Tout chrétien orthodoxe qui fait même la moindre lecture spirituelle rencontrera le mot "podvig." Bien que ce mot puisse être décrit, il ne peut pas être traduit en un seul mot [en français], ce qui est la raison pour laquelle nous continuons à l'utiliser, et nous devons donc apprendre à comprendre ce terme russe.
Le mot lui-même a été défini comme "combat spirituel." Comme beaucoup de choses dans l'orthodoxie, en pratiquant, nous le comprenons dans nos âmes, même si nous ne pouvons pas l'expliquer. En effectuant un podvig, nous trouvons comme un moyen de nous rapprocher du Christ tandis que nous cheminons le long de la voie du salut.
Nous portons les cicatrices du péché dans notre corps, ce qui nous entraîne en bas vers la terre, comme un aimant, mais notre âme aspire à monter vers les hauteurs. Comme homme, composé de corps et d'âme, nous trouvons ces deux choses opposées l'une à l'autre. Même Saint Paul dit "Car je ne sais pas ce que je fais; le bien que je veux, je ne le fais pas; mais le mal que je hais, je le fais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi, reconnaissant qu'elle est bonne. Ainsi ce n'est plus moi qui fais cela, mais c'est le péché qui habite en moi. Car je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire, dans ma chair: en effet, vouloir est à ma portée; mais accomplir ce qui est bon, je ne le puis. Car je ne fais pas le bien que je veux; mais je fais le mal que je ne veux pas". ( Romains 7:15-20)
En tant que chrétiens orthodoxes, nous savons que nous devons travailler à la purification, l'illumination, la theosis (déification). La première étape de notre purification des passions, de tout ce qui nous éloigne de Dieu et qui nous enchaîne de monter sur les hauteurs, nécessite l'utilisation du podvig.
Saint Théophane le Reclus définit l'ensemble de notre vie chrétienne comme podvig. Il explique que l'esprit hait le péché, tandis que la chair y habite. Comment cette bataille en nous-mêmes peut-elle être résolue? Par le podvig, cette lutte spirituelle qui amène l'âme à la maîtrise du corps.
L'Eglise nous donne les instructions pour ce faire, par le jeûne, les prosternations, la station debout dans la prière, etc. Toutes ces choses s'opposent au corps, et tandis que nous nous acquittons de ces pratiques ascétiques, nous découvrons en effet qu'elles aident à nous rapprocher de notre Créateur et Sauveur. Comme nous aspirons à approfondir nos âmes en Christ, nous constatons que nous voulons faire plus, aller au-delà ce que l'Eglise nous a déjà dit être les premiers pas nécessaires.
Le podvig, c'est précisément de "faire plus".
Selon saint Théophane " tous les saints acceptent que le seul vrai chemin de la vertu soit la douleur et le travail acharné… La légèreté et la facilité sont le signe d'une fausse voie. Toute personne qui ne lutte pas, n'est pas dans le podvig, elle est dans l'illusion spirituelle ("prelest ") [in Le chemin du salut, p. 209 de l'édition anglaise].
Notre Seigneur dit: "Si quelqu'un veut me suivre, qu'il renonce à lui et qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive" (Matthieu 16:24 ). Saint Innocent, dans son livre, Indication de la Voie qui mène au Royaume des Cieux, écrit clairement que le chemin qui mène au royaume des cieux est précisément de renoncer à soi, de prendre la croix, et de suivre le Christ. Notre bien-aimé saint américain poursuit en expliquant que "renoncer à soi, signifie abandonner ses mauvaises habitudes, d'extirper du cœur tout ce qui nous lie au monde…" Il y a des croix externes et internes. Prendre sa croix signifie non seulement porter des croix posées sur nous par d'autres, ou bien envoyées par la Providence, mais... même de s'imposer des croix à soi-même et de les porter."
Voilà une claire orientation vers le podvig.
Lorsque nous prenons une croix supplémentaire, un podvig, avec la bénédiction de notre père spirituel, nous constatons que le Seigneur Lui-même vient nous aider à porter cette croix, marchant côte à côte avec nous. N'est-ce pas ce à quoi nous aspirons? Avoir le Seigneur près de soi, être près de Lui?
Tout ce qui concerne le podvig est une forme de repentir, de retournement et de retour vers la bonne voie. Parce qu'il est si intimement lié à la repentance, il ne faut jamais entreprendre une podvig spécifique sans l'approbation de son père confesseur/père spirituel.
Le Malin est très rusé et il ne veut rien de plus que de nous attirer dans le même orgueil par lequel il est tombé. Il va essayer d'utiliser les mêmes moyens par lesquels nous essayons de surmonter nos péchés pour nous entraîner dans le péché d'orgueil. Oui, nous pouvons devenir orgueilleux et tomber dans la vaine gloire par notre propre podvig! En fait, il arrive fréquemment qu'un guide spirituel accompli dise à son enfant spirituel de renoncer à son podvig.
Quand nous entreprenons un podvig, c'est pour s'opposer au corps qui nous attire vers la terre et loin de Dieu. Est-ce que je mange trop? Alors, je dois entreprendre un podvig de jeûne supplémentaire, ou me refuser les aliments spéciaux avec lesquels j'ai tendance à me laisser aller, par gourmandise. Suis-je paresseux? Alors, je dois travailler plus durement. Je ne veux pas sortir du lit le matin? Alors je me lève plus tôt pour prier. La liste est longue et chaque personne, avec l'aide de son confesseur, sait quels vices l'affligent particulièrement. Chaque vice a une vertu opposée, et dans l'effort vers la vertu, le vice peut, avec l'aide de Dieu (car rien ne peut être accompli sans la prière et la grâce du Seigneur!), être vaincu, ou au moins atténué dans une large mesure.
Tout podvig peut être accompli pour s'opposer à une passion dont nous sommes affligés, comme indiqué ci-dessus, mais on peut aussi entreprendre un podvig comme une forme de prière pour nous-mêmes, nos familles ou toute autre personne. Un exemple de cela pourrait être le parent qui a un enfant malade. En plus de prier pour cet enfant, le parent peut prendre un podvig de prosternations et/ou de jeûne supplémentaire comme un effort supplémentaire en sus de cette prière.
En effet, nous ne pouvons pas seulement, mais nous devrions ajouter un podvig à nos prières de demande au Seigneur.
Tout au long des siècles, nous pouvons voir dans l'histoire de l'Eglise chrétienne que vivre la vie d'un chrétien signifiait [accomplir] un podvig. Les premiers siècles ont vu des centaines de milliers de martyrs, dont beaucoup sont connus de nous par leur nom, mais la majorité d'entre eux sont inconnus.
Dans l'histoire plus récente, nous avons assisté à des décennies d'oppression communiste qui a produit des milliers de martyrs et de confesseurs de la foi, ceux qui ont refusé de renier le Christ et ont souffert au-delà de toute description. Être chrétien signifiait [accomplir] des podvigs. Il a également été clair à travers les siècles, que lorsque les chrétiens sont devenus laxistes, quand la vie extérieure a été privilégiée et non la vie intérieure, quand les abus et la corruption se sont glissés dans l'Église, les podvigs vinrent de l'extérieur sous forme de persécution islamique ou communiste. Individuellement et collectivement, nous devons réaliser que si nous n'acceptons pas et nous ne cherchons pas le podvig, il nous sera imposé!
Alors que la plupart des fidèles acceptent et observent les jours et les saisons de jeûne - et reconnaissent leurs avantages spirituels, nous avons perdu la notion de prendre pour nous-mêmes toute autre jeûne supplémentaire comme une forme de podvig.
Alors que nous donnons volontiers et avec joie aux pauvres et à l'Eglise, c'est rarement au point de nous priver de toute nécessité de ces ressources. Nous acceptons notre règle de prière quotidienne, mais où sont les prosternations en dehors du Grand Carême?
Toutes les choses mentionnées ci-dessus (et il y en a en effet beaucoup, beaucoup plus, en fonction de chaque individu) peuvent être une forme de podvig.
La vie chrétienne dans ce monde déchu est un combat. Si nous ne luttons pas, alors sommes-nous sur la bonne voie? Quand tout va bien, nous avons tendance à laisser notre attention s'éloigner de Dieu, tandis que dans les difficultés, nous Le cherchons.
Nous devons toujours nous rappeler qu'Adam était au Paradis où il manquait de rien, mais ce fut là qu'il perdit cette parfaite communion avec Dieu. Quand L'a-t-il retrouvé? Quand le Seigneur est descendu dans le séjour des morts, qu'Il lui a pris la main et qu'Il a délivré tous ceux qui y avaient été détenus.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
The Veil
Vol. 12,
No. 2
(Summer, 2005)
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