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Laurence Guillon
Au
début du conflit ukrainien, quand on en était seulement à l’Euromaïdan, un
cosaque avait écrit une lettre pour préciser que les cosaques zaporogues
n’avaient rien en commun avec les Ukrainiens de l’ouest ni les uniates
galiciens, qui cherchaient à s’approprier leur gloire, les uniates n’étant rien
de plus que des renégats, et que si un cosaque pouvait éventuellement épargner
un polonais, il ne faisait pas grâce à un uniate, traître par définition. En
effet, l’Eglise gréco catholique ou uniate a été le résultat d’une politique de
conversion forcée des serfs orthodoxes des nobles polonais. Si je fais mémoire
de cette opinion cosaque sévère et de cet événement historique, c’est que j’ai
d’abord lu un article sur la déclaration pleine de retenue du Métropolite
Onuphre, chef de l’Eglise Ukrainienne orthodoxe Canonique, et que m’est
tombé sous les yeux, dans la rubrique « articles connexes » d'un
site, celui de la Croix consacré au chef des Uniates d’Ukraine, Mgr Sviatoslav
Shevchuk
•
Le métropolite Onuphre, primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine : « Nous n’avons pas le droit de justifier la guerre par des slogans religieux »
Je
vous invite à comparer les deux articles, l’exercice étant plein
d’enseignements.
Nous
n’avons pas le droit de justifier la guerre par des slogans religieux,
proclame le métropolite Onuphre, primat de l’Eglise Orthodoxe
Ukrainienne canonique. Et sans faire référence ni au pseudo patriarche Philarète
autoproclamé qui va réclamer des armes aux USA, ni au monseigneur des Uniates,
ni aux persécutions réelles dont sa propre Eglise est l’objet, il cite en
exemple deux princes de ce qui n’était alors ni l’Ukraine ni la Moscovie, mais
la Rous originelle dont sont issues toutes les Russies, la grande Russie, la
petite Russie et la Biélorussie, Boris et Gleb, qui se sont
laissé assassiner par leur frère félon plutôt que de se dresser contre lui au
prix d’une guerre civile. Il appelle à la paix, à la réconciliation, sans un
mot de reproche à l’égard des formations « concurrentes » :
La
mort abrupte efface toutes les différences entre les vivants. Dans les tombes,
il n’y a ni hommes de droite, ni hommes de gauche. Dans les tombes reposent
aujourd’hui les enfants de notre Église, tant dans l’est, que dans le centre,
ou dans l’ouest de l’Ukraine. Si nous n’arrêtons pas la guerre dans nos cœurs,
elle éclatera à l’extérieur. En ces jours, le Seigneur nous donne la
possibilité d’éprouver notre foi et notre attachement à l’enseignement du
Christ. Je suis convaincu que ce n’est que dans le service de la paix et de
l’amour qui pardonne tout, que nous trouverons la force pour la renaissance
rapide de notre Patrie sous la protection de la sainte Église orthodoxe.
Le métropolite Onuphre, primat de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine
« L’Europe
doit tout faire pour ramener la paix en Ukraine » dit Monseigneur Viatcheslav
Shevchuk, le primat des Uniates, à la Croix, qui lui offre une tribune.
«Tout », c’est-à-dire quoi, monseigneur, dans le contexte ? Le métropolite
Onuphre a-t-il déclaré que « Moscou devait tout faire pour rétablir la
paix en Ukraine » ? Non, il n’en a pas parlé, lui, il a parlé de
ramener la paix dans le cœur de chacun, afin de la ramener aussi dans le pays,
ce qui est une démarche plus spirituelle et plus chrétienne, convenons-en.
Monseigneur Viatcheslav Shevchuk, primat de l’Eglise
gréco-catholique d’Ukraine
Monseigneur
Viatcheslav Shevchuk dénonce une « persécution ethnique ». Où
ça, au Donbass, où les gens prennent des bombes sur la tête depuis des
mois, où l’armée ukrainienne vise systématiquement les églises, les monastères,
les hôpitaux et les écoles, où les enfants vivent dans des caves, où les
prisonniers novorussiens sont crucifiés et brûlés vifs par des néonazis en
goguette ? Non, pas du tout, des persécutions ethniques en Crimée !
Les Ukrainiens uniates sont persécutés en Crimée ! Ah bon. Première
nouvelle, heureusement qu’il est venu la révéler à la Croix. Cette publication
a-t-elle, soit dit en passant, vérifié l’info ? En Crimée, et au Donbass
lui-même, a-t-il le front de dire, où les uniates fuient épouvantés les
persécutions des russophones ! Pourtant le Donbass n’est pas
précisément l’endroit où, traditionnellement, grouillaient les populations
uniates, principalement galiciennes et situées dans la partie occidentale de
l’Ukraine, autrefois polonaise et autrichienne, et principal soutien des nazis
de Bandera lors de la seconde guerre mondiale, et des néonazis de Kiev,
aujourd’hui. Mais il nous l’affirme, dans ce conflit, c’est l’Ukraine, qui
souffre, enfin la sienne, l’uniate. Les sous-hommes orthodoxes du Donbass
comptent pour du beurre.
Pour
Monseigneur, le patriarcat de Moscou est « enfermé dans le déni et
l’agression verbale ». Le Métropolite Onuphre fait preuve d’une
« attitude de repli et de surdité à l’égard de la société
ukrainienne ». D’après lui le pape sait que ce qu’il dit « correspond
à la réalité et n’a rien d’idéologique ».
Quand
des politicards et des journaleux faux-culs ordinaires mentent effrontément,
c’est répugnant mais on s’y fait. Quand une publication appelée « la
Croix » répercute les menteries d’un prélat retors, ça fait drôle…
Parlons-en,
des persécutions ethniques et religieuses :
J’aborderai
maintenant un troisième article instructif publié par le blog « Parlons
d’orthodoxie » qui n’est pas particulièrement « pro Poutine ».
Cet article, intitulé « Réflexions sur l’Eglise Gréco-catholique d’Ukraine
et la déclaration de Balamand », permettra à toute personne
ignorante des tenants et aboutissants de la question uniate en Ukraine de se
faire une idée : Réflexions sur
l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine et "La déclaration de Balamand"
Voici
quels furent les débuts de l’Eglise uniate :
L'Eglise
"uniate" d'Ukraine fut créée en 1596 quand l'Ukraine
faisait partie du royaume Lituano-polonais; sous la pression des autorités
catholiques, le métropolite de Kiev et 6 évêques sur 8 signèrent l'Union
de Brest-Litovsk qui reprenait les conclusions du Concile unioniste de Florence-Ferrare
(1439-1440), rejetées par Moscou et Constantinople. Les
Orthodoxes réfractaires (clergé paroissial, monastères, Cosaques qui créèrent
un éphémère état indépendant (1646) avant de passer sous protectorat russe en
1654) furent privés de tous droits religieux et une sévère répression s'abattit
sur ceux qui résistaient; les églises, monastères et biens de l'Eglise,
passèrent aux "Uniates". Ces persécutions contre les Orthodoxes
devinrent alors un abcès permanent entre Rome et l'Orthodoxie.
Cette
Eglise fut supprimée par Staline, nous informe l’article, sous
l’accusation d’avoir collaboré avec les nazis et encouragé les revendications
nationalistes. Puis elle fut rétablie et reconnue par Gorbatchev en 1989,
et reprit ses vielles habitudes :
Dès
leur reconnaissance par les autorités en 1989 (M. Gorbatchev, Secrétaire
général du PCUS), les communautés gréco-catholiques s'emparèrent de leurs
anciennes églises, où officiaient des communautés orthodoxes, souvent avec
violence, et les Orthodoxes se retrouvèrent sans lieux de culte. En effet, de
nombreuses églises et monastères avaient été confisqués après l'annexion et
durant les répressions Khrouchtchéviennes (7) et les Orthodoxes officiaient
donc dans les églises qui leur avaient été laissées. Ce sont à elles que les
Gréco-catholiques s'attaquèrent en premier, avec la complicité des autorités,
et non à celles, transformées en ¨divers établissements laïcs, que les
autorités protégeaient.
"L’uniatisme
a commencé une expansion active en Ukraine, cherchant à dépasser les limites de
l’Ukraine occidentale et à s’implanter dans les régions orientales où il
n’était guère présent auparavant. La preuve
la plus triste de cette orientation fut le transfert en 2005 de l’archevêché
majeur des gréco-catholiques de Lvov à Kiev et le projet de
l’élever au rang de patriarcat qu’elle n’a jamais eu dans l’histoire. Ainsi,
l’uniatisme n’est pas seulement un fait douloureux du passé qui, pendant des
siècles, a divisé l’Orient et l’Occident, mais demeure un grave obstacle sur le
chemin du rétablissement de l’unité perdue entre les Églises" écrit Mgr Hilarion
en 2009 (ibid. note 1).
Car,
nous dit l’article : « Les Gréco-catholique d’Ukraine
considèrent que leur Eglise est élue par Dieu pour apporter la vraie foi aux
Eglises d'Orient, avec une vision messianique qui s'affirma particulièrement
entre les deux guerres. »
Nous
apprenons qu’un accord a été conclu à ce propos entre le Vatican et les Eglises
orthodoxes : l’accord de Balamand :
Le
dialogue théologique entre les Églises, qui se développait après la première
"rencontre au sommet" de 1964 (6) et la levée des anathèmes un an
plus tard, fut consacré au sujet de l'uniatisme pendant la dernière décennie du
siècle à la demande des délégués orthodoxes; les assemblées plénières de la
Commission mixte à Freising (Allemagne, 1990), Balamand (Liban, 1993) et
Baltimore (États-Unis, 2000) ont adopté plusieurs déclarations importantes à ce
sujet dont la "Déclaration de Balamand", particulièrement importante
puisque Rome admet pour la première fois que l'uniatisme pose problème et ne
doit pas s'étendre (voir Conférence du Professeur Michel Stavrou pour
l'analyse détaillée de ce texte). "Ce texte est intitulé « L’uniatisme,
méthode d’union du passé, et la recherche actuelle de la pleine communion », et
comporte 3 grandes décisions :
1.
La démarche de l’uniatisme est condamnée
par les deux Eglises catholique et orthodoxe en tant que méthode d’union et en
tant que modèle d’unité ;
2.
Les deux Eglises se reconnaissent
mutuellement comme Eglises Sœurs ;
3.
Les orthodoxes s’engagent « par économie
» à respecter les communautés uniates existantes.
Cet
accord, nous dit-on, devait mettre fin au prosélytisme des uniates, mais il n’a
jamais été signé. Et le prosélytisme actif des uniates n’a fait que croître et
embellir, soutenu qu’il était par toutes sortes de forces nationales ou
étrangères qui avaient intérêt à éradiquer ce qui était russe, russophone et
orthodoxe en Ukraine.
«
L'Église gréco-catholique d’Ukraine se livre à des activités politiques
directes, malheureusement, en utilisant des slogans russophobes tranchants et
en lançant de durs jugements contre l'Église orthodoxe russe dans ses
déclarations publiques » a déclaré le patriarche Cyrille, estimant qu'un tel
comportement « russophobe jette une ombre très mauvaise » sur les relations
entre l’Église russe et le Vatican. Il faut aussi souligner que l'Église
gréco-catholique joue sur les dissensions internes à l'Orthodoxie Ukrainienne
en menant des actions conjointes avec l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne (soi-
disant patriarche [b]Philarète). "Le
chef de l’Église gréco-catholique d’Ukraine et le chef du soi-disant Patriarcat
de Kiev ont arpenté les cabinets du Département d’état des États-Unis, incitant
les autorités américaines à intervenir et à mettre de l’ordre en Ukraine"
accuse Mgr Hilarion de Volokolamsk.[/b]
C’est
clair, n’est-ce pas ? L’expansion politique importe beaucoup plus que la
charité chrétienne et la compassion, comme on l’a vu aussi avec les exactions
des catholiques croates contre les Serbes pendant la seconde guerre mondiale.
C’est sans doute pour cela que monseigneur Viatcheslav Shevchuk vient
demander le secours de l’Europe en se gardant bien d’évoquer les massacres
commis au Donbass par son armée. On pourrait penser, au vu de la
déclaration de Balamand, que les catholiques normaux, occidentaux,
modernes, démocrates et œcuménistes n’encourageraient pas la conversion à coups
de bombes sur la tronche, la conversion musclée du croisé ou du conquistador,
si souvent stigmatisée quand elle s’exerce en tout autre endroit du monde que
les pays slaves. Mais non, la Croix abonde dans son sens, couvre ses mensonges,
met le pape dans le bain. Au fait, qu’en pense-t-il, le pape ? Eh bien, nous
dit l’article de « Parlons d’orthodoxie », « le Vatican a
toujours eu une attitude assez ambiguë vis-à-vis des gréco-catholiques. Ainsi,
il ne leur accorde pas d'autonomie canonique et ne donne pas suite à leurs
demandes d'érection en patriarcat, mais les Papes successifs soulignent à
plusieurs reprises leur attachement à cette Eglise, ce qui provoque
régulièrement des crises dans les relations avec l'Eglise russe (annulation
d'une rencontre de théologiens orthodoxes et catholiques à Odessa en
1979, absence de la délégation de l'Eglise russe à la 4ème réunion de la
Commission Théologique mixte à Bari en 1986 …) »
Evidemment…
Pour ce
qui est des épurations ethniques, s’il reste un soupçon de conscience à la
Croix qui n’est peut-être pas encore complètement gammée, que ses journalistes
aillent se renseigner sur ce qui se passe vraiment en Ukraine et que couvre le
monseigneur uniate :
•
Voici ce qu’il reste du monastère
orthodoxe de la Vierge d’Ibérie et de son cimetière, après les bombardements
ukrainiens :
•
Voici l’un des nombreux témoignages de
civils, auxquels la presse occidentale ne donne aucun écho :
•
Et plus généralement, une rétrospective
de ce forfait commis avec l’assentiment occidental et la bénédiction du
monsignore :
•
Et enfin, le témoignage d’un Français qui
sauve l’honneur de notre triste France :
La Croix peut sans
doute organiser une collecte charitable pour aider ce juste solitaire ?
Si je continue à voir
passer ce genre d’articles, eh bien la prochaine fois qu’on me convie à une
réunion œcuménique, excusez-moi, mais je ne risque pas d’y aller !
Laurence
Guillon,
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