Christ pour nous donner une guidance [spirituelle]. Donc, dans ces communautés, je me suis habitué à de nombreux aspects que nous avons dans l'Orthodoxie, comme la vénération de la Mère de Dieu, le clergé, les évêques et la tradition sacrée, même si les catholiques les ont sous une forme différente.
Père Georges: Combien d'années avez-vous été dans l'Église catholique?
Père Thomas: Dix-huit ans, si vous comptez à partir de la fois où je me suis converti jusqu'à l'heure où j'ai démissionné.
Père Georges: C'est un temps assez long. Compte tenu des raisons pour lesquelles que vous y êtes arrivé, telles que la découverte de la vie communautaire et la rencontre des personnes bienveillantes et joyeuses qui partageaient leur joie avec les autres, je dois vous demander ce qui vous a fait douter du catholicisme, et continuer votre quête et découvrir l'Orthodoxie? L'Orthodoxie n'est pas bien connu en Occident, n'est-ce pas?
Père Thomas: Tout à fait. Quand je suis devenu catholique, je ne savais pratiquement rien sur l'Orthodoxie. Pour moi, c'était un espace vide sur la carte des religions. Seulement après un moment j'ai appris qu'il y avait l'Orthodoxie, une religion où la tradition sacrée jouait un rôle important. Toutefois, pendant la quasi-totalité de cette longue période de ma vie, j'étais confiant que les dogmes catholiques avaient raison. Je ne doutais pas que la papauté avait été établie par le Christ Lui-même ou que le pape occupait sa place légitime. Cependant, pendant tout le temps que j'ai passé dans le catholicisme, j'ai eu le sentiment que quelque chose manquait. Il me manquait une fondation fiable et solide de la foi, la fondation qui je le savais me soutiendrait et ne s'effondrerait jamais. Il avait quelque chose de plus grand qu'une bonne attitude envers les gens et la communauté et d'autres choses qui sont fondamentalement éphémères. Et Dieu m'a dirigé d'une manière qui m'a fait être plus intéressé par l'Orthodoxie.
J'ai commencé à étudier le russe assez tôt, quand j'avais 24 ans et que je vivais à Berlin-Ouest. Je ne fus pas admis à l'Université de Berlin, donc je ne pouvais pas continuer mes études d'architecture que j'avais commencées à Munich. Frustré, je suis allé à la librairie la plus proche et j'ai acheté un manuel d'auto-formation de russe, parce que je sentais que ce serait important pour moi.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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